Rupture anticipée : 8 novembre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/03799

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Rupture anticipée : 8 novembre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/03799
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MINUTE N° 497/23

Copie exécutoire à

– Me Thierry CAHN

– Me Orlane AUER

Le 08.11.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 08 Novembre 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/03799 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HVCS

Décision déférée à la Cour : 25 Mai 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG – 1ère chambre civile

APPELANTE – INTIMEE INCIDEMMENT :

S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

INTIME – APPELANT INCIDEMMENT :

Monsieur [F] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Orlane AUER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Septembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. WALGENWITZ, Président de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant convention régularisée en date du 3 mai 2017, la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE (ci-après : ‘BPALC’) a consenti à M. [F] [U] l’ouverture d’un compte de dépôt n°31919550181 dans ses livres.

Au cours du mois de février 2016, M. [F] [U] a déposé sur son compte de dépôt un chèque d’un montant de 20 000 €, puis a opéré un virement d’un montant de 10 000 € au profit de M. [D] [V].

Le 26 février 2019, la BPALC a informé M. [F] [U] que le chèque remis à l’encaissement avait été déclaré volé ou perdu de sorte qu’elle était contrainte d’opérer une contre-passation.

En conséquence, le compte de M. [F] [U] a présenté un solde débiteur et ce dernier a déposé plainte, dès le 28 février 2019, pour des faits d’escroquerie.

Le 29 mars 2019, la BPALC a informé M. [F] [U] de la dénonciation de l’autorisation de découvert en compte et lui a indiqué, qu’à partir du 29 mai 2019, le compte devrait fonctionner sur une base exclusivement créditrice.

Le 7 août 2019, la Banque a informé M. [F] [U] que son compte présentait un solde débiteur à hauteur de 9.727,57 € et l’a enjoint de régler ce solde dans les meilleurs délais.

Le 19 août 2019, la Banque a adressé un courrier recommandé avec accusé de réception à M. [F] [U], aux termes duquel elle prononçait la clôture du compte, avec sommation d’avoir à rembourser les sommes dues, à savoir la somme de 10.003,03 € outre intérêts.

Par acte d’huissier du 17 février 2020, la BPALC a fait attraire M. [F] [U] devant le Tribunal Judiciaire de Strasbourg aux fins de solliciter le recouvrement des sommes dues.

Par un jugement en date du 25 mai 2021, le Tribunal judiciaire de STRASBOURG a :

– Condamné M. [F] [U] à payer à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE une somme de 10.003,03 € augmentée des intérêts au taux conventionnel de 6,08 % l’an à compter du 25 janvier 2020, au titre du solde débiteur de son compte de dépôt.

– Débouté M. [F] [U] de sa demande tendant à voir déclarer abusif l’article 10.3.2 des conditions générales de la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE.

– Dit que la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE n’a pas respecté le délai de préavis de 2 mois avant de procéder à la clôture du compte de M. [F] [U].

– Dit qu’il n’est justifié d’aucun préjudice en lien avec cette faute.

– Dit que la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE a engagé sa responsabilité à l’égard de M. [F] [U], en manquant à son devoir de prudence et de vigilance.

– Condamné la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE à payer à M. [F] [U], à titre de dommages et intérêts, une somme de 10.003,03 € portant intérêts au taux légal à compter de ce jour.

– Dit que les sommes respectivement dues par les parties se compenseront jusqu’à due concurrence.

– Débouté en conséquence M. [F] [U] de sa demande tendant à l’octroi de délais de paiement.

– Débouté la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité au titre des frais irrépétibles.

– Condamné la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi relative à l’aide juridique.

– Rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Aux motifs que, sur le devoir de vigilance, de prudence et de conseil, tout établissement bancaire qui se voit remettre un chèque doit s’assurer de l’absence d’anomalies matérielles apparentes et d’anomalies intellectuelles constituées par des éléments pouvant faire suspecter des opérations illicites et qu’au cas d’espèce, le compte bancaire de M. [F] [U] n’avait, jusqu’à la date des faits, jamais connu de mouvements portant sur de telles sommes ; que cette circonstance ajoutée au fait que la remise du chèque et le virement ultérieur sont intervenus dans un délai extrêmement court aurait dû conduire la banque à faire preuve de prudence et à ne permettre la seconde opération qu’après vérification de la régularité de la première et notamment de l’existence de la provision du chèque déposé ; qu’ainsi la banque s’est rendue coupable d’une faute qui a causé à son client un préjudice méritant réparation à hauteur du montant qu’elle réclame.

Sur le respect du délai de préavis, que la BPALC n’a pas respecté le délai de 2 mois lui étant imposé par le code des marchés financiers et les stipulations contractuelles ; que toutefois, ce non-respect du délai de préavis ne cause aucun préjudice à M. [F] [U], de sorte que la responsabilité de la banque ne peut être engagée à ce titre.

Sur les délais de paiement, qu’au regard de la compensation opérée, il n’y a pas lieu d’en octroyer.

Par une déclaration faite au greffe en date du 10 août 2021, la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE a interjeté appel de cette décision.

Par une déclaration faite au greffe en date du 28 septembre 2021, M. [F] [U] s’est constitué partie intimée dans la présente affaire.

Dans ses dernières conclusions en date du 25 avril 2022, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles a été joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE demande à la cour de :

– RECEVOIR l’appel et le dire bien fondé ;

– REJETER l’intégralité des demandes, fins et conclusions de M. [F] [U] ;

– REJETER l’appel incident et le dire mal fondé ;

– INFIRMER le jugement en ce qu’il a dit que la BPALC avait manqué à son devoir de prudence et de vigilance et l’a condamné d’avoir à payer la somme de 10.003,03 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par M. [F] [U] ;

– INFIRMER le jugement en ce qu’il a dit que la BPALC n’avait pas respecté le délai de 2 mois prévu pour la procédure de clôture d’un compte ;

– INFIRMER le jugement en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de condamnation de M. [F] [U] aux frais et dépens ainsi qu’à la somme de 800 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau :

– DECLARER que la BPALC n’a pas manqué à son devoir de prudence et de vigilance, de sorte qu’en l’absence de faute, celle-ci ne puisse être condamnée à verser une quelconque indemnité ;

– CONSTATER que la BPALC a respecté le délai de 2 mois prévu pour la clôture d’un compte ;

– CONFIRMER le jugement pour le surplus ;

A titre subsidiaire ;

– ORDONNER la réduction des dommages et intérêts alloués à M. [F] [U] à une somme qui ne saurait excéder 3.500 €, et à défaut telle réduction qu’il plaira à la Cour de retenir ;

– CONFIRMER le jugement en ce qu’il a considéré que le non-respect du délai de 2 mois par la Banque n’a engendré aucun préjudice à M. [F] [U], de sorte que sa responsabilité ne puisse être engagée à ce titre ;

En tout état de cause :

– CONDAMNER M. [F] [U] aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel ;

– CONDAMNER M. [F] [U] d’avoir à payer la somme globale de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, à savoir 800 € pour la procédure de première instance et 1.200 € pour la procédure d’appel ;

Au soutien de ses prétentions, la BPALC fait valoir que le banquier a une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client et estime qu’en l’espèce il n’y avait pas d’anomalies apparentes qu’elle aurait dû relever.

Sur le respect du délai de préavis, la BPALC énonce qu’au regard de l’article 10.3.2 de ses conditions générales de convention de compte, elle pouvait résilier sans préavis la convention de compte de M. [F] [U] pour un comportement gravement répréhensible du client, notamment par l’abus d’utilisation de l’autorisation de découvert.

Sur les délais de paiement, la BPALC considère que l’octroi d’un délai de paiement ne ferait qu’alourdir la dette de M. [F] [U] par l’ajout d’intérêts et que cela fait maintenant plus de 24 mois que la dette de M. [F] [U] est exigible.

Dans ses dernières conclusions en date du 7 septembre 2022, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles a été joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, M. [F] [U] demande à la cour de :

Sur l’appel principal,

– DÉCLARER l’appel principal de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne irrecevable ou à tout le moins mal fondé ;

– CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

– CONDAMNÉ M. [F] [U] à payer à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE une somme de 10.003,03 € augmentée des intérêts au taux conventionnel de 6,08 % l’an à compter du 25 janvier 2020, au titre du solde débiteur de son compte de dépôt.

– DIT que la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE n’a pas respecté le délai de préavis de 2 mois avant de procéder à la clôture du compte de M. [F] [U].

– DIT que la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE a engagé sa responsabilité à l’égard de M. [F] [U] en manquant à son devoir de prudence et de vigilance.

– CONDAMNÉ la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE à payer à M. [F] [U], à titre de dommages-intérêts, une somme de 10.003,03 € portant intérêts au taux légal à compter de ce jour.

– DIT que les sommes respectivement dues par les parties se compenseront jusqu’à due concurrence.

– DÉBOUTÉ la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité au titre des frais irrépétibles.

– CONDAMNÉ la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi relative à l’aide juridique.

– RAPPELÉ que la présente décision est de droit exécutoire par provision

– DEBOUTER la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

Sur l’appel incident,

– DÉCLARER l’appel incident de Monsieur [U] recevable et bien fondé ;

– INFIRMER le jugement entrepris ;

Et statuant à nouveau,

– CONSTATER le caractère abusif de l’article 10.3.2 des conditions générales de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ;

– DIRE ET JUGER que les fautes commises par la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ont causé un préjudice à M. [F] [U] ;

Par conséquent :

– CONDAMNER la Banque Populaire Alsace Lorraine à verser une somme de 3.500 € de dommages et intérêts au profit de M. [F] [U] au titre du non-respect du délai de préavis de deux mois ;

– ACCORDER à M. [F] [U], en cas de condamnation à son encontre, des délais de grâce d’une durée de 24 mois ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les sommes correspondantes aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit égal au taux légal ;

– CONFIRMER la décision entreprise pour le surplus ;

– CONDAMNER la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à verser à M. [F] [U] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– CONDAMNER la Banque Populaire aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de ses prétentions, sur la responsabilité de la Banque, M. [F] [U] affirme que la BPALC n’a pas respecté son devoir de vigilance et de prudence en autorisant le virement de 10.000 € sans vérifier si le chèque déposé d’un montant de 20.000 € était valide et provisionné.

M. [F] [U] estime également que la BPALC a contrevenu à son obligation d’information et à l’article 11 de la convention de compte de dépôt les unissant. Il considère en effet que la nature de l’opération, mais surtout son montant, lui confèrent un caractère exceptionnel au sens de l’article 11 précité, de sorte que la banque était tenue de s’informer et de l’alerter des risques qu’il pourrait encourir en réalisant ce virement. M. [F] [U] soutient que la banque est tenue d’apprécier la normalité des opérations au regard des habitudes du client et des caractéristiques de son compte. Il ajoute que le devoir de non-immixtion de la banque disparaît face à une anomalie.

Sur la méconnaissance du délai de préavis avant réalisation, M. [F] [U] invoque les dispositions du CMF ainsi que l’article 10 de la convention de son compte bancaire, pour faire valoir devant la Cour que la BPALC devait respecter un délai de préavis de 2 mois avant de pouvoir résilier la convention de compte. Il ajoute que la clause permettant à la banque de résilier la convention de compte sans tenir compte de ce délai, est abusive.

Sur la demande de délais de paiement, M. [F] [U] explique ne pas être en mesure de débourser la somme qui lui est demandée par la BPALC ne disposant que d’un salaire d’apprenti d’environ 650 € par mois.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à leurs écritures.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 21 décembre 2022 et l’affaire renvoyée à l’audience de plaidoirie du 18 janvier 2023. A cette date, elle a fait l’objet d’un renvoi à l’audience du 11 septembre 2023 à laquelle l’affaire a été retenue.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire,

En application de l’article 768 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Or, ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir ‘constater’ ou ‘dire et juger’ en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d’emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n’y répondra qu’à la condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs.

Par ailleurs, la Cour relève que la condamnation de M. [F] [U], à payer à la BPALC la somme de 10 003,03 € augmentée des intérêts au taux conventionnel de 6,08 % l’an à compter du 25 janvier 2020, au titre du solde débiteur de son compte de dépôt, n’a pas fait l’objet d’un appel.

Sur la responsabilité de la banque :

L’article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Sur le devoir de vigilance de la banque :

Sauf disposition légale contraire, la banque est tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, quelle que soit la qualité de celui-ci, et n’a pas à procéder à de quelconques investigations sur l’origine et l’importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l’interroger sur l’existence de mouvements de grande ampleur, dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu’aucun indice de falsification ne peut être décelé (Com., 25 sept. 2019, no 18-15.965, 18-16.421).

Ainsi, le prestataire de services de paiement, tenu d’un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client, n’a pas, en principe, à s’ingérer, à effectuer des recherches ou à réclamer des justifications des demandes de paiement régulièrement faites aux fins de s’assurer que les opérations sollicitées ne sont pas périlleuses pour le client ou des tiers.

Ce devoir de non-ingérence trouve une limite dans l’obligation de vigilance de l’établissement de crédit prestataire de services de paiement, à la condition que l’opération recèle une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, soit des documents qui lui sont fournis, soit de la nature elle-même de l’opération ou encore du fonctionnement du compte.

En l’espèce, M. [F] [U] est un jeune homme qui est domicilié chez ses parents et qui est en apprentissage. A ce titre, il perçoit une rémunération mensuelle d’environ 650 €.

Depuis son ouverture le 3 mai 2017, le compte de M. [F] [U] n’a jamais connu de versements importants au crédit. Ainsi, le juge de première instance a pu relever que le compte bancaire de M. [F] [U] n’avait, jusqu’à la date des faits, jamais connu de mouvements portant sur de telles sommes, ses revenus professionnels s’élevant à 650 €.

Dès lors, la perception d’un chèque de 20 000 € constituait en elle-même une anomalie au regard du fonctionnement usuel du compte de dépôt. Cette anomalie est renforcée par le virement opéré très peu de temps après le dépôt du chèque litigieux alors que ce dernier n’était pas encore provisionné.

Ces anomalies ne pouvaient échapper à un banquier normalement vigilant. Le manquement de la BPALC à son devoir général de vigilance est caractérisé.

Ce manquement est à l’origine du solde débiteur du compte de dépôt de M. [F] [U].

C’est toutefois à bon droit que la BPALC argue de la grave négligence de M. [F] [U], qui a encaissé un chèque d’un montant de 20 000 € remis par un inconnu pour procéder ensuite, dans un délai très court, à un virement à hauteur de 10 000 €.

Il y a lieu à partage de responsabilité par moitié.

En conséquence, la BPALC sera condamnée à payer à M. [F] [U] la somme de 5 001,50 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Le jugement de première instance qui avait fixé le montant de ces dommages et intérêts à la charge de la banque à la somme de 10 003.03 euros sera dès lors infirmé sur ce point.

En revanche, ses dispositions ordonnant la compensation entre cette somme et celle due par l’intimée, seront confirmées jusqu’à due concurrence.

M. [F] [U] voyant sa prétention prospérer sur le fondement de son premier moyen, le moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation contractuelle d’information ne sera pas examiné.

Sur le non-respect du délai de préavis :

Aux termes de l’article L312-1-1 du code monétaire et financier, l’établissement de crédit résilie une convention de compte de dépôt conclue pour une durée indéterminée moyennant un préavis d’au moins deux mois, fourni sur support papier ou sur un autre support durable.

Toutefois, la banque qui clôture un compte en banque sans préavis lorsque ce dernier présente un fonctionnement anormal ou que le client a un comportement gravement répréhensible ne commet aucune faute.

En l’espèce, l’article 10.3.2 des conditions générales de la convention de compte stipule que la banque est dispensée du respect du délai de préavis de deux mois en cas de comportement gravement répréhensible du client, notamment en cas d’utilisation abusive du découvert.

Une convention de compte de dépôt est un contrat intuitu personae, dans la mesure où elle repose sur la confiance entre les parties. La clause stipulant la possibilité de résilier une telle convention en cas de comportement gravement répréhensible du client ne peut dès lors être considérée comme abusive.

Par ailleurs, la faute de M. [F] [U] a été caractérisée, sa gravité en est attestée par ses conséquences pour la banque, de sorte que la résiliation anticipée de la convention de dépôt par la BPALC ne peut être jugée fautive.

En conséquence, M. [F] [U] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.

Sur la demande de délais de paiement :

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter

ou à garantir le paiement de la dette. La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

En l’espèce, M. [F] [U] justifie être en apprentissage et percevoir des revenus mensuels d’environ 650 €.

En conséquence, il y a lieu de surseoir à l’exécution des poursuites et d’autoriser M. [F] [U] à se libérer de sa dette en 24 mensualités de 208 €, la dernière étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais, de dire que les mensualités seront exigibles le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification de la présente décision et qu’à défaut de paiement d’une seule échéance à son terme exact, l’intégralité des sommes restant dues sera immédiatement exigible.

Au regard de la faute de la banque, il y a lieu en outre d’ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées, porteront intérêt au taux légal.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement de première instance sera confirmé quant à la condamnation de la BPALC aux dépens et à l’absence de condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles.

Les dépens de la procédure d’appel seront à la charge de la BPALC.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

P A R C E S M O T I F S

LA COUR, statuant dans les limites de sa saisine,

CONFIRME le jugement du 25 mai 2021 en ce qu’il a :

– Débouté M. [F] [U] de sa demande tendant à voir déclarer abusif l’article 10.3.2 des conditions générales de la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

– Dit que les sommes respectivement dues par les parties se compenseront jusqu’à due concurrence 

– Débouté la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité au titre des frais irrépétibles 

– Condamné la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi relative à l’aide juridique,

Pour le surplus,

INFIRME ledit jugement et statuant à nouveau :

CONDAMNE la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE à payer à M. [F] [U] la somme de 5 001,50 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

DEBOUTE M. [F] [U] de sa demande de dommages-intérêts au titre du non-respect du délai de préavis,

SURSEOIT à l’exécution des poursuites et AUTORISE M. [F] [U] à se libérer de sa dette en 24 mensualités de 208 €, la dernière étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais,

DIT que les mensualités seront exigibles le 10 de chaque mois, à compter du mois suivant la signification de la présente décision et qu’à défaut de paiement d’une seule échéance à son terme exact, l’intégralité des sommes restant dues sera immédiatement exigible,

ORDONNE que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêts au taux légal,

CONDAMNE la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE aux dépens de la procédure d’appel,

DEBOUTE les parties de leurs prétentions au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE : LE PRÉSIDENT :

 


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