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AFFAIRE : N° RG 21/03385 –
N° Portalis DBVC-V-B7F-G4OR
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du Juge commissaire de [Localité 1] en date du 01 Décembre 2021
RG n° 2021005655
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2023
APPELANTE :
S.A.S. VILLERS SELECT
N° SIRET : 831 878 293
[Adresse 5]
[Localité 2]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Stéphane PIEUCHOT, substitué par Me BOURDIN, avocats au barreau de CAEN
INTIMES :
Maître [D] [B] mandataire judiciaire de la société VILLERS SELECT
[Adresse 4]
[Localité 1]
non représentée, bien que régulièrement assignée
CAISSE AGRICOLE DE DEPOTS ET PRETS (CADP – CREDIT MUTUEL)
N° SIRET : 780 707 220
[Adresse 3]
[Localité 1]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de la SCP DARTOIS & ASSOCIÉS, avocat au barreau de CAEN
DEBATS : A l’audience publique du 05 juin 2023, sans opposition du ou des avocats, Mme COURTADE, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 28 septembre 2023 à 14h00, après prorogation de la décision initialement fixée au 21 septembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
Par acte sous seing privé en date du 27 septembre 2017, la société coopérative CREDIT MUTUEL [Localité 1] CADP (CAISSE AGRICOLE DE DEPOTS ET PRETS) a consenti à la SAS VILLERS SELECT un prêt n° 02101 207628 02 d’un montant de 300. 000 euros remboursable en 84 mensualités au taux d’intérêt fixe annuel de 1%, destiné à financer l’acquisition d’un fonds de commerce sur lequel un nantissement a été pris.
Par jugement du 31 mars 2021, le tribunal de commerce de Caen a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la SAS VILLERS SELECT.
Le 11 mai 2021, la société CREDIT MUTUEL [Localité 1] CADP a déclaré ses créances au passif de la procédure de sauvegarde dont celle au titre du prêt susvisé pour un montant de 187.466,07 euros, se décomposant comme suit :
– sommes échues
° assurance et intérêts échus du 05/03/21 au 31/03/21: 123,87 euros
– sommes à échoir
° capital restant dû au 31/03/21: 15.623,82 euros
° échéances prorogées du 05/04/20 au 05/09/20 : 22.556,22 euros
° indemnité conventionnelle d’exigibilité anticipée de 7% : 12.172,16 euros
° intérêts à compter du 31/03/21 au taux contractuel repris dans les conditions générales du contrat de prêt : PM
Ladite créance a fait l’objet d’une contestation par Me [B] ès qualités de mandataire judiciaire au titre de l’assurance et des intérêts échus, des intérêts à échoir déclarés pour mémoire et de l’indemnité conventionnelle de 7%.
Par ordonnance du 8 décembre 2021, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Caen a :
– Constaté que la CRCMN a fourni les modalités de calcul des intérêts qui résultent du contrat de prêt,
– Ordonné l’admission définitive de la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DE NORMANDIE pour la somme de 175.303,91 euros dont 175.180,04 euros à titre nanti sur le fonds de commerce non échu assortis des intérêts au taux contractuel de 1,00% l’an et 123,87 euros à titre nantis sur le fonds de commerce échu assortis des intérêts au taux contractuel de 1,00% l’an,
– Ordonné l’admission définitive d’une indemnité d’exigibilité anticipée de 7 % pour mémoire,
– Dit que la présente ordonnance sera notifiée par le greffier au débiteur et communiquée au créancier ou à son mandataire et aux mandataires de justice ;
– Passé les dépens en frais privilégiés de procédure.
Par déclaration du 17 décembre 2021, la SAS VILLERS SELECT a interjeté appel de cette décision.
Me [B] ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SAS VILLERS SELECT n’a pas constitué avocat bien que la déclaration d’appel et les premières conclusions d’appelant lui ont été signifiées respectivement les 14 février 2022 et 28 mars 2022, à domicile.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 4 août 2022, la SAS VILLERS SELECT demande de :
– Infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
– Constaté que la CRCMN a fourni les modalités de calcul des intérêts qui résultent du contrat de prêt,
– Ordonné l’admission définitive de la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DE NORMANDIE pour la somme de 175.303,91 euros dont 175.180,04 euros à titre nanti sur le fonds de commerce, non échue, assortis des intérêts au taux contractuel de 1,00% l’an et 123,87 euros à titre nanti sur le fonds de commerce, échus, assortis des intérêts au taux contractuel de 1,00% l’an,
– Ordonné l’admission définitive d’une indemnité d’exigibilité anticipée de 7% pour mémoire,
– débouté et/ou omis de statuer sur les demandes formulées par la société VILLERS SELECT,
Statuant à nouveau,
– Rejeter du passif de la procédure de sauvegarde de la société VILLERS SELECT les sommes déclarées par le CREDIT MUTUEL au titre des frais d’assurance et des intérêts échus
– Supprimer l’indemnité d’exigibilité anticipée de 7% ou, a minima, la réduire à un montant symbolique,
– Rejeter du passif de la société VILLERS SELECT les intérêts déclarés pour mémoire
– Ordonner subsidiairement l’admission de la créance pour les seules sommes correspondant :
– au montant du capital restant dû au jour de l’ouverture de la procédure collective,
– au montant des éventuelles échéances impayées au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective.
– Rejeter pour le surplus la créance déclarée,
En toute hypothèse,
– Lui donner acte qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande visant à solliciter l’admission de la créance litigieuse au bénéfice de la CAISSE AGRICOLE DE DEPOTS ET PRETS en lieu et place de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE ;
– Débouter le CREDIT MUTUEL [Localité 1] CADP de toutes ses demandes contraires au présent dispositif, notamment du chef du quantum de l’admission susceptible d’être prononcé et des demandes formulées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Le débouter de sa demande visant à la voir condamner aux entiers dépens ;
– Condamner le CREDIT MUTUEL [Localité 1] CADP à lui payer la somme de 3.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Le condamner aux entiers dépens ;
– Accorder à la SELARL [J] ET ASSOCIES représentée par Maître [S] [J] le bénéfice du droit de recouvrement direct instauré par l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 20 mai 2022, la société coopérative CAISSE AGRICOLE DE DEPOTS ET PRETS CADP demande de :
– Confirmer en son principe l’ordonnance entreprise,
– Réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a admis la créance au bénéfice de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DE NORMANDIE et l’admettre au bénéfice de la CAISSE AGRICOLE DE DEPOTS ET PRETS ;
– Débouter la société VILLERS SELECT de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.
– Condamner la société VILLERS SELECT à lui verser la somme de 3.500 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– La condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 3 mai 2023.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
Aux termes de l’article 1353 al 1 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
L’article L 622-25 du code de commerce dispose que la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances.
L’article R 622-23 du même code prévoit qu’outre les indications prévues à l’article L. 622-25, la déclaration de créance contient :
1° Les éléments de nature à prouver l’existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d’un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n’a pas encore été fixé ;
2° Les modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté ;
3° L’indication de la juridiction saisie si la créance fait l’objet d’un litige.
A cette déclaration sont joints sous bordereau les documents justificatifs ; ceux-ci peuvent être produits en copie. A tout moment, le mandataire judiciaire peut demander la production de documents qui n’auraient pas été joints.
Enfin, l’article L 622-28 al 1 énonce que le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus. Les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du présent alinéa. Nonobstant les dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts.
1. Sur les frais d’assurance et intérêts échus
La SAS VILLERS SELECT sollicite le rejet de la somme déclarée au titre des frais d’assurance et intérêts échus au motif que leurs modalités de calcul ne sont pas explicitées.
La déclaration de créance indique : ‘assurance et intérêts échus du 05/03/21 au 31/03/21: 123,87 euros’.
Comme exactement relevé par le premier juge, les pièces jointes à la déclaration de créance permettent de déterminer les modalités de calcul de cette somme, qui correspond aux intérêts qui ont couru du 6 mars 2021 jusqu’au jugement d’ouverture calculés au taux d’intérêt contractuel de 1% l’an.
L’appelante est donc déboutée de sa demande à ce titre.
2. Sur les intérêts à échoir
La SAS VILLERS SELECT sollicite le rejet des intérêts à échoir au motif qu’ils ont été déclarés ‘pour mémoire’ sans précision sur les modalités de calcul.
Il est constant que le prêt en cause a été conclu pour une durée supérieure à un an, soit 84 mois, de sorte qu’il n’est pas soumis à la règle de l’arrêt du cours des intérêts.
La CADP ne pouvait pas, au moment de sa déclaration de créance, calculer le montant des intérêts à échoir.
Elle était donc tenue d’en préciser les modalités de calcul, ce qu’elle a fait en indiquant qu’elle sollicitait les intérêts à compter du 31 mars 2021 au taux contractuel mentionné dans les conditions générales du prêt, et en joignant à sa déclaration le contrat, le tableau d’amortissement et un décompte détaillé de sa créance.
Les documents fournis donnent le détail des sommes réclamées au titre notamment du capital restant dû, des échéances prorogées, des frais d’assurance et des intérêts échus et mentionnent le taux d’intérêt contractuel, soit 1%.
Il ressort de ces éléments que la déclaration de créance contient les modalités de calcul des intérêts à échoir (base de calcul et taux applicable).
Il convient donc d’écarter la contestation de la SAS VILLERS SELECT de ce chef.
3. Sur l’indemnité conventionnelle d’exigibilité anticipée
La SAS VILLERS SELECT demande, sur le fondement de l’article 1152 ancien du code civil devenu 1231-5, de dire que l’indemnité conventionnelle d’exigibilité anticipée de 7% s’analyse en une clause pénale et de la supprimer ou la réduire au regard de son caractère manifestement excessif.
La CADP conteste la qualification de clause pénale, faisant valoir que l’indemnité a pour but d’indemniser le prêteur du bouleversement de l’économie du contrat par l’effet de la résiliation anticipée.
Le contrat de prêt prévoit page 11 que dans tous les cas de résiliation du contrat pour inexécution des engagements de l’emprunteur ou de déchéance du terme visés aux paragraphes précédents, le prêteur aura droit à une indemnité de 7% du capital dû à la date d’exigibilité anticipée du crédit, à l’exception du cas de décès d’un assuré ou le cas échéant d’une caution.
La liquidation judiciaire de l’emprunteur est l’un des cas de déchéance du terme visés dans l’acte.
La clause pénale tend à la fois à contraindre l’emprunteur à l’exécution du contrat et à évaluer de manière conventionnelle, forfaitaire et anticipée le préjudice futur subi par le prêteur du fait de l’inexécution. Elle remplit dès lors une fonction tant comminatoire que réparatrice.
En l’espèce, l’indemnité prévue dans le cas d’exigibilité anticipée du prêt du fait de la liquidation judiciaire du débiteur ne sanctionne pas l’inexécution par celui-ci de ses obligations.
Elle est destinée uniquement à compenser la rupture de l’équilibre économique du contrat et le manque à gagner du banquier consécutifs à la résiliation anticipée.
Par conséquent, elle ne s’analyse pas en une clause pénale et n’est pas susceptible de modération.
L’appelante est donc déboutée de ses demandes de ce chef.
La créance de remboursement d’un prêt prend naissance au jour où celui-ci a été conclu.
Le crédit litigieux a été contracté antérieurement au jugement d’ouverture de la sauvegarde, de sorte que la créance en résultant doit être déclarée au passif tant pour les sommes échues qu’à échoir, et celles qui ne seraient pas encore déterminées à la date de la déclaration.
L’indemnité de résiliation anticipée ne sera exigible qu’en cas de conversion de la sauvegarde en liquidation judiciaire.
C’est donc à juste titre que la banque a déclaré le montant de cette indemnité conventionnelle, qui est l’accessoire du crédit et n’était pas exigible à la date d’ouverture de la procédure collective, au titre des créances à échoir, représentant 7% du capital restant dû et du capital des échéances prorogées.
L’ordonnance mérite donc confirmation en ce qu’elle a admis le principe de cette créance.
En revanche, l’appelante fait justement valoir que celle-ci ne peut être admise ‘pour mémoire’.
Il convient donc de dire que l’indemnité conventionnelle à échoir est admise hauteur de 7% du capital dû à la date d’exigibilité anticipée du prêt.
Il convient d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a admis la créance au bénéfice de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DE NORMANDIE et de l’admettre au bénéfice de la CAISSE AGRICOLE DE DEPOTS ET PRETS.
4. Sur les autres demandes
La disposition relative aux dépens est confirmée.
Les dépens d’appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.
Me [B] ès qualités de mandataire judiciaire à la sauvegarde de la SAS VILLERS SELECT est condamnée à payer à la CADP la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La SAS VILLERS SELECT est déboutée de sa demande formée à ce titre ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt par défaut, mis à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,
CONFIRME la décision entreprise sauf en ce qu’elle a :
– admis la créance au bénéfice de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DE NORMANDIE ;
– ordonné l’admission définitive d’une indemnité d’exigibilité anticipée de 7 % pour mémoire ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,
ADMET la créance de la CAISSE AGRICOLE DE DEPOTS ET PRETS au passif de la sauvegarde la SAS VILLERS SELECT pour la somme de 175.303,91 euros dont 175.180,04 euros à titre nanti sur le fonds de commerce, non échue, assortis des intérêts au taux contractuel de 1,00% l’an et 123,87 euros à titre nanti sur le fonds de commerce, échus, assortis des intérêts au taux contractuel de 1,00% l’an ;
ADMET la créance de la CAISSE AGRICOLE DE DEPOTS ET PRETS au passif de la sauvegarde la SAS VILLERS SELECT, au titre de l’indemnité conventionnelle à échoir, à hauteur de 7% du capital dû à la date d’exigibilité anticipée du prêt ;
DEBOUTE la SAS VILLERS SELECT de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Me [B] ès qualités de mandataire judiciaire à la sauvegarde de la SAS VILLERS SELECT à payer à la CAISSE AGRICOLE DE DEPOTS ET PRETS la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens d’appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective ;
ACCORDE droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués en la cause qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY