Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/20094

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Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/20094

1 février 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/20094

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/20094 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEV5F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 septembre 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 11-21-000036

APPELANT

Monsieur [J] [P]

né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 4] (TUNISIE)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

ayant pour avocat plaidant Me Florence DIFFRE de l’ASSOCIATION Gô ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0135

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/045181 du 26/10/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

Madame [O] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Ailey ALAGAPIN-GRAILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B1083

substituée à l’audience par Me Adeline BLAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B1083

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 5 décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Saisi le 5 octobre 2020 par Mme [O] [W] d’une demande tendant principalement à la condamnation de M. [J] [P] au paiement de la somme de 10 000 euros en remboursement d’une somme qu’elle lui aurait prêtée selon reconnaissance de dette du 3 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Paris a, par jugement contradictoire rendu le 2 septembre 2021 auquel il convient de se reporter :

– condamné M. [P] à payer à Mme [W] la somme de 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2020,

– déclaré irrecevable la demande de conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution,

– condamné M. [P] à payer à Mme [W] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [P] aux dépens,

– rejeté le surplus des demandes,

– rappelé que la décision est de plein droit assortie de l’exécution provisoire.

Le premier juge, après avoir réalisé une vérification d’écriture, a considéré que M. [P] était bien l’auteur de l’attestation sur l’honneur de dette et que Mme [W] établissait le caractère bien-fondé de sa créance si bien que la somme réclamée était due.

Par une déclaration en date du 19 novembre 2021, M. [P] a relevé appel de cette décision, ce qui a été enrôlé sous le n° RG 21-20094. Il a réalisé une nouvelle déclaration d’appel le 4 janvier 2022 enrôlée sous le numéro 22-00709 et le greffe l’ayant avisé le 22 décembre 2021 de l’absence de constitution de l’intimée, il a signifié sa déclaration d’appel à Mme [W] le 19 janvier 2022. Il a conclu le 16 février 2022 puis a notifié ses conclusions à Mme [W].

Les deux affaires ont été jointes sous le numéro RG 21-20094 par ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 février 2022.

Mme [W] s’est constituée le 20 avril 2022 et a été avisée dès le 21 avril par le greffe qu’elle devait payer le droit prévu à l’article 1635 bis P du code général des impôts sous un mois.

Par une ordonnance rendue le 31 mai 2022, le conseiller chargé de la mise en état a constaté l’irrecevabilité des conclusions de Mme [W] pour défaut d’acquittement du droit prévu à l’article 1635 bis P du code général des impôts. Par arrêt du 22 novembre 2022, la cour a confirmé cette ordonnance.

Par ses premières conclusions du 16 février 2022, M. [P] demande à la cour :

– de le juger recevable et bien fondé en son appel,

– d’infirmer le jugement rendu le 2 septembre 2021 en ce qu’il a considéré qu’il était valablement engagé par l’attestation sur l’honneur du 3 janvier 2020, ne s’était pas acquitté du solde de l’emprunt malgré des relances et une mise en demeure reçue le 16 juillet 2020 et l’a condamné à payer à Mme [W] une somme de 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2020 outre une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau,

– de juger que son état de vulnérabilité dès 2020 est exclusif d’un consentement libre et éclairé de sa part,

– de juger qu’y ajoutant pour obtenir la signature de l’attestation sur l’honneur de reconnaissance de dette, Mme [W] a trompé son consentement,

– de juger que ces agissements son constitutifs d’un dol de la part de Mme [W],

– de juger nulle l’attestation sur l’honneur signée par lui le 3 janvier 2020,

– de condamner Mme [W] à lui rembourser la somme de 23 500 euros en principal majoré des intérêts au taux légal à compter de décembre 2019 pour 10 000 euros et à compter d’octobre 2020 pour 13 500 euros,

– d’ordonner la capitalisation des intérêts dus à ce jour pour plus d’une année entière dans les termes de l’article 1343-2 du code civil,

– de condamner Mme [W] à lui rembourser l’ensemble de frais bancaires engendrés par la saisie abusivement pratiquée,

– de condamner Mme [W] à lui payer la somme de 16 000 euros à titre de réparation des préjudices matériels, psychologiques et moraux subis du fait de ses agissements dolosifs,

– de condamner Mme [W] au paiement de la somme de 4 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel dont distraction dans les conditions de l’article 699 dudit code.

Il fait valoir que sa condamnation repose sur une reconnaissance de dette en date du 3 janvier 2020 pour une somme de 20 000 euros prétendument remise en espèce en janvier 2018, qu’il a toujours contesté de document dont le juge a retenu la valeur probante sur une seule comparaison d’écriture qui lui a été demandée et dont le juge a déduit que celle-ci confirmait son engagement sans jamais se pencher sur les arguments opposés par lui, ni sur le contenu du document en litige.

Il soutient qu’il fait l’objet d’une procédure de placement sous curatelle qui devrait aboutir à tout le moins à une mise sous curatelle renforcée et qu’il souffre de troubles cognitifs, qui remontent à plusieurs années et n’ont pas pu être pris en charge plus tôt car il est seul et que ses filles vivent à l’étranger et ont découvert la situation en 2021 suite à une interdiction bancaire. Il fait valoir qu’il résulte des pièces médicales qu’il produit que dès 2018, ses facultés mentales étaient à ce point amoindries il n’aurait pas été en mesure de réaliser une escroquerie dont il aurait été victime. Il conteste tout consentement éclairé lors de la signature de la reconnaissance de dettes du 03 janvier 2020. Il soutient avoir été victime de man’uvre dolosives visant à l’induire en erreur afin d’obtenir son consentement à la signature d’un acte en 2020 dont il n’appréhendait pas le contenu et la portée exacte.

Il relève que cette reconnaissance aurait été fondée sur la remise en espèces par Mme [W] d’une somme de 20 000 euros deux ans plus tôt en 2018 mais qu’il a toujours contesté l’avoir rencontrée à cette période et souligne que dans toutes ses déclarations et notamment les 2 plaintes qu’il a déposées en mai et en juillet 2020, il a indiqué l’avoir rencontrée en 2019. Il précise qu’elle s’est présentée comme une amatrice en art, jouissant de relations dans le milieu artistique et lui a proposé de l’aider à exposer et à vendre ses ‘uvres auprès de son réseau, tout en soutenant avoir besoin de fonds pour mettre en place une exposition et que c’est lui qui lui a remis deux paiements de 7 000 et 3 000 euros. Il ajoute que Mme [W] n’a jamais justifié avoir retiré une somme de 20 000 euros et qu’il n’en n’avait nul besoin en 2018 ayant alors une épargne suffisante. Il relève qu’aucune somme n’apparaît sur ses propres comptes permettant de considérer qu’il a bien reçu ce montant.

Il fait encore valoir que Mme [W] a expliqué que la reconnaissance de dettes n’avait été été signée qu’en 2020 au vu des difficultés de remboursement avérée mais qu’à cette date il souffrait de troubles cognitifs. Il considère le document incohérent car il mentionne qu’il se reconnaît débiteur de Mme [W] pour une somme de 20 000 euros, précise que cette dernière a déjà reçu deux paiements de 7 000 et 3 000 euros et “qu’il reste donc 10 000 euros” mais ne donne aucune date de remise, fait référence à une déclaration aux impôts et mentionne en post-scriptum une remise en numéraire. Il relève que la signature de Mme [W] est différente à chaque fois. Il ajoute que le piment de 7 000 euros a été effectué par chèque du le 19 décembre 2019 mais au nom de [I] [F] alors que Mme [W] a en 2017 créé une société Clyde créée avec un M. [F]. Il relève que ses comptes ne montrent aucune trace du paiement de 3 000 euros.

Il conteste les affirmations de Mme [W] selon lesquelles elle aurait demandé la signature d’une reconnaissance de dettes car il aurait tenté de la rembourser avec un chèque sans provision de 10 000 euros le 03 janvier 2020 alors que cette date est aussi celle de la reconnaissance de dettes si bien que l’absence de provision du chèque ne pouvait déjà être connue. Il relève que le nom du bénéficiaire à savoir Mme [W] n’est pas de la même écriture et qu’il y a fait opposition pour escroquerie et que ledit chuque était établi au nom de Mme [O] [W].

Le 24 octobre 2023, soit le jour de la clôture, il a notifié de nouvelles conclusions ne se différenciant des premières qu’en ce qu’elles tendaient en sus à voir déclarer irrecevables les pièces versées aux débats par Mme [W] la veille soit le 23 octobre 2023 au motif qu’elle avait été déclarée irrecevable à conclure et qu’aux termes de l’article 906 du code de procédure civile, les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 5 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour observe que le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande de conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution, et débouté les parties du surplus de leurs demandes. Il doit donc être confirmé sur ces points.

Sur les pièces produites par Mme [W]

La cour observe en premier lieu que les dernières conclusions de M. [P] ont été notifiées par RPVA le 24 octobre 2023 à 08h42 tandis que la clôture lui a été notifiée par RPVA le même jour mais à 11h15. Ces conclusions ont donc été notifiées avant la clôture.

Sur le très bref délai, la cour relève que ces écritures ne diffèrent des premières qu’en ce qu’elles réagissent au dépôt d’un dossier la veille et ne portent que sur ce dépôt et ces dernières écritures doivent donc être déclarées recevables.

Sur la recevabilité des pièces déposées par Mme [W], la cour observe que si l’article 906 du code de procédure civile dispose que les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables et que l’article 132 du même code oblige à recommuniquer en appel les pièces de première instance, il n’en reste pas moins que l’appel tend à la réformation d’un jugement qui a lui-même statué sur des pièces alors produites et débattues et que dès lors les pièces qui ont été produites au premier juge ne sont pas celles qui doivent être déclarées irrecevables par cet article. En effet la loyauté des débats fait que la cour doit disposer des pièces sur la foi desquelles le premier juge a statué.

Toutefois les seules pièces dont la cour peut avoir la certitude qu’elles ont été débattues devant le premier juge sont soit celles dont celui-ci fait état dans son jugement soit celles qui sont annexées à l’assignation s’agissant en première instance d’une procédure orale. En outre ne sauraient être écartées des débats les pièces qui sont aussi produites par la partie adverse.

Or les pièces déposées par Mme [W] qui ne sont ni visées dans l’assignation en première instance, ni expressément notées par le premier juge, ni produites par M. [P] lui-même sont les suivantes :

– pièce 6 la requête aux fins de saisie conservatoires et pièce 8, la confirmation de l’acquiescement de M. [P] (seul le procès-verbal est évoqué en première instance et produit par M. [P])

– pièce 9 l’opposition du 19 novembre 2020 et pièce 10 désistement d’opposition du 23 novembre 2020.

Il y a donc lieu d’écarter ces pièces.

Sur l’altération du consentement de M. [P]

Le premier juge a retenu l’existence d’une dette en se basant sur la production d’un document daté du 3 janvier 2020 écrit en lettres capitales ainsi libellé :

“ATTESTATION SUR L’HONNEUR

JE SOUSSIGNE SUR L’HONNEUR, MOI [J] [P] NE LE 02.01.1944 A [Localité 4] (TUNISIE) PROFESSION RETRAITE, PENSION MENSUEL DE 1 380 EUROS.

ETRE DEBITEUR DE MADAME [W] DE

LA SOMME DE 20 000 EUROS VINGT MILLE EUROS.

QUE MADAME [W] A DEJA RECU 7000 EUROS SPTE MILLE EUROS PLUS 3000 EUROS TROIS MILLE EUROS

IL RESTE DONC 10.000 EUROS DIX MILLE EUROS

JE CERTIFIE L’EXACTITUDE DE MES DECLARATIONS.

FAIT A PARIS LE 3 JANVIER 2020

EN DEUX EXEMPLAIRES

PARIS LE 3 JANVIER 2020

DECLARATION FAITE AUX IMPOTS LE 3 JANVIER 2020

[suit une signature manuscrite]

[J] [P]

NOTA LE PRET S’EST FAIT EN NUMERAIRE”.

M. [P] ne conteste pas avoir signé ce document mais soutient n’y avoir pas donné de réel consentement du fait de son état de santé et avoir été abusé par Mme [W].

1/ l’insanité d’esprit

Aux termes de l’article 414-1 du code civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte.

L’article 1129 du même code précise que conformément à l’article 414-1, il faut être sain d’esprit pour consentir valablement à un contrat.

M. [P] est né le [Date naissance 2] 1944. Le 31 août 2021, M. [P] a fait l’objet d’une évaluation gériatrique par la maison des aînés et des aidants du nord-ouest. Il en résulte qu’il est divorcé et vit seul. Il est constaté qu’il est autonome mais que selon ses filles, il a besoin d’aide pour les manipulations instrumentales à cause de troubles mnésiques depuis plusieurs années selon ses filles et qu’il présente, toujours selon ses filles, des troubles de la mémoire depuis au moins deux à trois ans avec une aggravation depuis l’isolement induit par la crise sanitaire.

Ce certificat médical ne donne aucun élément médical permettant de considérer que M. [P] n’était pas sain d’esprit lorsqu’il a signé cette reconnaissance de dettes le 3 janvier 2020.

Le 14 septembre 2021, le Dr [L] a établi un certificat médical qui montre l’existence de troubles cognitifs au jour de l’examen assez diffus et qu’il est “tout à fait possible que ces troubles s’inscrivent dans une maladie neurocognitive qui risque d’évoluer”.

Ce certificat médical ne donne aucun élément sur la situation de M. [P] en janvier 2020 et se contente sur ce point lui aussi de reprendre les affirmations de ses deux filles qui n’étaient pas présentes en 2020 et ne sont revenues qu’en 2021 auprès de leur père.

La cour observe que le document a été signé par M. [P] le 3 janvier 2020 soit avant l’isolement mis en place en mars 2020 en raison de la pandémie à Covid 19.

Il verse également aux débats une attestation d’un ami régulière en la forme qui date du 24 septembre 2021 qui ne donne aucun élément sur son état de santé lors des faits mais met l’accent sur son âge qui n’est pas une cause d’insanité (76 ans) et sur sa gentillesse.

Ainsi l’insanité d’esprit de M. [P] lors de la signature de la reconnaissance de dettes n’est pas établie d’autant qu’il n’est pas démontré qu’une procédure de protection ait été ouverte et publiée moins de deux ans plus tard.

2- le vice du consentement

Il résulte des articles 1130 et suivants du code civil que l’erreur et le dol ne vicient le consentement et ne sont une cause de nullité relative du contrat que lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes, que leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. Ces vices constituent des causes de nullité des conventions.

Selon l’article 1130 du même code, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges mais également résulte de la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. Le dol ne se présume pas et doit être prouvé.

S’agissant du dol, M. [P] doit établir l’existence de man’uvres ou de mensonges l’ayant conduit à signer ce document.

Ses écritures ne mentionnent aucune man’uvre ni mensonge. M. [P] qui sait lire et écrire et dont les éléments médicaux produits démontrent qu’il n’avait pas perdu ces savoirs en 2021 ne peut soutenir qu’il n’a pas compris la portée du document.

Il fait seulement valoir des pertes de mémoire. Le dol aurait donc consisté à lui faire croire qu’il avait prêté ce qu’il aurait cru vrai, à tort. Toutefois ceci n’est pas aussi clairement développé et en tout état de cause, l’existence de pertes de mémoire à l’époque de la signature du document n’est pas établie. La cour observe d’ailleurs que dans les plaintes qu’il a déposées, il ne dit rien de la signature de ce document mais met seulement l’accent sur le fait que Mme [W] aurait imité sa signature sur ce document ce qu’il ne soutient pas devant la cour.

L’attestation de son ami du 24 septembre 2021 ne donne pas non plus d’éléments sur d’éventuelles man’uvres ou mensonges ayant pu conduire M. [P] à signer ce document. Il indique que Mme [W] a “amadoué” M. [P] pour se faire mettre 10 000 euros et met l’accent sur son âge et sa gentillesse. Il indique également que cette dernière lui a demandé 5 000 euros ce qu’il a refusé mais ne fait pas état de man’uvres particulières dans le cadre de cette demande.

Ainsi ni le dol ni l’erreur ne sont établis par M. [P].

M. [P] doit donc être débouté de sa demande en réparation des préjudices matériels, psychologiques et moraux subis du fait de ses agissements dolosifs.

Sur l’existence d’une dette de 10 000 euros

Il résulte de l’article 1376 du code civil que l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.

La date du prêt consenti et de la remise des fonds n’est pas exigée à peine de nullité de la reconnaissance de dettes. La reconnaissance de dettes mentionne clairement les montants en lettres en chiffres et ces montants correspondent.

En outre l’article 1359 du code civil dispose qu’il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, que par un autre écrit sous signature privée ou authentique.

Dès lors que M. [P] ne dénie pas sa signature devant la cour, que sa reconnaissance de dette écrite est valable et qu’il n’établit pas de trouble du consentement lors de son établissement, il ne peut donc se borner à soutenir que cette reconnaissance de dettes ne repose sur aucun fait réel et qu’il ne lui a pas été prêté la somme qu’il reconnaît devoir ou que les versements qu’il a fait avaient d’autres causes que sa volonté de rembourser, étant observé que suite à l’établissement de cette reconnaissance de dettes il a remis un chèque du montant qu’il reconnaissait devoir. Le fait d’y avoir fait opposition ensuite est insuffisant à réduire à néant la valeur de cette reconnaissance de dettes.

Cet acte doit donc être considéré comme valable.

Sur les demandes en remboursement et en paiement

Par cet acte reconnu comme valable, M. [P] a reconnu qu’un prêt lui avait été consenti pour 20 000 euros, qu’il avait remboursé 10 000 euros et restait donc devoir 10 000 euros, ce qui est cohérent contrairement à ce qui est soutenu.

Il ne peut donc pas contester aujourd’hui la cause de la remise des sommes à hauteur de ces montants et en réclamer remboursement étant d’ailleurs observé à cet égard que sans son attestation, son ami se borne à procéder par affirmations sans jamais faire état de faits dont il aurait été lui-même le témoin, hormis la demande (simple) que lui aurait faite Mme [W] de lui donner 5 000 euros et le fait qu’il l’ait rencontrée deux fois.

M. [P] doit donc être débouté de ses demandes en remboursement et le jugement doit être confirmé en ce qu’il l’a condamné à payer à Mme [W] la somme de 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2020.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a condamné M. [P] aux dépens de première instance et au paiement à Mme [W] de la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [P] qui succombe doit supporter les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire,

Ecarte des débats les pièces produites par Mme [O] [W] suivantes :

– pièce 6 la requête aux fins de saisie conservatoires

– pièce 8 la confirmation de l’acquiescement de M. [P]

– pièce 9 l’opposition du 19 novembre 2020

– pièce 10 désistement d’opposition du 23 novembre 2020,

Admet les autres pièces ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute M. [J] [P] de toutes ses demandes ;

Condamne M. [J] [P] aux dépens d’appel.

La greffière La présidente

 


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