Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Poitiers RG n° 24/00002

·

·

Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Poitiers RG n° 24/00002

1 février 2024
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
24/00002

Ordonnance n 7

—————————

01 Février 2024

—————————

N° RG 24/00002 –

N° Portalis DBV5-V-B7I-G6LQ

—————————

S.A.R.L. ART 86

C/

S.A.S. RPB 86

—————————

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE

RÉFÉRÉ

Rendue publiquement le un février deux mille vingt quatre par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d’appel de Poitiers, assistée de Madame Véronique DEDIEU, greffière, lors des débats, et de Madame Inès BELLIN, greffière, lors de la mise à disposition de la décision,

Dans l’affaire qui a été examinée en audience publique le dix huit janvier deux mille vingt quatre, mise en délibéré au un février deux mille vingt quatre.

ENTRE :

S.A.R.L. ART 86 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie JEANMONOD PELON de l’ASSOCIATION JEANMONOD – PELON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

DEMANDEUR en référé ,

D’UNE PART,

ET :

S.A.S. RPB 86 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]

non comparante, ni représentée

DEFENDEUR en référé ,

D’AUTRE PART,

Faits et procédure :

Par acte sous seing privé en date du 4 janvier 2021, la société RPB 86 a cédé à la société ART 86 le fonds artisanal et commercial qu’elle exploitait sous l’enseigne RAPID PAREBRISE à [Localité 3].

Par exploit en date du 26 juillet 2022, la société RPB 86 a assigné la société ART 86 devant le tribunal de commerce de Poitiers.

Par jugement en date du 12 novembre 2023, le tribunal de commerce de Poitiers a :

condamné la SARL ART 86 à payer à la SAS RPB 86 la somme de 11 031 euros au titre de la saisie attribution faisant suite à la résiliation du contrat avec la société LOCAM outre intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2023,

condamné la SARL ART 86 à payer à la SAS RPB 86 la somme de 3 500 euros au titre de dommages et intérêts pour inexécution de ses obligations contractuelles ;

débouté la SARL ART 86 de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

rappelé que l’exécution provisoire du présent jugement s’applique de plein droit, l’acte introductif d’instance étant postérieur au 1er janvier 2020 ;

condamné la SARL ART 86 à verser à la SAS RPB 86 la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SARL ART 86 aux entiers dépens dont les frais de greffe liquidés à la somme de 69,59 euros toutes taxes comprises.

La SARL ART 86 a interjeté appel dudit jugement selon déclaration en date du 13 décembre 2023.

Par exploit en date du 27 décembre 2023, la SARL ART 86 a fait assigner la SAS RPB 86 devant la première présidente de la cour d’appel de Poitiers, statuant en référé, aux fins d’obtenir, par application des dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, l’arrêt de l’exécution provisoire de la décision dont appel.

L’affaire a été appelée à l’audience du 18 janvier 2023.

La SARL ART 86 indique avoir sollicité, aux termes de ses conclusions de première instance, que l’exécution provisoire soit écartée, invoquant la cessation d’activité de la société RPB 86 postérieurement à la cession de son fonds de commerce, de sorte qu’elle serait recevable à invoquer les dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le jugement déféré serait dépourvu de tout fondement juridique, tout comme l’assignation de la société RPB 86. Elle indique ainsi que la société RPB 86 aurait fondé son action sur une condamnation qu’elle aurait subie de la part de son cocontractant, la société LOCAM, en raison du non-paiement des échéances du contrat de location qu’elle avait signé et de sa résiliation, alors qu’elle prétendait avoir transféré ce contrat à la société ART 86 en même temps que son fonds de commerce. Elle soutient ainsi que le tribunal aurait été saisi d’une action en responsabilité contractuelle dirigée à l’encontre de la société ART 86, de sorte qu’aurait dû être démontré l’existence d’une faute et d’un préjudice en lien avec la faute.

Elle estime qu’il existerait des chances sérieuses de réformation de jugement eu égard à la violation manifeste des règles régissant le droit de la responsabilité contractuelle.

Elle fait ainsi valoir que le contrat de location LOCAM ne lui aurait pas été transféré faute de mention dudit contrat dans l’acte de cession du fonds de commerce, celui-ci mentionnant au nombre des contrats repris, un «contrat décalaminage moteur DEKABOOST » sans autre précision, de sorte que ce ne serait qu’à l’occasion de la procédure initiée par la société RPB 86 qu’elle aurait découvert que ledit contrat était un contrat de location consenti à la société RPB 86 par la société LOCAM et alors que la société RPB 86 aurait déclaré qu’il n’existait « aucun contrat de crédit-bail ou de location en cours » et que l’ensemble du matériel et du mobilier était la propriété du vendeur, « pour être à ce jour intégralement payé, à l’exception des trois véhicules faisant l’objet d’une location de longue durée ».

Elle indique, en outre, que le tribunal aurait retenu qu’elle n’aurait pas réalisé les démarches de transfert du contrat en toute connaissance de cause, alors qu’il appartiendrait à celui qui a contracté l’obligation d’initier les démarches en vue d’être subrogé dans toutes les obligations contractuelles, de sorte que la société RPB 86 devrait porter l’entière responsabilité du défaut de transfert, et de ses conséquences, sans recours contre l’acquéreur.

Elle fait enfin valoir que la société RPB 86 ne rapporterait pas la preuve d’un lien direct et exclusif avec la faute reprochée à la requérante. Elle indique d’une part que l’une des échéances dont la société LOCAM sollicite le paiement serait antérieure à la cession et donc imputable à la société RPB 86. Elle soutient d’autre part que la société RPB 86 aurait fait preuve de négligence tant dans ses démarches de transfert que dans la gestion de la procédure dont elle a été l’objet de la part de la société LOCAM, en ce qu’elle n’aurait pas réagi à réception de la mise en demeure avant résiliation notifiée le 17 mars 2021, qu’elle se serait abstenue de s’opposer à l’ordonnance d’injonction de payer, et, le cas échéant, d’appeler l’acquéreur en garantie en se fondant sur l’acte de cession et qu’elle aurait pu, dans le cadre de cette opposition, et conformément à l’article 1231-5 du code civil, solliciter du tribunal la réduction, voire la suppression, de l’indemnité de résiliation qui constitue une clause pénale. Elle soutient ainsi qu’outre le fait que la société RPB 86 serait elle seule à l’origine du défaut de transfert du contrat au bénéfice de son acquéreur, aurait largement participé à son propre préjudice en aggravant, par sa négligence, les condamnations.

Elle soutient que c’est à tort que les premiers juges ont condamné la société ART 86 à payer à la société RPB 86 les causes de l’ordonnance d’injonction de payer et les frais générés par les tentatives d’exécution alors qu’ils auraient dû évaluer le préjudice sous la forme de dommages et intérêts.

S’agissant des conséquences manifestement excessives, la société ART 86 soutient que sa situation financière serait extrêmement fragile, de sorte qu’elle ne serait pas en mesure de supporter le paiement des condamnations prononcées par le tribunal s’élevant à la somme de 17 500 euros. Elle fait valoir, en outre, que la société RPB 86 aurait cessé toute activité depuis la cession de fonds de commerce le 4 janvier 2021, de sorte que la survie de la société aurait pour unique but de tenter d’encaisser le montant des condamnations prononcées à son encontre afin de clôturer une liquidation déjà anticipée, alors que l’instance d’appel n’aurait pas été vidée. Elle indique enfin que la société RPB 86 n’aurait plus de trésorerie pour faire face à un éventuel remboursement en cas d’infirmation du jugement.

Elle sollicite la condamnation de la société RPB 86 à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société PRB 86, assignée selon procès-verbal 659 du C.P.C., n’a pas comparu à l’audience et n’était pas représentée.

Il est renvoyé aux conclusions écrites des parties déposées lors de l’audience pour un examen complet de leurs moyens et prétentions.

Motifs :

L’article 514-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d’opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d’office ou à la demande d’une partie, arrêter l’exécution provisoire de droit lorsqu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il en découle que l’arrêt de l’exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions, cumulatives, suivantes: la démonstration de l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie, et la justification de ce que l’exécution de cette décision risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Sur les moyens sérieux d’annulation ou de réformation, il doit être rappelé que l’appréciation de l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation par la juridiction du premier président ne peut revenir à un examen au fond de l’affaire qui appartient à la cour, saisie de l’affaire au fond.

Ainsi, le premier président n’a pas le pouvoir d’examiner le bien-fondé de l’appréciation faite par la juridiction de première instance au regard des éléments de l’espèce et du droit des parties.

La société ART 86 fait tout d’abord valoir que le contrat de location LOCAM ne lui aurait pas été transféré faute de mention dudit contrat dans l’acte de cession du fonds de commerce, celui-ci mentionnant au nombre des contrats repris, un «contrat décalaminage moteur DEKABOOST » sans autre précision, de sorte que ce ne serait qu’à l’occasion de la procédure initiée par la société RPB 86 qu’elle aurait découvert que ledit contrat était un contrat de location consenti à la société RPB 86 par la société LOCAM et alors que l’acte de cession précise qu’il n’existe « aucun contrat de crédit-bail ou de location en cours » et que l’ensemble du matériel et du mobilier était la propriété du vendeur, « pour être à ce jour intégralement payé, à l’exception des trois véhicules faisant l’objet d’une location de longue durée ».

Elle soutient, en outre, qu’il appartenait à celui qui a contracté, soit à la société RPB 86, l’obligation d’initier les démarches en vue d’être subrogé dans toutes les obligations contractuelles, de sorte que la société RPB 86 devrait porter l’entière responsabilité du défaut de transfert, et de ses conséquences, sans recours contre elle.

En l’espèce, les premiers juges ont retenu que « la SAS RPB 86 apportait bien la preuve des démarches en vue d’obtenir l’accord de transfert du contrat N°1450387 d’un équipement de décalaminage moteur DEKABOOST » auprès de la société LOCAM en date du 17 juin 2020 » et qu’ « il était par la suite de la responsabilité du repreneur, la SARL ART 86, qui était de surcroit en possession du matériel, de faire la suite des démarches auprès de la société LOCAM en vue de transférer son contrat de location à son compte, comme les dispositions de l’acte de cession dans son article 1 l’y oblige ».

Il souligne que « la SARL ART 86 avait bien procédé à de telles démarches pour les autres contrats listés à l’acte de cession et en particulier le contrat d’électricité Total direct énergie » et qu’elle « ne pouvait ignorer le contrat de location d’un équipement de « décalaminage moteur DEKABOOST » du fait de sa claire indication à l’acte de cession, pas plus que les autres contrats qu’elle a bien repris ».

Il en résulte que les moyens invoqués par la SARL ART 86 dépendent de l’appréciation souveraine des faits de la cause par les juges du fond et ne peuvent constituer des moyens sérieux de réformation au sens de l’article 514-3 du code de procédure civile précité.

S’agissant du quantum de la réparation, tel que le fait observer la SARL ART 86, il apparaît qu’une partie des échéances de loyer dont la société LOCAM sollicite le paiement est antérieure à la cession. En effet, il résulte du courrier de mise en demeure adressé par la société LOCAM à la société RPB 86 que la première échéance de loyer non réglée dont il est sollicité le paiement date du 10 décembre 2020, soit antérieurement à la cession du fonds de commerce réalisée le 4 janvier 2021.

La SARL ART 86 justifie donc d’un moyen sérieux de réformation sur ce point, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les autres moyens invoqués à l’appui du recours.

Sur les conséquences manifestement excessives, la SARL ART 86 soutient qu’elle ne serait pas en mesure de supporter le paiement des condamnations prononcées par le tribunal s’élevant à la somme de 17 500 euros. Les éléments financiers versés aux débats permettent de constater un résultat d’exploitation de 11 171 euros et un bénéfice de 8 717 euros.

Il est versé aux débats une attestation émanant de l’Expert-comptable de la société ART 86 par laquelle il indique « qu’une sortie de trésorerie de 17 500 euros compromettrait gravement l’équilibre financier de l’entreprise au point de remettre en cause sa pérennité ».

Néanmoins, la situation financière de la société ART 86 apparaît à l’équilibre, à tout le moins pour l’année 2022, l’Expert-comptable attestant que les comptes d’exploitation 2023 devraient avoir le même profil.

Enfin, quand bien même la SARL ART 86 serait dans l’impossibilité de s’acquitter des condamnations mises à sa charge en l’état, elle n’apporte aucun élément sur sa capacité d’emprunt.

S’agissant de la situation financière de la SARL RPB 86, il est justifié, par la production de l’extrait Kbis de ladite société, à jour au 6 décembre 2023, que celle-ci a été mise en sommeil à compter du 1er mars 2021, de sorte qu’il apparaît que la société RPB 86 ne dispose pas de garanties de remboursement à la hauteur du montant des sommes fixées par le tribunal de commerce.

Ainsi, le risque de conséquences manifestement excessives est établi.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de commerce de Poitiers le 13 novembre 2023.

L’équité et l’issue du litige déterminée par la présente décision commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la SARL RPB 86 à payer à la SARL ART 86 la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente instance.

Partie succombante, la SARL RPB 86 sera condamnée aux dépens.

Décision :

Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d’appel de Poitiers, statuant par ordonnance rendue par défaut :

Ordonnons l’arrêt de l’exécution provisoire de du jugement rendu par le juge du tribunal de commerce de Poitiers le 13 novembre 2023 ;

Condamnons la SRAL RPB 86 a payer à la SARL ART 86 la somme de 1 000 euros (mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la SARL RPB 86 aux dépens.

Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.

La greffière, La conseillère,

Inès BELLIN Estelle LAFOND

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x