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AFFAIRE : N° RG 22/01170 –
N° Portalis DBVC-V-B7G-G7L5
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du TJ de CAEN en date du 17 Mars 2022 RG n° 20/02887
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2023
APPELANTE :
S.A.S. EOS FRANCE venant aux droits de la S.A. BNP PARIBAS LEASE GROUP
N° SIRET : 488 825 217
[Adresse 3]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Anne FOUBERT, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
ASSOCIATION GROUPEMENT REGIONAL DES ASSOCIATIONS DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT (GRAPE)
N° SIRET : 329 413 777 00031
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Estelle FRISÉ, avocat au barreau de CAEN,
assistée de Me Océane HORN, avocat au barreau de MARSEILLE
DEBATS : A l’audience publique du 22 mai 2023, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 07 septembre 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
L’association Groupement régional des associations de protection de l’environnement (ci-après l’association GRAPE) a signé avec la SA BNP Paribas Lease Group ( la banque) le 9 juillet 2018 un contrat de location d’une baie de stockage de marque DTN REXBACKUP 1 TO RAIDI pour un loyer trimestriel de 785 euros HT, soit 942 euros TTC sur 21 échéances trimestrielles, le fournisseur du matériel étant la société Rex Rotary.
Dès le 14 janvier 2019, l’association GRAPE a subi des difficultés financières.
Après mises en demeure restées sans effet, la banque a informé l’association GRAPE le 5 novembre 2019 de la résiliation du contrat et de ce qu’elle était redevable d’une somme de 16.522,10 euros.
Selon exploit d’huissier du 8 septembre 2020, la banque a fait assigner l’association GRAPE devant le tribunal judiciaire de Caen aux fins de condamnation au titre des loyers impayés.
Par jugement du 17 mars 2022, le tribunal judiciaire de Caen a condamné l’association GRAPE à payer à la banque la somme de 1 euro outre intérêts au taux contractuel à compter du 5 novembre 2019, date de la mise en demeure, et capitalisation des intérêts perçus au-delà d’une année, a condamné cette dernière à payer les entiers dépens ainsi qu’à payer la somme de 1.500 euros à l’association GRAPE sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, a débouté la banque de sa demande de titre de l’article 700 du Code de procédure civile et rappelé que l’exécution provisoire du jugement était de droit.
Par déclaration du 10 mai 2022, la banque a fait appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions du 11 avril 2023, la société EOS France, venant aux droits de la société BNP Paribas Lease Group, demande à la cour de réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de :
– condamner l’Association GRAPE à lui payer la somme de 12.639.86 euros se décomposant comme suit :
° 1.967 euros au titre des impayés
° 11.669.60 euros au titre de l’indemnité de résiliation et l’indemnité de 10% ;
– juger qu’à cette somme, s’ajouteront les intérêts contractuellement prévus au contrat ayant couru depuis la mise en demeure du 05 novembre 2019, avec capitalisation des intérêts qui seraient dus au-delà d’une année ;
– juger que c’est à tort que la banque a été condamnée à verser la somme de 1.500 euros à l’association GRAPE au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
– condamner l’association GRAPE à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre la condamnation au remboursement des 1.500 euros versés en exécution du jugement intervenu ainsi qu’aux entiers dépens d’appel et de première instance.
Dans ses dernières conclusions du 3 avril 2023, l’association GRAPE, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de débouter par voie de conséquence la banque de l’ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire, elle sollicite les plus larges délais de paiement.
En tout état de cause, elle demande la condamnation de la banque aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .
La clôture de la procédure est intervenue le 12 avril 2023.
Il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
SUR CE, LA COUR
L’association GRAPE et la société BNP Paribas Lease Group, aux droits de laquelle vient la société EOS France, ont conclu le 9 juillet 2018 un contrat de de location ‘Top Full’ N°A1B10736 portant sur la fourniture d’une baie de stockage informatique de marque DTN REXBACKUP 1 ITO RAID1, pour un loyer trimestriel d’une durée irrévocable de 21 trimestres d’un montant de 785 euros HT.
Le matériel était fourni par la société Rex Rotary.
Il convient de relever que l’appelante fonde sa demande en paiement uniquement sur ce contrat.
– Sur les loyers échus impayés
Il appartient à la cour d’appel en raison de l’effet dévolutif de l’appel de statuer à nouveau sur tous les points du litige soumis au tribunal et de réparer les omissions de statuer.
Il n’est pas discuté par les parties que la résiliation du contrat est intervenue le 5 novembre 2019.
Les loyers du 5 juillet 2019 et du 7 octobre 2019 étaient restés impayés pour une somme TTC de 1.967 euros dont l’appelante demande le paiement.
Il résulte des conclusions de l’association GRAPE qu’en première instance la banque avait demandé à titre principal le paiement de la somme de 12.639,86 euros au titre des loyers échus impayés et de l’indemnité de résiliation.
Le tribunal n’a pas statué sur les loyers échus impayés.
Le montant des loyers échus impayés n’est pas contesté par l’intimée.
Il n’est pas prévu d’intérêts contractuels au contrat.
L’association GRAPE sera donc condamnée au paiement de la somme de 1.967 euros avec intérêt au taux légal à compter du 5 novembre 2019.
– Sur l’indemnité de résiliation
Aux termes de l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
En l’espèce, le contrat de location prévoit en ses articles 1/4.3 et 1/4.4 que ‘la résiliation entraîne au profit du bailleur, le paiement par le locataire ou ses ayant droits, en réparation du préjudice subi en sus des loyers impayés et leurs accessoires, d’une indemnité égale à la somme des loyers restant à échoir au jour de la résiliation.
L’indemnité prévue ci-dessus sera majorée d’une somme forfaitaire égale à 10 % de ladite l’indemnité à titre de clause pénale.’
Le premier juge a justement retenu que l’indemnité de résiliation dont le paiement est demandé par l’appelante est une clause pénale dans sa globalité puisque la majoration des charges financières pesant sur le débiteur, résultant de l’anticipation de l’exigibilité des loyers prévus jusqu’au terme du contrat, dès la date de résiliation, a été stipulée à la fois comme un moyen de contraindre le débiteur à l’exécution et comme l’évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le loueur du fait de la résiliation.(Com. 15 mai 2019, n°18-11.550)
Cette qualification n’est pas discutée devant la cour par l’appelante.
L’appelante fait valoir que la somme réclamée n’est pas manifestement excessive eu égard à son préjudice qui doit s’apprécier par rapport au prix d’achat du matériel, aux sommes qu’elle aurait dû percevoir du locataire et aux loyers effectivement payés.
L’intimée soutient que l’indemnité de résiliation est manifestement excessive. Elle précise qu’elle est une association de très petite taille gérée par des bénévoles, qu’elle a perdu des subventions publiques qui ont conduit à des difficultés financières et à une diminution de son budget de fonctionnement rendant la location et la maintenance du matériel informatique difficilement supportables, qu’elle a avisé le fournisseur et le bailleur de ses difficultés, que le matériel pouvait être restitué dès le 2 juillet 2019 et que sa vente aurait diminué le préjudice de la banque qui a ainsi été négligente, que cette dernière ne justifie pas du préjudice financier qu’elle allègue.
Le caractère manifestement excessif de la clause pénale s’apprécie par rapport à la disproportion entre l’importance du préjudice effectivement subi et le montant conventionnellement fixé.
La preuve du caractère manifestement excessif de la clause pénale pèse sur l’intimée.
Il ressort des pièces communiquées que l’achat du matériel loué a été effectué au prix de 15.322,67 euros.
Le contrat du 9 juillet 2018 prévoyait un paiement de 21 loyers trimestriels de 785 euros HT.
Le décompte versé aux débats fait apparaître un montant de loyer TTC, non contesté, de 970,26 euros.
L’appelante indique que l’association a réglé 10 échéances soit 9.702,60 euros et que 2 échéances étaient impayées à la résiliation du contrat soit 1.967 euros.
Il restait donc dû 9 échéances et non 10 comme le retient l’appelante.
C’est donc une somme totale de 20.401,94 euros qui aurait dû revenir à la banque si le contrat était allé jusqu’à son terme.
Or, au moment de la résiliation 12 loyers étaient échus pour un total de 11.669,60 euros.
L’indemnité réclamée à hauteur de 11.669,60 euros porterait le montant de la somme totale perçue par la banque à 23.339,20 euros.
Il sera relevé que le contrat prévoit que dès la fin de la location ou en cas de résiliation anticipée du contrat, le locataire est tenu de restituer l’équipement en bon état géréral de fonctionnement et d’entretien.
Si l’association GRAPE justifie avoir proposé la reprise du matériel à la société BNP Paribas par courrier officiel de son conseil du 16 mars 2023, les autres courriers abordant ce point ayant été adressés à la société Rex Rotary, elle est de fait restée en possession du matériel n’ayant pas procédé au renvoi de celui-ci.
Le préjudice de la bailleresse est constitué par la perte des loyers qu’elle aurait dû percevoir jusqu’au terme du contrat pour amortir l’investissement réalisé et du gain qu’elle comptait retirer de l’opération.
Contrairement à ce qu’affirme l’appelante, la récupération du matériel et sa revente sont susceptibles de diminuer le montant de son préjudice étant précisé qu’aucun élément n’est communiqué sur la valeur vénale du matériel.
Au vu de ces éléments, il est justifié du caractère manifestement excessif de la clause pénale réclamée et il convient de réduire le montant de celle-ci à la somme de 7.669,60 euros.
Le jugement déféré est donc infirmé et l’association GRAPE est condamnée à payer à la société EOS France la somme de 7.669,60 euros au titre de l’indemnité de résiliation avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2019.
Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil à compter du 5 novembre 2019.
Selon l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
L’association GRAPE justifie d’un compte de résultat équilibré entre les charges et les produits au 31 décembre 2021.
Au vu de sa situation financière et des besoins du créancier qui est une société de recouvrement, il sera accordé à l’intimée un délai de paiement de deux ans dans les conditions précisées au dispositif de la présente décision.
Les dispositions du jugement entrepris relatives à la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à celle au titre des dépens sont infirmées.
Il n’apparaît pas inéquitable que chaque partie supporte ses frais irrépétibles.
Sauf acquiescement formel de l’intimé, les juges d’appel ne sont pas tenus d’ordonner expressément le remboursement de sommes versées en vertu d’une décision de première instance assortie de l’exécution provisoire, l’obligation de rembourser résultant de plein droit de la réformation de ladite décision.
Par suite, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande présentée de ce ce chef par l’appelante.
Les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées.
L’association GRAPE, qui est condamnée à paiement, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne l’association Groupement régional des associations de protection de l’environnement à payer à la société EOS France, venant aux droits de la société BNP Paribas Lease Group, la somme de 9.636,60 euros au titre des loyers impayés et de l’indemnité de résiliation avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2019 ;
Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront intérêts à compter du 5 novembre 2019 ;
Dit que l’association GRAPE pourra s’acquitter de sa dette en principal et intérêts, à compter de la signification du présent arrêt, en 24 mensualités d’un montant de 401,52 euros, la dernière échéance étant majorée du solde de la dette ;
Dit qu’à défaut de paiement d’une seule échéance à son terme, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible ;
Rejette les demandes des parties formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l’association Groupement régional des associations de protection de l’environnement aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY