Rupture anticipée : 2 novembre 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/01442

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Rupture anticipée : 2 novembre 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/01442
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COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 02 Novembre 2023

N° RG 21/01442 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GX7G

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de THONON-LES-BAINS en date du 27 Avril 2021, RG 1119000209

Appelante

S.A. CA CONSUMER FINANCE dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SELARL CONNILLE – POZZALLO AVOCATS, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat plaidant au barreau de LYON

Intimés

M. [E] [N]

né le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 5],

et

Mme [R] [N] [W]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 6], demeurant ensemble [Adresse 4]

Représentés par Me Paul-Marie BERAUDO, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 05 septembre 2023 par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller, avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière, en présence de Madame Emma BRUNET, Assistante de Justice,

Et lors du délibéré, par :

– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a rendu compte des plaidoiries

– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 10 février 2015, la SA CA Consumer Finance indique avoir octroyé à Monsieur [E] [N] et à Madame [R] [W] son épouse un prêt de ‘regroupement de crédits’ pour un montant en capital de 93 000 euros remboursable en 120 mensualités au taux nominal de 8,806%.

Se prévalant d’impayés depuis le mois d’avril 2018, la société CA Consumer Finance s’est prévalue de la déchéance du terme du concours et a mis en demeure, par lettre recommandée distribuée le 15 janvier 2019, les époux [N] de lui rembourser la somme de 82 714,79 euros.

Faute de règlement spontané, la société CA Consumer Finance a, par acte du 18 mars 2019, fait assigner les époux [N] en paiement devant le juge des contentieux de la protection en sollicitant, à titre principal, leur condamnation à lui payer la somme de 82 596,10 euros avec intérêts au taux contractuel légal à compter du 11 janvier 2019.

Monsieur [N] n’a pas constitué.

Par jugement réputé contradictoire du le 27 avril 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :

– débouté la société CA Consumer Finance de ses demandes fondées sur le contrat de prêt du 10 février 2015,

– débouté Madame [N] de sa demande indemnitaire pour procédure abusive,

– condamné la société CA Consumer Finance à payer à Madame [N] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société CA Consumer finance aux dépens de l’instance,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 8 juillet 2021, la société CA Consumer Finance a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées le 6 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société CA Consumer finance demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté Madame [N] de sa demande indemnitaire pour procédure abusive,

A titre principal,

– constater l’acquisition de la clause résolutoire et la déchéance du terme,

A titre subsidiaire,

– prononcer la résiliation du contrat et la déchéance du terme pour manquement aux obligations contractuelles,

En tout état de cause,

– condamner solidairement les époux [N] à lui payer, au titre du contrat du 10 février 2015, la somme de 82 663,69 euros (actualisée au 30 juin 2021), outre les intérêts contractuels au taux de 8,806% à compter du 11 janvier 2019,

– débouter les époux [N] de leurs demandes, fins et prétentions,

– condamner solidairement les époux à lui payer la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner solidairement les époux [N] aux dépens d’appel.

Par conclusions notifiées le 27 décembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les époux [N] demandent à la cour de :

– constater la non-communication du contrat de prêt aux débats sauf les pages 3 et 9 signées par les emprunteurs,

– constater l’absence de communication par la requérante des précédents contrats regroupés,

– dire et juger que la requérante ne justifie pas du consentement des précédents créanciers à la novation,

– dire et juger que la souscription du nouveau contrat de prêt n’a pas emporté novation des précédents contrats,

– dire et juger que les précédentes créances regroupées étaient prescrites et forcloses,

– dire et juger que la société CA Consumer Finance ne justifie pas avoir respecté le formalisme et les obligations incombant au prêteur tel que prévues par les dispositions du code de la consommation,

– dire et juger que la société CA Consumer Finance ne justifie pas avoir respecté l’obligation précontractuelle d’information notamment par la remise de la fiche européenne précontractuelle d’information,

– dire et juger que la société CA Consumer Finance n’a pas respecté le délai minimal d’acceptation de l’offre,

– dire et juger que la société CA Consumer Finance n’a pas respecté les obligations de la loi Hamon sur l’information des emprunteurs sur l’impact des crédits de restructuration,

– confirmer le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains en ce qu’il a débouté la société CA Consumer Finance de ses demandes fondées sur le contrat de prêt du 10 février 2015,

– débouter la société CA Consumer Finance de l’ensemble de ses demandes.

Subsidiairement,

– prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la société CA Consumer Finance,

– dire et juger que la société CA Consumer Finance ne justifie pas d’une déchéance du terme valable car pas précédée d’une mise en demeure,

– ordonner la communication d’un nouveau tableau d’amortissement après application de la déchéance du droit aux intérêts au profit des emprunteurs.

En tout état de cause,

– réformer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Madame [N] de sa demande indemnitaire pour procédure abusive,

– condamner reconventionnellement la société CA Consumer Finance au règlement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner reconventionnellement la société CA Consumer Finance au règlement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la même aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 juillet 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Conformément à l’article L.311-24 du code de la consommation, dans sa version en vigueur au jour de la conclusion du contrat, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés.

Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.

Il résulte en l’espèce des documents produits par l’appelante que les époux [N] ont conclu avec la SA CA Consumer Finance un contrat dit de ‘regroupement de crédits’ selon offre préalable du 4 février 2015 acceptée le 15 février suivant par les emprunteurs.

Outre le contrat liant les parties (pièce n°1, feuillets numérotés de 1/3 à 3/3 – Selarl Levy Roche Sarda), la SA CA Consumer Finance produit aux débats une fiche de dialogue renseignée et signée par les époux [N], une preuve de consultation du FICP pour chacun des emprunteurs (en date des 4 et 10 février 2015) ainsi que différents justificatifs de revenus, d’imposition et de domiciliation (pièces n°1 et 8 – Selarl Levy Roche Sarda).

La SA CA Consumer Finance verse encore aux débats le tableau d’amortissement du contrat de crédit (pièce n°2 – Selarl Levy Roche Sarda) ainsi qu’une lettre de clôture du 10 février 2015, signée par chacun des époux [N] (pièce n°7 – Selarl Levy Roche Sarda), concernant 6 contrats de prêt antérieurement conclus avec :

la Banque Populaire des Alpes (n°07107682),

la Banque Populaire des Alpes (n°41221801909001),

Cofinoga (n°36012366),

Sofinco (n°52054356034),

Viaxel (n°81053034757),

Cetelem (n°88991675419001).

Les époux [N] allèguent à la fois que ces contrats n’auraient pas été soldés par la SA CA Consumer Finance et que le prêt du 10 février 2015 n’emporterait pas novation des anciennes conventions.

Ils ne démontrent pour autant, alors-même qu’ils ne contestent pas avoir signé la lettre de clôture précitée et avoir exécuté le contrat les liant à l’appelante durant plus de 3 ans, que la Banque Populaire des Alpes, Cofinoga, Sofinco, Viaxel ou encore Cetelem aurait poursuivi ou tenté de poursuivre l’exécution des contrats prêts prétendument non-soldés par la SA CA Consumer Finance consécutivement à la souscription de l’emprunt de regroupement de crédits objet de la présente procédure. De même, les époux [N] ne sauraient valablement arguer d’une absence de novation des contrats résiliés par le prêt du 10 février 2015 dont l’objet même, tel que stipulé au contrat, a été de solder différents concours antérieurs souscrits par eux.

En ce sens, les époux [N] seront déboutés de l’ensemble de leurs prétentions subséquentes relatives à la forclusion puis à la prescription des demandes adverses.

Les époux [N] allèguent encore que les prêts conclus avec la Banque Populaire des Alpes étaient des emprunts en lien avec un investissement immobilier impliquant le respect, par le nouveau prêteur, des normes découlant de la loi Hamon. Ils ne versent cependant aucune pièce pour justifier de leurs allégations alors qu’ils étaient en capacité de produire les contrats de prêts initialement souscrits par eux de sorte que leurs demandes subséquentes ne sauraient être retenues.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que la SA CA Consumer Finance justifie du contrat de prêt fondant sa demande en paiement et de l’exécution de son obligation principale soit du paiement des établissements bancaires susvisés lesquels n’ont plus revendiqué, auprès des époux [N], les sommes dues par eux à compter du 10 février 2015.

En revanche, force est de constater que la SA CA Consumer Finance ne justifie pas de la remise effective aux emprunteurs de la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées au-delà d’une simple mention type figurant au contrat laquelle n’est corroborée par aucun indice extérieur. Dès lors, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres causes de déchéances invoquées, la SA CA Consumer Finance doit être déchue de son droit au remboursement des intérêts contractuels.

Enfin, la cour observe que le contrat du 10 février 2015 ne prévoit pas de clause de résiliation anticipée du contrat en cas de défaillance de l’emprunteur. Aussi, attendu qu’il n’est pas contesté que les emprunteurs sont défaillants depuis avril 2018, il y a lieu de prononcer la résiliation du contrat et de condamner les intimés à payer la somme de 93 000 euros déduction faite des mensualités effectivement réglées jusqu’à l’échéance du 5 avril 2018 (-37 567,09 euros) soit la somme de 55 432,91 euros outre une somme modérée à 1 euro au titre de l’indemnité légale au regard du préjudice résultant pour le prêteur de la rupture anticipée d’un contrat pour lequel la déchéance des intérêts est prononcée.

Les époux [N], qui succombent à l’instance, sont condamnés aux dépens et à payer la somme de 500 euros à la SA CA Consumer Finance au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Réforme la décision déférée,

Statuant à nouveau,

Prononce la résiliation du contrat de prêt souscrit le 10 février 2015 entre la SA CA Consumer Finance, d’une part, et Monsieur [E] [N] ainsi que Madame [R] [W] épouse [N], d’autre part,

Condamne solidairement Monsieur [E] [N] ainsi que Madame [R] [W] épouse [N] à payer la somme de 55 433,91 euros à la SA CA Consumer Finance, au titre du contrat de prêt souscrit le 10 février 2015, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Déboute Monsieur [E] [N] ainsi que Madame [R] [W] épouse [N] de leurs demandes,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Monsieur [E] [N] ainsi que Madame [R] [W] épouse [N] aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne in solidum Monsieur [E] [N] ainsi que Madame [R] [W] épouse [N] à payer la somme de 500 euros à la SA CA Consumer Finance au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi prononcé publiquement le 02 novembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente

 


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