Rupture brutale de relation commerciale : 28 juin 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 22-17.933

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Rupture brutale de relation commerciale : 28 juin 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 22-17.933
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COMM.

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COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 juin 2023

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 472 F-D

Pourvoi n° X 22-17.933

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 JUIN 2023

La société Angie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-17.933 contre l’arrêt rendu le 22 avril 2022 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Altarea France, société en nom collectif,

2°/ à la société Altarea Management, société en nom collectif,

3°/ à la société Altarea Entreprise Holding, société en nom collectif,

ayant toutes trois leur siège [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Angie, de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat des sociétés Altarea France, Altarea Management et Altarea Entreprise Holding, et l’avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l’audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 22 avril 2022), de 2013 à 2017, la société Angie, agence de communication éditoriale, a effectué des prestations au profit de trois sociétés du groupe Altarea. Elle a ainsi édité et livré à la société Altarea France, à compter de décembre 2013, un magazine intitulé « Perspectives Retail » à raison de deux numéros par an, à la société Altarea Management, à compter de mars 2014, un magazine intitulé « Alter Ego » pour trois numéros par an et à la société Altarea Cogedim Entreprise Holding, devenue la société Altarea Entreprise Holding, (la société Altarea), le rapport annuel à compter de 2015.

2. Les conditions générales de vente rapportées au verso des devis et factures prévoyaient, aux points 13 ou 14, une clause de « résiliation » aux termes de laquelle « En application de l’article 442-6-5 du code du commerce, le Client ne pourra mettre fin à sa relation commerciale avec la Société sans un préavis d’au moins 6 mois notifié par écrit par courrier recommandé avec accusé de réception. Pendant le préavis, la rétribution de la Société restera due ainsi que les frais techniques (commission incluse) et débours acceptés sur devis et dont l’engagement ne peut être annulé en tout ou partie à la date de résiliation. Si un Client ne souhaite pas être tenu à l’exécution du préavis, il devra indemniser la Société en lui versant à titre de dommages et intérêts une somme représentant au moins six (6) mois de l’ensemble des rémunérations perçues par la Société au cours des douze derniers mois. »

3. Les sociétés du groupe Altarea l’ayant informée de leur volonté de confier à un tiers la réalisation des prestations, la société Angie a, le 18 mai 2017, demandé à la société Altarea le bénéfice du préavis prévu par les conditions générales de vente.

4. Reprochant aux sociétés Altarea, Altarea Management et Altarea France d’avoir rompu la relation sans respecter les termes du préavis contractuel, la société Angie les a assignées en réparation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. La société Angie fait grief à l’arrêt, d’écarter l’application de la clause de préavis contractuel et, en conséquence, de dire que les sociétés Altarea France et Altarea Management ont brutalement rompu leurs relations commerciales avec elle et de condamner la société Altarea France à lui payer la seule somme de 5 700 euros de dommages et intérêts et la société Altarea Management à lui payer la seule somme de 16 500 euros de dommages et intérêts, alors « que les parties peuvent prévoir, par contrat, quel préavis devra être respecté pour rompre les relations commerciales qui se sont établies entre elles, à la faveur de ce contrat ; qu’en écartant pourtant la clause litigieuse comme illicite en ce qu’elle contractualisait le délai de préavis prévu par l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et que “les parties ne peuvent librement disposer par avance dans un contrat de ces dispositions dont l’application est d’ordre public, le préavis et sa sanction (étaient) indéterminables”, la cour d’appel a violé l’article 1134, devenu 1103, du code civil, ensemble l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134, devenu 1103, du code civil et L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 :

6. Aux termes du premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

7. Aux termes du second, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

8. Pour écarter l’application de la clause de préavis contractuelle, l’arrêt retient qu’elle ne permet pas de définir « la relation commerciale » à laquelle elle subordonne le préavis pour la résiliation du contrat autrement que par référence à la « relation commerciale établie » et au préavis tels qu’ils sont disposés à l’article L. 446-6, I, 5° du code de commerce et que les parties ne pouvant librement disposer par avance dans un contrat de ces dispositions dont l’application est d’ordre public, le préavis et sa sanction sont indéterminables.

9. En statuant ainsi, alors que rien n’empêche les parties de prévoir, par contrat, le préavis à respecter en cas de rupture de la relation, dès lors que, conformément aux dispositions d’ordre public de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, l’existence d’une stipulation contractuelle de préavis ne dispense pas le juge, s’il en est requis, de vérifier que le délai de préavis contractuel tient compte de la durée de la relation commerciale ayant existé entre les parties et des autres circonstances, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. La société Angie fait grief à l’arrêt de condamner la société Altarea France à lui payer la seule somme de 5 700 euros de dommages et intérêts et la société Altarea Management à lui payer la seule somme de 16 500 euros de dommages et intérêts, alors « que le délai du préavis suffisant en cas de rupture de relations commerciales établies s’apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale litigieuse et des autres circonstances particulières au moment de la notification de la rupture ; qu’en se fondant uniquement “sur la base de la durée de chacune des relations commerciales” pour fixer le préavis qui aurait dû être respecté par la société Altarea France à “un mois et demi” au regard d’une “relation établie avec la société Altarea France de décembre 2013 à mai 2017 pour la production du magazine “Retail””, et pour fixer à “un mois” le préavis qui aurait dû être respecté par la société Altarea Management compte tenu de “la relation avec la société Altarea Management établie depuis mars 2014 à mai 2017 pour la production du magazine “Alter Ego” puis celle du rapport annuel”, sans tenir compte des autres circonstances particulières de la relation au moment de la notification de la rupture, invoquées par la société Angie et tenant notamment à la spécificité des prestations fournies s’inscrivant par leur nature dans la durée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale, au regard de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. »

 


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