Rupture anticipée : 18 septembre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/03510

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Rupture anticipée : 18 septembre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/03510
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 18 SEPTEMBRE 2023

N° RG 21/03510 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MFJ7

S.A.R.L. ATTIS

c/

S.A.S. SLOW VILLAGE

SAS CAMPING ERREKA

Monsieur [T] [C]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 janvier 2021 (R.G. 2019F00391) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 21 juin 2021

APPELANTE :

S.A.R.L. ATTIS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3]

représentée par Maître Paul-André VIGNÉ de la SCP TMV, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.S. SLOW VILLAGE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]

représentée par Maître Aurore SICET de la SELARL DUCASSE NICOLAS SICET, avocat au barreau de BORDEAUX assistée par Maître Caroline PIRES de L’AARPI steering legal avocat au barreau de PARIS

INTERVENANTS :

SAS CAMPING ERREKA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 5]

Monsieur [T] [C] né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 6]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représentés par Maître Paul-André VIGNÉ de la SCP TMV, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 juin 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

La société Foncière Patrimoine Immobilier, devenue société Camping Erreka, est propriétaire d’un camping à [Localité 4] (64) exploité sous l’enseigne Camping Erreka. M. [C] en est le président.

Elle a pour associée principale, la société Attis qui détient 70 % des parts et dont le gérant est M. [C], la société Financière Pallas et la société Beauval.

La société Foncière Patrimoine Immobilier, représentée par M. [C], a conclu un contrat de management avec la société Slow Village le 28 décembre 2015 aux termes duquel celle-ci s’engageait à l’assister dans la gestion et le développement du camping Erreka moyennant une rémunération égale à 7% du chiffre d’affaires total hors taxe de la société et de 10% de son résultat brut d’exploitation. Une indemnité égale à 10 % de la plus value de cession était stipulée au bénéfice de l’exploitant en cas de cession du camping ( murs et fonds).

Le contrat de management a été résilié d’un commun accord entre les parties le 31 mai 2017.

Ayant été informée d’un projet de cession par les associés de la société Camping Erreka de l’intégralité de leurs titres, la société Slow Village a mis en demeure la société Camping Erreka de lui fournir le projet de contrat de cession.

Puis par acte d’huissier de justice en date du 4 juin 2018, elle a fait assigner en référé la société Camping Erreka, la société Attis et M. [T] afin qu’il leur soit enjoint de produire tout document relatif à la cession des titres de la société Camping Erreka. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance de référé du 24 juillet 2018, infirmée par un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 15 avril 2019.

Par acte du 29 mars 2019, la société Slow Village a fait assigner devant le tribunal de commerce de Bordeaux la société Camping Erreka, la société Attis et M. [C].

Par décision avant dire droit du 26 janvier 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux s’est déclaré compétent et a ordonné aux défendeurs de produire quatre pièces : statuts avant cession, protocole de cession et acte réitératif, bilan au 31 octobre 2017. Cette communication a été faite le 4 février 2021.

Par décision du 11 mai 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

– débouté la société Camping Erreka, la société Attis et Monsieur [T] [C] de leur demande de sursis à statuer,

– dit que l’acte de vente en date du 18 avril 2018 et réitéré le 17 mai 2018 est constitutif d’une vente indirecte du Camping situé à [Localité 4]), appartenant à la société Foncière patrimoine Aquitaine devenue société Camping Erreka,

– dit que l’article 6-3 du contrat de management en date du 28 décembre 2015 entre la société Slow village et la société Camping Erreka est applicable,

– mis hors de cause la société Camping Erreka,

– mis hors de cause Monsieur [T] [C] en sa qualité de président de la société Camping Erreka et de gérant de la société Attis,

– condamné la société Attis , en sa qualité d’associée de la société Camping Erreka à payer à la société Slow village la somme de 99.960,00 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2018,

– ordonné la capitalisation des intérêts,

– condamné la société Attis SARL à payer à la société Slow village la somme de 10.500,00 euros au titre du préjudice moral subi,

-condamné la société Attis SARL à payer à la société Slow village la somme de 7.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société Camping Erreka, la société Attis SARL et Monsieur [T] [C] du surplus de leurs demandes,

– débouté la société Slow village du surplus de ses demandes,

– ordonné l’exécution provisoire,

– condamné la société Attis SARL aux dépens.

La société Attis a interjeté appel de cette décision par acte en date du 21 juin 2021 intimant la société Slow Village.

Par acte du 17 décembre 2020 , la société Slow Village a assigné en appel provoqué devant la cour d’appel de Bordeaux la société Camping Erreka et M. [C].

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 septembre 2021, la société Attis demande à la cour :

– Dire et juger la société Attis recevable et bien fondée à en son appel,

– Réformer le Jugement du 11 mai 2021 en ce qu’il est entré en voie de condamnation à l’encontre de la société Attis.

En conséquence, statuant à nouveau,

1° Irrecevabilité de la demande

Vu l’article 2052 du code civil,

Dire et juger irrecevable la société Slow Village en ses demandes fins et conclusions.

2° Au fond

Vu l’article 1199 du Code civil (anciennement art. 1165),

A titre principal

Dire et juger mal fondée la société Slow Village en l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

En conséquence l’en débouter.

A titre infiniment subsidiaire

Réduire la demande de la société Slow Village à la somme de 12.750 euros.

A titre reconventionnel

Condamner la société Slow Village à payer à la société Attis la somme de 25.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2022, la société Slow Village demande à la cour de :

– confirmer de la décision du tribunal de commerce en ce qu’il a :

– Débouté la société Camping Erreka, la société Attis et Monsieur [C] de leur demande de sursis à statuer ;

– Jugé que l’acte de vente en date du 18 avril 2018 et réitéré le 17 mai 2018 est constitutif d’une vente indirecte du Camping situé à [Localité 4]), appartenant à la société Foncière patrimoine Aquitaine devenue société Camping Erreka ;

– Jugé que l’article 6-3 du contrat de management en date du 28 décembre 2015 entre la société Slow Village et la société Camping Erreka est applicable ;

– Jugé que le préjudice de la société Slow Village résultant de la rémunération prévue à l’article 6-3 du contrat de management devait se calculer sur la base d’une plus-value 1.428.000 euros ;

– Jugé que la société Slow Village a subi un préjudice du fait du manque d’information du projet de vente qui lui a fait perdre une chance d’acquérir la société ERREKA ;

– Jugé que la société Slow Village a subi un préjudice moral ;

– Condamné la société Attis à payer à la société Slow Village une indemnité au titre de la rémunération prévue à l’article 6-3 du contrat de management, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2018 ;

– Ordonné la capitalisation des intérêts ;

– Condamné la société Attis à payer à la société Slow Village une indemnité en réparation du préjudice moral subi ;

– Condamné la société Attis à payer à la société Slow Village une indemnité de 7.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

– Débouté la société Camping Erreka, la société Attis et Monsieur [C] du surplus de leurs demandes,

– infirmer la décision du tribunal de commerce en ce qu’il a :

– Mis hors de cause la société Camping Erreka ;

– Mis hors de cause Monsieur [T] [C] ;

– Limité la condamnation de la société Attis à hauteur du prorata de sa participation dans la société Erreka ;

– Ramené l’évaluation du préjudice moral de la société Slow Village à la somme de 15.000 euros au lieu de 50.000 euros ;

– Ramené l’évaluation du préjudice de la société Slow Village résultant de l’impossibilité de se positionner pour acquérir les titres de la société Camping Erreka en vertu du Droit de Préférence stipulé à l’article 6.4 du Contrat, au montant de la rémunération exceptionnelle prévue par l’article 6.3 du contrat de management ;

– Débouté la société Slow Village de ses demandes consistant à obtenir :

‘ La condamnation solidaire et in solidum de la société Camping Erreka, la société Attis et Monsieur [T] [C] à verser à la société Slow Village la somme totale de 142.800 euros d’indemnité au titre de la Rémunération Exceptionnelle minimum prévue à l’article 6.3 du contrat de management et à parfaire ;

‘ La condamnation solidaire et in solidum de la société Camping Erreka, la société Attis et Monsieur [T] [C] à payer à la société Slow Village la somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l’impossibilité de se positionner pour acquérir les titres de la société Camping Erreka en vertu du Droit de Préférence stipulé à l’article 6.4 du Contrat ;

‘ La condamnation solidaire et in solidum de la société Camping Erreka, la société Attis et Monsieur [T] [C] à payer à la société Slow Village la somme totale de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral

statuant à nouveau :

– Condamner solidairement et in solidum la société Camping Erreka, la société Attis et Monsieur [T] [C] à verser à la société Slow Village la somme de 142.800 euros d’indemnité au titre de la Rémunération Exceptionnelle minimum prévue à l’article 6.3 du contrat de management et à parfaire ;

– Condamner solidairement et in solidum la société Camping Erreka, la société Attis et Monsieur [T] [C] à payer à la société Slow Village la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

– Condamner solidairement et in solidum la société Camping Erreka, la société Attis et Monsieur [T] [C] à payer à la société Slow Village la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Dire que les sommes porteront intérêt à compter de la mise en demeure du 27 avril 2018 et ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

– Condamner solidairement et in solidum les sociétés Erreka et Attis et Monsieur [C] aux dépens de première instance et d’appel ;

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2022, la société Camping Erreka et M. [C] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement du 11 mai 2021 en ce qu’il a mis hors de cause la société Camping Erreka et M. [T] [C]

En conséquence,

– débouter la société Slow Village de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société Camping Erreka et de M. [T] [C]

– condamner la société Slow Village à payer à la société Camping Erreka et à M. [T] [C], chacun, la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’affaire a été clôturée par ordonnance du 30 mai 2023 et fixée à l’audience du 12 juin 2023, date à laquelle elle a été plaidée et mise en délibéré au 18 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Il sera indiqué à titre liminaire que la société Attis, la société Financière Pallas et la société Beauval ont cédé l’intégralité de leurs parts dans la société Camping Erreka à la société Sea Green Resort, à qui la société Camping Erreka avait confié au préalable la gestion du camping, par actes des 18 et 19 avril 2018. Le 17 mai 2018, une garantie de l’actif et du passif a en outre été signée entre les parties.

* sur la rémunération exceptionnelle :

2- L’article 6.3 du contrat de management conclu entre la société Slow Village désignée comme le prestataire et la société Foncière patrimoine Aquitaine désignée comme le bénéficiaire stipule que :

‘ en cas de non renouvellement de celui-ci [ le contrat ]ou de résiliation anticipée, pendant une période de deux ans, et sauf manquement du prestataire à ses obligations, les parties conviennent qu’en cas de cession du camping (murs et fonds) par la société et/ou ses associés, directement ou indirectement, le Prestataire bénéficiera d’une rémunération exceptionnelle égale à 10% de la plus-value de cession qui sera réalisée par le Bénéficiaire.’

3- Les premiers juges ont considéré que ‘la cession par les associés de la société Erreka Camping de l’ensemble de leurs titres constituait un moyen indirect de la vente de la société dans sa globalité ( actif et passif) laquelle comprenait bien les murs et le fonds de commerce’ et que les associés étaient redevables envers la société Slow Village de la rémunération exceptionnelle prévue à l’article 6.3 du contrat, calculée pour le seul associé assigné, la société Attis, à hauteur de la plus-value que celle-ci avait réalisée à l’occasion de la vente de ses titres.

4- Dans le cadre de cet appel, la société Attis soutient tout d’abord que la demande est irrecevable au visa de l’article 2052 du code civil, un protocole de résiliation du contrat étant intervenu et ayant procédé à un arrêté de compte à titre transactionnel et définitif à hauteur de 70 000 euros. Sur le fond, elle affirme :

– que la cession des titres sociaux n’entre pas dans le champ des stipulations de l’article 6.3, ni le camping ni les murs et le fonds n’ayant fait l’objet d’une cession,

– qu’elle ne peut être tenue au paiement d’une indemnité prévue dans un contrat auquel elle n’était pas partie et mise à la seule charge du bénéficiaire, à savoir la société Foncière patrimoine Aquitaine aux droits de laquelle intervient la société Camping Erreka.

Elle met en avant l’extrême maladresse de la rédaction de ce contrat, qui a été rédigé par le conseil de la société Slow Village. Dans le doute selon elle, ce contrat doit s’interpréter en faveur de celui qui a contracté l’obligation. Elle affirme enfin que sa responsabilité ne peut être engagée sur le fondement délictuel. Elle récuse toute fraude commise au préjudice de la société Slow Village exposant qu’il n’a jamais été envisagé de vendre le camping et le fonds de commerce.

5- La société Slow Village soutient que le camping a été indirectement cédé dans le cadre de la cession de leurs titres par les associés de la société Erreka Camping, ce qui lui ouvre droit à la perception de la rémunération exceptionnelle contractuelle. Elle affirme que la société Erreka Camping, M. [C], dirigeant de la société Erreka Camping et de la société Attis, et la société Attis, principale actionnaire de la société Erreka Camping ont agi ‘en collusion en fraude de ses droits’, dissimulant la réalité de l’opération envisagée, à savoir une cession de fonds de commerce.

6- La société Camping Erreka et M. [C], dont la responsabilité personnelle est recherchée, font valoir que :

– le contrat de management n’était plus en vigueur à la date de la cession litigieuse des titres,

– la société Camping Erreka n’a bénéficié d’aucune plus-value et est toujours propriétaire du fonds de commerce, de sorte qu’elle ne peut être tenue au paiement de la rémunération exceptionnelle,

– M. [C] n’est jamais intervenu à titre personnel dans cette cession,

– ils contestent toute fraude.

7- L’article 6.3 stipule très clairement que la rémunération exceptionnelle est due en cas de cession du camping ‘en cas de non renouvellement de celui-ci [ le contrat ]ou de résiliation anticipée, pendant une période de deux ans’. Le protocole d’accord du 31 mai 2017 dont argue la société Attis prend acte de la résiliation anticipée du contrat mais ne fait pas état d’une renonciation explicite au bénéfice des dispositions de l’article susvisé. La demande est en conséquence recevable.

8- Sur le fond, il est incontestable que le contrat prévoyait bien le versement d’une rémunération exceptionnelle en cas de vente même indirecte du camping par les associés. Outre le fait que la notion de vente indirecte n’est pas explicitée dans le contrat, la difficulté provient du fait que cette rémunération est mise à la charge exclusive de la société désignée comme la bénéficiaire dans le contrat, c’est-à-dire la société Camping Erreka, et est calculée en fonction de la plus-value réalisée par celle-ci à l’occasion de la vente.

9- Or, comme le relève l’appelante, la société Camping Erreka n’a réalisé aucune plus-value puisqu’elle n’a réalisé aucune vente.

10- Les associés ne peuvent pas plus être tenus sur le fondement contractuel au paiement d’une rémunération fixée par un contrat auquel ils n’étaient pas parties. Aucune condamnation ne peut donc intervenir sur le fondement contractuel.

11- Selon la société Slow Village, M. [C] , la société Attis et la société Camping Erreka auraient engagé leur responsabilité délictuelle pour les premiers et sa responsabilité contractuelle pour la dernière en dissimulant la nature réelle de la cession, à savoir une cession de fonds de commerce, dans le but d’échapper au paiement de la rémunération exceptionnelle contractuelle.

12- Or, elle ne verse aucune pièce au soutien de cette allégation établissant une collusion entre la société Attis, M. [C] et la société Erreka Camping dans le but de frauder ses droits.

13- Le fait que la cession de l’intégralité des titres a entraîné de fait le transfert de la propriété du fonds de commerce ne suffit pas à caractériser une cession dissimulée du fond de commerce.

14- Par ailleurs, l’intention frauduleuse des parties ne peut résulter de la seule connaissance par M. [C] en sa qualité de dirigeant de la société Erreka Camping de la clause relative à la rémunération exceptionnelle.

15- Enfin, le fait que cette opération ait pu être plus avantageuse pour les associés de la société Erreka Camping qu’une simple cession du fonds de commerce ne démontre pas la volonté des parties de dissimuler une cession de fonds par la signature d’une cession de titres, opération parfaitement légale et répondant à des objectifs distincts, l’actif mais également le passif de la société étant cédés.

16- Dès lors, la responsabilité de la société Attis, de M. [C] et de la société Camping Erreka ne peut être engagée ni sur le fondement contractuel ni sur le fondement délictuel. La décision de première instance sera infirmée.

* sur la clause de préférence :

17- La clause 6.4 du contrat stipule ‘nonobstant ce qui précède, en cas de vente par le bénéficiaire ou ses associés, directement ou indirectement du Camping, le Prestataire bénéficiera d’un droit de priorité sur l’achat de ce dernier. Ce droit s’exercera, le cas échéant, aux mêmes conditions que celles proposées par le(s) cédant(s) à un tiers de bonne foi. Ce droit de priorité, qui devra être purgé préalablement à toute cession, portera sur le fonds de commerce et/ou les murs du Camping.’

18- Les premiers juges ont jugé que cette clause était applicable mais ont rejeté la demande au motif que le préjudice allégué était compensé par l’octroi d’une rémunération exceptionnelle de 10% sur la plus-value.

19- La cour relève que, comme pour la clause 6.3, le contrat ne précise pas la notion de cession indirecte et l’objet du droit de priorité ne porte que sur le fonds de commerce et les murs du camping. Les associés, qui ne sont pas parties à ce contrat, n’ont accordé aucun droit de priorité aux prestataires en cas de cession de leur titre. La preuve de la faute, pour les motifs exposés ci-dessus, n’est pas établie.

20- Les premiers juges ont ainsi à tort retenu que la clause était applicable. La décision ayant cependant rejeté la demande, sera confirmée.

* sur le préjudice moral :

21- La société Camping Erreka qui succombe dans ses demandes sera déboutée de sa demande d’indemnisation de son préjudice moral. La décision de première instance sera infirmée de ce chef.

* sur les autres demandes :

22-La société Slow Village qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

23- Elle sera condamnée à verser la somme de 2500 euros à la société Camping Erreka, la somme de 2500 euros à M. [C] et la somme de 2500 euros à la société Attis au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable les demandes formées par la société Slow Village,

Infirme la décision rendue par le tribunal de commerce le 11 mai 2021 sauf en ce qu’il a débouté la société Slow Village de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation de son droit de priorité,

Statuant à nouveau,

Déboute la société Slow Village de sa demande de condamnation de la société Camping Erreka, de M. [C] et de la société Attis à lui verser une rémunération exceptionnelle,

Déboute la société Slow Village de sa demande d’indemnisation de son préjudice moral,

y ajoutant,

Condamne la société Slow Village aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la société Slow Village à verser la somme de 2500 euros à la société Camping Erreka, la somme de 2500 euros à M. [C] et la somme de 2500 euros à la société Attis au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

 


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