Rupture anticipée : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/02285

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Rupture anticipée : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/02285
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COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 09 Novembre 2023

N° RG 21/02285 – N° Portalis DBVY-V-B7F-G3IO

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 10 Novembre 2021, RG 2020F00302

Appelant

M. [O] [I]

né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2] – [Localité 4]

Représenté par Me Catherine REY, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Géraldine PALOMARES, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE

Intimée

CRÉDIT AGRICOLE DES SAVOIE, dont le siège social est sis [Adresse 3] – [Localité 5] le vieux prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SCP VISIER PHILIPPE – OLLAGNON DELROISE & ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 12 septembre 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

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EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 11 février 2016, le Crédit agricole des Savoie a consenti à la SARL Mondial Façades, devenue la SARL Artisan les Façades [I], une ouverture de crédit en compte d’un montant de 80 000 euros, d’une durée indéterminée, avec application d’un taux d’intérêt variable.

Cette ouverture de crédit était garantie par l’engagement de caution de M. [O] [I], gérant de la société Artisan les Façaces [I], consenti dans la limite de 104 000 euros pour une durée de 120 mois.

Le 20 juin 2019, M. [I] a cédé l’ensemble des parts sociales qu’il détenait dans la société Artisan les Façaces [I] à M. [F], et a cessé d’en être le gérant.

A cette occasion des échanges ont eu lieu entre M. [I] et le Crédit agricole des Savoie, ce dernier ayant refusé le désengagement du premier en qualité de caution de la société Artisan les Façaces [I].

Par jugement du 26 novembre 2019, le tribunal de commerce de Chambéry a prononcé la liquidation judiciaire du patrimoine de la société Artisan les Façaces [I]

Le Crédit agricole des Savoie a déclaré sa créance au passif de la société Artisan les Façaces [I] pour un montant de 109 932,69 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 07 août 2020, le Crédit agricole des Savoie a prononcé la déchéance du terme à l’égard de M. [I], en sa qualité de caution, et l’a mis en demeure de payer la somme de 104 000 euros en exécution de son engagement.

Cette mise en demeure étant restée sans réponse, par acte délivré le 08 décembre 2020, le Crédit agricole des Savoie a fait assigner M. [I] devant le tribunal de commerce de Chambéry pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 104 000 euros outre intérêts et une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Parallèlement, le Crédit agricole des Savoie a obtenu, sur requête, l’autorisation du président du tribunal de commerce d’inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur les biens appartenant à M. [I], en garantie de sa créance évaluée à 115 000 euros. Cette autorisation a été contestée par M. [I] qui a fait assigner la banque en référé-rétractation, mais, par ordonnance rendue le 07 mai 2021, le juge des référés du tribunal de commerce a rejeté la demande de rétraction de l’ordonnance sur requête.

Au fond, M. [I] s’est opposé à la demande en paiement du Crédit agricole des Savoie en invoquant essentiellement le fait qu’il aurait été déchargé de son engagement de caution lors de la cession de ses parts de la SARL. Subsidiairement, il a invoqué les fautes commises par la banque.

Par jugement contradictoire rendu le 10 novembre 2021, le tribunal de commerce de Chambéry a :

condamné M. [I] à payer en deniers ou quittances valables, au Crédit agricole des Savoie :

– la somme de 104 000 euros (montant du cautionnement garantissant le solde débiteur du compte courant n° 96726875550 de la SARL Mondial Façades, devenue la SARL Artisan les Façades [I], ouvert dans les livres du Crédit agricole des Savoie, support d’une ouverture de crédit du 11 février 2016), outre intérêts au taux légal à compter du 11 août 2020,

– la somme de 500 euros à titre d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– les dépens,

ordonné la capitalisation des intérêts par année entière,

liquidé les frais de greffe,

rejeté toutes autres demandes.

Par déclaration du 23 novembre 2021, M. [I] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées le 17 février 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, M. [I] demande en dernier lieu à la cour de:

déclarer l’appel interjeté recevable et bien fondé,

en conséquence, réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

Vu l’article 2311 du code civil,

constater que la convention de trésorerie a été résiliée,

constater qu’au moment de la résiliation le solde étant créditeur,

en conséquence, constater que la caution s’est éteinte en même temps que l’obligation principale,

débouter le Crédit agricole des Savoie de ses demandes, fins et prétentions,

Subsidiairement, vu l’article 1104 du code civil,

constater que le Crédit agricole des Savoie n’a pas exécuté la convention de trésorerie de bonne foi,

en conséquence, constater que M. [I] est bien fondé à soulever l’exception d’inexécution,

débouter le Crédit agricole des Savoie de l’intégralité de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

constater que le Crédit agricole des Savoie a commis une faute en laissant filer le solde débiteur du compte au montant très précis de la caution de M. [I],

en conséquence, constater que cette faute cause un préjudice à M. [I] à hauteur des condamnations prononcées par le tribunal,

en conséquence, condamner le Crédit agricole des Savoie à la somme de 104 000 euros arrêtée au 14 janvier 2020 outre intérêts au taux contractuel de retard de 3,12 % à compter du 15 janvier 2020, outre capitalisation,

constater la compensation entre condamnations réciproques,

condamner le Crédit agricole des Savoie au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions notifiées le 16 mai 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, le Crédit agricole des Savoie demande en dernier lieu à la cour de:

Vu les dispositions des articles 1103, 1104, 1193 et 2288 du code civil,

dire recevable en la forme et mal fondé l’appel formé par M. [I] à l’encontre du jugement déféré,

confirmer ce jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant, condamner M. [I] à payer au Crédit agricole des Savoie la somme de 3000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [I] à prendre en charge les entiers dépens avec pour ceux d’appel application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Christine Visier-Philippe – Carole Ollagnon-Delroise & associés, avocat.

L’affaire a été clôturée à la date du 28 août 2023 et renvoyée à l’audience du 12 septembre 2023, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 09 novembre 2023.

MOTIFS ET DÉCISION

Sur l’extinction de l’engagement de caution 

M. [I] soutient que son engagement de caution se serait éteint avec la résiliation du crédit renouvelable à la date du 18 juin 2019, et le paiement du solde dû par la société Artisan les Façaces [I] le 19 juin 2018.

Le Crédit agricole des Savoie soutient que les courriers échangés à l’époque ne révèlent pas une intention claire de M. [I] de résilier le contrat au nom de la société.

En application de l’article 2311 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicable au présent litige, l’obligation qui résulte du cautionnement, s’éteint par les mêmes cause que les autres obligations.

Ainsi, le paiement effectué par le débiteur principal est une cause d’extinction du cautionnement, si l’obligation cautionnée est éteinte.

Il appartient à M. [I] de rapporter la preuve de l’extinction de l’obligation principale qu’il allègue.

Il convient tout d’abord de souligner que M. [I] ne prétend plus avoir résilié son engagement de caution. En effet, s’agissant d’un engagement à durée déterminée, sa résiliation unilatérale par la caution n’est pas admise, et une résiliation anticipée ne peut donc intervenir qu’avec l’accord exprès du bénéficiaire de la garantie.

Or en l’espèce les pièces produites démontrent sans contestation possible que le Crédit agricole des Savoie a expressément refusé de décharger M. [I] lorsque celui-ci a cédé ses parts dans la société débitrice.

Le cautionnement consenti par M. [I] ne s’est donc pas éteint par accord des parties.

Le contrat de crédit renouvelable consenti par le Crédit agricole des Savoie à la société Artisan les Façaces [I] ne contient aucune clause prévoyant les conditions dans lesquelles peut intervenir la résiliation par l’emprunteur. Il convient donc de retenir que cette résiliation peut être faite par tout moyen, mais il appartient à celui qui s’en prévaut d’en rapporter la preuve.

Les termes du courrier dont M. [I] soutient qu’il vaudrait résiliation du crédit renouvelable par la société dont il était alors le dirigeant, en date du 18 juin 2019 (pièce n° 3 de l’appelant), sont les suivants :

«[…] l’objet de notre rendez-vous le vendredi 21 juin à 9h00 est de vous faire faire connaissance avec le nouveau gérant qui est un ami, pour information ce soir je vais poser un chèque d’un client d’une fin de chantier pour un montant de 19 866,50 euros, ce qui va remettre le compte positif. Pouvez-vous SVP, dès aujourd’hui faire le nécessaire administrativement afin que je ne soit plus caution personnel sur l’autorisation de découvert de la SARL à la date du jeudi 20 juin à 9h00 et d’autre part pouvez-vous SVP étudier une nouvelle autorisation de découvert sous la responsabilité (caution personnel) du nouveau gérant de la SARL, comme nous l’avions évoqué oralement ensemble il y a quelques mois en arrière d’environ 30 000 euros ce serait à mon sens un bonne équilibre afin que la SARL s’équilibre proprement dans le temps […]»

Ce courrier a été suivi d’un second le 22 juin 2019 (pièce n° 5) par lequel M. [I] demande à la banque : «pouvez-vous SVP me confirmer que je ne suis plus à ce jour caution personnel sur l’autorisation de découvert de la SARL».

Ainsi que l’a justement retenu le tribunal, si ces courriers traduisent la volonté de M. [I] de se désengager de son cautionnement, ils ne suffisent pas à caractériser une résiliation de la convention de crédit souscrite par la société Artisan les Façaces [I], de sorte que le Crédit agricole des Savoie était libre de ne pas accepter la décharge demandée.

Il sera ajouté que le changement de représentant d’une personne morale signé le 26 juin 2019 (pièce n° 4 de l’appelant) ne fait état d’aucune résiliation d’un contrat en cours. Il est donc indifférent de savoir si au jour de la remise du chèque de 19 866,50 euros le compte était redevenu positif, le crédit renouvelable, non résilié, se poursuivant même sans utilisation.

Au demeurant, dès le 28 juin 2020, le compte était à nouveau débiteur de 9 385,07 euros (pièce n° 6 de l’appelant).

Aussi, c’est à juste titre et par des motifs que la cour approuve que le premier juge a jugé que la demande en paiement du Crédit agricole des Savoie était bien fondée.

La créance du Crédit agricole des Savoie a été admise définitivement au passif de la société Artisan les Façaces [I] pour un montant de 109 932,69 euros à titre chirographaire (pièce n° 16 de la banque), l’état des créances ayant été publié le 13 décembre 2020.

M. [I] ne conteste pas le montant de la créance, dont le décompte produit en annexe de la déclaration de créance révèle qu’il correspond pour 102 740,83 euros au solde débiteur du compte courant à la date du 26 novembre 2019, augmenté de l’indemnité contractuelle de 7 %.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a condamné M. [I] à payer au Crédit agricole des Savoie la somme de 104 000 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure reçue le 11 août 2020, avec capitalisation des intérêts par année entière.

Sur la bonne foi contractuelle de la banque 

M. [I] soutient que le Crédit agricole des Savoie n’a pas exécuté la convention de crédit de bonne foi en laissant se creuser le solde débiteur très rapidement et au-delà du maximum convenu de 80 000 euros, dépassement dont il n’a pas été averti.

Le Crédit agricole des Savoie soutient pour sa part n’avoir pas eu connaissance des termes de la cession de parts avant le présent litige, et indique que lors de la signature du changement de gérant le 26 juin 2019, M. [I] se présentait encore comme associé et cogérant, de sorte que la banque n’était pas tenue de lui délivrer d’information particulière puisqu’il avait accès aux comptes de la société Artisan les Façaces [I].

L’article 1104 du code civil dispose que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

En l’espèce M. [I] ne prétend pas que la banque aurait manqué à son devoir d’information de la caution tel qu’il est prévu par les textes puisque, en effet, la déconfiture de la société Artisan les Façaces [I] est intervenue très rapidement après la cession des parts, de sorte que l’information est intervenue à la suite du placement de la société en liquidation judiciaire en novembre 2019.

Quant à une exécution de mauvaise foi du contrat principal, il convient de souligner que le document signé le 26 juin 2019 de changement de représentant de la société Artisan les Façaces [I] présente M. [I] comme associé et gérant, de sorte qu’il n’apparaissait pas comme ayant quitté la société Artisan les Façaces [I].

Par ailleurs, le seul fait que le compte courant ait enregistré un solde débiteur supérieur au montant du crédit autorisé ne suffit pas à caractériser une faute de la banque, que ce soit à l’égard de l’emprunteur ou de la caution. M. [I] ne caractérise pas la faute qu’il reproche à la banque en termes très généraux.

Il se plaint également de n’avoir pas été informé du dépassement du découvert autorisé. Or l’information délivrée à la caution n’est pas tardive, les informations annuelles lui ayant été adressées en leur temps (pièce n° 12 de l’intimé), et la liquidation judiciaire lui ayant été dénoncée (pièces n° 9 et 10 de l’intimé).

Il sera ajouté que l’information annuelle adressée à la caution le 24 janvier 2020 reprend précisément le montant utilisé supérieur au plafond.

Il résulte de ce qui précède que c’est à juste titre que le tribunal a débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts et le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires 

Il serait inéquitable de laisser à la charge du Crédit agricole des Savoie la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [I], qui succombe en son appel, en supportera les entiers dépens avec application des dispositions de l’article 699du code de procédure civile au profit de la SCP Christine Visier-Philippe – Carole Ollagnon-Delroise & associés, avocat.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chambéry le 10 novembre 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [O] [I] à payer au Crédit agricole des Savoie la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en appel,

Condamne M. [O] [I] aux entiers dépens de l’appel, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de SCP Christine Visier-Philippe – Carole Ollagnon-Delroise & associés, avocat.

Ainsi prononcé publiquement le 09 novembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente

 


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