Rupture de lien professionnel pour manquements graves : enjeux et conséquences

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Rupture de lien professionnel pour manquements graves : enjeux et conséquences

M. [T] [H] a été engagé par la société DPD en mai 2016 en tant qu’agent de tri, puis a été promu à temps complet en février 2017. Le 21 janvier 2019, il a reçu une convocation à un entretien préalable à un licenciement, suivi de son licenciement pour faute grave le 8 février 2019. En février 2020, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Narbonne pour contester son licenciement et demander des indemnités. Le 18 juin 2021, le conseil a jugé le licenciement fondé et a débouté M. [H] de ses demandes, le condamnant à payer 1000 euros. M. [H] a fait appel le 27 juillet 2021, demandant la réforme du jugement, la reconnaissance de l’abus du licenciement, et le versement de diverses indemnités. La société DPD a demandé la confirmation du jugement et le déboutement de M. [H], tout en réclamant des frais. L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

18 septembre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG
21/04849
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/04849 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PDHM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE – N° RG F 20/00034

APPELANT :

Monsieur [T] [H]

né le 22 Novembre 1985 à [Localité 6] (11)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée sur l’audience par Me Françoise ROBAGLIA, avocat au barreau de MONPTELLIER, avocat plaidant

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012899 du 11/10/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

S.A.S. DPD FRANCE

dont le siège social sis,

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Yann LE TARGAT de VINCKEL – ARMANDET – LE TARGAT – BARAT BAIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Benoît SEVILLIA de la SCP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & Associés – DROUOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substitué sur l’audience par Me MOUNIER-ESTAY, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 23 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 MAI 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 1er mai 2016, M. [T] [H] a été engagé par la société DPD en qualité d’agent de tri à temps partiel, puis par avenant en date du 1er février 2017, à temps complet.

Par courrier recommandé en date du 21 janvier 2019, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement avec mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 8 février 2019, M. [H] a été licencié pour faute grave.

Le 11 février 2020, ce dernier a saisi le conseil de prud’hommes de Narbonne afin de contester son licenciement et voir condamner l’employeur au paiement de diverses sommes.

Par jugement en date du 18 juin 2021 le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement prononcé pour faute grave est fondé, débouté M. [H] de ses demandes et l’a condamné au paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par déclaration en date du 27 juillet 2021, M. [H] a relevé appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions en date du 24 novembre 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, il demande à la cour de :

– réformer le jugement du conseil des prud’hommes en ce qu’il a considéré que le licenciement prononcé à son encontre pour faute grave était fondé

– prononcer le caractère abusif du licenciement

– condamner la société DPD à lui payer les sommes suivantes :

– 13950 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 930 euros au titre de l’indemnité de licenciement

– 3100 euros au titre de l’indemnité de préavis

– 1701,18 euros au titre de rappel de salaire

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile

– condamner la société à lui verser 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions en date du 21 janvier 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la SARL BS Transports demande à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions

– débouter M. [H] de l’intégralité de ses demandes

– condamner M. [H] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est en date du 23 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail :

La faute grave est définie comme la faute qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

En l’espèce, M. [H] a été licencié pour faute grave par courrier du 8 février 2019 rédigé ainsi :

‘Au cours du mois de décembre 2018, nous avons constaté que plusieurs colis arrivés sur le centre de tri de [Localité 5] n’avaient pas été livrés ou avaient été vidés d’une partie de leur contenu.

Ayant porté une particulière attention au suivi des colis de ce centre de tri, il nous est ensuite apparu que vous vous étiez emparés de plusieurs colis et/ou d’une partie de leur contenu, dans la nuit du 3 au 4 janvier 2019.

Lors de votre entretien préalable, vous avez reconnu ces faits, sans fournir d’explication susceptible de les justifier ou de les expliquer.

Partant, compte tenu de vos fonctions d’ ‘agent de tri’, de tels agissements, qui sont d’une extrême gravité et de nature à porter préjudice à la société, tant en termes financiers que d’image à l’égard de ses clients, rendent totalement impossible votre maintien dans l’entreprise et nous contraignent à vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Cette mesure prend effet à compter de l’envoi du présent courrier et entraîne la cessation immédiate de votre contrat de travail, sans préavis ni indemnité de licenciement….’

M. [H] ne conteste pas la matérialité des faits, mais il affirme qu’il existait une pratique au sein de l’entreprise, acceptée par les chefs d’équipes , selon laquelle les employés du centre de tri étaient autorisés à récupérer les marchandises abandonnées .

Il reconnaît avoir été condamné par le tribunal correctionnel de Narbonne pour des faits de vol le 23 juin 2020, mais ajoute qu’il n’avait pas reconnu sa culpabilité mentionnant devant le tribunal qu’il avait eu la permission de son chef d’équipe pour conserver les objets qui sortaient des colis défilant sur la machine de tri.

Il précise en outre ne pas avoir été informé que l’employeur utilisait un dispositif de vidéo-surveillance qui a permis d’identifier son comportement.

Hormis ses propres affirmations, il ne produit aucun élément à l’appui de ses allégations selon lesquelles son employeur l’autorisait à récupérer de la marchandise sortie des colis.

L’employeur objecte qu’il n’existait aucune pratique autorisant les employés à récupérer la marchandise issue de colis endommagés. Il précise que le comportement fautif de son salarié a été révélé par le visionnage des images de vidéo-surveillance mais aussi par l’enquête pénale et les perquisitions effectuées à son domicile et sur son bateau qui ont permis de découvrir un certain nombre d’objets dérobés sur son lieu de travail et pendant son temps de travail tels que de nombreux outils et accessoires de bricolage ainsi que des produits de beauté de marque.

Il produit :

– les procès verbaux de perquisitions et d’auditions de M. [H] établis dans le cadre de l’enquête de flagrance diligentée le 05 janvier 2019 pour les faits de vols aggravés qui lui étaient reprochés,

– le jugement définitif du tribunal correctionnel de Narbonne qui l’a déclaré coupable de faits de vols dans un local d’habitation ou un lieu d’entrepôt commis du 26 décembre 2018 au 4 janvier 2019 à Lezignan Corbières et ordonné à son encontre l’obligation d’accomplir un stage de citoyenneté.

Il ressort des éléments évoqués par l’employeur que les agissements fautifs de M. [H] ont été identifiés , notamment, grâce un système de vidéo-surveillance , qui permettait de visualiser l’activité des salariés sur le lieu de travail, ce dont il résulte qu’il s’agissait d’un dispositif de contrôle de l’activité des salariées dont il auraient dû être informés préalablement à sa mise en place, ce qui n’est pas établi en l’espèce.

Si le moyen de preuve, tiré de ces enregistrements a été obtenu de manière illicite faute d’information préalable et qu’il est irrecevable, ces enregistrements, qui par ailleurs ne sont pas produits aux débats, ne sont pas la seule preuve de la matérialité des faits reprochés au salarié.

Il ressort en effet du procès verbal de perquisition que M. [H] s’est approprié diverses marchandises qui ont été retrouvées sur son bateau et notamment: des sachets de grosse et petite visserie, vis auto-foreuse, boulons, barrette d’équilibrage, forets, bandes de ponçages, écrous anti-vol, 10 ampoules de morphine….

Par ailleurs, dans le cadre de son procès verbal d’audition établi lors de sa garde à vue, M. [H] a déclaré :

– ‘ce n’est pas normal que je doive commettre des larcins comme ça; en voyant du maquillage comme ça, je me suis dit que je ferai plaisir à ma femme. Voilà c’est comme ça….je voudrais dire que effectivement mes actes sont répréhensibles mais je peux apporter une explication. En effet j’ai été embauché il y a 4 ans. Depuis, j’ai toujours travaillé consciencieusement…je reconnais que moi j’ai pris de la marchandise dans les cartons…je reconnais que j’explosais volontairement des colis pour emmerder le patron…je reconnais que j’ai pris sur la plate-forme de chargement des produits…..’

A la question ‘pouvez-vous me dire depuis quand vous avez commencé à récupérer de la marchandise  »

Ce dernier a répondu :

‘En fait depuis que j’ai été embauché. En fait dès que je trouvais quelque chose par terre, je le ramenai au responsable du site. C’est lui qui m’autorisait à partir avec. Quand il refusait, je ne sortais rien. Ce n’est que très récemment que j’ai sorti des produits sans rien demander. Je dirai depuis que le nouveau patron est arrivé et la mise en place des nouvelles consignes…’

Il apparaît ainsi que M. [H] a reconnu s’être approprié de la marchandise issue de cartons que la société était chargée de transporter, qu’il a été condamné pour ces faits, qu’il allègue, sans en justifier qu’une partie de ses agissements étaient autorisés par son employeur, et qu’il reconnaît même avoir pris des produits sans aucune autorisation, de sorte que les faits fautifs sont établis.

Ces faits, imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail, s’agissant de l’appropriation de marchandises dont la société devait assurer le transport, sont d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Dès lors, c’est à juste titre que le licenciement a été prononcé pour faute grave.

La décision sera ainsi confirmée sur ce point et en ce qu’elle a rejeté les demandes indemnitaires consécutives au licenciement et condamné le salarié au paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens:

M. [H] sera condamné à verser à la société DPD la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Narbonne le 18 juin 2021 en l’ensemble de ses dispositions critiquées.

Y ajoutant,

Condamne M. [T] [H] à verser à la société DPD France la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [T] [H] aux dépens de l’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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