Rupture anticipée : 6 novembre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02668

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Rupture anticipée : 6 novembre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02668
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MINUTE N° 23/463

Copie exécutoire à :

– Me Katja MAKOWSKI

– Me Carole VOGT

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 06 Novembre 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/02668 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H4CJ

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg

APPELANTE :

S.A.S. GRENKE LOCATION

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Katja MAKOWSKI, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉE :

S.A.R.L. VUE SUR L’ILL, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Carole VOGT, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 septembre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme FABREGUETTES, Conseiller

Mme DESHAYES, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme HOUSER

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Annie MARTINO, président et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

En date du 29 juin 2017, la Sarl Vue sur l’Ill, exploitant un commerce de coiffure à [Localité 4], a conclu avec la société Hairdreams un contrat de partenariat comprenant la commande d’un kit Hairdreams, une formation et un abonnement dit « salon privilège » offrant le droit d’utiliser les produits et la technique Hairdreams ainsi que des facilités en termes de publicité et d’approvisionnement des produits de la marque.

Le même jour, la Sarl Vue sur l’Ill a signé un contrat de location de longue durée sous référence 058-37284 avec la Sas Grenke location portant sur le matériel de pose d’extensions de cheveux prévu dans le kit, à savoir le matériel dénommé « Laserbeamer Nano Densité + » moyennant le versement de 48 loyers mensuels de 222,44 euros HT soit 266,69 euros TTC.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 22 octobre 2018, la Sarl Vue sur l’Ill a résilié son contrat de partenariat avec la société Hairdreams. Elle a par ailleurs interrompu le paiement des loyers.

Après avoir prononcé la résiliation du bail pour impayés par courrier daté du 18 février 2019 et s’être adressée, en vain, à la Sarl Vue sur l’Ill afin d’obtenir paiement des loyers impayés et d’une indemnité de résiliation, la Sas Grenke location a saisi le tribunal judiciaire de Strasbourg par assignation en date du 11 juin 2020.

Par jugement contradictoire rendu le 27 mai 2022, la chambre civile des contentieux de proximité et de la protection du Tribunal judiciaire de Strasbourg a :

constaté la résiliation du contrat principal de partenariat à la date du 26 octobre 2018,

prononcé la caducité du contrat accessoire de location de longue durée n°058-037284,

débouté la Sas Grenke location de ses demandes,

condamné cette dernière à verser à la Sarl Vue sur l’Ill une indemnité de procédure de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,

le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu que la résiliation du contrat de partenariat avec la société Hairdreams avait valablement été prononcée et notifiée par la Sarl Vue sur l’Ill, par lettre recommandée réceptionnée le 26 octobre 2018, conformément aux dispositions des articles 1217 et 1226 du code civil, et qu’elle était fondée sur les dysfonctionnements avérés du matériel et l’absence de réponse de la société Hairdreams à ses sollicitations ; que ce contrat de partenariat et le contrat de location financière s’inscrivaient dans une opération globale unique régie par l’article 1186 du code civil ; que la Sas Grenke location ne pouvait prétendre ignorer l’opération d’ensemble alors que l’exploitation du matériel était réservée « aux salons partenaires » ce qui impliquait l’existence d’un contrat de partenariat entre les coiffeurs et le fournisseur ; qu’il appartenait à la bailleresse de connaître les produits qu’elle met en location et de veiller à la sécurité juridique de son contractant ; que la résolution du contrat de partenariat avait donc entraîné la caducité du contrat de location de longue durée par application des dispositions précitées.

Par déclaration enregistrée le 11 juillet 2022, la Sas Grenke location a formé appel à l’encontre de cette décision en toutes ses dispositions.

Par conclusions notifiées le 5 janvier 2023, la Sas Grenke location demande à la cour de :

déclarer son appel recevable et bien fondé,

infirmer le jugement contesté en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

débouter la Sarl Vue sur l’Ill de l’intégralité de ses demandes, fins, prétentions et de son appel incident,

en conséquence, condamner la Sarl Vue sur l’Ill au paiement des sommes suivantes :

‘ 1 613,62 euros, augmentée des intérêts légaux augmentés de 5 points à compter du 18 février 2019,

‘ 6 444,96 euros, majorée de 10%, soit la somme de 7 089,46 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 18 février 2019,

‘ 40 euros au titre des frais de recouvrement,

‘ 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de son appel, la Sas Grenke location conteste :

l’interdépendance entre le contrat de leasing proposé par ses soins et le contrat de partenariat passé entre la Sarl Vue sur l’Ill et la société Hairdreams alors que :

‘ il n’est pas démontré que la Sas Grenke location avait connaissance de l’opération d’ensemble, le contrat de leasing pouvant se suffire à lui- même et la concomitance des dates de réception du matériel et d’entrée en vigueur du contrat de location n’étant pas probante ;

‘ la locataire n’a pas coché la case sur le contrat ou sur la confirmation de livraison permettant d’informer la bailleresse de l’existence d’un contrat de prestation de service, qui n’était d’ailleurs que facultatif, et qui n’a ni été adressé ni porté à la connaissance de la bailleresse ;

‘ le juge de première instance a inversé la charge de la preuve et pallié la carence de la partie adverse en déduisant, de manière erronée, de la production par ses propres soins d’une page du site internet de la société Hairdreams datant de 2021 qu’elle connaissait le partenariat conclu le 29 juin 2017 ;

‘ l’interdépendance ne peut être retenue sans que le fournisseur soit mis en cause dans la procédure ;

la légitimité de la résiliation du contrat de partenariat conclu entre les sociétés Vue sur l’Ill et Hairdreams alors que :

‘ l’intimée formule contre son fournisseur des griefs importants pour justifier la résiliation de leur contrat de partenariat mais ne rapporte pas la preuve du bien-fondé de la résiliation du contrat principal puisqu’elle s’est contentée de produire des courriers relatant ses propres allégations sans preuve de leur réception ou des relevés d’appel sans preuve d’un lien avec la société Hairdreams ainsi que des attestations insuffisamment probantes ;

‘ elle n’a, volontairement, pas appelé dans la cause la société Hairdreams, pourtant toujours en activité, et ne lui a donc pas permis de se défendre, étant rappelé que le matériel Hairdreams continue d’être commercialisé et qu’il n’est pas démontré que l’échec des extensions provient d’une défectuosité du matériel et non pas plutôt d’un mauvais usage du matériel par l’intimée ou de problèmes de compétences ;

‘ la société Vue sur l’Ill a signé et tamponné la confirmation de livraison attestant de la réception de l’entier matériel loué en parfait état de fonctionnement.

L’appelante se prévaut des termes de ses conditions générales laissant au locataire le libre choix de son fournisseur de matériel ou de son prestataire de maintenance, dont elle ne saurait subir les défaillances éventuelles alors qu’elle est une partie tierce aux relations entre eux.

Elle soutient que la Sarl Vue sur l’Ill aurait dû rechercher la responsabilité de son fournisseur et ne peut lui faire supporter son choix d’initier une simple résiliation du contrat alors qu’elle-même a exécuté ses propres obligations de bailleresse. Le choix opéré par la Sarl Vue sur l’Ill est, selon elle, fautif et il appartient alors à la partie à l’origine de l’anéantissement de l’ensemble contractuel d’indemniser le préjudice causé par sa faute.

Au titre de son préjudice, la Sas Grenke location rappelle avoir dû supporter le règlement d’une facture de 8 490 euros TTC sans avoir perçu les loyers afférents depuis octobre 2018 et sans avoir pu disposer du matériel financé, lequel n’a été restitué qu’en septembre 2019 soit près d’un an après la résiliation du contrat entre la Sarl Vue sur l’Ill et la société Hairdreams.

Elle fonde ses demandes financières en loyers impayés et indemnités de résiliation sur les termes du contrat et notamment de ses conditions générales.

Par conclusions notifiées le 6 décembre 2022, la Sarl Vue sur l’Ill demande à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 27 mai 2022,

en conséquence, débouter la Sas Grenke location de l’ensemble de ses demandes,

en tout état de cause, condamner l’appelante aux dépens de la présente instance et de la première instance et à lui payer une indemnité de procédure de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Vue sur l’Ill soutient que les contrats souscrits auprès de la société Hairdreams et de la société Grenke location forment un ensemble contractuel interdépendant s’inscrivant dans une opération unique, comme en atteste le fait qu’ils ont été signés le même jour et avec la même personne et que le leasing tendait à financer le matériel mis à disposition dans le cadre du contrat de partenariat ; que la société Grenke location a d’ailleurs reconnu ce lien dans son courrier du 7 août 2017 confirmant l’entrée en vigueur du contrat de location « suite à la livraison du matériel » ; que le contrat de location porte d’ailleurs bien mention du nom du fournisseur et du type de matériel loué et qu’il est indifférent qu’elle n’ait pas coché la case visée par la partie adverse puisque celle-ci concerne les contrats de maintenance ou d’entretien et n’était donc pas applicable.

L’intimée se prévaut du bien-fondé de la résiliation prononcée par ses soins le 22 octobre 2018 compte tenu des mauvais résultats obtenus avec le système Laserbeamer, qui sont apparus dès les premières utilisations comme en attestent ses clientes. Elle s’oppose à toute remise en cause de sa compétence alors que le salon dispose d’une certaine expérience en matière d’extensions capillaires et que les premières poses ont été réalisées en présence d’une formatrice Hairdreams.

Elle insiste sur les réclamations qu’elle a adressées à la société Hairdreams pour remédier à la situation avant de prononcer la résiliation du contrat de partenariat.

La Sarl Vue sur l’Ill se fonde sur les dispositions de l’article 1186 du code civil pour justifier l’arrêt du paiement des loyers, la résiliation du contrat de partenariat ayant entraîné la caducité du contrat de location financière le même jour à savoir le 22 octobre 2018.

Elle soutient que la société Grenke location avait en effet une parfaite connaissance de l’ensemble contractuel lors de la signature du contrat de location comme cela résulte du courrier de la bailleresse du 7 août 2017 confirmant l’entrée en vigueur du contrat de location suite à la livraison du matériel et des mentions du fournisseur et du matériel loué sur le contrat de location longue durée, peu important que la case relative au contrat de maintenance ne soit pas signée en l’absence, en l’espèce, d’un tel contrat.

Elle s’oppose au versement de toute indemnité. Elle fait en effet valoir que la résiliation prononcée le 18 février 2019 par la société Grenke location était irrégulière puisque postérieure à la caducité précitée de sorte qu’aucune indemnité de résiliation ne peut lui être réclamée sur la base d’une clause contractuelle qui n’a, par suite de la caducité, plus à s’appliquer ; que la société Grenke location ne démontre aucun préjudice ni du fait de la non-restitution du matériel ni de la résiliation de l’ensemble contractuel ; qu’il appartenait le cas échéant à la Sarl Grenke

location, qui a engagé la procédure et connaissait sa position, d’attraire la société fournisseur aux débats et de solliciter ainsi, auprès de cette dernière, indemnisation du préjudice causé par sa faute.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mai 2023 et l’affaire examinée à l’audience de plaidoirie du 4 septembre 2023 pour être mise en délibéré au 20 novembre 2023.

MOTIFS

Sur la résiliation du contrat de partenariat et la caducité subséquente

L’article 1186 dispose qu’un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît. Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie. La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement.

En l’espèce, la Sarl Vue sur l’Ill a signé, le 29 juin 2017, un contrat de partenariat incluant une formation et la commande d’un kit Hairdreams comprenant le matériel Laserbeamer Nano acquis et loué par la société Grenke location selon contrat de location longue durée daté du même jour.

Le fait que le contrat de location ne porte pas de croix relative à la case informant la société Grenke location d’un contrat de maintenance ou d’entretien est indifférent alors qu’il n’existe aucune prestation de maintenance ou d’entretien de l’appareil Laserbeamer à la charge de la société Hairdreams.

Le contrat de partenariat emporte par contre autorisation pour le salon partenaire de « commercialiser les produits Hairdreams aux clients du salon et (‘) utiliser le savoir-faire technique correspondant ».

Il en résulte que l’usage de la machine Laserbeamer était réservé aux salons partenaires de la marque Hairdreams et que les contrats de partenariat et de location financière s’inscrivaient donc dans une opération commerciale unique de sorte que leur interdépendance est acquise.

La Sarl Vue sur l’Ill se fonde sur son droit d’avoir prononcé unilatéralement la résolution du contrat de partenariat sans obligation de mise en cause du fournisseur, en l’absence de contestation de cette résiliation.

Aux termes de l’article 1224 du code civil, la résolution peut résulter, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur.

L’article 1226 dudit code précise les conditions de mise en ‘uvre de ces dispositions, à savoir que :

Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification.

Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.

Il résulte de ces dispositions que la Sarl Vue sur l’Ill n’avait pas d’obligation à mettre dans la cause la société Hairdreams.

La Sarl Vue sur l’Ill justifie avoir envoyé un courrier daté du 22 octobre 2018 et réceptionné le 29 octobre 2018, par lequel elle informait la société Hairdreams de sa « volonté de résilier avec effet immédiat le contrat qui (les) lie ».

Quelle que soit la régularité formelle ou le bien-fondé de la résiliation unilatérale ainsi notifiée par la Sarl Vue sur l’Ill à la société Hairdreams, la caducité ne pouvait, en tout état de cause, pas être prononcée par le premier juge dès lors que la Sarl Vue sur l’Ill ne rapporte pas la preuve de ce que, lors de la conclusion du contrat de location, la société Grenke location connaissait l’existence du contrat de partenariat et partant de l’opération d’ensemble.

La mention sur le contrat de location du type de matériel loué et du nom de son fournisseur ne suffisent pas, à cet égard, à caractériser une telle connaissance, pas plus que le fait de réclamer les loyers postérieurement à la livraison du matériel alors que ces éléments sont inhérents au fait que la société Grenke location intervient comme organisme finançant l’achat du matériel, choisi par le locataire, auprès du fournisseur désigné par ce dernier, sans impliquer nécessairement l’existence d’un autre contrat entre le locataire et le fournisseur.

Le jugement initial sera donc infirmé pour le tout.

Sur la demande en résiliation du contrat de location longue durée

En l’absence de caducité du contrat de location, la Sarl Vue sur l’Ill ne pouvait se dispenser de procéder au règlement des loyers dus à la Sas Grenke location comme elle l’a fait dès l’échéance du 24 octobre 2018 (étant d’ailleurs observé qu’elle n’a posté son « courrier de résiliation » que le 25 octobre 2018 comme en atteste le cachet de la Poste et que si la résolution et la caducité étaient acquises, elles ne l’auraient été qu’à la date de réception, soit le 29 octobre 2018, par application de l’article 1229 du code civil).

La société Grenke location justifie, sans être contredite, avoir adressé divers courriers de rappel suite aux impayés des loyers d’octobre à décembre 2018 puis une mise en demeure en date du 18 janvier 2019 et un courrier de résiliation du 18 février 2019.

Cette résiliation est conforme aux termes de l’article 10 des conditions générales qui permet au bailleur de résilier de plein droit le contrat en cas de retard de paiement de trois loyers mensuels, consécutifs ou non.

Conformément à l’article 11 des conditions générales de vente, en cas de résiliation anticipée du contrat, le locataire est tenu de payer au bailleur les loyers échus et les loyers à échoir jusqu’au terme du contrat, majorés de 10% à titre de sanction, une majoration de 5 % du taux d’intérêt légal à titre de pénalité étant en outre prévue par l’article 4.4 desdites conditions générales.

Aux termes de l’article 1231-5 du code civil le juge peut modérer ou augmenter la clause pénale lorsqu’elle est manifestement dérisoire ou excessive.

S’agissant de l’indemnité de résiliation, si celle-ci s’analyse en une clause pénale susceptible de modération dans les conditions fixées à l’article 1231-5 du code civil, il sera relevé que la somme mise en compte correspond au montant des loyers restant à courir jusqu’à la fin du contrat ; qu’elle vise à réparer le préjudice économique résultant de la perte du bénéfice escompté pour la bailleresse, qui a financé et mis à disposition un matériel neuf en contrepartie de la perception des loyers ; que l’économie du contrat a été calculée sur la base de la durée ferme de location ; que de plus, alors que la Sarl Vue sur l’Ill a cessé de payer les échéances mensuelles à compter d’octobre 2018, elle n’a restitué le matériel qu’en septembre 2019.

En conséquence, l’indemnité contractuellement prévue n’apparaît pas manifestement excessive.

En revanche au regard du montant de celle-ci, qui prend en compte la réparation de l’entier préjudice, l’application en sus, d’une majoration de 10 % et d’une majoration de 5 % du taux de l’intérêt légal, paraissent des pénalités manifestement excessives qu’il convient de supprimer, d’autant plus que la société Grenke location bénéficiera par application de l’article L313-3 du code monétaire et financier, de la majoration de cinq points du taux de l’intérêt légal, à l’expiration d’un délai de deux mois, à compter du jour où la décision de justice deviendra exécutoire.

Les sommes dues par la Sarl Vue sur l’Ill sont donc les suivantes :

– 1 613,62 euros au titre des loyers échus impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2019,

– 6 444,96 euros au titre de l’indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2019,

– 40 euros d’indemnité forfaitaire prévue par l’article L441-6 du code de commerce.

Sur les frais et dépens

Au vu de l’issue du litige, les dispositions du jugement déféré s’agissant des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

La Sarl Vue sur l’Ill, partie succombante, sera condamnée, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, aux dépens tant de première instance que d’appel, déboutée de ses demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à la société Grenke location la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire :

INFIRME le jugement déféré rendu par la chambre civile des contentieux de proximité et de la protection du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 27 mai 2022 ;

Statuant à nouveau :

DÉBOUTE la Sarl Vue sur l’Ill de sa demande visant à voir prononcer la caducité du contrat de location de longue durée n°058-037284 passé avec la Sas Grenke location en date du 29 juin 2017 ;

CONDAMNE la Sarl Vue sur l’Ill à payer à la Sas Grenke location les sommes de :

1 613,62 euros au titre des loyers échus impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2019,

6 444,96 euros au titre de l’indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2019,

40 euros d’indemnité forfaitaire prévue par l’article L441-6 du code de commerce ;

DEBOUTE la Sas Grenke location de ses demandes au titre de la majoration de 10% de l’indemnité de résiliation et de la majoration du taux d’intérêt légal ;

DEBOUTE la Sarl Vue sur l’Ill de ses demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

CONDAMNE la Sarl Vue sur l’Ill aux dépens de première instance ;

Et y ajoutant :

DEBOUTE la Sarl Vue sur l’Ill de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sarl Vue sur l’Ill à payer à la société Grenke location la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sarl Vue sur l’Ill aux dépens d’appel.

Le Greffier La Présidente

 


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