Rupture anticipée : 22 novembre 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 22/00756

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Rupture anticipée : 22 novembre 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 22/00756
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COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°505

DU : 22 Novembre 2023

N° RG 22/00756 – N° Portalis DBVU-V-B7G-FZJN

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Arrêt rendu le vingt-deux Novembre deux mille vingt trois

Sur APPEL d’une décision rendue le 01 Avril 2022 par le Tribunal Judiciaire de CLERMONT-FERRAND (n°20/00863)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

S.A.S. CONSTRUCTION GONCALVES

Société par actions simplifiée immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le n°822 232 310

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Anne JEAN de la SCP TEILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

S.C.I. RVL

Société civile immobilière au capitale de 1 000 euros

inscrite au RCS de CLERMONT-FERRAND n°503 795 676

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentants : Me Emel KARTAL, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Me Muriel MIGNOT, avocat au barreau de NARBONNE (avocat plaidant)

INTIMÉE

DEBATS : A l’audience publique du 04 Octobre 2023 Madame [S] a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 22 Novembre 2023.

ARRET :

Prononcé publiquement le 22 Novembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte du 15 décembre 2016, la SCI RVL a donné à bail à la SAS construction Goncalves un entrepôt de stockage pour une durée de 12 mois à compter du 1er janvier 2017 moyennant un loyer annuel de 44 016,60 euros.

Afin de poursuivre un projet de promotion immobilière, la SCI RVL a fait détruire l’immeuble loué à la société construction Goncalves. Cette dernière a dû libérer l’entrepôt et trouver un nouveau lieu pour stocker son matériel.

Dans le cadre de la réalisation des travaux, elle a confié à la société construction Goncalves la réalisation du lot maçonnerie pour la construction de huit villas.

Considérant qu’elle n’avait pas été réglée du montant des retenues de garantie pour une somme globale de 19 133,90 euros, la société construction Goncalves a saisi le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand pour obtenir le paiement de ces sommes.

Par jugement du 1er avril 2022, le tribunal judiciaire l’a déboutée de ses demandes et condamnée à verser à la SCI RVL la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a jugé que puisque la société construction Goncalves s’était maintenue dans les lieux à l’issue d’un bail dérogatoire ; qu’un bail soumis au statut des baux commerciaux avait donc pris naissance le 1er janvier 2018 et que faute de rapporter la preuve de l’impossibilité de stockage de ses biens à partir de février 2017, la demanderesse ne rapportait pas la preuve du caractère indu des loyers.

Concernant le paiement des travaux et la restitution des retenues de garanties, le tribunal a jugé que la demanderesse ne rapportait pas la preuve de l’achèvement des travaux.

Suivant déclaration du 13 avril 2022, la SAS construction Goncalves a relevé appel de cette décision.

Par conclusions notifiées le 23 décembre 2022, elle demande à la cour :

‘d’infirmer la décision de première instance en toutes ses dispositions

‘de déclarer ses demandes recevables et bien fondées

‘de condamner la SCI RVL à lui verser les sommes suivantes :

*la somme de 51 352,70 euros en répétition de l’indu, outre les intérêts légaux à compter du 30 avril 2018

*la somme de 19 133,90 euros en restitution des retenues sur garanties injustement conservées outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 5 septembre 2019

*la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour opposition abusive

*la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

‘de condamner la SCI RVL aux dépens.

La SAS construction Goncalves fait grief au tribunal d’avoir fait une mauvaise appréciation des faits et rappelle :

‘que le contrat de bail portait sur la location d’un immeuble à usage commercial composé de bureaux de 150 m² et d’un garage de 1000 m² ; si l’objet du bail était le stockage, les lieux étaient également à usage commercial par la location du bureau. Le bâtiment ayant été démoli il lui a été impossible de continuer à stocker du matériel. La résiliation du contrat de bail est intervenue lors de la démolition de l’immeuble ; la chose n’existant plus la SCI n’était pas recevable à exiger le règlement du loyer après destruction du bien immobilier.

‘que la question n’est pas celle d’une résiliation anticipée du bail mais bien celle de la perte de la chose objet du bail ;

‘que la relation de confiance qui existait entre les parties explique que le virement permanent mis en place pour faciliter les paiements du loyer n’ait pas été stoppé immédiatement ;

‘qu’elle ignorait que la destruction interviendrait dans un délai si bref et n’a pas pris personnellement à la destruction de l’entrepôt.

S’agissant des retenues de garantie, elle indique que la SCI RVL s’est réfugiée derrière une absence de réception de l’ensemble des maisons pour refuser de restituer la somme de 19 133,90 euros alors qu’il n’est pas contestable qu’elle a réceptionné tacitement les ouvrages.

Elle précise qu’elle s’est vue confier le lot maçonnerie gros ‘uvre et que le promoteur n’aurait pas laissé poursuivre les travaux si ce lot n’avait été terminé. De la même façon, si des malfaçons avaient existé elle aurait été mise en demeure de réintervenir.

Elle soutient qu’en l’absence de démonstration de l’inexécution de ses obligations, et notamment de l’inachèvement du lot maçonnerie gros ‘uvre, la SCI RVL n’est pas fondée à refuser le remboursement des retenues de garantie.

Elle rappelle que l’opposition abusive entraîne la condamnation des dommages et intérêts conformément aux dispositions de l’article deux de la loi du 16 juillet 1971.

Suivant conclusions notifiées le 30 septembre 2022, la SCI RVL demande à la cour :

– de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Clermont Ferrand rendu le 01 avril 2022 en ce qu’il a :

*débouté la SAS construction Goncalves de l’ensemble de ses demandes

*condamné la SAS construction Goncalves à lui régler la somme de 2.000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

*condamné la SAS construction Goncalves aux entiers dépens

Statuant à nouveau pour le restant

-de débouter la SAS construction Goncalves de l’ensemble de ses demandes

-de condamner la SAS construction Goncalves à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

-de condamner la SAS construction Goncalves aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Elle soutient que la SAS construction Goncalves, parfaitement informée de son projet immobilier, a continué d’entreposer son matériel sur le terrain loué jusqu’au mois d’avril 2018 ; que le contrat de bail dérogatoire conclu initialement pour une durée d’une année soit du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2017 n’a jamais fait l’objet d’une quelconque résolution par le locataire, cette faculté de résolution anticipée n’étant pas prévue au contrat.

Elle soutient que la SAS devait même en quittant les lieux loués avant terme, continuer à payer le loyer normalement jusqu’au 31 décembre 2017 ; le contrat de bail dérogatoire s’est ensuite poursuivi d’un commun accord jusqu’au départ définitif de la SAS au mois d’avril 2018.

Elle rappelle que son locataire a poursuivi le règlement des loyers ce qu’il n’aurait pas fait s’il avait effectivement quitté les lieux. Elle ne conteste pas le fait que les bâtiments édifiés sur le terrain ont été démolis mais prétend que la SAS jouissait du terrain pour le stockage de son matériel.

S’agissant de la restitution des retenues de garantie elle explique s’y être opposée en raison de diverses malfaçons et non finitions constatées sur le programme immobilier. Cette opposition n’a jamais été contestée, la SAS ayant conscience de la mauvaise qualité de son travail en fin de chantier.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 juin 2023.

Motivation :

I-Sur la demande de restitution de l’indu :

L’appelante a signé le 15 décembre 2016 avec la SCI RVL un bail commercial dérogatoire prenant effet le 1er janvier 2017, d’une durée d’un an, portant sur un immeuble à usage commercial cadastré section ZC N°[Cadastre 1] constitué d’un bureau de 150 m2 +garage 1000 m2 (hangar, cour et parkings aménagés, quai de chargement, terrain pour entrepôts, chaufferie). Les locaux loués avaient la destination suivante : usage commercial+ stockage.

Aux termes de ce contrat, les parties reconnaissent leur volonté commune d’écarter, en raison de la durée du bail dérogatoire, l’application des articles L145-1 et suivants et R145-3 du code de commerce relatifs aux baux commerciaux.

Il résulte des clauses de ce contrat, que la SCI RVL s’est engagée à louer pour une durée d’un an un immeuble à usage commercial et de stockage, permettant d’abriter des matériaux mais également du personnel et de recevoir une clientèle dans l’espace bureau.

Le bâtiment a été rasé ainsi que l’établissent les pièces du dossier et notamment la page du promoteur immobilier, éditée le 20 janvier 2017, illustrée par des photos de la démolition en cours dans le cadre du projet de promotion immobilière « [Adresse 6] ». Le rapport d’étude du sol du BET Soletude établi le 5 mars 2017 décrit un site sur lequel les anciennes constructions ont été démolies.

La SCI RVL soutient que la SAS construction Goncalves savait que les bâtiments allaient être détruits puisqu’elle était appelée à travailler sur le chantier du hameau du Pra. Il est certain que les travaux de démolition ont débuté très rapidement après la signature du contrat. Toutefois, aucune mention dudit contrat ne précise que le bien immobilier loué moyennant une somme annuelle de 44 016.60 euros était appelé à être détruit dans les mois suivants. L’argument de la SCI RVL est à double tranchant puisqu’elle n’explique pas la raison pour laquelle elle a pris soin de spécifier dans le contrat de bail la nature des lieux loués et leur destination pour une durée d’un an si moins de deux mois après la signature du contrat l’immeuble était appelé à être démoli.

Par ailleurs les parties n’ont pas souscrit un contrat précaire puisqu’elles n’ont pas inséré dans le contrat de motif de précarité. Elles ont régularisé un contrat dérogatoire tel que prévu à l’article L 145-5 du code de commerce.

Les photographies des lieux montrent que le bâtiment loué a fait place à un terrain nu sur lequel ont rapidement été édifiés des immeubles à usage d’habitation dont 4 étaient terminés en octobre 2017(pièce 18).

Ainsi, ni le terrain nu ni la présence de maisons proposées à la vente ne permettaient à la société locataire de jouir du bien pour lequel elle avait signé un contrat de bail dérogatoire ce bien n’existant plus.

Le bien étant détruit et la présence du locataire sur les lieux n’étant pas démontrée, il ne peut être considéré que le bail dérogatoire s’est poursuivi par un bail soumis au régime des baux commerciaux.

Ce d’autant que la société construction Goncalves justifie louer depuis le 1er décembre 2016 des ateliers et terrains à [Localité 7] (63 170) (pièce 19).

La destruction des lieux entraîne donc résiliation de plein droit du bail et dispense la société construction Goncalves du paiement des loyers à compter du 1er mars 2017, les photos permettant d’établir avec certitude que le terrain était totalement nu étant datés du 5 mars 2017.

Le fait pour la société construction Goncalves d’avoir à tort, réglé les loyers ne la prive pas de la possibilité d’en solliciter le remboursement dans le cadre d’une action en répétition de l’indu. La société construction Goncalves est donc bien fondée à solliciter le remboursement des échéances de loyer indument perçues par la SCI RVL du mois de mars 2017 au mois d’avril 2018.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point et il sera fait droit à sa demande dans la limite de 47 684,65 euros (51 352.70 euros ‘ 3668.05 euros (février)).

Chaque échéance indue produira des intérêts au taux légal à compter de son paiement, la SCI RVL ne pouvant ignorer la destruction du bien loué et ne pouvant donc exciper de sa bonne foi.

-Sur le paiement des retenues de garantie :

La SCI RVL a confié à la SAS construction Goncalves la réalisation du lot maçonnerie du hameau du Pra. Les retenues de garanties de 5% du montant des travaux s’élèvent à 19.133,90 euros. Les parties s’opposent sur la restitution de cette somme.

La SAS construction Goncalves se prévaut d’une réception tacite de l’ouvrage pour les immeubles qui ont tous été vendus.

La SCI RVL s’oppose à cette demande considérant que les travaux effectués sont affectés de nombreuses malfaçons et non-finitions.

Elle rappelle justement que la retenue de garantie a pour but de protéger le maître de l’ouvrage contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution, le locateur d’ouvrage étant tenu d’une garantie de parfait achèvement pour les désordres réservés à réception.

En l’espèce, la SCI RVL indique dans un courrier du 17 septembre 2019 que « les réceptions n’ont pas été faites sur l’ensemble des maisons » ce qui a contrario signifie qu’à cette date la réception était faite sur certaines maisons.

Cependant ces malfaçons ne sont pas listées précisément et les deux factures produites en pièces 4 et 5 pour un montant total de 7 452,40 euros TTC ne suffisent pas à établir que les sociétés Fernandes et Distridome sont intervenues en raison de désordres imputables à la société construction Goncalves ou à son refus d’intervenir pour achever les travaux conformément aux règles de l’art. Il n’est produit aucune lettre de mise en demeure, aucun constat d’huissier en ce sens. Par ailleurs, la retenue de garantie peut être conservée 12 mois après la date de réception des travaux. En l’espèce, les maisons ont toutes été vendues. La vente de l’ensemble des biens caractérise la réception, à tout le moins tacite des ouvrages puisque la société RVL n’a produit aucun procès-verbal de réception ce qui est improbable dans une opération de promotion immobilière.

Le jugement sera infirmé sur ce point et il sera fait droit à la demande de la société constructions Goncalves.

-Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :

La résistance d’une partie ne peut donner lieu à des dommages et intérêts que si le créancier de l’obligation établit la mauvaise foi du débiteur et l’existence d’un préjudice indépendant du retard de paiement qui sera indemnisé par les intérêts moratoires.

Ce préjudice n’étant pas caractérisé, les conditions cumulatives permettant de faire droit à cette demande ne sont pas réunies. Le jugement sera confirmé sur ce point par substitution de motifs.

-Sur les autres demandes :

La SCI RVL succombant en ses demandes sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

L’équité commande d’accorder à la société construction Goncalves la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, l’arrêt étant mis à disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté la demande présentée au titre de la résistance abusive ;

Statuant à nouveau,

Condamne la SCI RVL à verser à la SAS construction Goncalves la somme de 47 684,65 euros au titre des échéances de loyer indûment perçues du mois de mars 2017 au mois d’avril 2018 ;

Dit que chacune de ces échéances indues produira des intérêts au taux légal à compter de son paiement ;

Condamne la SCI RVL à verser à la SAS construction Goncalves la somme de 19.133.90 euros au titre des retenues de garantie, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;

Condamne la SCI RVL à verser à la SAS construction Gongalves la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI RVL aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier La Présidente

 


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