Rupture anticipée : 19 septembre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/06496

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Rupture anticipée : 19 septembre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/06496
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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/06496 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PGMF

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 SEPTEMBRE 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2020008651

APPELANTE :

S.A.S. LA SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE DE CONSTRUCTION D’ APPAREILS ET DE MATERIEL ELECTRIQUES (SICAME)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sabine NGO, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Aurélie POLI, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

INTIMEE :

S.A.S NOTOS SAS inscrite au RCS de Montpellier num 453 236 192 prise en

la personne de son représentant légal domicilié es qualité au siège social sis

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Mathilde BENOIST, avocat au barreau de ANGERS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 25 Mai 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 JUIN 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller faisant fonction de président de chambre, chargée du rapport et M. Thibault GRAFFIN, Conseiller,

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre,

Mr Thibault GRAFFIN, Conseiller,

Mr Pascal MATHIS , Conseiller, magistrat de permanence désigné par ordonnance du premier président du 14 février 2023, en remplacement du magistrat empêché

Greffier lors des débats : Mme Estelle DOUBEY

ARRET :

– Contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévue au 12 septembre 2023 et prorogée au 19 septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre en remplacement du président de chambre empêché et par Mme Estelle DOUBEY, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La SAS Notos exerce une activité de vente de services, matériels et logiciels informatiques et de conseil en systèmes et logiciels informatiques.

La SAS Société industrielle de construction d’appareils et de matériel électriques (la société Sicame) est spécialisée dans la fabrication et vente de matériel de distribution de l’énergie électrique, elle a souhaité externaliser les taches d’exploitation et d’administration de son infrastructure technique (système IBM i). Elle appartient à un groupe de sociétés établies en France et à l’étranger .

Suite à la proposition de la société Notos, par acte sous seing privé en date des 22 et 27 octobre 2018, les deux sociétés ont conclu un contrat cadre C1 8005 et un contrat de télé-exploitation (conditions générales et particulières) selon lesquels la prestation de télé-exploitation, confiée à la société Notos, comprend une exploitation le matin entre 7 heures et 7 heures 30, avec une vérification de l’état opérationnel de l’infrastructure technique, une surveillance du système de 7 heures 30 à 18 heures 30 dans le cadre d’une astreinte semaine et d’une astreinte week-end., tarifées distinctement (12 900 euros HT et 600 euros HT, outre une tarification des interventions en astreinte ainsi que des prestations sur site).

Il est prévu deux comités de pilotage par an ; le premier au bout de trois mois d’activité et le second trois mois avant la date anniversaire du contrat.

La prestation est réalisée dans les locaux du fournisseur via un accès VPN fourni par le client.

Le contrat a été conclu pour une durée déterminée d’un an à compter du 12 novembre 2018, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes de même durée, sauf dénonciation au plus tard trois mois avant son terme:

Par courriel en date du 12 février 2019, la société Sicame a informé la société Notos qu’elle entendait mettre un terme au contrat « à effet immédiat à compter de la réception de la présente lettre ” compte tenu de «graves manquements dans l’exécution des procédures le jeudi 31 janvier 2019 et le vendredi 1er février 2019, l’exploitation du jeudi ayant été lancée deux fois et celle du vendredi n’ayant pas été faite ”.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 17 octobre 2019, la société Notos a mis en demeure la société Sicame de lui verser les sommes de 144 996 euros au titre des mensualités contractuelles échues, de 31 500 euros au titre de factures impayées (décembre 2018 et janvier 2019) et de 44 485,92 euros en application de la clause pénale applicable en cas de violation de la clause de non-sollicitation.

Saisi par acte d’huissier en date du 7 août 2020 par la société Notos, le tribunal de commerce de Montpellier a, par jugement du 6 septembre 2021

« – Constaté la rupture unilatérale du contrat à l’initiative de la société Sicame comme contrevenant aux dispositions des articles 1103, 1224 en l’absence de clause résolutoire et en l’absence d’avoir justifié d’une inexécution suffisamment grave de la part de la société Notos,

– Constaté également, que cette rupture unilatérale est contrevenante à l’article 1226 du code civil en ce que l’urgence n’est pas justifiée et en l’absence de mise en demeure,

– Débouté la société Sicame de sa demande de voir le tribunal constater que la résolution du contrat de prestations de services était fondée ;

– Condamné sur le fondement de l’article 1212 du Code Civil la société Sicame à verser à la société Notos la somme de 143.394 euros au titre des mois restant à courir du jour de la résiliation au terme du contrat prévu au 11 novembre 2019,

– Débouté la société Sicame en sa demande de voir rejeter les factures dues à la société Notos comme infondée et injustifiée,

– Condamné la société Sicame à payer à la société Notos :

– la somme de 31.500 euros au titre des factures F000458 et C00483 restées impayées,

– les intérêts dus sur cette somme au taux contractuel égal à trois fois le taux d’intérêts légal à compter de l’assignation en date du 7 août 2020,

– l’indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros prévue à l’article D 441-5 du Code de commerce, applicable par facture impayée.

– Débouté la société Sicame en sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 333.455 euros comme infondée et injustifiée;

– Constaté que la société Sicame n’a pas respecté la clause de non-sollicitation prévue à l’article 17 du contrat;

– Condamné en conséquence la société Sicame à payer la somme de 35.244 euros à la société Notos au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la clause de sollicitation ;

– Débouté la société Sicame en sa demande de voir constater la demande de dommages et intérêts de la société Notos comme manifestement excessive et la minorer;

– Condamné la société Sicame à payer à la société Notos la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens (‘). »

Par déclaration reçue le 8 novembre 2021, la société Sicame a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Elle demande à la cour, en l’état de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 19 septembre 2022, de

«- Vu les articles 1170, 1217, 1219, 1224, 1226, 1231-1 et 1231-5 du Code civil, (‘)

-Infirmer le jugement entrepris (‘) en ce qu’il a constaté que la rupture unilatérale du contrat à son initiative était injustifiée, l’a condamnée à verser la somme de 143 394 euros (‘), 31 500 euros, une indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros par facture impayée, l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts (‘) et l’a condamnée à payer la somme de 35 244 euros

– Et au contraire, dire et juger que

– la société Notos a commis des fautes qui engagent sa responsabilité contractuelle,

– ces fautes étaient suffisamment graves pour justifier la résiliation unilatérale du contrat sans mise en demeure préalable,

– le non-paiement, par la société Sicame, des factures antérieures à la résiliation et le non-respect de la clause de non-sollicitation sont justifiés par le principe d’exception d’inexécution,

– En conséquence, dire et juger qu’elle n’est redevable d’aucune indemnisation au titre de la résiliation anticipée du contrat, d’aucune somme au titre des factures antérieures à la résiliation et d’aucune somme au titre du non-respect de la clause de non-sollicitation,

– A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour considérait qu’elle était tenue de respecter la clause de non-sollicitation stipulée à l’article 17 du contrat de prestation,

– Dire et juger que l’article 17.3 du contrat-cadre est une clause pénale, que la somme forfaitaire prévue par l’article 17.3 du contrat-cadre est manifestement excessive par rapport au préjudice démontré par la société Notos et la minorer en conséquence, que le non-respect de la clause de non-sollicitation (‘)n’a causé aucun préjudice à la société Notos et qu’en conséquence que la somme due par la société Sicame à la société Notos en application de la clause pénale doit être réduite à néant,

– En tout état de cause, condamner la société Notos à lui verser la somme de 227 149,32 euros à titre de dommage et intérêts en réparation des préjudices subis,

– Condamner la société Notos à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure. »

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que

-les éléments qu’elle produit, en ce compris le rapport d’expertise, ont force probatoire,

-le rapport d’expertise n’a été sollicité que lorsqu’elle a constaté que la société Notos contestait ses manquements, ce qu’elle n’avait jamais fait, il n’est pas le seul élément produit et est soumis à la discussion,

– le rapport d’informatique est catégorique ; le 31 janvier 2019, la procédure d’exploitation a été lancée deux fois, et ce malgré la procédure détaillée décrivant l’exploitation du matin, et le 1er février 2019, elle n’a pas été effectuée,

-tous les services opérationnels des filiales ont été mis à l’arrêt pendant les corrections, ceux-ci ne pouvant travailler à partir de stocks erronés,

– le service informatique, qui a été assailli de demandes, a mobilisé 3 personnes à temps plein pendant plusieurs heures, le service administratif et celui de de la direction ont aussi mobilisé du personnel, tandis que certaines filiales ont perdu des données ; les préjudices sont évalués sur ces bases,

– la société Notos a reconnu ses manquements le 1er février 2019 et leur gravité,

– la clause de conciliation amiable était inapplicable, ne concernant que l’article « résiliation » du contrat, qui n’existe pas et était inconciliable avec la gravité des manquements,

– la société Notos a été accompagnée dans la prise en main des procédures d’exploitation et était opérationnelle, la prétendue absence de validation de la documentation est inopérante,

– la rupture anticipée est justifiée et s’oppose à toute indemnisation, qui, au demeurant, nécessite la preuve d’un préjudice,

– l’exception d’inexécution fait obstacle au paiement de factures réclamé,

– elle n’a pas violé la clause de non-sollicitation, M. [M] ayant quitté la société Notos en avril 2019 et sa candidature lui ayant été soumise par une société de portage salarial ; l’inexécution contractuelle de la société Notos l’empêche de se prévaloir des obligations mises à sa charge,

– subsidiairement, la clause doit être minorée, car c’est une clause pénale et aucun préjudice n’est rapporté du fait de la prétendue violation, alors que M [M] est parti de son plein gré.

Formant appel incident, la société Notos sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 4 mai 2023

« -Vu les articles 1103 et suivants, 1212 et suivants du Code civil, (..),

– Juger la société Sicame mal fondée en son appel principal,

– En conséquence, l’en débouter, ainsi que de toutes demandes, fins et conclusions,

– Confirmer dès lors le jugement entrepris en ce qu’il a constaté la rupture unilatérale du contrat, en date du 22 octobre 2018, dont la prise d’effet était dite au 12 novembre 2018, à l’initiative de la société Sicame comme contrevenant aux dispositions des articles 1103, 1224 en l’absence de clause résolutoire et en l’absence d’avoir justifié d’une inexécution suffisamment grave de la part de la société Notos , constaté également, que cette rupture unilatérale est contrevenante à /’article 1226 du code civil en ce que l’urgence n’est pas justifiée et en l’absence de mise en demeure, débouté en conséquence la société Sicame de sa demande de voir le Tribunal constater que la résolution du contrat de prestations de services était fondée, condamné (‘) la société Sicame à lui verser la somme de 143.394 euros au titre des mois restant à courir du jour de la résiliation au terme du contrat prévu au 11 novembre 2019 , débouté la société Sicame en sa demande de voir rejeter les factures dues (‘), condamné la société Sicame à lui payer la somme de 31 500 euros au titre des factures F000458 et C00483 restées impayées, les intérêts dus sur cette somme au taux contractuel égal à trois fois le taux d’intérêt légal à compter de l’assignation en date du 7 août 2020, l’indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros (‘), débouté la société Sicame en sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 333.455,00 euros (‘), condamné la société Sicame à lui payer la somme de 35.244 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la clause de sollicitation, débouté la société Sicame en sa demande de voir constater la demande de dommages et intérêts de la société Notos comme manifestement excessive et la minorer et condamné la société Sicame à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens (‘),

– Juger la société Notos tant recevable que bien fondée en son appel incident,

– Y faisant droit,

– lnfirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre du dédommagement des dépenses de sélection et recrutement, comme infondée et injustifiée.

– Condamner en conséquence la société Sicame à lui payer une somme de 8 811 euros de dommages et intérêts au titre du dédommagement des dépenses de sélection et recrutement,

– Condamner en outre la société Sicame à lui payer une somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel, dont le recouvrement (‘). »

Elle expose en substance que

– la société Sicame n’a pas procédé aux validations des procédures contractuellement prévues,

-le 31 janvier 2019, elle a exécuté la procédure d’exploitation quotidienne une seule fois ; le rapport d’expertise unilatéral produit à hauteur de cour ne démontre pas le contraire, il établit seulement que le système interface de la société Sicame est un système permissif

– le 1er février 2019, elle a exécuté la procédure d’exploitation quotidienne ; le rapport unilatéral n’est pas probant,

– elle n’a jamais eu aucune explication sur ce qui s’est passé après le lancement des programmes, aucune intervention de correction ne lui a été demandée,

– le blocage de tous les services opérationnels des filiales lors de la correction nécessaire au rétablissement de la situation les 31 et 1er n’est pas établi (attestation collaborateurs, tickets incident peu explicites’),

–  le préjudice n’est pas justifié : la mobilisation des équipes est soit de 6 heures et 2 heures, soit de 4 jours, la perte d’exploitation liée à la désorganisation n’est pas rapportée, l’atteinte portée aux données des filiales non plus,

– elle n’était tenue que d’une obligations de moyens, un préavis devait être respecté ainsi que la clause de conciliation amiable préalable,

– son préjudice est constitué du gain manqué (mensualités de février à novembre 2019) et des factures impayées (décembre 2018 et janvier 2019),

– la société Sicame a violé la clause de non-sollicitation en ayant recours par contrat des 10 et 11 avril 2019 (contrat de portage salarial) aux services de M. [M], qui faisait partie de ses effectifs jusqu’au 30 avril 2019, l’absence de débauchage est inopérant.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 25 mai 2023.

MOTIFS de la DECISION :

1- sur la résiliation

L’article 1217 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, prévoit que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté ou l’a été imparfaitement, peut refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation, poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l’inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

L’article 1219 du même code, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, prévoit qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Selon l’article 1224 de ce code, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

L’article 1225 suivant précise que la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat.

La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

Enfin selon l’article 1226 suivant, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.

Le rapport d’expertise établi le 3 février 2022, à la demande de la société Sicame, a été régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties.

Il indique que la procédure d’exploitation, dont était chargée la société Notos, consiste en un enchaînement d’actions informatiques, générant des lignes dans la base de données, qui permet de gérer les stocks de produits de chaque société du groupe. Il précise que cette procédure d’exploitation est effectuée avant 7 heures 30 de façon à garantir que les traitements d’intégration des mouvements de stock soient réalisés avant les opérations de clôture de chaque utilisateur.

Concernant la journée du 31 janvier 2019, l’expert désigné a constaté que la procédure d’exploitation quotidienne, confiée à la société Notos a été réalisée deux fois de suite et concernant celle du 1er février 2019, qu’aucune entrée en base de données n’a été réalisée pour l’ensemble des filiales.

Il précise que c’est la société Sicame, qui a procédé aux corrections sur ces deux journées.

Si ce rapport d’expertise établit que le système de la société Sicame est un système permissif, puisque la prestation a pu être lancée deux fois de suite, cette constatation ne remet pas en cause ses conclusions quant à l’inobservation par la société Notos de ses obligations contractuelles.

La société Notos avait le 31 janvier 2019 constaté l’existence d’une anomalie dans sa prestation eu égard à un message d’erreur provenant des « macros », qu’elle avait signalé dès 8 heures 22 par courriel à son cocontractant, qui lui confirmait, à 9 heures 41, la survenance d’une erreur nécessitant une reprise des opérations.

Par ailleurs, il s’évince d’un échange de courriels au sein de la société Notos (entre Mme [E] et M. [R]), daté du 1er février 2019, que la résiliation du contrat par la société Sicame, qui lui a été notifiée verbalement dès cette date, est parfaitement comprise par les représentants de cette dernière eu égard au non-respect de la procédure d’exploitation sur les deux journées des 31 janvier et 1er février 2019.

De même, suite à la notification de la résiliation immédiate du contrat par courrier en date du 12 février 2019, la société Notos, par la voie de son gérant, en a pris acte par courriel en date du 13 février suivant sans former de contestations avant un courrier en date du 17 octobre 2019, dans lequel elle ne remet pas en cause la matérialité du non-respect de la prestation, mais souligne qu’elle « n’a jamais pu intervenir pour résoudre » les difficultés compte tenu du blocage de son accès au système.

Les obligations contractuelles de la société Notos, à savoir, principalement, une exploitation le matin entre 7 heures et 7 heures 30, avec une vérification de l’état opérationnel de l’infrastructure technique et une surveillance du système., relevaient d’une obligations de moyens, telle qu’expressément prévue par le contrat cadre C1 8005 (article 14.1), celle-ci devant tout mettre en ‘uvre pour y parvenir. Elle ne conteste pas, à ce titre, avoir été accompagnée dans la prise en main des procédures d’exploitation et qu’elle était parfaitement en capacité d’y procéder, l’absence de validation de la documentation étant, à cet égard, indifférente.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société Notos a failli à ses obligations contractuelles en lançant deux fois la procédure d’exploitation le 31 janvier 2019 et en omettant de la lancer le 1er février 2019 ; ces manquements contractuels constituent une violation grave de la mission confiée en ce qu’ils portaient, d’une part, sur l’essence des prestations et, d’autre part, ont affecté la société Sicame et son groupe dans son fonctionnement même, perturbant, notamment, eu égard à la date de survenance de la seconde mauvaise exécution du contrat, de manière partielle et définitive, l’établissement du stock de deux filiales.

Outre la célérité de la réponse, que la société Sicame devait dès lors apporter à ces manquements, portant atteinte à son infrastructure technique, la clause de conciliation amiable, prévue à l’article 30 du contrat cadre C1 8005, selon laquelle « en cas de difficulté d’exécution et avant application de l’article « Résiliation », chacune des parties s’engage à désigner deux personnes de sa société de niveau Direction générale, qui devront se réunir à l’initiative de la partie la plus diligente, dans les huit jours à compter de la réception de la lettre de demande de réunion de conciliation » ne pouvait être appliquée, les conditions de sa mise en ‘uvre ne pouvant être réunies en l’absence d’une clause « Résiliation » dans ledit contrat explicitant les cas et modalités d’application.

L’atteinte au caractère essentiel des prestations, qui a rompu toute relation de confiance entre les parties, justifiait ainsi une résiliation immédiate, sans mise en demeure et préavis, telle que prononcée par la société Sicame le 12 février 2019, avec prise d’effet dès le 1er février.

La société Notos ne peut en conséquence solliciter l’indemnisation de l’absence de préavis et le paiement des mensualités des mois de février à novembre 2019 restant à courir ; ses demandes à ce titre seront rejetées. Toutefois, cette résiliation ne sanctionnant qu’une inexécution survenue fin janvier et début février 2019, et ce sans rétroactivité, les factures des mois de décembre 2018 et janvier 2019, demeurées impayées, sont dues prorata temporis pour cette dernière ; la société Sicame sera donc condamnée à verser la somme de 16 020 euros au titre de la facture F000458 et celle de 14 964 euros (en lieu et place de 15 480 euros) au titre de la facture FC00483.

Le jugement sera réformé en ce qu’il a débouté la société Sicame de sa demande relative à la résolution du contrat de prestations de services et l’a condamnée à verser à la société Notos la somme de 143 394 euros au titre des mois restant à courir du jour de la résiliation au terme du contrat ainsi qu’à lui verser la somme de la somme de 15 480 euros au titre de la facture F C00483.

Le rapport d’expertise versé aux débats expose que le temps nécessaire à la réalisation des correctifs pour la journée du 31 janvier 2019 est d’au minimum 6 heures pour trois personnes, ayant des profils très qualifiés pour chaque filiale et que les valeurs de stocks enregistrées le 31 janvier 2019 n’ont pu être corrigées en totalité pour les filiales Catu et Dervaux SA, étant définitivement altérées tandis que la réalisation des correctifs pour la journée du 1er février 2019 a été d’environ 2 heures par un profil compétent pour chaque filiale.

Si les perturbations du système informatique et du fonctionnement des sociétés du groupe ont été réelles, le rapport d’expertise ne retient au total que 8 heures au titre du temps nécessaire pour remédier aux difficultés générées par les manquements contractuels de la société Notos et ce par quatre personnes qualifiées. Il expose également que seules deux filiales ont été affectées en partie dans la valorisation de leur stock sur un exercice. Aucune perte d’exploitation n’est étayée à l’appui de documents comptables, notamment comparatifs sur les deux exercices antérieur et postérieur aux manquements, la société Sicame ne contentant d’opérer un calcul purement théorique pour chiffrer son préjudice à ce titre. Enfin, le remboursement des frais d’expertise relève des frais irrépétibles et ceux-ci y seront réintégrés.

La cour dispose ainsi d’éléments suffisants pour fixer l’indemnisation du préjudice subi par la société Sicame du fait des manquements de son cocontractant à la somme de 20 000 euros.

2- sur la clause de non-sollicitation

Le contrat cadre C1 8005 prévoit, dans son article 17, une clause de non-sollicitation du personnel selon laquelle :

« 1. Le Client renonce à engager ou à faire travailler directement ou par personne interposée tout salariée du Fournisseur intervenant au titre du présent contrat quelle que soit sa spécialisation, et même si la sollicitation initiale est formulée par le collaborateur. Toute rémunération occulte est également interdite.

Cette renonciation est valable pendant toute la durée des prestations con’ées au Fournisseur augmentée d’une durée de douze mois à compter de l’achèvement des prestations.

2. Le Client devra notifier sans délai au Fournisseur de toutes prises de contact avec un membre quelconque du personnel du Fournisseur portant sur des questions d’emploi.

3. Le Client qui ne respecte pas les dispositions du présent article, sera tenu de verser à titre de dommages et intérêts conventionnels et non pas à titre de pénalité, la somme forfaitaire égale à la rémunération brute annuelle que le collaborateur a perçue ou aurait dû percevoir avant son départ du Fournisseur.

4. En sus des dommages et intérêts conventionnels susvisés, Le Client s’engage à dédommager Le Fournisseur notamment des dépenses de sélection et de recrutement, des frais de formation, des dommages résultant de sa réputation personnelle ou des engagements déjà pris pour son compte ”.

Cette non-sollicitation traduit l’interdiction pour la société Sicame d’embaucher un salarié ou un ancien salarié, dans la limite d’une année, de la société Notos, indépendamment de tout débauchage.

Il est établi que M. [U] [M] a été embauché suite à sa démission des effectifs de la société Notos prenant effet le 30 avril 2019 par la société Sicame par le biais d’un contrat de prestation en portage salarial du 10 avril 2019 de sorte que cette dernière a violé ses obligations contractuelles.

S’il s’agit d’une clause pénale, la société Sicame ne justifie pas en quoi le montant réclamé, dont le calcul n’est pas contesté, qui a vocation à réparer le préjudice financier subi par la société Notos du fait de la perte d’un salarié, qu’à défaut de tout élément contraire, elle a dû remplacer, aurait un caractère excessif, se bornant à en contester l’existence compte tenu du caractère volontaire du départ dudit salarié, qui est, en réalité, inhérent au manquement que la clause tend à sanctionner.

La société Sicame ne justifie pas du montant des dépenses de recrutement engagées après le départ de M. [M] (la pièce n°17 n’étant qu’un tableau récapitulatif qu’elle a établi).

Il en résulte que la société Sicame est débitrice de la somme de 35 244 euros au titre de la violation de la clause de non-sollicitation et que la demande de minoration de la clause pénale, formée par la société Sicame et de dommages-intérêts complémentaires, formée par la société Notos, doivent être rejetées.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

3- sur les autres demandes

Succombant partiellement sur son appel, la société Sicame sera condamnée aux dépens tandis que ni l’équité, ni aucun motif d’ordre économique ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

– Infirme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 6 septembre 2021, mais seulement en ce qu’il a « constaté la rupture unilatérale du contrat à l’initiative de la société Sicame comme contrevenant aux dispositions des articles 1103, 1224 en l’absence de clause résolutoire et en l’absence d’avoir justifié d’une inexécution suffisamment grave de la part de la société Notos, constaté également, que cette rupture unilatérale est contrevenante à l’article 1226 du code civil en ce que l’urgence n’est pas justifiée et en l’absence de mise en demeure, débouté la société Sicame de sa demande de voir le tribunal constater que la résolution du contrat de prestations de services était fondée et l’a condamnée à verser à la société Notos la somme de 143 394 euros au titre des mois restant à courir du jour de la résiliation au terme du contrat, débouté la société Sicame de sa demande de rejet des factures dues à la société Notos et l’a condamnée à payer la somme de 15 480 euros au titre de la facture FC00483 et a débouté la société Sicame de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 333 455 euros »,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

– Dit que la résiliation immédiate des contrats prononcée par la SAS Sicame à compter du 12 février 2019 est fondée,

– Condamne la SAS Notos a versé à la SAS Sicame la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses manquements contractuels,

– Rejette la demande en paiement de la SAS Notos au titre des mensualités restant à courir du jour de la résiliation jusqu’au terme du contrat,

– Condamne la SAS Sicame à verser à la SAS Notos la somme de 14 964 euros au titre de la facture FC00483 de janvier 2019,

– Confirme le jugement dans le surplus de ses dispositions,

– Rejette les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne la SAS Sicame aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

Le greffier Le conseiller faisant fonction de président

 


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