Rupture du contrat de franchise sans mise en demeure

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Rupture du contrat de franchise sans mise en demeure

En application de l’article 1224 du code civil, la résolution d’un contrat ne résulte pas exclusivement de l’application d’une clause résolutoire. En effet, aux termes de l’article 1226 du code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat sans mise en demeure préalable, en cas d’urgence.

Affaire Manauto

En l’espèce, la société Manauto, M. [U], Mme [Z] et la SELARL Etude Balincourt ès qualités font valoir qu’aucune mise en demeure n’a été adressée au franchisé, en violation de l’article 1226 du code civil et des stipulations du contrat de franchise (article 8.5.1).

La société Ewigo répond qu’une résiliation sans préavis est légalement possible sur le fondement de l’article 1226 du code civil en cas d’urgence, et qu’elle est de surcroît prévue à l’article L.442-1, II, de code de commerce (dont les appelantes sollicitent contrairement à elle l’application), en présence de fautes graves constitutives d’inexécutions des obligations du franchisé.

Une relation contractuelle précaire

En premier lieu, c’est à raison que le tribunal a retenu qu’en l’espèce, la relation contractuelle n’était ancienne que de deux ans, et qu’elle était prévue pour une durée déterminée dans le cadre d’un contrat de franchise, si bien que l’article L.442-1 II de code de commerce ne pouvait trouver application.

La Cour ajoute :

– que l’article 8.2.1 du contrat de franchise stipule que le contrat n’est pas renouvelable par tacite reconduction ;

– que l’article 8.2.2 prévoit qu’en cas de renouvellement, un nouveau contrat sera signé, lequel sera “le contrat en vigueur au moment du renouvellement” ;

– que l’article 8.2.3 stipule que dans ce cas, le franchisé s’acquittera d’une redevance qui “correspond au droit d’entrée HT en vigueur à la signature du nouveau contrat”.

Il se déduit de l’ensemble des éléments portés à la connaissance du juge que les parties ont entendu introduire une précarité dans la pérennité de la relation commerciale au terme du contrat.

La résiliation anticipée encadrée par le contrat de franchise

En second lieu, il doit être constaté que l’article 8.5.1 du contrat de franchise prévoit que la résiliation anticipée du contrat peut intervenir “en cas d’inexécution ou de manquement par l’une des parties à l’une quelconque de ses obligations (‘) après mise en demeure par lettre recommandée avec accusé réception adressée à l’autre partie et non suivie d’effets dans le délai de 60 jours” et qu’aucune mise en demeure respectant ces dispositions n’a été adressée au cas présent.

Cependant, en application de l’article 1224 du code civil, la résolution ne résulte pas exclusivement de l’application d’une clause résolutoire.

Aux termes de l’article 1226 du code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat sans mise en demeure préalable, en cas d’urgence.

Il s’en suit qu’il revient au juge de rechercher si le comportement allégué revêtait en l’espèce une gravité suffisante pour justifier une rupture unilatérale sans mise en demeure préalable.

L’existence d’un manquement grave

Après examen des courriels versés aux débats et des échanges sur le groupe Facebook Ogiwe constatés par l’huissier, il peut être constaté, tout d’abord, que contrairement à ce qui est allégué, tous les membres du réseau n’ont pas été destinataires de messages, et que celui qui a été diffusé le plus largement, qui visait à «’partager les bruits qui courent’», reste dans la forme très prudent.

Il en ressort, ensuite, qu’il est établi que M. [U] a fait état de manière réitérée de son ressenti personnel négatif (« on est délaissé chacun dans son coin », « j’ai juste l’impression d’être une vache à lait », « je veux que la tête de réseau joue le jeu »), a sollicité les membres du groupe quant à l’envoi d’un courrier « avec le plus grand nombre de franchisés afin de marquer le coup », a indiqué « je me rebelle, fini les conneries » et a sondé les membres du groupe quant à l’hypothèse, en cas de départ de quelques-uns du réseau, de la création d’une « mini coopérative d’agence ».

La Cour retient en conséquence :

– que les griefs des franchisés qui ne se sentent pas aidés, tels qu’ils sont exprimés, ne revêtent pas un caractère de dénigrement caractérisé’;

– que le questionnement de certains membres quant à la création d’un réseau similaire à moindre cout, ne peut, dès lors qu’un acte concret n’a été engagé, constituer une faute grave autorisant vu l’urgence une résiliation immédiate.

Le Cour confirme en conséquence la décision attaquée en ce qu’elle a retenu que sans qu’il soit besoin d’examiner les torts éventuels du franchiseur dans l’exécution de son contrat, Ewigo a résilié le contrat de franchise de manière abusive, faute qu’il lui convient de réparer.


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