Saisie-attribution : décision du 1 décembre 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 23/01259

·

·

Saisie-attribution : décision du 1 décembre 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 23/01259

1 décembre 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
23/01259

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/01259 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IY6I

AV

JUGE DE L’EXECUTION DE NIMES

24 mars 2023 RG :22/05055

Groupement FONDS COMMUN DE TITRISATION FONCRED II COMPARTIMEN T FONCRED II-A

C/

[Y]

Grosse délivrée

le 01 DECEMBRE 2023

à Me Jean-pierre BIGONNET

Me Philippe HILAIRE-LAFON

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l’exécution de NIMES en date du 24 Mars 2023, N°22/05055

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre

Madame Claire OUGIER, Conseillère

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Novembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 01 Décembre 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

FONDS COMMUN DE TITRISATION FONCRED II, Compartiment FONCRED II-A, représenté par la société EUROTITRISATION, société anonyme au capital de 684 000 €, immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le n° B 352 458 368, ayant son siège social [Adresse 2], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, conformément aux dispositions de l’article L214-172 du Code Monétaire et Financier, ayant pour mandataire recouvreur la société EOS FRANCE, société par actions simplifiée, au capital de 18 300 000 euros, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro B 488 825 217, ayant son siège social [Adresse 6], venant aux droits de la société CA CONSUMER FINANCE anciennement dénommée SOFINCO,

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Jean-pierre BIGONNET, Postulant, avocat au barreau D’ALES

Représentée par Me Eric BOHBOT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [V] [Y]

né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 8]

[Adresse 4]

3

[Localité 5]

Représenté par Me Philippe HILAIRE-LAFON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Novembre 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 01 Décembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l’appel interjeté le 12 avril 2023 par le Groupement Fonds Commun de Titrisation Foncred II Compartiment Foncred II-A à l’encontre du jugement prononcé le 24 mars 2023 par le juge de l’exécution de Nîmes, dans l’instance n°22/05055,

Vu l’avis du 25 avril 2023 de fixation de l’affaire à bref délai à l’audience du 9 novembre 2023,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 26 octobre 2023 par l’appelant et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 24 mai 2023 par Madame [V] [Y], intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu l’ordonnance du 25 avril 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 2 novembre 2023,

Par acte sous signature privée du 31 mars 2009, la société Sofinco a consenti un prêt à Madame [V] [Y].

A compter du 1er avril 2010, la société Sofinco a changé de dénomination sociale et est devenue la société CA Consumer France.

Se prévalant de la défaillance de Madame [Y] dans le remboursement du prêt, la société CA Consumer Finance a déposé une requête aux fins d’injonction de payer devant le président du tribunal d’instance de Thionville.

Par ordonnance du 9 mai 2011, signifiée le 28 juillet 2011 selon procès-verbal de recherches, le président du tribunal d’instance de Thionville a enjoint à Madame [Y] d’avoir à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 2 005,80 euros en principal, outre les intérêts au taux contractuel de 16,32% l’an à compter du 13 décembre 2010, la somme de 97,92 euros au titre de l’assurance majorée des intérêts au taux légal et les entiers dépens.

La formule exécutoire a été apposée sur ce jugement le 13 octobre 2011.

Le 14 juin 2012, la société CA Consumer Finance a cédé au profit du Fonds Commun de Titrisation Foncred II Compartiment Foncred II-A, représenté par sa société de gestion Eurotitrisation, un portefeuille de créances dont celle détenue à l’encontre de Madame [Y].

Par exploit du 19 juin 2012, le CA Consumer Finance a fait signifier à la débitrice l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire et un commandement de payer la somme de 2 784,04 euros.

Le 16 août 2012, une procédure de saisie vente a été mise en oeuvre par le Fonds Commun de Titrisation Foncred. Toutefois, un procès-verbal de carence a été dressé, eu égard à la valeur modique du mobilier appartenant à Madame [Y].

Le 18 juillet 2022, un commandement de payer aux fins de saisie vente a été signifié à Madame [Y].

Ce commandement de payer étant demeuré infructueux, le Fonds Commun de Titrisation a fait pratiquer le 7 octobre 2022 une saisie-attribution sur les comptes bancaires ouverts par Madame [Y] dans les livres de la Banque Postale, en vue du recouvrement de la somme de 5 179,24 euros. Cette saisie a été dénoncée à la débitrice le 12 octobre 2022.

Par exploits des 2 et 7 novembre 2022, Madame [V] [Y] a fait assigner le Fonds Commun de Titrisation Foncred, représenté par la société de gestion Eurotitrisation SA, et la SAS […], huissiers de justice, devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nîmes en contestation de la saisie-attribution pratiquée le 7 octobre 2022.

Par jugement du 24 mars 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nîmes a :

-ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 7 octobre 2022 sur le compte ouvert par Madame [V] [Y] à la Banque Postale

-rejeté la demande d’astreinte

-débouté Madame [V] [Y] de sa demande indemnitaire à l’encontre de la SAS […]

-condamné le Fonds Commun de Titrisation Foncred à verser à Madame [V] [Y] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts

-condamné le Fonds Commun de Titrisation Foncred à payer à Madame [V] [Y] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;

-condamné le Fonds Commun de Titrisation Foncred aux dépens

-rappelé que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de plein droit.

Le 12 avril 2023, le Fonds Commun de Titrisation Foncred II Compartiment Foncred II-A a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions, à l’exception de ce qu’elle a rejeté la demande d’astreinte et débouté Madame [V] [Y] de sa demande indemnitaire à l’encontre de la SAS […].

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’appelant demande à la cour de :

-Débouter Madame [V] [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions;

-Infirmer le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nîmes le 24 mars 2023 (RG n°22/05055) en ce qu’il a dit le titre exécutoire prescrit et en ce qu’il a ordonné la mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 7 octobre 2022 sur le compte ouvert par Madame [Y] à la Banque Postale;

-Infirmer le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nîmes le 24 mars 2023 (RG n°22/05055) qui a condamné le Fonds Commun de Titrisation à payer à Madame [Y] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts, outre les dépens et une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

-Confirmer le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nîmes le 24 mars 2023 (RG n°22/05055) qui a dit que le Fonds Commun de Titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, représenté par sa société de gestion Eurotitrisation, a qualité à agir aux droits du créancier d’origine;

-Condamner Madame [V] [Y] aux entiers dépens;

-Condamner Madame [V] [Y] à payer au Fonds Commun de Titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, représenté par sa société de gestion Eurotitrisation, la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l’appelant fait valoir que sa qualité à agir est incontestable puisqu’en 2010, la société Sofinco est devenue la CA Consumer Finance; il s’agissait donc d’un simple changement de dénomination sociale sans changement de personne morale; la CA Consumer Finance a par la suite cédé ses créances, dont celle de Madame [Y], au Fonds commun de titrisation ; il produit alors aux débats l’acte de cession, ainsi que les caractéristiques de la créance cédée à l’encontre de la débitrice identifiée sous ses prénom et nom, et sous la référence du contrat n°59200508205, correspondant au contrat de prêt signé avec la société Sofinco; il n’avait pas à produire les annexes en intégralité dans la mesure où il est tenu à une obligation de confidentialité sur les autres débiteurs cédés; le prix de la cession n’a pas à être produit puisqu’il s’agit d’une donnée confidentielle ne regardant que les cocontractants; le montant de la créance cédée n’est pas un élément déterminant dans l’identification de la créance et n’a pas à être mentionné dans l’annexe de cession puisqu’il évolue nécessairement avec les intérêts écoulés et les différents frais exposés; la cession de créance intervenue entre la CA Consumer Finance et le Fonds Commun de Titrisation est opposable à Madame [Y] puisqu’elle n’avait ni à être notifiée, ni à être dénoncée à cette dernière; en effet, les cessions de créance au profit des Fonds Communs de Titrisation obéissent à des règles particulières qui constituent une exception au droit commun de la cession de créance; ainsi, aux termes de l’article L. 214-169. IV alinéa 2 du code monétaire et financier, la cession de créance n’avait nullement à être signifiée à l’intimée pour lui être opposable; le titre exécutoire n’était pas prescrit au jour de la saisie attribution diligentée le 7 octobre 2022 puisqu’il résulte de l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution que l’exécution des décisions de justice peut être poursuivie uniquement pendant 10 ans; ainsi, en l’absence d’actes interruptifs, la prescription du titre exécutoire aurait dû être acquise au 13 octobre 2021; or, celle-ci a été interrompue par l’acte de signification dudit titre exécutoire et du commandement de payer aux fins de saisie vente à la débitrice le 19 juin 2012, peu importe que cet acte ait été dressé à la demande de la CA Consumer Finance dès lors qu’il n’a causé aucun grief à l’intimée; en outre, le paiement de 20 euros effectué le 8 août 2012 par Madame [Y] a interrompu cette prescription; enfin, l’appelant a fait dresser le 18 juillet 2022 un commandement de payer aux fins de saisie vente, qui a fait courir un nouveau délai de 10 ans; Madame [Y] ne peut faire valoir la nullité de la procédure de recouvrement sur le fondement de la directive N°2005/29/CE et d’un arrêt rendu le 20 juillet 2017 par la Cour de Justice de l’Union Européenne puisqu’elle n’a pas développé ce moyen en première instance et qu’il s’agit donc d’un moyen nouveau irrecevable en cause d’appel; les juridictions de l’exécution sont incompétentes pour connaître des pratiques commerciales prétendument déloyales; il a agi sur le fondement d’un titre exécutoire définitif et non prescrit, constatant une créance certaine, liquide et exigible; il n’a donc pas commis de faute en mettant en oeuvre les voies d’exécution, de sorte que la demande de dommages et intérêts présentée par l’intimée n’est fondée ni en son principe, ni en son quantum; en outre, à l’exception du versement de 20 euros, la débitrice n’a fait aucun effort de règlement pour tenter de désintéresser son créancier; il ne peut être considéré qu’il s’est livré à une pratique commerciale déloyale ou abusive alors même que le mécanisme de la cession de créance est légal et que le titre exécutoire n’est pas prescrit; en outre, aucune des conditions nécessaires à la qualification de pratique commerciale déloyale n’est remplie; Madame [Y] ne démontre pas qu’il aurait commis une faute en exerçant la mesure d’exécution et ne justifie pas de son préjudice.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’intimée et appelante incidente demande à la cour de :

-Statuer ce que de droit quant à l’appel interjeté par le Fonds Commun de Titrisation Foncred à l’encontre du jugement rendu par le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Nîmes le 24 mars 2023;

Vu les articles 11, 15, 16, 132 et suivants du code de procédure civile,

-Rejeter l’intégralité des pièces produites par le Fonds Commun de Titrisation Foncred, faute d’avoir été communiquées au contradictoire de Madame [Y];

Vu l’article L. 214-169 V du code monétaire et financier, les articles 1240 et 1324 du code civil, la directive européenne 2005/29/CE et de l’article L 121 -2 du code des procédures civiles d’exécution,

-Juger inopposable à Madame [Y] la cession de créance intervenue entre le Fonds Commun de Titrisation Foncred et la société CA Consumer Finance le 14 juin 2012 à défaut de dénonciation de celle-ci conformément aux dispositions légales

Vu les articles 31, 1422 du code de procédure civile et L. 511-2 du code des procédures civiles d’exécution,

-Juger que la signification de l’ordonnance portant injonction de payer exécutoire intervenue le 19 juin 2012 est nulle pour avoir été faite au nom de la société CA Consumer Finance qui était dépourvue d’intérêt pour avoir préalablement cédé sa créance le 14 juin 2012 au Fonds Commun de Titrisation Foncred

-Juger que la tentative de procès-verbal de saisie vente transformée en procès-verbal de carence en date du 16 août 2012 est nulle pour avoir été faite au nom de la société CA Consumer Finance qui était dépourvue d’intérêt pour avoir préalablement cédé sa créance le 14 juin 2012 au Fonds Commun de Titrisation Foncred

-Par voie de conséquence, juger que le Fonds Commun de Titrisation Foncred est dépourvu de créance de sorte que la saisie par lui pratiquée le 7 octobre 2022 entre les mains de la Banque Postale par la SAS […], huissier de justice, poursuites et diligences du fonds commun de titrisation Foncred est nulle pour avoir été réalisée sans titre exécutoire

Subsidiairement, vu les articles 2240, 2241, 2244 du code civil, L. 218-2 du code de la consommation, L. 111-3 et L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution, 117 et 503 du code de procédure civile,

-Juger prescrite la créance du Fonds Commun de Titrisation Foncred à l’encontre de Madame [Y] et par là-même l’action en paiement depuis le 13 octobre 2021;

À titre infiniment subsidiaire, vu les articles 31, 1422 du code de procédure civile, l’article L. 311-25-1 du code de la consommation ancien et L. 511-2 du code des procédures civiles d’exécution,

-Juger qu’aucun intérêt ne saurait être appliqué compte tenu de l’absence de signification du titre exécutoire et subsidiairement, à défaut d’information annuelle du débiteur par la société Sofinco, créancier originel

-Prononcer la nullité de la saisie-attribution inscrite poursuites et diligences du Fonds Commun de Titrisation Foncred le 7 octobre 2022 entre les mains de la Banque Postale, compte tenu des irrégularités qu’elle renferme et de la prescription extinctive du titre;

-Ordonner, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé 48 heures de la signification de la décision à intervenir la mainlevée de la saisie-attribution inscrite poursuites et diligences du fonds commun de titrisation Foncred le 7 octobre 2022 entre les mains de la Banque Postale sur les comptes de Madame [Y];

Vu les articles L. 213-6, alinéa 4 du code de l’organisation judiciaire, L. 111-7 et L. 121-2 du code des procédures civiles d’exécution,

-Condamner le Fonds Commun de Titrisation Foncred à porter et payer à Madame [Y]:

10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour saisie abusive;

5 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

En tout état de cause, vu les articles L. 121-2 à L. 121-4, L. 132-1 et L. 132-2 du code de la consommation;

-Juger que le Fonds Commun de Titrisation Foncred s’est rendu coupable de pratique commerciale déloyale et, par application de l’article 40 du code de procédure pénale, ordonner la transmission du dossier au Parquet aux fins de poursuites à l’encontre du Fonds Commun de Titrisation Foncred;

-Condamner le Fonds Commun de Titrisation Foncred en tous les dépens de première instance et d’appel.

L’intimée réplique, à titre principal, qu’aucune pièce n’a été produite par le Fonds Commun de Titrisation Foncred en cause d’appel ; de plus, il vise des pièces nouvelles qui n’ont jamais été communiquées en première instance; ces pièces doivent donc être écartées en raison de la violation du principe du contradictoire; la réalité de la cession de créance n’est pas établie puisqu’elle est noyée parmi 190 442 autres cessions et qu’il n’est produit aux débats qu’un extrait dont rien ne justifie qu’il se rattache au contrat de cession litigieux; l’attestation faite par la CA Consumer Finance pour justifier de cette cession ne saurait suffire, d’autant qu’elle n’est pas produite; aux termes de l’article 1324 du code civil, la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte, ce qui n’est pas le cas en l’espèce; le prix de cession de ces 190 442 créances n’est pas indiqué alors même qu’il s’agit d’un élément de la validité du contrat de vente; ainsi, dans la mesure où le prix est dissimulé, la validité de la vente ne peut être vérifiée et il en sera tiré la conséquence que l’appelant ne justifie pas avoir valablement acquis la créance dont il poursuit le recouvrement; la signification du titre exécutoire est intervenue le 19 juin 2012 à la demande de la SA CA Consumer Finance; or, à cette date, cette dernière n’était plus titulaire de la créance à l’encontre de Madame [Y] puisqu’elle avait été cédée au Fonds de Titrisation le 14 juin 2012; ainsi, la signification faite au nom d’une personne qui avait cédé sa créance est nulle et de nul effet dans la mesure où elle était privée de son droit d’action et de l’intérêt légitime à agir; l’appelant n’ayant jamais fait signifier l’ordonnance revêtue de la formule exécutoire, il ne peut poursuivre le recouvrement de la créance à l’encontre de Madame [Y].

A titre subsidiaire, l’intimée rétorque que l’action en paiement est prescrite depuis le 13 octobre 2021; en effet, aucun acte d’exécution valable n’a été fait avant cette date ; les seuls actes qui auraient pu interrompre la prescription sont la signification du titre exécutoire intervenue le 19 juin 2012 et la tentative de procès-verbal de saisie vente transformée en procès-verbal de carence du 16 août 2012; or, ces deux actes sont nuls pour avoir été délivrés sur demande de la SA CA Consumer Finance alors qu’elle n’était plus titulaire de la créance.

A titre infiniment subsidiaire, l’intimée fait valoir que la procédure engagée par le Fonds Commun de Titrisation est nulle en ce que la Cour de justice de l’Union Européenne a jugé que la cession spéculative de contrat de crédit à la consommation aux fins de recouvrement forcé contre des débiteurs défaillants doit être considérée comme une pratique commerciale déloyale prohibée; en outre, il a été considéré que le fait de se livrer à une pratique commerciale trompeuse constitue un délit réprimé par le code de la consommation; les intérêts se prescrivent par deux ans.

En tout état de cause, l’intimée souligne qu’alors que le principal de la dette s’élève à 2 005,80 euros, l’appelant poursuit la somme de 3 923,23 euros comprenant des intérêts qui ne sont pas dus, faute de notification du titre exécutoire ; au surplus, s’ils étaient dus, ils ne le seraient que pour deux ans; il s’agit alors d’une faute pénale et d’un abus de droit commis par le Fonds Commun de Titrisation Foncred qui a causé un préjudice à Madame [Y] en ce que ses avoirs bancaires ont été bloqués et qu’elle a subi des frais de saisie appliqués par la banque sur son compte; en outre, elle a subi un préjudice moral.

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

MOTIFS

1) Sur la communication des pièces

L’appelant produit les messages envoyés le 11 mai 2023 par le réseau privé virtuel des avocats et justifie ainsi avoir communiqué régulièrement ses pièces n°1 à 18. Par messages des 18 et 26 octobre 2023, il a adressé ses nouvelles pièces n°19 à 24 telles qu’elles figurent dans le bordereau annexé à ses dernières conclusions n°3 remises par la voie électronique le 26 octobre 2023. Le principe du contradictoire ayant été respecté, l’intimée sera déboutée de sa demande en rejet des pièces produites par la partie adverse.

2) Sur la cession de créances

L’appelant verse au débat l’acte de cession de créance du 14 juin 2012 ainsi qu’un extrait du bordereau qui comporte le nom et le prénom de Madame [V] [Y] et le numéro 59200508205 du prêt consenti par la société Sofinco qui figure également sur la requête en injonction de payer. Ces documents permettent d’identifier parfaitement la créance cédée comme étant celle que détenait la société Sofinco sur Madame [V] [Y] ayant donné lieu à l’ordonnance portant injonction de payer du 9 mai 2011.

De plus, l’appelant verse au débat une attestation de la société CA Consumer France du 21 novembre 2022 qui confirme la cession intervenue par la remise de l’acte de cession du 14 juin 2012 de la créance résultant d’un crédit, enregistré sous la référence 59200508205 consenti le 31 mars 2009 par le cédant à Madame [V] [Y] et d’une ordonnance d’injonction de payer n° 553/2011 rendue le 9 mai 2011 par le tribunal d’instance de Thionville et les sûretés, garanties et accessoires de la créance et tous les droits y attachés, dont la société de gestion agissant pour le compte du Fonds Commun de Titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, a parfaite connaissance.

Dès lors, la preuve de la propriété par l’appelant de la créance cédée est rapportée sans qu’il soit nécessaire de produire l’intégralité de la liste des créances cédées.

Par ailleurs, il n’existe aucune obligation pour le cédant ou le cessionnaire de révéler le prix de la cession au tiers cédé.

L’article L.214-43, alinéa 8, du code monétaire et financier, dans sa version applicable au litige, prévoyait que:

‘L’acquisition ou la cession des créances s’effectue par la seule remise d’un bordereau dont les énonciations et le support sont fixés par décret ou par tout autre mode de cession de droit français ou étranger. Elle prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité des créances, sans qu’il soit besoin d’autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs.’

Le formalisme prévu par l’article 1690 du code civil n’est pas applicable à la cession de créances au profit d’un fonds commun de titrisation. Dès lors, c’est à bon droit que le juge de l’exécution a considéré que la cession de créance n’avait pas à être signifiée à Madame [V] [Y] pour lui être opposable.

3) Sur la validité du titre exécutoire

Sur la signification de l’ordonnance portant injonction de payer

La société CA Consumer France a fait procéder le 19 juin 2012 à la signification à la personne de la débitrice de l’ordonnance portant injonction de payer et d’un commandement de payer.

L’appelant verse au débat une convention de recouvrement de créances datée du 14 juin 2012 qui donne notamment mandat à la société CA Consumer France de prendre toute mesure en vue notamment de l’exécution des décisions judiciaires.

La possibilité de déléguer au cédant le recouvrement de la créance cédée est expressément prévue par l’article L.214-172 du code monétaire et financier. Le législateur considère donc que le cédant qui avait déjà initié le recouvrement, avant la cession, peut avoir intérêt à conserver cette charge qui est susceptible de donner lieu à contrepartie prévue dans l’acte de cession ou dans la convention de recouvrement conclue ultérieurement.

La signification du titre exécutoire a donc été valablement opérée par la société CA Consumer France .

Aux termes de l’article L.111- 4 du code de procédure civile, l’exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

Le délai mentionné à l’article 2232 du code civil n’est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa.

L’article 2244 du code civil prévoit que le délai de prescription ou le délai de forclusion est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée.

En l’espèce, la société CA Consumer France en qualité de mandataire du Fonds Commun de Titrisation Foncred II a fait régulièrement procéder le 19 juin 2012 à la signification du titre exécutoire, puis le 16 août 2012 à une tentative de saisie vente des biens de la débitrice, transformée en procès-verbal de carence.

Ces actes ont été effectués pour le compte du Fonds Commun de Titrisation Foncred II et lui bénéficient. Dès lors, ils ont eu pour effet d’interrompre la prescription. La prescription a été à nouveau interrompue par le commandement aux fins de saisie vente du 18 juillet 2022.

Le titre exécutoire est donc toujours valable.

Sur la nullité de la procédure de recouvrement au vu de la directive 2005/29/CE

Si l’article 564 du code de procédure civile prohibe les demandes nouvelles en appel, l’article 563 prévoit la possibilité pour les parties d’invoquer des moyens nouveaux.

En l’occurrence, l’application de la directive 2005/29/CE constitue un moyen nouveau que l’intimée est recevable à invoquer pour la première fois en cause d’appel, au soutien de sa demande en mainlevée de saisie attribution.

En application de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

Il s’en suit que le juge de l’exécution est bien compétent pour statuer sur la demande de nullité de la procédure de recouvrement forcée comme relevant d’une pratique commerciale trompeuse.

Un créancier qui agit en recouvrement de sa créance dans le délai de prescription ne commet pas de faute, sauf abus dans l’exercice de ce droit ( Com., 2 novembre 2016, n° 14-29.723)

L’arrêt du 20 juillet 2017 de la Cour de justice de l’Union européenne invoqué par la débitrice s’est contenté d’interpréter la directive sur les pratiques commerciales déloyales et de juger que ‘relève de son champ d’application matériel la relation juridique entre une société de recouvrement de créances et le débiteur défaillant d’un contrat de crédit à la consommation dont la dette a été cédée à cette société. Relèvent de la notion de “produit’”, au sens de l’article’2, sous’c), de cette directive les pratiques auxquelles une telle société se livre en vue de procéder au recouvrement de sa créance. À cet égard, est sans incidence la circonstance que la dette a été confirmée par une décision de justice et que cette décision a été transmise à un huissier de justice pour exécution.”

Il s’en suit qu’il ne saurait être déduit de cette décision de justice que toute cession de créance sur un débiteur défaillant est prohibée. Il appartient à la débitrice qui se prévaut de la directive 2005/29/CE de démontrer que la pratique commerciale en cause est, d’une part, contraire à la diligence professionnelle, et, d’autre part, qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle son comportement économique eu consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service.

En l’occurrence, la cession de créance est intervenue alors que le Fonds Commun de Titrisation Foncred II venait d’obtenir un titre exécutoire à l’encontre de Madame [V] [Y]. Cette dernière ne pouvait ignorer, au vu de la signification à sa personne de l’ordonnance portant injonction de payer, puis, des tentatives d’exécution forcée ultérieures, qu’elle restait encore débitrice au titre du prêt à la consommation accordé par la société Sofinco. L’intimée qui n’a pas été induite en erreur n’établit pas en quoi la cession de créance litigieuse aurait altéré de manière substantielle son comportement économique.

La saisie attribution litigieuse du 7 octobre 2022 a été pratiquée alors que les poursuites avaient repris trois mois plus tôt par la délivrance du commandement aux fins de saisie vente du 18 juillet 2022 qui a interrompu la prescription. Au surplus, Madame [V] [Y] ne démontre pas le caractère abusif de la reprise de la procédure de recouvrement avant l’expiration de la durée de prescription décennale du titre alors que les poursuites avaient été abandonnées du fait de l’échec de la tentative de saisie vente du 16 août 2012, transformée en procès-verbal de carence. Or, plusieurs années après, le créancier, qui pouvait espérer que la situation de la débitrice ait évolué favorablement, avait un intérêt légitime à engager une mesure d’exécution forcée pour obtenir le paiement des sommes qui restaient dues.

4) Sur le montant de la créance

Aux termes de l’article R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites.

Le montant en principal de 2 005,80 euros a été consacré par le titre exécutoire devenu définitif, à défaut d’opposition dans le délai réglementaire; l’intimée ne justifiant pas avoir réglé cette dette, elle sera déboutée de sa contestation.

De même, l’intimée ne saurait invoquer la déchéance du droit aux intérêts depuis le premier anniversaire de la signature du contrat, pour défaut d’information, alors que l’ordonnance d’injonction de payer, qui a acquis force de chose jugée, l’a condamnée à payer des intérêts au taux contractuel de 16,32 % à compter du 13 décembre 2010.

Le juge de l’exécution ne saurait modifier le titre exécutoire servant de fondement aux poursuites en faisant partir les intérêts de retard de la signification de l’ordonnance.

La prescription extinctive de deux années prévue par l’article L.218-2 du code de la consommation s’applique aux intérêts de retard.

Le Fonds Commun de Titrisation Foncred II verse au débat un nouveau décompte de créance au 24 octobre 2023 dont il ressort des intérêts prescrits d’un montant de 3 593,06 alors que, lors de la saisie attribution, il était mentionné des intérêts prescrits de 1 654,67 euros.

L’acte de saisie attribution est donc affecté d’une erreur en ce qui concerne le montant de la créance en intérêts; de plus, la provision pour frais et quittance à venir de 282,79 euros est supérieure aux frais réellement exposés; toutefois, ces erreurs ne sauraient entraîner la nullité de la mesure d’exécution forcée qui n’a permis de recouvrer que la somme de 747,18 euros, inférieure au montant incontestable du principal de la dette.

La preuve d’une disproportion entre le montant des causes de la saisie, même amputé des intérêts de retard prescrits, et l’assiette de la saisie n’est pas rapportée. Il n’est pas établi que l’exécution de la mesure ait excédé ce qui était nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation, compte-tenu du montant de la créance et de l’attitude de la débitrice.

Par conséquent, l’intimée sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts.

5) Sur les frais du procès

L’intimée qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’appelant.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déboute Madame [V] [Y] de sa demande en rejet des pièces produites par le Fonds Commun de Titrisation Foncred II Compartiment Foncred II-A

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour

Statuant à nouveau,

Déboute Madame [V] [Y] de sa demande en annulation de la saisie attribution du 7 octobre 2022

Déboute Madame [V] [Y] de sa demande en dommages-intérêts pour saisie abusive

Y ajoutant,

Déboute Madame [V] [Y] de sa demande tendant à voir dire et juger que le Fonds Commun de Titrisation Foncred II s’est rendu coupable de pratique commerciale déloyale et à voir ordonner la transmission du dossier au Parquet

Condamne Madame [V] [Y] aux entiers dépens de première instance et d’appel,

Déboute les parties de leurs demandes d’indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x