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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-3
ARRÊT AU FOND
DU 08 SEPTEMBRE 2023
N°2023/ 136
RG 19/08279
N° Portalis DBVB-V-B7D-BEJ5I
Société OLYMPIQUE DE [Localité 5]
C/
[T] [C]
Copie exécutoire délivrée
le 08 Septembre 2023 à :
-Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE
– Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
V311
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARSEILLE en date du 25 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/02363.
APPELANTE
Société OLYMPIQUE DE [Localité 5], demeurant Centre d’Entraînement [6], – [Adresse 2] – [Localité 5]
représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Frédéric AKNIN et Me Audrey BELMONT, avocats au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [T] [C], demeurant [Adresse 3] – [Localité 1]
représenté par Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Khalid OUADI, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d’une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 8 Septembre 2023.
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2023.
Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * * * * *
FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES
Après avoir été joueur de football professionnel pour le club de l’Olympique de [Localité 5] (O.M.), M. [T] [C] a exercé à compter de juillet 1997 diverses fonctions salariées au sein de l’association devenue société anonyme, en qualité d’entraîneur, conseiller technique puis directeur de la formation sportive, avant d’intégrer celles de directeur sportif à compter du 1er juillet 2009, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, fixant sa rémunération mensuelle brute selon avenant du 7 juillet 2011 à 70 000 euros, assortie d’une clause de garantie d’un montant équivalent à trois années de salaire.
A compter du du 1er juillet 2014, selon contrat à durée déterminée de six années conclu le 29 avril 2014 après signature d’un protocole d’accord transactionnel, le salarié s’est vu confier les fonctions de directeur du développement international de la cellule recrutement sportif, et muté à [Localité 4] (Maroc).
Ce contrat prévoyait que M.[C] aurait le statut de cadre dirigeant, et bénéficierait en sus d’avantages sociaux et financiers divers, d’une rémunération mensuelle brute de 70 000 euros, et d’une indemnité contractuelle de résiliation anticipée.
La relation entre les parties était régie par la convention collective nationale des personnels administratifs et assimilés du football.
Par courrier du 20 juillet 2016, la société convoquait M.[C] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à la rupture, fixé au 1er août et reporté à la demande du salarié au 8 août suivant.
Par lettre recommandée du 24 août 2016, la société notifiait à M.[C] la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute grave, invoquant les griefs suivants :
– un manquement au devoir de loyauté en n’informant pas son employeur de sa convocation en vue d’une éventuelle mise en examen pour des faits d’abus de biens sociaux au préjudice de la société, de la mise en examen pour ces faits et du contrôle judiciaire ordonné, ses modalités étant incompatibles avec l’exécution effective de ses missions,
– un manque de transparence et de loyauté, eu égard aux éléments révélés notamment par les écoutes téléphoniques et l’arrêt de la chambre de l’instruction du 29 juin 2016,
– la non exécution de ses missions contractuelles,
– une infraction à l’article 6-3 du règlement intérieur, pour avoir communiqué avec la presse sur le fonctionnement interne de l’entreprise lors d’émissions de télévision,
– le non respect des procédures en matière de remboursement de frais professionnels.
Le 4 octobre 2016, M.[C] saisissait le conseil de prud’hommes de Marseille aux fins notamment de voir déclarer la rupture abusive et en paiement d’indemnités.
Selon jugement du 25 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Marseille en sa formation de départage, a statué comme suit :
Dit que la rupture anticipée à effet au 24 août 2016 du contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties le 1er juillet 2014 est justifiée par la faute grave commise par [T] [C],
Déboute en conséquence [T] [C] de ses demandes salariales et indemnitaires subséquentes formées sur le fondement des articles L 1243-4 (dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu’au terme du contrat) et L 1243-8 (indemnité de fin de contrat à durée déterminée) du code du travail ainsi que sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
Déclare la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] irrecevable à invoquer contre [T] [C], la nullité absolue de l’article 14 inséré dans le contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties le 1er juillet 2014 faute d’intérêt à agir ;
Dit que l’article 14 inséré dans le contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties le 1er juillet 2014 ne présente pas les caractéristiques d’une clause pénale ;
Condamne la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] à verser à [T] [C] la somme brute de 3.231.600 € au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation résultant de l’article 14 inséré dans le contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties le 1er juillet 2014 ;
Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2016 et ce, jusqu’à parfait paiement,
Ordonne à la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] à remettre à [T] [C] un bulletin de salaire récapitulatif comprenant l’indemnité contractuelle de résiliation conforme à la présente décision ;
Dit n’y avoir lieu d’adjoindre à cette obligation de faire une astreinte ;
Déboute la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] de ses demandes de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de confidentialité et pour procédure abusive ;
Condamne la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] à verser à [T] [C] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] aux entiers dépens de la présente procédure;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le conseil de la société a interjeté appel par déclaration du 21 mai 2019, puis le conseil de M.[C] le 24 mai 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 10 mai 2022, la société demande à la cour de :
« Confirmer le jugement en ce qu’il a :
– DEBOUTE Monsieur [T] [C] de ses demandes formées sur le fondement des articles L1243-4 (dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu’au terme du contrat) et L1243-8 (indemnité de fin de contrat) du Code du travail,
– DEBOUTE Monsieur [T] [C] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Infirmer le jugement pour le surplus, en ce qu’il a :
– CONDAMNE la Société OLYMPIQUE DE [Localité 5] à verser à Monsieur [T] [C] la somme brute de 3.231 600 euros au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation résultant de l’article 14 inséré dans le contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties le 1er juillet 2014
– DIT que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2016, et ce jusqu’à parfait paiement.
– ORDONNE à la Société OLYMPIQUE DE [Localité 5] de remettre à Monsieur [T] [C] un bulletin de salaire comprenant l’indemnité contractuelle de résiliation conforme à la décision rendue, – DEBOUTE la Société OLYMPIQUE DE [Localité 5] de ses demandes de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de confidentialité et pour procédure abusive ;
– CONDAMNE la Société OLYMPIQUE DE [Localité 5] aux entiers dépens et à verser la somme de 1.500€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
En tout état de cause :
CONDAMNER, à titre reconventionnel, Monsieur [T] [C] à verser à la Société OLYMPIQUE DE [Localité 5] la somme de 1.000.000 € à titre de dommages-intérêts, et ce,
en réparation du préjudice moral subi du fait de la violation de la transaction et plus précisément
de l’article 5 de la transaction en date du 29.04.2014
CONDAMNER Monsieur [T] [C], à verser à la Société OLYMPIQUE DE [Localité 5] la somme de 15.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile».
Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 16 mars 2023, M.[C] demande à la cour de :
«CONFIRMER PARTIELLEMENT le jugement entrepris rendu, le 25 avril 2019 (n°RG : 16/02363) par le Conseil de Prud’hommes de Marseille ;
Et notamment de :
CONFIRMER le jugement entrepris rendu, le 25 avril 2019 (n° RG : 16/02363) par le Conseil de Prud’hommes de Marseille en ce qu’il a déclaré la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] irrecevable à invoquer contre Monsieur [T] [C] la nullité absolue de l’article 14 inséré dans le contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties le 1er juillet 2014 faute d’intérêt à agir ;
CONFIRMER le jugement entrepris rendu, le 25 avril 2019 (n° RG : 16/02363) par le Conseil de Prud’hommes de Marseille en ce qu’il a dit que l’article 14 inséré dans le contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties le 1er juillet 2014 ne présente pas les caractéristiques d’une clause pénale ;
CONFIRMER le jugement entrepris rendu, le 25 avril 2019 (n° RG : 16/02363) par le Conseil de Prud’hommes de Marseille en ce qu’il a condamné la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] à verser à Monsieur [T] [C] la somme de 3.231.600 €, avec intérêt au taux légal à compter du 10 octobre 2016 (date de réception de la convocation à l’audience de conciliation du Conseil de Prud’hommes de Marseille), à titre d’indemnité contractuelle de résiliation prévue par les dispositions de l’article 14 du contrat de travail conclu le 29 avril 2014, et ce jusqu’a parfait paiement ;
CONFIRMER le jugement entrepris rendu, le 25 avril 2019 (n° RG : 16/02363) par le Conseil de Prud’hommes de Marseille en ce qu’il a ordonné à la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] de remettre à Monsieur [T] [C] un bulletin de salaire récapitulatif comprenant l’indemnité contractuelle de résiliation conforme au jugement de premiére instance dont appel ;
CONFIRMER le jugement entrepris rendu, le 25 avril 2019 (n° RG : 16/02363) par le Conseil de Prud’hommes de Marseille en ce qu’il a débouté la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] de ses demandes de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de confidentialité et pour procédure abusive ;
CONFIRMER le jugement entrepris rendu, le 25 avril 2019 (n° RG : 16/02363) par le Conseil de Prud’hommes de Marseille en ce qu’il a condamné la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] à verser à Monsieur [T] [C] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile avec intérêt au taux légal à compter du 10 octobre 2016 (date de réception de la convocation à l’audience de conciliation du Conseil de Prud’hommes de Marseille),
INFIRMER pour le surplus ;
Statuant à nouveau :
JUGER que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [T] [C] ne repose sur aucune faute grave et que partant cette rupture anticipée est injustifiée et abusive ;
CONDAMNER la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] à verser à Monsieur [T] [C] la somme de 3.231 .600 €, avec intérêt au taux légal à compter du 10 octobre 2016 (date de réception de la convocation à l’audience de conciliation du Conseil de Prud’hommes de Marseille), à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail, correspondant aux salaires restants dus jusqu’à la fin du contrat de travail (à savoir du 26 aout 2016 au 30 juin 2020) conformément aux dispositions de l’article L.1243-4 du Code du Travail;
CONDAMNER la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] à verser à Monsieur [T] [C] la somme de 512.724 €, avec intérêt au taux légal à compter du 10 octobre 2016 (date de réception de la convocation à l’audience de conciliation du Conseil de Prud’hommes de Marseille), à titre d’indemnité de fin de contrat conformément aux dispositions de l’article L.1243-8 du Code du Travail ;
CONDAMNER la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] à verser à Monsieur [T] [C] la somme de 1.000.000 €, avec intérêt au taux légal à compter du 10 octobre 2016 (date de réception de la convocation à l’audience de conciliation du Conseil de Prud’hommes de Marseille), à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
CONDAMNER la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] à remettre à Monsieur [T] [C], sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la date de l’arrêt à intervenir, les documents de rupture rectifiés ;
En tout état de cause,
ORDONNER l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir nonobstant pourvoi en cassation, opposition et sans constitution de garantie ;
CONDAMNER la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] à payer à Monsieur [T] [C] la somme de 15.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile avec intérêt au taux légal à compter du 10 octobre 2016 (date de réception de la convocation à l’audience de conciliation du Conseil de Prud’hommes de Marseille),
CONDAMNER la SASP OLYMPIQUE DE [Localité 5] aux entiers dépens de la présente instance.»
Pour l’exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE L’ARRÊT
A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
A cet égard, le développement fait par le conseil du salarié pages 19 à 21 de ses écritures quant à l’irrecevabilité d’une demande de sursis à statuer précédemment formulée par la société et qu’il déclare lui même abandonnée par la société, n’étant pas une demande reprise au dispositif, était inutile et sans objet.
Sur la rupture du contrat à durée déterminée
Le salarié considère que la motivation de la décision dont appel révèle une grave méconnaissance du sens et de la portée de la notion de délai restreint, de continuité de travail, en tous cas contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation, reprochant au juge départiteur d’avoir ajouté une condition du lieu d’exécution non conforme au contrat de travail.
De façon subsidiaire, il estime qu’aucun des griefs n’est fondé.
1- sur le déroulement de la procédure
Le juge départiteur a, par des motifs que la cour adopte, fait ressortir que le délai de sept jours dont un jour férié, pris pour engager la procédure disciplinaire était un délai restreint.
La cour ajoute que le simple communiqué fait à la presse par l’avocat du salarié et publié le 13 juillet 2016, élément déclencheur ne permettait pas à lui seul d’avoir une connaissance suffisante des faits et de leur gravité et méritait des vérifications complémentaires, étant précisé en outre que la société démontre par sa pièce n°6 qu’elle opérait dans le même temps une refonte de ses statuts et de son conseil de gouvernance.
Ainsi que l’a rappelé la décision entreprise, aucun texte n’impose le préalable du recours à une mesure de mise à pied à titre conservatoire en cas de rupture pour faute grave.
Il ne saurait être reproché utilement à l’employeur d’avoir accédé à la demande de M.[C] de report de 3 jours de l’entretien préalable et la société démontre par le dépôt le 3 août 2017 du rapport d’audit portant sur les frais qu’elle n’a eu une pleine connaissance de ces indications qu’à cette date et dès lors du manquement reproché au salarié sur ce point.
Au regard de ces éléments, compte tenu des conditions d’exercice de M.[C] et des circonstances particulières liées au contrôle judiciaire, le maintien en activité du salarié pendant un délai d’un mois entre la convocation à l’entretien préalable et la lettre de rupture n’était pas incompatible avec l’allégation d’une faute grave, étant précisé qu’il s’est écoulé seulement 20 jours entre cet entretien et la notification du licenciement, le tout dans le respect des articles L.1332-2 et L.1332-4 du code du travail .
2- sur les motifs de la rupture
Concernant le premier grief retenu à titre principal comme justifiant le licenciement pour faute grave, M.[C] fait valoir une erreur d’appréciation manifeste et une grave méconnaissance de la procédure pénale de la part du juge départiteur, précisant que la déclaration faite par voie de presse de son conseil le lendemain de sa mise en examen est au contraire révélatrice de sa loyauté et invoquant le fait que le juge d’instruction ne lui a pas interdit de poursuivre son activité professionnelle aménageant la remise des rapports bimestriels et qu’il n’y avait aucune répercussion sur ses fonctions.
La société considère que la dissimulation par M.[C] de sa convocation puis des conditions du contrôle judiciaire alors que celles-ci sont en rapport avec ses activités professionnelles, et de nature à avoir une incidence sur l’exercice de celles-ci, constitue une faute très grave de la part d’un cadre dirigeant qui doit avoir un comportement exemplaire, rappelant que le sort ultérieur de la procédure pénale est sans influence.
C’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le juge départiteur a dit le manquement établi et suffisamment grave pour légitimer le licenciement pour faute grave.
La cour ajoute que contrairement aux allégations du salarié, le motif est précis comme étant un manquement à la loyauté déterminant puisque, de l’aveu même de M.[C], alors qu’il avait fini son congé estival sur [Localité 5] le 10 juillet au soir, il n’a pas repris son travail et s’est rendu à une convocation du juge d’instruction le 12 juillet, précisant qu’il n’avait pas reçu la précédente prévue pour le 14 juin 2016, alors qu’il ne pouvait ignorer – ne serait-ce que par son conseil – que cette convocation était relative à des faits concernant une enquête menée sur des transferts douteux du club marseillais entre 2009 et 2012, il n’a pas informé son employeur notamment en la personne du directeur des ressources humaines, de cette audition mais également, dès le 12 juillet par tout moyen rapide, non seulement de sa mise en examen mais aussi du contrôle judiciaire concomitant, le laissant découvrir le lendemain un communiqué de presse de son avocat très laconique et exempt de toute précision.
Cette abstention fautive constitue bien une dissimulation volontaire de la part du salarié alors d’une part que la qualification des faits à ce stade de la procédure – complicité et recel d’abus de biens sociaux en bande organisée – était de nature criminelle et surtout d’autre part, que tout contact de quelque nature que ce soit avec 29 personnes lui était interdit parmi lesquelles M. [O] [F], PDG et M. [Z] [S], directeur général délégué, tous deux en poste en juillet 2016 contrairement aux assertions de M.[C] lors de son entretien préalable.
Relevant à juste titre le caractère stratégique des fonctions de M.[C], comme recruteur à l’international, le juge départiteur a mis en évidence le fait que les interdictions et obligations visées au contrôle judiciaire avaient une incidence directe sur l’exercice de ses missions.
La cour ajoute que le salarié n’a communiqué que dans le cadre de la procédure prud’homale l’étendue des obligations auxquelles il était soumis au titre du contrôle judiciaire, marquant ainsi son manque de loyauté envers son employeur .
En effet, il résulte de la lettre de rupture que lors de l’entretien préalable, le salarié a été peu clair sur ce point – alors qu’il ne s’agissait pas du fond de l’affaire pénale – et il est patent que les fonctions de M.[C] ne pouvaient qu’être affectées dans leur bon exercice concernant notamment la sélection des joueurs, sa contribution à la définition sportive du club professionnel et du centre de formation, le tout dans un contexte de changement de direction impliquant des entrevues nécessaires, comme l’indique la lettre de rupture.
Dès lors, sans nécessité d’examiner les autres griefs, la cour dit que c’est sans enfreindre la présomption d’innocence qui n’est pas en cause dans le motif principal reproché au salarié que la société a justifié de sa décision d’une rupture anticipée du contrat à durée déterminée la liant à M.[C], le caractère de gravité du manquement de l’intéressé à ses obligations professionnelles étant tel pour le niveau de responsabilité d’un cadre dirigeant, qu’il nécessitait l’éviction du salarié, sans indemnité de préavis.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a imputé à M.[C] la responsabilité de la rupture anticipée du contrat de travail et l’a dès lors débouté de ses demandes faites en application des articles L.1243-4 & L.1243-8 du code du travail, de sa demande au titre d’un préjudice moral n’ayant fait l’objet devant la cour d’aucun développement dans le cadre de la discussion, et de celle visant à la délivrance des documents de rupture rectifiés.
Sur l’indemnité contractuelle de résiliation
Aux termes de l’article 14 du contrat de travail signé le 29 avril 2014 à effet du 1er juillet 2014, il était prévu sous la rubrique éponyme :
« En cas de rupture unilatérale du présent contrat par Ie Club, la société octroie une garantie irrévocable à Monsieur [T] [C], destinée à couvrir tous les cas où sa situation dans l’entreprise serait remise en cause, directement ou indirectement (tel le cas d’un transfert du contrôle de la société du fait de l’employeur). En pareille hypothèse, il bénéficiera de plein droit et à compter du jour de la rupture unilatérale par le Club de son contrat pour quelque cause que ce soit, d’une indemnité d’un montant brut éguivalent aux sommes brutes restant dues à compter de cette date jusqu’au terme de sa mission.
En cas de rupture du présent contrat à l’initiative de Monsieur [T] [C] pendant la période de 6 années objet du présent contrat, et dans l’hypothèse où la rémunération consentie par un nouvel employeur à Monsieur [T] [C] serait inférieure à Ia somme de 70. 000 € brute mensuelle, la société s’engage irrévocablement et par anticipation à compenser le différentiel de rémunération pendant une durée maximale de 36 mois prenant effet au cours dela période maximale de 6 années prévue au présent contrat».
1- sur la demande en nullité de la clause
La société soutient au principal que cette clause est illicite et réputée non écrite:
– pour absence de cause,
– en raison de sa nature purement potestative,
– comme privant de substance l’obligation essentielle du salarié,
– du fait de l’imputabilité de la rupture.
En réponse, M.[C] indique que cette clause ne peut être assimilée et encore moins interprétée comme une clause autorisant une résiliation anticipée ou comme une clause résolutoire mais ne fait qu’instituer une indemnité contractuelle en cas de rupture anticipée, indépendante des indemnités légales.
Il reprend les termes de la décision déférée, pour dire l’argumentation relative à la nullité soulevée par la société, inopérante.
A l’instar du juge départiteur, la cour relève d’une part qu’une clause similaire existait dans le précédent contrat de travail à durée indéterminée de 2009 et d’autre part, que la clause litigieuse figurait au titre de l’énoncé des concessions du protocole transactionnel signé le même jour que le contrat à durée déterminée soit le 29 avril 2014, de sorte que la société tente de remettre en cause la validité de cette clause qui fait la loi des parties et cet acte, alors qu’elle n’est pas contraire à l’ordre public.
Précisément, la clause trouve sa cause dans la volonté éclairée de la société de procurer à son salarié un avantage en cas de rupture émanant de l’une ou de l’autre des parties, sans exclure les cas de faute grave ou lourde de la part du salarié.
Cette clause indépendante du salaire, contrepartie de la fourniture d’un travail, n’est pas soumise à la seule volonté du salarié et n’a pas pour effet de priver l’employeur de son droit de rompre le contrat de travail.
Par ailleurs, la société ne peut se prévaloir utilement du fait que M. [S] n’aurait pas eu les pouvoirs nécessaires pour signer des contrats prévoyant des clauses d’indemnisation supérieures à 100 000 euros, alors que seul le salarié pourrait invoquer une telle irrégularité.
En conséquence, c’est à juste titre que le juge départiteur a écarté les moyens de nullité soulevés par la société pour défaut d’intérêt à agir.
2- sur la nature de la clause
Il convient d’approuver la décision dans sa motivation du rejet du moyen émanant de l’employeur visant à dire que la clause avait la nature d’une clause pénale et pouvait être réduite par le juge.
En effet, la clause ne visait pas la réparation forfaitaire d’un manquement à l’exécution contractuelle ou un préjudice résultant uniquement de la cessation de la relation de travail puisqu’elle prévoyait le versement d’une indemnité, dans tous les cas où la situation du salarié serait remise en cause par une décision unilatérale de la société, ce qui est le cas en l’espèce, en dépit du bien fondé reconnu de la rupture.
La cour ajoute que même si son montant est élevé, il ne rendait pas impossible la rupture par l’employeur et le salarié établit notamment par le protocole transactionnel du 29 avril 2014, signé le même jour que le contrat de travail, que cette clause était destinée à la compensation de sa renonciation à certains droits notamment de contestation de la fin de son contrat de travail à durée indéterminée précédent, de sorte que la demande de réduction de son montant ne peut qu’être rejetée.
En conséquence, la cour confirme la décision en ce qu’elle a fixé le montant de l’indemnité à la somme prévue au contrat.
Cette créance indemnitaire étant la stricte application de la convention, le salarié par sa demande de convocation devant le bureau de conciliation, équivalente à une mise en demeure adressée à l’employeur, est en droit d’obtenir les intérêts au taux légal à compter de cette date soit le 10 octobre 2016, comme l’a justement dit le premier juge.
Sur la demande reconventionnelle
C’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le juge départiteur a débouté la société de ses demandes à titre de dommages et intérêts portant tant sur la procédure abusive que sur la violation de la clause de confidentialité visée au protocole transactionnel.
La cour ajoute sur ce dernier point que la société ne justifie d’aucun préjudice moral, alors qu’il était indispensable pour M.[C] de produire en justice le document concerné afin de démontrer que la clause relative à l’indemnité contractuelle de résiliation qui était en litige, résultait d’une concession du salarié et était donc destinée à compenser un sacrifice notamment quant à la perte d’un contrat de travail à durée indéterminée et des avantages légaux et conventionnels attachés, et donc l’absence d’exécution de la clause du contrat de travail également prévue dans ce protocole.
Sur les frais et dépens
La société succombant même partiellement doit s’acquitter des dépens d’appel, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à ce titre, payer à M.[C] la somme supplémentaire de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Olympique de [Localité 5] à payer à M. [T] [C] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 500 euros
Condamne la société Olympique de [Localité 5] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT