Rupture de collaboration entre infirmières

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Rupture de collaboration entre infirmières
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Nos Conseils:

1. Il est essentiel de formaliser par écrit tout contrat de collaboration entre professionnels libéraux, en respectant les exigences légales et déontologiques. Cela permet de clarifier les modalités de la collaboration, y compris la rémunération, la durée et les conditions de rupture.

2. En cas de litige entre associés ou collaborateurs, il est important de recueillir des preuves tangibles de la nature des relations professionnelles, telles que des contrats, des témoignages ou des documents comptables. Ces éléments peuvent être déterminants pour établir la réalité des faits et défendre ses droits en justice.

3. En cas de dissolution d’une collaboration de fait, il est recommandé de faire appel à un avocat spécialisé en droit des professions libérales pour obtenir des conseils juridiques adaptés à la situation et défendre efficacement ses intérêts devant les instances compétentes.

Résumé de l’affaire

Mme [B] a assigné Mme [Y]-[Z] pour rupture de leur collaboration dans un cabinet d’infirmières, demandant réparation de ses préjudices. Le tribunal a jugé qu’il n’y avait pas de société créée de fait entre elles, mais a invité les parties à s’expliquer sur les conséquences. Mme [Y]-[Z] a fait appel de cette décision, demandant que la relation soit qualifiée de collaboration libérale. Les parties demandent des indemnisations pour préjudices financiers et moraux. L’affaire sera examinée en appel le 27 novembre 2023.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

30 avril 2024
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
21/03457
30/04/2024

ARRÊT N°

N° RG 21/03457

N° Portalis DBVI-V-B7F-OJ7F

MD/SRS/ND

Décision déférée du 17 Juin 2021

TJ de Toulouse

(19/01103)

Monsieur [E]

[F] [Y]-[Z]

C/

[D] [B]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

Me CARRASCO DAERON

Me MATHE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

*

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

*

ARRÊT DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

*

APPELANTE

Madame [F] [Y]-[Z]

[Adresse 4].

[Localité 2]

Représentée par Me Marie CARRASCO DAERON, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Madame [D] [B]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Nicolas MATHE de la SELARL LCM AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 27 Novembre 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte d’huissier de justice du 18 mars 2019, Mme [D] [B] a fait assigner

Mme [F] [Y] épouse [Z] pour faire juger qu’elle a, de manière fautive, notifié la dissolution de la société créée de fait qui les réunissait et pour obtenir l’indemnisation de ses préjudices.

Selon les termes de cette assignation, rappelés par le tribunal dans son jugement,

Mme [B] précisait que dans un premier temps (2011 à 2014) elle avait été la remplaçante de Mme [Y]-[Z] et que, dans un second temps (2014 à 2017) – et sans contrat écrit -, elles avaient exploité une patientèle commune dans un cabinet d’infirmières sis [Adresse 6] (31) ; que le 8 décembre 2017 et à effet du 31 du même mois,

Mme [Y]-[Z] lui avait notifié que chacune se chargerait de suivre professionnellement sa propre clientèle ; qu’elle a fait part de son désaccord et que

le 12 décembre suivant, sa consoeur lui a notifié qu’à compter du 1er janvier 2018 elle travaillerait à plein temps pour sa patientèle étant en parfaite liberté d’exercer la profession libérale comme elle l’entend ; qu’elle a saisi le conseil de l’ordre en se plaignant de la brutalité de la décision et qu’en présence d’une clientèle commune la séparation se devait d’être organisée à des conditions déterminées par écrit ; également que le procédé constituait un détournement de la clientèle ; que le conseil de l’ordre a constaté la non-conciliation ; qu’il en est résulté entre 2017 et 2018 une baisse de ses recettes de 38 158 euros qui doit être indemnisée.

Par un jugement rendu le 17 juin 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse, a :

– dit que la convention des parties n’est pas une convention de collaboration,

– dit qu’il n’existe pas entre elles de société créée de fait,

– ‘dit et jugé’ que leurs rapports sont régis par les règles de l’indivision,

– invité les parties à s’expliquer sur les conséquences qui en résultent, sauf à indiquer dans le délai d’un mois qu’elles acceptent ou refusent une mesure de médiation,

– dit que l’affaire sera rappelée à l’audience de mise en état écrite du 23 septembre 2021,

– réservé le surplus des demandes.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré que les courriers faisaient référence à la séparation d’une clientèle commune : ‘ traiter une même clientèle avec une organisation alternée et pleine autonomie et indépendance’ et a relevé que les conditions de la collaboration n’étaient pas remplies au motif que ‘Mme [B] n’avait pas de rémunération fixe et que le patient était traité en alternance’.

S’agissant de l’absence de société créée de fait, le tribunal a considéré qu’il doit y avoir une ‘volonté commune de participer aux bénéfices et aux économies, ainsi qu’aux pertes éventuelles’ et que de ce fait, l’existence d’une clientèle commune ne suffit pas ajoutant que le demandeur ne prouve pas le volonté de s’associer en l’absence de comptabilité, de déclarations ou partage des bénéfices communs et concluant que l’exploitation de la patientèle appartient au régime de l’indivision.

Par déclaration en date du 29 juillet 2021, Mme [F] [Y]-[Z] a relevé appel de ce jugement en ce qu’il a :

– dit que la convention des parties n’est pas une convention de collaboration.

– ‘dit et jugé’ que leurs rapports sont régis par les règles de l’indivision.

– les a invitées à s’expliquer sur les conséquences qui en résultent, sauf à indiquer dans le délai d’un mois qu’elles acceptent ou refusent une mesure de médiation.

– dit que l’affaire sera rappelée à l’audience de mise en état écrite du 23 septembre 2021.

– réservé le surplus des demandes.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 12 avril 2022, Mme [F] [Y]-[Z], appelante, demandent à la cour, au visa des articles 561, 562 et 568 du code de procédure civile, de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a dit qu’il n’existe pas entre les parties de société créée de fait,

– l’infirmer pour le surplus,

Et, statuant à nouveau :

– juger que les relations ayant existé entre elle et [D] [B] s’analysent en une collaboration libérale,

– renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins que soient tirées les conséquences de cette qualification et qu’il soit statué sur la demande d’indemnisation de son préjudice moral,

– débouter Mme [D] [B] de son appel incident.

– rejeter la demande de Madame [D] [B] tendant à voir juger fautive la rupture des relations ayant existé entre les parties, cette demande n’ayant pas été tranchée par le jugement dont appel,

– rejeter les demandes indemnitaires formulées par Madame [D] [B] au titre des préjudices prétendument subis, ces demandes n’ayant pas été tranchées par le jugement dont appel.

– débouter Madame [D] [B] de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.

– condamner [D] [B] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner [D] [B] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 27 janvier 2022, Mme [D] [B], intimée et appelante incident, demande à la cour, au visa des articles 1872-2, 1832, 1873 et suivants du code civil, de :

Rejetant toute conclusions contraires comme injustes et mal fondées ;

À titre principal,

– confirmer le Jugement sauf en ce qu’il dit qu’il n’existe pas entre les parties de société créée de fait, en ce qu’il juge que leurs rapports sont régis par les règles de l’indivision, en ce qu’il invite les parties à s’expliquer sur les conséquences résultant de cette qualification et en ce qu’il réserve le surplus des demandes ;

Et statuant à nouveau ;

– juger qu’il existe entre les parties une société créée de fait ;

– juger fautive la notification par Mme [Y]-[Z] de la dissolution de la société de fait;

– condamner Mme [Y]-[Z] à lui régler la somme de 30 000 euros au titre du préjudice de la perte de l’actif en l’occurrence la patientèle commune ;

– condamner Mme [Y]-[Z] à lui régler la somme de 38 158 euros au titre du préjudice financier ;

– condamner Mme [Y]-[Z] à lui régler la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral ;

À titre subsidiaire,

– confirmer le Jugement en toutes ses dispositions ;

À titre infiniment subsidiaire ;

Si la Cour Considère que la Convention des parties est une relation de collaboration

– juger fautive l’exécution et la rupture de la relation ayant existé entre les parties ;

En conséquence,

– condamner Mme [Y]-[Z] à lui régler la somme de 30 000 euros au titre du préjudice du préjudice de la perte de l’actif en l’occurrence la patientèle commune ;

– condamner Mme [Y]-[Z] à lui régler la somme de 38 158 euros au titre du préjudice financier ;

– condamner Mme [Y]-[Z] à lui régler la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral ;

En tout état de cause,

– condamner Mme [Y]-[Z] à lui régler la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du CPC en cause d’appel ;

– condamner Mme [Y]-[Z] aux dépens de l’appel ;

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 novembre 2023 et l”affaire sera examinée à l’audience du 27 novembre 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

1. Il est constant, au travers des pièces du dossier, que :

– Mme [B] a signé le 15 mai 2011 un contrat avec le cabinet ‘[Z] [F]’ à [Localité 5] (31) aux fins de remplacement pour l’exercice de soins infirmiers auprès des clients du titulaire, pour une durée de trois mois, moyennant une rétrocession de 10 % du chiffre d’affaires des actes effectivement ‘prestés’ par le titulaire et que ce contrat a été renouvelé sans discontinuer jusqu’au 15 février 2014,

– Mme [Y] [Z] a écrit le 8 décembre 2017 à Mme [B] un courrier ayant pour objet ‘Recentrage des activités professionnelles’ et dont il convient de reprendre les termes suivants:

‘Par la présente et dès ce jour, il apparaît opportun de repréciser l’organisation des activités de nos cabinets respectifs.

Nous exerçons toutes deux à partir des mêmes locaux la profession d’infirmière libérale

auprès d’une même clientèle, dont je suis à l’origine de sa création.

En dehors de cela et de l’organisation temporelle alternée qui en découle, nous sommes déjà totalement autonomes et indépendantes.

Compte-tenu de nos clôtures d’exercice respectives et de la proche nouvelle année civile 2018, il est souhaitable pour nous deux de renforcer cette autonomie réciproque dès le 1er janvier 2018.

Par conséquent, il convient à compter de cette même date, que chacune se charge de suivre professionnellement sa propre patientèle.

Cela a pour conséquence que nous communiquions auprès de la patientèle dès ce mois de décembre 2017, à l’effet que les patients puissent, à compter du 1er janvier 2018, choisir l’infirmière chargée de le suivre […],

– ce courrier définit aussi un planning d’alternance pour le mois de décembre 2017 et, par ailleurs, est accompagné d’un modèle de courrier commun aux patients,

– Mme [Y]-[Z] a écrit un second courrier, le 12 décembre 2017, à Mme [B] en réponse à un refus oralement exprimé par cette dernière de consentir à cette ‘décision de recentrage’ des activités, pour lui indiquer : ‘je suis en parfaite liberté d’exercer ma profession libérale comme je l’entends’ en ajoutant qu’elle maintenait les termes de son premier courrier et que, dans l’hypothèse d’une confirmation du refus de Mme [B], elle ne serait ‘plus dans l’obligation de faire part de votre numéro de téléphone aux patients et donc je ne soumettrais que le mien. Cela vous sera donc préjudiciable, chose que je ne souhaitais pas faire’,

– Mme [B] a déposé une plainte contre Mme [Y] [Z] le 21 décembre 2017 devant le conseil départemental de l’ordre des infirmiers de la Haute-Garonne pour manquement à la confraternité et concurrence déloyale.

2. Le rapporteur du conseil de l’ordre précise notamment dans son rapport :

‘ […] En 2017, après 5 ans d’activité commune, à la suite de multiples problèmes de facturation, Mme [Y] décide de demander une séparation de clientèle à partir du 1er janvier 2018 (courrier du 8/12/2017). Mme [B] refuse. Les relations entre les 2 professionnelles étaient cordiales avec un glissement vers des relations personnelles et amicales. Elles se sont considérablement dégradées.

Mme [B] dépose plainte le 19/12/2017 contre Mme [Y] (article R43/2-82) pour concurrence déloyale. Elle estime que le délai de 3 semaines est insuffisant (demande de délais de 3 à 6 mois) et pense que Mme [Y] a profité de la connaissance de sa grossesse pour rompre leur collaboration. Sans contrat entre les deux parties, il n’existe aucune modalité de rupture et de séparation.

La conciliation n’a pu aboutir.

Le Conseil ne souhaite pas s’associer à la plainte. Il constate qu’après 5 ans d’exercice en commun, il s’agit d’une collaboration de fait. L’aide apportée par les conseillers lors de la conciliation n’a pu la faire aboutir favorablement’.

3. La cour est saisie de demandes opposées sur les conditions de la rupture des relations entre les parties, Mme [Y]-[Z] considérant que celles-ci étaient régies par les règles de la collaboration, Mme [B] affirmant pour sa part qu’il s’agissait d’une société créée de fait dont elle demande de juger que sa dissolution est fautive et entraîne à son bénéfice un droit à réparation du préjudice subi. Le tribunal a qualifié ces relations d’indivision.

4. Force est de constater en l’espèce l’absence d’écrit liant les parties par un contrat de collaboration alors que l’article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 exige qu’un contrat de collaboration doit être, à peine de nullité, établi par écrit et préciser un certain nombre d’informations dont celles portant sur la durée de la collaboration, les modalités de la rémunération, les conditions et modalités de la rupture dont un délai de préavis. Ce texte s’applique aux membres des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementé ou dont le titre est protégé. Il donne une définition du collaborateur libéral comme celui qui ‘exerce son activité professionnelle en toute indépendance, sans lien de subordination’ ajoutant ‘Il peut compléter sa formation et peut se constituer une clientèle personnelle’.

Mme [Y] [Z] ne peut justifier d’un contrat de collaboration et, dans l’hypothèse d’une collaboration de fait, ne prétendre qu’au jeu des restitutions par l’effet de la nullité prévue par ce texte.

5. L’article R. 4312-35 du code de la santé publique dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 28 novembre 2016, précisait ‘Toute association ou société entre des infirmiers ou infirmières doit faire l’objet d’un contrat écrit qui respecte l’indépendance professionnelle de chacun d’eux.’ Cette disposition a été reprise depuis cette date par l’article R. 4312-73 du code de la santé publique qui exige en outre la communication de tout contrat et avenant au conseil départemental de l’ordre des infirmiers pour examiner si le contrat est compatible avec les lois en vigueur, avec le code de déontologie et notamment avec l’indépendance des infirmiers.

En l’absence d’un tel contrat, Mme [B] doit démontrer l’existence d’une société créée de fait et, à cette fin, que les parties se sont comportées comme de véritables associées dans leurs relations entre elles comme à l’égard des tiers, en cumulant les conditions posées par l’article 1832 du code civil à savoir une volonté de collaborer de manière effective à un intérêt commun et sur un pied d’égalité, la mise en commun de biens, droits ou activité et le partage des bénéfices et des pertes.

6. L’indivision peut quant à elle porter sur des biens de toute nature, y compris incorporels et notamment sur une clientèle d’un cabinet d’infirmer (Cass. 8 juin 2004,

n° 01-03.382) spécialement dans l’hypothèse où les parties ont exercé leur activité d’infirmière libérale de manière à ce que chacune ait un temps de travail équivalent et intervienne à tour de rôle auprès de la clientèle, les droits des infirmières portent sur l’ensemble de la clientèle et non sur une partie déterminée de celle-ci.

7. Il sera d’abord relevé que Mme [B] produit différents contrats attestant, par un renouvellement sans interruption, d’un remplacement de Mme [Y] [Z]

du 15 mai 2011 au 15 février 2014 (pièces n° 1 et 2 du dossier de l’intimée). La collaboration et le remplacement sont deux notions différentes. Le remplaçant exerce aux lieu et place du praticien remplacé et perçoit les honoraires au nom et pour le compte du remplacé et reverse l’intégralité à ce dernier. Il appartient au praticien remplacé de rémunérer le remplaçant en lui rétrocédant des honoraires. Le collaborateur au contraire facture en son nom les honoraires et verse au praticien titulaire une redevance. Cette redevance doit correspondre à la mise à disposition du local, du petit matériel, des moyens de communications. S’il n’est pas interdit de cumuler les deux activités, chacun doit respecter les obligations légales et déontologiques que leur profession impose. Il convient également de vérifier si les parties ont réellement exécuté ces contrats dont la succession ininterrompue fait déjà douter de la sincérité de cette qualification apparente sur la période qu’ils couvrent.

8. Dans son courrier du 8 décembre 2017, Mme [Y] [Z] précise qu’elles exercent ‘toutes deux à partir des mêmes locaux la profession d’infirmières libérale auprès d’une même clientièle’ dont elle indique qu’elle est à l’origine de sa création, ajoutant qu’à la suite de leur séparation, les patients pourront choisir l’infirmière chargée de les suivre et que dans l’attente de l’effectivité de cette séparation, elles allaient ‘continuer à travailler d’une manière alternée’. Elles disposaient en pratique d’une seule et même carte de visite faisant apparaître la mention ‘Cabinet d’infirmières [F] [Z] et [D] [B]’ et des coordonnées téléphoniquses uniques.

Mme [B] produit un avis d’échéance émis par la société MACSF, assureur,

du 12 déembre 2017, adressé au ‘Cabinet Prouver [B]’ (sic) rappelant notamment les informations en la possession de cet assureur et mentionnant à propos de la forme juridique de l’assuré ‘Société de fait’. Mme [Y] [Z] a adressé le 2 février 2018 un Sms à Mme [B] pour lui indiquer avoir appelé la MACSF ‘pour que nous ayons chacune un contrat et non plus un contrat en commun’ (pièce n° 10 du dossier de l’intimée). Elle a aussi écrit à Mme [B] le 30 janvier 2018 pour lui signifier son intention de quitter le local professionnel à [Localité 5] ‘pour lequel nous partagions le loyer de 1200 euros (soit 600 euros chacune)’. Le bail professionnel, non daté et portant sur un local à usage médical pour une activité d’infirmière, situé dans un immeuble à La Salvetat Saint-Gilles, a été signé entre la Sci ‘Droles de dames’ d’une part et Mme [B] et Mme [Y] [Z] d’autre part. Mme [B] indique dans ses conclusions en page 15 qu’elles étaient associées de la Sci Droles de Dames qui réglait toutes les dépenses liées au local comme en témoignent les extraits de compte versés au dossier pour l’année 2017 et commentés par l’intimée sans démenti de la part de l’appelante.

Mme [H], ancienne salariée de M. et Mme [Z] recrutée en septembre 2016, a expliqué dans une attestation que Mme [B] et Mme [Y] [Z] partageaient la même patientèle, le même planning et le même logiciel permettant la synchronisation des données des parties et des cotations, les tournées se faisant à un rythme défini par le biais d’un agenda et d’un téléphone professionnel qui passait de l’une à l’autre selon leur temps de travail.

Mme [B] affirme que les ‘bénéfices de l’activité étaient partagés puisque les seuls revenus de chacune des infirmières provenaient de l’exercice en alternance auprès de cette patientèle commune’ ajoutant qu’elle n’avait pas de rémunération fixe mais seulement en fonction de l’activité. Il n’est toutefois produit par les parties aucune pièce comptable complète ni fiscale. Mme [Y] [Z] verse un relevé de la Cpam pour l’activité de chaque infirmière (pièce n° 13 de son dossier) faisant apparaître à titre d’exemple sur le premier semestre 2017 des honoraires globaux de 33 315 euros pour 81 patients et 90 jours travaillés s’agissant de Mme [B] et de 35 725 euros pour 55 patients pour 102 jours travaillés. Cette pièce est établie sur la base des télétransmissions pour le paiement des honoraires en fonction des nomenclatures sans pour autant renseigner sur la nature des relations professionnelles entre les intéressées et leurs droits sur la patientèle concernée.

Seule Mme [B] produit un ‘projet’ de détail des charges et des produits comparant les exercices 2017 et 2018 faisant apparaître un montant net de recettes de 94 015 euros au titre de honoraires pour l’année 2017, démontrant seulement une activité d’infirmière libérale rémunérée à l’honoraire sans pour autant renseigner non plus sur les modalités de répartition de ceux-ci entre les parties. Mme [H] a souligné dans son attestation que la ‘facturation’ des interventions de Mme [Y] [Z] représentait une partie limitée de son travail pour laquelle elle déclarait n’avoir aucune formation ni expérience, l’essentiel de son emploi étant consacré au ménage, repassage, préparation des repas et ‘parfois même’ la garde des deux enfants de M. et Mme [Z]. Elle avait constaté, évoquant les données fournies par

Mme [Y] [Z], une ‘désorganisation totale de son agenda […] pour effectuer les cotations des patients (tournées à facturer non présentées, cotations non notées ou griffonnées, nombre de passages pour certains patients non mentionnés,…’.

9. Il suit de l’ensemble de ces constatations, spécialement au regard de la pratique du traitement en alternance de l’intégralité d’une même clientèle qui s’est nécessairement renouvelée dans le temps, de la mise en commun des charges sans mise en commun des honoraires, de l’apparente tenue de comptabilité distincte et de l’absence de redevance ou de rétrocession d’honoraires effectives entre les parties, qu’il a existé entre elles une indivision à la date à laquelle Mme [Y] [Z] a signifié à Mme [B] la fin de leurs relations à compter du 1er janvier 2018.

Les premiers juges ont donc exactement qualifié la situation des parties à cette date et invité à juste titre celles-ci à formuler toutes observations sur les conséquences de cette qualification sur le bien fondé de leurs demandes respectives. Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

10. En vertu de l’article 568 du code de procédure civile, l’évocation de l’affaire n’est pas possible dans l’hypothèse d’une confirmation totale du jugement. La cour est donc dessaisie et l’affaire sera donc poursuivie devant le tribunal judiciaire.

11. Mme [Y] [Z] sera condamnée aux entiers dépens de l’instance d’appel.

12. Il n’est nullement inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens qu’elles ont pu exposer à l’occasion de la procédure d’appel. Elles seront donc déboutées de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse.

Y ajoutant,

Condamne Mme [F] [Y] épouse [Z] aux dépens de l’instance d’appel.

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l’article 700 alinéa 1er, 1° du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

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