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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRET DU 18 JANVIER 2023
(n° 6 , 21 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02502 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCMJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2021 -Tribunal de Commerce de LYON – RG n° 2017J2041
APPELANTS
Monsieur [P] [H]
Né le 26 Juillet 1969 à [Localité 11]
[Adresse 3]
[Localité 4]
LA COMPAGNIE LYONNAISE D’EXPERTISE ET DE DIAGNOSTIC IMMOBILIER anciennement franchisé sous l’enseigne D-PRO
immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 803 671 296
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentés par Me Emmanuel JARRY de la SELARL RAVET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque P0209.
INTIMEES
S.A.S. D.PRO agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de ROMANS sous le numéro 534 017 751
[Adresse 8]
[Localité 1]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C2477, avocat postulant
Assistée de Me Antoine AUBERT de la SELAS JABERSON, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
S.A.S. EXPERTISE INDUSTRIELLE DIAGNOSTIC IMMOBILIER ‘E2I DIAGNOSTIC’ agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 818 327 439
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP d’AVOCATS HUVELIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque R285, avocat postulant
Assistée de Me Véronique GIGNOUX du Cabinet FIDUCIAL LEGAL, avocat au barreau de LYON, toque 656, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Novembre 2022, en audience publique, double rapporteur, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de la chambre 5.4
Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre
Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère
Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
********
La SAS D. PRO est, depuis 2011, à la tête d’un réseau de franchise et de diagnostics immobiliers réunissant une trentaine de franchisés.
La SAS La Compagnie Lyonnaise d’Expertise et de Diagnostic Immobilier (ci-après dénommée « CLEDI »), créée par M. [P] [H] en juillet 2014, a intégré le réseau de franchise D. PRO en tant que franchisé en octobre 2014.
La SAS Expertise Industrielle Diagnostic Immobilier (ci-après dénommée « E2I )» a la même activité. Elle a été créée par M. [P] [J] et a rejoint le réseau de franchise D. Pro en 2016.
Le contrat de franchise entre les sociétés D.PRO et CLEDI, conclu le 15 octobre 2014 avec une prise d’effet au 1e octobre 2014 pour une durée de cinq ans, prévoit en son article 2-1 § 3 une exclusivité territoriale sur le département du Rhône (69).
Courant 2016, un redécoupage de ce département a été envisagé au profit de la société E2I, lequel a donné lieu à contrat de franchise du 1er avril 2016 signé entre D. Pro et E2I, sans que la nouvelle répartition territoriale n’ait été préalablement actée par avenant entre D. PRO et CLEDI.
Par lettre du 13 mai 2016, le conseil de cette société a indiqué à la société D.PRO que la société CLEDI ne souhaitait pas procéder au partage du territoire avec la société E2I.
Le 23 mai 2016, la société D.PRO lui a répondu qu’elle revenait sur cette nouvelle répartition territoriale, laissant l’exclusivité du département à la société CLEDI et attribuant les seuls départements de l’Isère et de l’Ain à la société E2I, avec laquelle un avenant est régularisé. D. Pro a le même jour fait procéder aux modifications nécessaires sur son site internet.
Par ordonnance du 17 janvier 2017, le président du tribunal de commerce de Lyon a, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, autorisé CLEDI à mandater un huissier de justice, assisté d’un expert informatique, aux fins de procéder au sein des sociétés D.Pro et E2I, à des saisies d’éléments en lien avec les actes de violation contractuelle et de concurrence déloyale allégués.
En avril 2017, la société D. PRO a résilié le contrat de franchise de la société CLEDI arguant d’inexécutions contractuelles.
Par acte du 18 décembre 2017, la société CLEDI et M. [H], son président, ont assigné la société D.PRO et la société E2I devant le tribunal de commerce de Lyon pour obtenir des dommages-intérêts pour manquements contractuels au contrat de franchise.
Par jugement du 11 janvier 2021, le tribunal de commerce de Lyon :
-a dit recevable mais mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par les sociétés D.PRO et E21,
-s’est déclaré compétent pour connaître au fond de la présente affaire,
-a constaté que la rupture des relations contractuelles était intervenue aux torts de la société D.PRO;
-a condamné la société D.PRO à payer à la société CLEDI la somme de 18000 € au titre du remboursement des droits d’entrée versés;
-a condamné la société E2I à payer la somme de 994 € à la société CLEDI au titre du manque à gagner;
-a condamné la société D.PRO à relever et à garantir la condamnation de la société E2I au paiement au profit de la société CLEDI de la somme de 994 € au titre du manque à gagner;
-a jugé que la société D.PRO n’a pas commis de faute pour les autres manquements contractuels allégués au titre :
*d’une discrimination entre les membres,
*de la violation de l’obligation d’assistance,
*du non-respect des engagements au titre des marchés publics,
*du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,
*de l’obligation de loyauté et bonne foi,
-a débouté la société CLEDI et M. [H] de leurs demandes de réparation à ce titre ;
-a rejeté les demandes reconventionnelles de la société D.PRO ;
-a débouté la société CLEDI et M. [H] de leur demande de communication de l’intégralité des factures de la société E2I ;
-a rejeté toutes autres demandes des parties ;
-a ordonné l’exécution provisoire du présent jugement ;
-a dit qu’il n’y a pas lieu à condamnation en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
-a dit que les dépens seraient partagés pour moitié entre la société CLEDI et la société D.PRO.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 5 février 2021, la société CLEDI et M. [H] ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 29 octobre 2021, la société CLEDI et M. [H] demandent à la Cour de :
Vu les articles L.442-6, I, 2°, D442-3, Annexe 4-2-1 du code de commerce,
Vu les articles, 1103, 1134, 1147, et 1382 (anciens) du code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu la jurisprudence et la doctrine citée,
Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon rendu le 11 janvier 2021 en ce qu’il a :
-constaté que la rupture des relations contractuelles est intervenue aux torts de la société D.PRO ;
-condamné la société D.PRO à payer à la société CLEDI la somme de 18 000 € au titre du remboursement des droits d’entrée versés ;
-rejeté les demandes reconventionnelles de la société D.PRO ;
Infirmer le jugement en ce qu’il a :
-Condamné la société E2I à payer la somme de 994 € à la société CLEDI au titre du manque à gagner,
-Condamné la société D.PRO à relever et à garantir la condamnation de la société E2I au paiement au profit de la société CLEDI de la somme de 994 € au titre du manque à gagner,
-Jugé que la société D.PRO n’a pas commis de faute pour les autres manquements contractuels allégués au titre d’une discrimination entre les membres, de la violation de l’obligation d’assistance, du non-respect des engagements au titre des marchés publics, du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, de l’obligation de loyauté et de bonne foi, et débouté la société CLEDI et Monsieur [P] [H] de leurs demandes de réparation à ce titre,
-Débouté la société CLEDI et Monsieur [P] [H] de leur demande de communication de l’intégralité des factures de la société E2I,
-Rejeté toutes autres demandes des parties,
-Dit qu’il n’y a pas lieu à condamnation en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-Dit que les dépens sont partagés pour moitié entre la société CLEDI et la société D.PRO ;
En conséquence, la société CLEDI et M. [H] demandent à la Cour statuant à nouveau de :
-Débouter les sociétés E2I et D.PRO de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions.
Concernant le rapport du détective privé :
-Réparer l’omission de statuer du tribunal de commerce de Lyon en ce qu’il n’a pas statué sur l’acceptation ou le rejet de la pièce 37 de la société CLEDI et de Monsieur [H] (rapport du détective privé), mais en a seulement fait référence dans les motifs de sa décision,
En conséquence,
-Infirmer la décision rendue par le tribunal de commerce de Lyon sur ce point,
-Juger recevable le rapport du détective privé, pièce n°37 produite par la société CLEDI et Monsieur [H],
Concernant la responsabilité de la société D.PRO, franchiseur :
-Juger le manque d’assistance de la part de la société D.PRO en sa qualité de franchiseur,
-Juger que la société D.PRO a manqué à son engagement au titre des marchés publics envers son franchisé la société CLEDI,
-Juger que les droits et obligations des parties sont déséquilibrés au profit de la société D.PRO et notamment au regard des articles 8, 9 et 27 du contrat de franchise D.PRO,
-Juger que la société D.PRO, franchiseur, a manqué vivement à son obligation de loyauté et de bonne foi dans les relations contractuelles avec son franchisé CLEDI,
Constater le bien fondé des demandes de la société CLEDI et de Monsieur [H],
Par conséquent :
-Juger non écrites et ne produisant aucun effet les clauses 8, 9 et 27 du contrat de franchise régularisé entre la société D.PRO et la société CLEDI,
-Condamner la société D.PRO à payer à la société CLEDI la somme de 106.750 euros au titre du gain manqué, à parfaire,
-Condamner la société D.PRO à payer à la société CLEDI la somme de 12 902, 40 euros correspondant à la facture impayée par la société D-PRO pour des prestations effectuées par la société CLEDI au titre du marché public [Localité 10] Habitat,
-Condamner la société D.PRO à payer à la société CLEDI la somme de 176.386 euros correspondant à son éviction du marché Drôme Habitat,
-Condamner la société D.PRO à payer à la société CLEDI la somme de 140.000 euros au titre de la perte d’un chiffre d’affaires au titre des marchés publics (à parfaire le cas échéant),
-Condamner la société D.PRO à payer à la société CLEDI la somme de 3.759, 60 euros au titre de la pratique discriminatoire à l’entrée entre la société CLEDI qui a versé la somme de 18.000 euros TTC et la société E2I qui n’a versé que 14.240, 40 euros TTC et selon des modalités de versement de surcroît plus avantageuses,
-Condamner la société D.PRO à payer à la société CLEDI la somme de 17.657, 60 € en remboursement des frais de communication au nom de D-PRO auxquels elle a dû faire face pendant l’exécution de son contrat,
-Condamner la société D.PRO à payer à la société CLEDI la somme de 30.000 euros au titre du manquement du franchiseur à son obligation particulière de loyauté et de bonne foi en matière de franchise,
-Condamner la société D.PRO à payer à la société CLEDI la somme de 30.000 Euros au titre du préjudice moral ;
Concernant la responsabilité de la société E21, franchisé concurrent de la société CLEDI, juger que cette société :
-avait connaissance au moins dès le 4 avril 2016 de ce que la société CLEDI était déjà implantée sur le département du Rhône,
-Juger que la société E2I engage également sa responsabilité,
Par conséquent :
-Faire somation à la société E2I de communiquer l’intégralité de ses factures aux titres des prestations réalisées sur le secteur de la société CLEDI, lorsqu’elle était franchisée, sur la période de l’année 2016 et au premier trimestre 2017, avant que le contrat ne soit résilié aux torts exclusifs de la société DPRO,
-Condamner la société E2I à payer à la société CLEDI la somme de 25.138 euros à parfaire au titre du remboursement du préjudice subi (à parfaire le cas échéant),
Concernant la responsabilité de la société D.PRO envers M. [H],
-Déclarer recevable l’intégralité des demandes de Monsieur [P] [H] ;
Par conséquent,
-Condamner la société D.PRO à payer à Monsieur [P] [H] la somme de 150 000 euros au titre de son préjudice de manque à gagner (salaires escomptés), soit 2.500 euros par 60 mois, durée du contrat,
-Condamner la société D.PRO à payer à Monsieur [P] [H] la somme de 15.000 euros au titre de son préjudice moral,
Sur l’exécution provisoire, compte tenu de la situation décrite en l’espèce :
-Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
-Condamner solidairement la société D.PRO et la société E2I à verser à la société CLEDI une somme de 30.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-Condamner solidairement la société D.PRO et la société E2I à verser à la Monsieur [P] [H] une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-Condamner solidairement la société D.PRO et la société E2I aux entiers dépens,
En tout état de cause :
-Rejeter l’appel incident des sociétés D.PRO et E2I ;
-Débouter les sociétés D.PRO et E2I de toutes leurs demandes, fins et prétentions.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 28 octobre 2021, la société D.PRO demande à la Cour de :
Vu les articles 9, 32-1 du code de procédure civile ;
Vu les articles 1103, 1104, 1231-1, 1240 et 1363 du code civil ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats ;
-Dire recevable et bien fondé l’appel incident formé par la société D.PRO, ainsi que les demandes, conclusions et moyens développés par cette dernière ;
-Confirmer le jugement rendu le 11 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Lyon sur les chefs de jugement qui suivent :
*Juge que la société D.PRO n’a pas commis de faute pour les autres manquements contractuels allégués au titre d’une discrimination entre les membres, de la violation de l’obligation d’assistance, du non-respect des engagements au titre des marchés publics, du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, de l’obligation de loyauté et bonne foi,
*Déboute la société CLEDI et Monsieur [P] [H] de leurs demandes de réparation à ce titre,
*Déboute la société CLEDI et Monsieur [P] [H] de leur demande de communication de l’intégralité des factures de la société E21 ;
-Infirmer le jugement rendu le 11 janvier 2021 sur les chefs qui suivent :
Constate que la rupture des relations contractuelles est intervenue aux torts de la société D.PRO,
*Condamne la société D.PRO à payer à la société CLEDI la somme de 18.000€ au titre du remboursement des droits d’entrée versés,
*Condamne la société E21 à payer la somme de 994 € à la société CLEDI au titre du manque à gagner,
*Condamne la société D.PRO à relever et à garantir la condamnation de la société E21 au paiement au profit de la société CLEDI de la somme de 994 € au titre du manque à gagner,
*Rejette les demandes reconventionnelles de la société D.PRO,
*Rejette toutes autres demandes des parties ;
Et, statuant de nouveau,
-Juger que la société D.PRO n’a commis aucune violation de ses obligations contractuelles au titre du Contrat de franchise, à l’égard de la société CLEDI et de Monsieur [H] ;
-Juger que la pièce n°37 communiquée par la société CLEDI et Monsieur [H] a été obtenue dans des conditions déloyales en raison des modalités dans lesquelles elle a été établie ;
-Juger que la société CLEDI et Monsieur [H] n’ont subi aucun préjudice du fait de la conclusion du contrat de franchise entre les sociétés D.PRO et E2I ;
-Juger que la société CLEDI et Monsieur [H] n’apportent pas la preuve des faits allégués, multipliant les affirmations non fondées ;
En conséquence,
-Débouter la société CLEDI et Monsieur [H] de l’ensemble de leurs demandes fondées sur les prétendus manquements contractuels de la société D.PRO ;
-Écarter des débats la pièce n°37 communiquée par la société CLEDI et Monsieur [H] ;
-Juger que, depuis l’année 2014, la société CLEDI a manqué à son obligation de communication des éléments comptables et financiers au titre du contrat de franchise, en application de l’article 9 dudit Contrat ;
-Juger que la société CLEDI a manqué à son obligation de paiement de l’assurance professionnelle et responsabilité civile au titre du contrat de franchise ;
-Juger que la société CLEDI a manqué à son obligation de paiement des redevances mensuelles au titre du contrat de franchise ;
-Juger que la résiliation du contrat de franchise est intervenue aux torts de la société CLEDI et de Monsieur [H] ;
-Juger qu’un préjudice financier a été subi par la société D.PRO du fait de la résiliation anticipée du contrat de franchise, au regard des redevances non-perçues ;
-Juger que la société CLEDI et Monsieur [H] ont violé leurs obligations post-contractuelles ;
-Juger que la société CLEDI s’est rendue coupable de manque de rigueur, d’erreurs grossières et de la légèreté blâmable manifestes ;
En conséquence, condamner solidairement, ou à tout le moins in solidum, la société CLEDI et Monsieur [H] ;
-à communiquer à D.PRO, sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter du huitième jour qui suivra la signification de l’arrêt à intervenir, le chiffre d’affaires réalisé sur toutes les ventes, les comptes d’exploitation et les bilans, depuis l’année 2014 jusqu’à la date de résiliation du Contrat de franchise, soit le 27 mai 2017 ;
-au paiement de la somme de 1.310,75 € au titre de leur obligation de paiement de l’assurance professionnelle et responsabilité civile ;
-au paiement de la somme de 3.110,75 € au titre de dommages et intérêts au regard de l’inexécution de leur obligation de paiement des redevances mensuelles ;
-au paiement de la somme de 9.800 € à titre de dommages et intérêts au regard des redevances non-perçues en raison de la résiliation anticipée du Contrat de franchise ;
-au paiement de la somme de 5.000 € au titre de la violation de leurs obligations post-contractuelles ;
-au paiement de la somme de 35 022,78 euros au titre du préjudice moral subi par la société D.PRO ;
-à se conformer à ses obligations post-contractuelles, sous astreinte de 15.000 € par infraction constatée, à compter du premier jour qui suivra le prononcé de l’arrêt à intervenir ;
En tout état de cause :
-Dire que la condamnation à intervenir emportera intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt ;
-Débouter la société CLEDI et Monsieur [H] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
-Débouter la société de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires ;
-Condamner solidairement, ou à tout le moins in solidum, la société CLEDI et Monsieur [H] au paiement de la somme de 5.000 € au profit de la société D.PRO en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens, engagés en cause d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 27 janvier 2022, la société E2I, demande à la Cour de :
Vu les articles 9, 32-1 du code de procédure civile,
Vu l’article 1104 (ancien article 1134) du code civil,
Vu l’article 1382 du code civil, devenu l’article 1240 du code civil,
Vu la jurisprudence et les pièces versées au débat,
-Rejeter l’appel de la société CLEDI et de Monsieur [H],
-Juger recevable et bien fondé l’appel incident de la société E2I,
-Confirmer le jugement en ce qu’il a :
-débouté la société CLEDI et Monsieur [H] de leur demande de communication de l’intégralité des factures de la société E2I et rejeter sa demande de communication de factures pour la période de l’année 2016 et du 1er trimestre 2017,
-dit que le recours à deux huissiers, à la demande de la société CLEDI, n’a pas permis de prouver la concurrence déloyale,
-observé qu’il n’est pas rapporté de preuve sérieuse et concrète de comportement déloyal de la part de la société D PRO,
-condamné la société D PRO à relever et garantir la condamnation de la société E2I au paiement au profit de la société CLEDI de la somme de 994 € au titre du manque à gagner,
Et, recevant la société E2I Diagnostic en son appel incident,
L’en dire bien fondée,
Et statuant à nouveau,
-Réformer le jugement du 11 janvier 2021 en ce qu’il a condamné la société E2I à payer la somme de 994 € à la société CLEDI au titre d’un manque à gagner,
-Juger que la société D PRO démontre qu’elle n’a commis aucune violation de ses obligations contractuelles en sa qualité de franchiseur à l’égard de la société CLEDI ;
-Juger qu’aucune faute ne peut être imputée à la société E2I et prononcer sa mise hors de cause ;
-Dans tous les cas, juger que la société E2I n’a pas commis de faute ;
-Juger que sa responsabilité délictuelle n’est pas engagée ;
-Débouter la société CLEDI de l’intégralité de ses demandes ;
-Subsidiairement, juger que la société CLEDI n’a subi aucun préjudice né de la signature du contrat avec la société E2I et D PRO ;
-De manière infiniment subsidiaire, ramener le préjudice de la société CLEDI à la somme de 994 € ;
-Dans cette hypothèse, condamner la société D PRO à relever et garantir la société E2I de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
-Condamner solidairement la société CLEDI et Monsieur [P] [H] à verser à la société E2I la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;
-Condamner solidairement la société CLEDI et Monsieur [P] [H] à verser à la société E2I la somme de 8.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens tant de première instance que d’appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Huvelin et associés.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2022.
MOTIVATION
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
Sur les manquements contractuels du franchiseur
Sur la clause d’exclusivité territoriale
Exposé du moyen :
La société CLEDI et M. [H] font valoir que le contrat de franchise signé le 15 octobre 2014 stipule une clause d’exclusivité territoriale pour l’intégralité du département du Rhône (69), laquelle prévoit ensuite, en cas d’évolution du territoire concédé et en particulier du nombre d’habitants, un droit de priorité pour le franchisé d’y effectuer une nouvelle implantation. En outre, aux termes du contrat de franchise, chaque point de vente du réseau doit être espacé, de sorte à ce qu’il n’y ait aucune concurrence possible entre les membres du réseau.
Ils soutiennent qu’en violation de ces dispositions, la société D.PRO a conclu un contrat de franchise avec la société E21 en vertu duquel elle lui confiait la majeure partie du territoire attribué à M. [H], sans l’accord de ce dernier. Ils ajoutent que malgré son courrier du 23 mai 2016, la société D. PRO n’a jamais remédié à la situation et aurait laissé la société E2I s’implanter sur le département du Rhône.
Les appelants prétendent enfin que la société D.PRO a utilisé le prétexte du non-paiement d’une cotisation pour résilier, par courrier en date du 6 juin 2017, le contrat de franchise, sans mise en demeure et alors même que le franchiseur avait violé, depuis le 1e avril 2016, l’exclusivité territoriale qu’il avait accordé à la société CLEDI. Ils en déduisent que le contrat de franchise a été résilié aux torts exclusifs de la société D.PRO.
La société D.PRO répond que le redécoupage des zones initialement attribuées à la société CLEDI au profit de la société E2I a été réalisé conjointement entre les sociétés E2I et CLEDI, et validé par cette dernière. Elle produit à l’appui un courriel du 13 mars 2016 de T. [H] à un représentant de D.PRO intitulé « fichier codes postaux avec partage Rhône », lequel indique « Bonjour [R], voici le fichier vu avec [P] [J]. Bonne réception. [P] ». Elle soutient que M. [H] était en accord avec le projet de partage du territoire du Rhône et qu’elle aurait appris le revirement de la société CLEDI lors de la réception du courrier de mise en demeure d’avocats du 13 mai 2016. Elle affirme avoir immédiatement suspendu la nouvelle répartition territoriale en laissant le bénéfice exclusif du territoire du Rhône à la société CLEDI et en attribuant le territoire de l’Isère et de l’Ain à la société E2I.
Elle ajoute que dans leur courrier du 3 juin 2016, les conseils de la société CLEDI n’évoquent aucunement la résiliation du contrat de franchise. A l’inverse, ils indiquent espérer que les parties puissent « désormais se consacrer pleinement à leur activité ». Elle soutient que le contrat de franchise prévoyant, en son article 23, une procédure de mise en demeure, laquelle doit être restée infructueuse pendant 30 jours, la résiliation n’a pu intervenir au 1er avril 2016.
Réponse de la Cour :
Il n’est pas contesté que le franchiseur a, courant 2016, procédé à un redécoupage du territoire du Rhône attribué en 2014 à titre exclusif à la société CLEDI, et ce au profit d’un nouveau franchisé, la société E21.
Les parties divergent sur la teneur des pourparlers qui l’ont précédé. Il ressort des pièces fournies que M. [H] et la société CLEDI ont été associés au projet de division en deux secteurs (« [Localité 6] » et « [Localité 6]-Est », visant 49 villes de la région de [Localité 6]) et qu’ils n’ont formulé aucune réserve écrite claire à cet égard. Pour autant, du fait de leur caractère laconique, les documents produits ne permettent pas non plus d’établir qu’ils aient été favorables à ce projet.
En toute hypothèse, force est de constater que le projet d’avenant préparé (pièce CLEDI n°7) n’a pas été signé.
Ainsi que l’a observé à raison le tribunal dans la décision attaquée, le franchiseur reconnaît avoir eu tort de faire signer, le 1er avril 2016, un contrat de franchise à la société E21, en considérant comme acquis l’accord de la société CLEDI quant à la réduction corrélative du périmètre territorial de son exclusivité, alors que ce dernier n’avait pas été acté et qu’il ne l’a pas été par la suite.
Il doit, dès lors, être fait application de l’article 2 du contrat de franchise liant D. PRO et CLEDI, lequel stipule que « le franchiseur ne concédera, sur le territoire ci-après défini (département du Rhône), pendant la durée du contrat, à peine de résiliation de plein droit des présentes à ses torts, aucune autre convention de franchise… »
La Cour retient que les parties conviennent, par cette disposition, que le contrat de franchise sera résilié, sans conditions particulières de mise en ‘uvre et notamment sans prévoir de mise en demeure préalable, si le franchiseur concède à un autre franchisé tout ou partie du territoire à l’égard duquel CLEDI s’est vu accorder une exclusivité territoriale jusqu’au 1er octobre 2019.
L’article 23 du contrat (portant l’intitulé « Résiliation ») stipule certes une « résiliation encourue de plein droit, 30 jours après une mise en demeure restée sans effet », en dressant une liste, non exhaustive, des cas concernés (non paiement des redevances mensuelles, non paiement des assurances obligatoires, perte de la certification pour la réalisation des diagnostics immobiliers, « faillite » du franchisé, résiliation du bail et non continuation de l’activité dans un autre local…).
Cependant, cet article ne doit pas être interprété comme impliquant nécessairement, dans l’hypothèse spécifique de la violation de l’exclusivité territoriale, que la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, les parties ayant convenu, par un article autonome n’y faisant pas renvoi, une résiliation du seul fait du non respect, par le franchiseur, de l’exclusivité territoriale concédée.
Il s’en suit que tribunal a de façon justifiée retenu que la résiliation du contrat est intervenue aux torts de la société D. PRO à la date à laquelle elle a signé avec la société E2I un contrat de franchise sur le territoire de la société CLEDI, soit le 1er avril 2016.
Sur l’obligation d’assistance technique
Exposé du moyen :
La société CLEDI et M. [H] font valoir que le contrat de franchise régularisé entre les parties prévoit expressément que le franchiseur doit apporter son soutien commercial et technique au franchisé mais que CLEDI n’a jamais bénéficié d’une quelconque assistance (efficiente). Elle aurait été délaissée et mise à l’écart par la société D.PRO en n’étant plus convoquée aux formations professionnelles à compter de juin 2016, puis en étant exclue du système de messagerie du réseau. Ils ajoutent que la société D.PRO ne démontre pas qu’elle a exécuté l’obligation d’assistance technique et commerciale qui lui incombe.
La société D.PRO réplique que la société CLEDI a toujours été invitée aux réunions de formation mais que M. [H] n’était pas très assidu puisqu’il n’a pas participé aux réunions de formation entre 2014 et 2017. Elle fait valoir que CLEDI a bénéficié des mêmes assistance et soutien que les autres membres du réseau de franchise. Elle dément avoir man’uvré pour écarter M. [H] des réunions ou le priver d’informations transmises
aux autres franchisés. Elle fait par ailleurs observer que dans le cadre des recherches dans son système d’information effectuées par l’huissier de justice suite à l’ordonnance sur requête obtenue par la société CLEDI, 121 mails et 262 documents ont été trouvés à partir des mots clés « [P] [H] » et « CLEDI » (pièce appelantes n°26).
Réponse de la Cour :
C’est à raison que le tribunal de commerce a, dans la décision attaquée, constaté que les procès-verbaux de constat d’huissier établis le 9 mars 2017 n’ont pas mis en évidence de preuves au soutien des allégations de la société CLEDI.
Par courriel du 21 décembre 2015, cette société avait fait part de sa « satisfaction des dernières réunions, et surtout de leur contenu », observant qu’« à la mise en place de moyens pour développer les marchés publics, s’ajoutent des moyens pour développer nos secteurs », le message signé T. [H] se terminant par : « Je vous renouvelle mon contentement pour l’ensemble de ces évolutions » (pièce CLEDI n°16)
Force est de constater, en outre, que la société CLEDI ne conteste pas avoir bénéficié de la formation « Diag+ » assurée par D. Pro.
Il ressort par ailleurs des pièces mises au débat que M. [H] ([Courriel 9]) et la société Cledi ([Courriel 7]) ont été rendus destinataires de nombreux e-mails, et notamment ceux relatifs aux formations organisées par D.Pro.
Il leur a également été envoyé les compte-rendus des réunions des franchisés, (auxquelles M. [H] participait régulièrement, ainsi que l’établissent les pièces D. PRO n°24 à 27 et n°34, E21 n°1, CLEDI n°53), lesquelles ont notamment traité de sujets tels que les objectifs du réseau, les formations dispensées par D. PRO, les appels d’offres en cours et à venir, les questions en lien avec l’amiante, les actualités du réseau (salon de la franchise, site internet, communication, référencement, assurance QBE, réseau Attila, informatique…)
Il s’en déduit que la décision du tribunal de commerce, qui a débouté la société CLEDI et M. [H] de leur demande au titre de la violation de l’obligation d’assistance, doit être confirmée.
Sur la discrimination entre les membres du réseau de franchise
Exposé du moyen :
La société CLEDI fait valoir que dès la signature du contrat de franchise, elle a bénéficié d’un traitement différent par rapport aux autres franchisés. Elle relève qu’elle a payé 15 000 € HT de droit d’entrée alors que la société E2I a payé 11 867 € HT de droit d’entrée, ce qui constitue une différence de traitement d’un montant de 3 133 € HT entre les deux franchisés, étant observé que le réseau étant mieux établi en 2016, le droit d’entrée aurait du, au contraire, être plus élevé.
La société D.PRO répond qu’un réseau de franchise est en droit de moduler le montant de son droit d’entrée dans le temps, qu’aucun texte n’interdit la différence de traitement entre deux partenaires économiques, qu’il est d’ailleurs commun que les droits d’entrées soient négociés et que la baisse du droit d’entrée relève de son droit de déterminer librement sa politique commerciale.
Réponse de la Cour :
C’est à raison que le tribunal de commerce a retenu, dans la décision attaquée, que ni le droit français, ni le droit européen ne sanctionne le fait, pour un franchiseur, d’appliquer des frais d’entrée différents, en fonction des franchisés, le droit d’entrée étant négocié entre franchiseur et franchisé.
A titre surabondant, la Cour relève que D. PRO fait utilement valoir avoir opté pour une baisse du montant de son droit d’entrée dans le réseau car elle intégrait corrélativement au contrat de franchise une nouvelle disposition relative à une redevance de communication égale à 1 % du chiffre d’affaires HT du franchisé.
Il s’en déduit que la décision du tribunal de commerce, qui a débouté la société CLEDI et M. [H] de leur demande de condamnation de D. Pro à leur verser la somme de 3 759, 60 euros TTC au titre d’une prétendue pratique discriminatoire, doit être confirmée.
Sur les engagements au titre des marchés publics
Exposé du moyen :
En premier lieu, la société CLEDI et M. [H] demandent que le rapport du détective privé du 24 octobre 2017 objet de la pièce n°37 soit pris en compte par la Cour au motif que contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, il s’agit d’une preuve recevable, dont les éléments n’ont pas été recueillis de manière illicite ou déloyale. CLEDI fait valoir que le détective privé s’est rendu à sa demande dans un lieu public (forum des franchises), n’a recueilli aucun élément d’ordre privé et que son rapport ne comporte aucune photographie ou élément qui serait de nature à porter atteinte à la vie privée du professionnel de la franchise mentionné. Il relate seulement une discussion d’ordre professionnel, proportionnée et utile au but poursuivi et qui, par ailleurs, est limitée à des faits qui auraient pu être constatés par tout prospect qui solliciterait de la société D. PRO. Elle ajoute la société Détective & Partners est immatriculée auprès du CNAPS (pièce CLEDI n°54 ‘ date de la rechercher 1er août 2019).
En second lieu, les appelants prétendent que le franchiseur promettait de candidater au nom et pour le compte des franchisés à des appels d’offres de marchés publics pour un chiffre d’affaires de 30 000 € à 40 000 € minimum, et que cela a été un critère essentiel et déterminant pour eux. Ils considèrent que la société D.PRO n’a pas rempli ses engagements puisque la société CLEDI n’a pas participé à autant de marchés publics que ce que lui avait promis son franchiseur et n’a jamais atteint le chiffre d’affaires escompté. Ils se réfèrent plus spécifiquement à trois marchés publics ([Localité 10] Habitat, Drôme Habitat et Logis Cévenol). Ils soutiennent aussi qu’une facture d’un montant de 10 384 € HT n’a pas été réglée et que CLEDI a été évincée de certains marchés publics au profit de la société E2I, alors même que cette dernière n’était pas encore franchisée de la société D.PRO.
En premier lieu, la société D.PRO répond que le fait pour le détective privé mandaté par la société CLEDI de se faire passer pour un candidat à la franchise constitue une mise en scène et que les moyens utilisés sont totalement disproportionnés et déloyaux. Elle observe que, par ailleurs, le rapport du détective privé produit n’a strictement aucun intérêt, qu’il ne répond pas aux exigences des articles 200 à 203 du code de procédure civile, et que, lorsqu’elle a effectué des recherches en mars 2018 (pièce D. PRO n°22), elle a constaté que Détectives & Partners ne bénéficiait pas d’autorisation d’exercer.
En second lieu, la société D.PRO conteste avoir écarté la société CLEDI de plusieurs marchés publics qu’elle a remportés. Elle fait valoir, d’une part, qu’elle n’a pas pour activité principale d’allouer à ses franchisés des prestations de diagnostics à réaliser dans le cadre de marchés publics (le c’ur de l’activité étant les prestations auprès des agents immobiliers, des notaires et des particuliers) et, d’autre part, qu’elle ne s’est jamais engagée à l’égard de ses franchisés et notamment de la société CLEDI à allouer un montant minimum de prestations à réaliser dans le cadre de marchés publics. La société D.PRO ajoute que dans la réponse à l’appel d’offres, elle précise le nom des franchisés susceptibles de répondre aux bons de commande émis par l’établissement public, mais que ceci n’implique pas nécessairement le fait pour un franchisé d’être appelé à intervenir. Elle soutient plus spécifiquement, enfin, que le montant de la facture du marché [Localité 10] Habitat était erronée et que la société D.PRO n’a reçu aucun bon de commande pour le marché Logis Cévenol.
Réponse de la Cour :
En premier lieu, s’agissant des preuves admissibles en l’espèce, il convient de constater que le rapport du détective privé versé aux débats rapporte des propos qui lui auraient été tenus un membre du conseil de direction D. PRO sur le salon de la franchise le 17 octobre 2017, trois ans après la signature du contrat entre D. PRO et CLEDI. Sa production se justifierait, selon les appelants par le fait, d’une part, que la société D. PRO tiendrait toujours le même discours, et d’autre part, que des promesses, déterminantes du consentement des futurs franchisés, auraient été formulées dans ce cadre.
La Cour considère que ce document, tant eu égard à sa date qu’en raison de son contenu, n’apporte aucun élément utile à la solution du litige et qu’il ne constitue donc pas une preuve sur laquelle s’appuyer. Il n’y a en conséquence pas lieu de rechercher si les moyens utilisés étaient proportionnés au but recherché et aux intérêts en cause.
En second lieu, s’agissant des engagements liant les parties en l’espèce en matière de marchés publics, c’est de manière pertinente qu’eu égard à la teneur des pièces n°7, 9, 10 et 11 versées par CLEDI, le tribunal de commerce a retenu dans la décision attaquée, que ni le document d’information précontractuelle, ni le contrat de franchise, ni le site internet de D. PRO ne mentionnent d’engagements sur un minimum de prestations à réaliser dans le cadre de ces marchés. Ils ne présentent par ailleurs pas la réalisation de marchés publics comme étant l’activité principale.
Il convient de surcroît de constater :
-concernant le marché Drôme Habitat, que D. PRO, qui a seul soumissionné, avait dans sa réponse à l’appel d’offres opté pour faire figurer le nom de la société CLEDI parmi d’autres franchisés susceptibles de répondre aux bons de commande, mais que cela n’emportait pas obligation de recourir nécessairement à CLEDI et que le marché a en définitive essentiellement été exécuté par deux franchisés du département de la Drôme ;
-concernant le marché à bon de commandes Logis Cévenol, que ni la société D. PRO, ni aucun de ses franchisés, n’ont été destinataires de commandes passées en exécution du marché remporté ;
-concernant le marché [Localité 10] Habitat, que les pièces versées aux débats quant à la facturation par CLEDI pour des travaux présentés comme effectués les semaines 38-39 et 40 de 2015 a donné lieu à échanges par mail entre les parties en octobre 2016 s’agissant des quantités relevées et contrôlées (pièce D. PRO n°33) et qu’ainsi que l’a relevé le jugement attaqué, CLEDI n’a pas réédité une nouvelle facture, ce qui lui était pourtant demandé.
Il s’en déduit qu’il y a lieu de confirmer la décision du tribunal de commerce en ce qu’il a été jugé que le non respect allégué des engagements au titre des marchés publics n’était pas établi et qu’il n’y avait pas lieu de faire droit aux demandes indemnitaires formulées à ce titre.
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a débouté la société CLEDI et M. [H] de leur demande de condamnation de D. Pro au paiement de la somme de 12 902, 40 euros correspondant à la facture contestée pour des prestations effectuées au titre du marché [Localité 10] Habitat.
Sur l’obligation de loyauté et de bonne foi
Exposé du moyen :
La société CLEDI et M. [H] soulignent que la décision attaquée rappelle que le contrat de franchise repose sur une confiance mutuelle et une collaboration entre les parties pour atteindre un intérêt commun. Ils se prévalent des dispositions de l’article 1134 du code civil et prétendent que la société D.PRO n’aurait pas été loyale dans ses rapports contractuels et précontractuels.
M. [H] aurait constitué la société CLEDI et adhéré au réseau car il se serait laissé séduire par les arguments des fondateurs du réseau D. PRO relatifs notamment aux bénéfices escomptés quant aux marchés publics. Il n’aurait ensuite pas ou peu été assisté par son franchiseur. Il n’aurait découvert qu’en mai 2016 que D. PRO violait ses obligations en implantant un nouveau franchisé la société E21 (dont le président a un nom très similaire du sien, facilitant la confusion des clients), à la suite de quoi le franchiseur a certes reconnu ses torts mais sans y remédier par la suite. D. PRO continuerait toujours, selon les appelants, à mentir et tromper les candidats à la franchise.
La société D.PRO réplique que la société CLEDI n’apporte aucune preuve tangible et sérieuse de l’existence d’une éventuelle déloyauté de sa part. Elle ajoute que les saisies réalisées au sein des systèmes d’information des sociétés D. PRO et E2I, suite à ordonnance sur requête sollicitée par la société CLEDI, n’ont pas permis de collecter d’éléments de preuve permettant de caractériser d’autres faits, notamment de concurrence déloyale.
Réponse de la Cour :
La Cour retient qu’eu égard à ce qui vient d’être jugé, et en absence d’offre de preuve complémentaire des appelants sur un autre irrespect de l’obligation de loyauté et de bonne foi, aucun manquement contractuel fondé sur cet irrespect n’est établi en dehors de la violation de l’exclusivité territoriale.
S’agissant de cette dernière, la Cour considère que D. PRO, en tenant pour acquis l’accord de CLEDI quant à une nouvelle répartition du département du Rhône, a fait preuve de négligence.
Ce non-respect de l’exclusivité territoriale n’a cependant été que temporaire, ainsi qu’il ressort notamment du courrier adressé à D. Pro le 3 juin 2016 par le conseil de CLEDI (lequel « prend bonne note de ce que vous entendez, clairement et sans ambiguïté, maintenir l’intégralité du territoire que vous entendez consentir à la société CLEDI, à savoir l’ensemble du département du Rhône, sans aucune exception d’enclave territoriale. (…) M. [H] me confirme apparaître désormais (sur internet) comme franchisé D. Pro exclusif sur toutes les villes du Rhône »).
Au vu des éléments versés aux débats, il doit être considéré que D. Pro a rapidement réagi, CLEDI bénéficiant de façon effective à nouveau, à titre exclusif, de l’entier territoire du département Rhône.
La décision du tribunal de commerce sera en conséquence confirmée en ce qu’il a été jugé que D.RO n’a pas commis d’autre faute fondée sur l’obligation de loyauté et de bonne foi, et que la société CLEDI devait être déboutée de sa demande de 30 000 euros pour manquement à ce titre.
Sur le déséquilibre significatif du contrat de franchise dans les droits et obligations des parties
Exposé du moyen :
La société CLEDI et M. [H] font valoir que la société D.PRO a transmis à la société CLEDI un contrat de franchise type qui a été signé dans sa version initiale par M. [H], sans qu’aucune négociation ne soit entreprise ni permise. Cette absence de pouvoir de négociation caractériserait la soumission de la société CLEDI qui s’est vu imposer différentes obligations. Ils ajoutent que ces clauses, dénuées selon eux de contrepartie véritable et sans réciprocité, sont de nature à créer un déséquilibre significatif, puisqu’elle n’a pas bénéficié d’une assistance réelle, du savoir-faire de son franchiseur et d’un chiffre d’affaire assuré.
La société D.PRO répond que cet argument a été soulevé par opportunité afin de bénéficier de la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Lyon. Elle soutient que les clauses litigieuses sont des clauses usuelles et standards d’un contrat de franchise qui ne peuvent constituer un déséquilibre significatif et observe qu’aucune demande n’est formulée dans le dispositif au titre du déséquilibre significatif, la société CLEDI n’en tirant donc aucune conséquence.
Réponse de la Cour :
La Cour retient que la société CLEDI prétend, sans l’établir, que la clause d’approvisionnement exclusif (article 8 du contrat de franchise), la clause par laquelle le franchisé doit utiliser le logiciel du franchiseur Liciel Diagnostic et aux termes de laquelle le franchisé doit tenir « sa comptabilité, son inventaire de stock et ses statistiques commerciales conformément aux méthodes qui lui seront indiquées par le franchiseur » (article 9) et la clause de non affiliation à un réseau concurrent pendant une durée d’un an et dans un rayon de 30 km (article 27), lui auraient été imposées et qu’elles seraient dénuées de contrepartie véritable, dès lors que la contrepartie attendue par CLEDI, pour être liée à ces clauses, était d’obtenir une assistance réelle, un savoir-faire transmis par son franchiseur et un chiffre d’affaires assuré (par le réseau, le franchiseur, et les marchés publics).
Une telle analyse ne s’appuie sur aucun précédent décisionnel -s’agissant notamment du nécessaire respect par le franchiseur des « contreparties attendues »- et elle se fonde sur des allégations du franchisé -d’absence d’assistance réelle, de non savoir-faire transmis et de chiffre d’affaires réalisé inférieur à ce qui aurait été « assuré »- qui ne sont nullement étayées par des éléments versés aux débats.
Le jugement attaqué sera en conséquence confirmé en ce qu’il a considéré que les conditions d’application de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, qui régissait au moment des faits la soumission d’un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, n’étaient pas réunies.
Sur la responsabilité de la société E2I et sur la sommation de communiquer l’intégralité des factures
Exposé du moyen :
La société CLEDI fait valoir, en premier lieu, que la société E2I avait connaissance de l’exclusivité territoriale de la société CLEDI depuis, à tout le moins, le 4 avril 2016, puisqu’à cette date, il lui a été demandé substituer ses coordonnées à celle, précédemment enregistrées, de [P] [H] (pièces CLEDI n°39). Elle a pourtant sciemment poursuivi ses activités sur le territoire du Rhône, commettant en conséquence des faits de concurrence déloyale. Elle se serait en outre rendue coupable de pratiques trompeuses envers la clientèle du secteur du département du Rhône et aurait violé l’article 8 de son contrat de franchise qui prévoit que « le franchisé ne doit en aucun cas se retrouver en situation de concurrence avec un confrère du réseau ». La société E2I est donc selon elle complice de la violation de l’exclusivité territoriale de la société CLEDI.
La société CLEDI sollicite, en second lieu, la communication de l’intégralité des factures de la société E2I aux titres des prestations réalisées sur le secteur de la société CLEDI, lorsqu’elle était franchisée, sur la période de l’année 2016 et au premier trimestre 2017.
La société E2I répond qu’elle n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle. Elle fait valoir que M. [H], suite à la création de la société CLEDI, n’a procédé à aucun investissement, ni embauché aucun salarié pour développer son activité, ce qui ne permettait pas un développement normal de la franchise D. Pro dans le Rhône, eu égard au potentiel de ce département, lequel s’est avéré sous-exploité. Elle affirme que M. [H] était d’accord pour revoir l’étendue de son territoire et qu’il a rencontré à plusieurs reprises M. [J] (dont une fois au domicile du dirigeant d’E2I), ce qui leur a permis de discuter de la nouvelle répartition. Elle estime avoir été surprise par la volte-face inattendue de ce franchisé, tout comme le franchiseur auquel il ne peut être reproché qu’une négligence. Elle ajoute que les saisies n’ont pas permis d’établir des faits de concurrence déloyale. Elle demande en conséquence à être mise hors de cause.
Elle fait valoir, s’agissant de la sommation de communiquer, que M. [J] a communiqué spontanément à l’huissier, dans le cadre de l’exécution de l’ordonnance sur requête obtenue par la société CLEDI avant la procédure au fond, l’ensemble des documents qu’il détenait et qu’il n’y a donc plus rien à communiquer.
Réponse de la Cour :
S’agissant en premier lieu de la responsabilité délictuelle de la société E2I, le tribunal a, dans la décision attaquée, observé d’une part, que de jurisprudence constante, le franchisé bénéficiaire d’une clause d’exclusivité territoriale peut opposer celle-ci à l’encontre d’un franchisé du même réseau qui s’implanterait sur sa zone. Il a souligné, d’autre part, que le conseil de la société CLEDI avait mis en garde la société E2I sur ce point (pièce CLEDI n°45).
Il a certes été rapidement remédié à la situation, l’avenant signé par E2I lui concédant une exclusivité limitée aux seuls départements de l’Ain et de l’Isère.
Pour autant, la circonstance que la violation de l’exclusivité territoriale de CLEDI sur le département du Rhône n’ait duré que d’avril à juin 2016 ne peut permettre d’exonérer la société E2I de sa responsabilité en raison de l’activité de diagnostiqueur immobilier qui a été la sienne, dans cette zone, durant cette période.
La Cour retient que la société E2I, tiers au contrat de franchise signé entre D. Pro et CLEDI, en connaissait l’existence et a donc commis une faute en aidant l’une des parties (le franchiseur), à violer son engagement.
La décision attaquée sera confirmée en ce qu’elle a retenu, dans ces circonstances, la responsabilité délictuelle de la société E2I.
S’agissant en second lieu de la demande de sommation de communiquer, la Cour retient qu’elle n’est pas fondée, eu égard à la mesure d’instruction (ayant un objet équivalent) précédemment intervenue sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et au constat, auquel le tribunal a procédé, que la société E2I n’a pas d’autres factures à communiquer que les 14 documents relevés par l’huissier. Le jugement sera également confirmé sur ce point.
Sur les préjudices subis
Exposé du moyen :
La société CLEDI sollicite la somme totale de 359 069,60 € au titre de dommages et intérêts, dont 18 000 € au titre du remboursement des droits d’entrée, 106 750 € au titre des gains manqués suite à la résiliation anticipée du contrat de franchise, et 30 000 € au titre du préjudice moral.
Elle demande par ailleurs 25 138 € en réparation des agissements de la société E21, cette somme correspondant au chiffre d’affaires réalisé par cette entreprise en 2016.
M. [H] indique solliciter l’indemnisation de préjudices personnels découlant des manquements de la société D.PRO dans la formation, l’exécution et la rupture du contrat de franchise avec la société CLEDI. Il demande la somme de 150 000 € au titre de son préjudice de manque à gagner, correspondant aux salaires escomptés et 15 000 € au titre de son préjudice moral.
La société D.PRO répond que les chiffres avancés par la société CLEDI ne reposent sur aucune justification, qu’elle soit économique ou juridique. Elle soutient que CLEDI a fait le choix de se placer en dehors du réseau et qu’elle ne peut imputer les conséquences de ce choix à la société D.PRO. Il est manifeste, selon elle, que la société CLEDI et son dirigeant ont tenté de profiter d’un malentendu pour engager une procédure judiciaire à l’encontre du franchiseur en inventant de prétendus manquements contractuels afin de multiplier les demandes indemnitaires.
La société E2I prétend que la société CLEDI n’a subi aucun préjudice puisque le franchiseur a fait toutes diligences pour prendre en compte le refus de CLEDI d’accepter la nouvelle répartition. Elle fait valoir, à titre subsidiaire, qu’au cours de la courte période pendant laquelle elle a eu la qualité de franchisé D. Pro avec, pour territoire, les villes issue de la nouvelle répartition territoriale, elle n’a réalisé qu’une marge brute de 994 €, qu’il ne peut être retenu que cette somme au titre de la perte de marge et qu’il convient dans cette hypothèse de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné D. Pro à relever et garantir la société E21 de toute condamnation. Elle ajoute que les intérêts de M. [H] se confondent avec ceux de sa société et qu’une double condamnation entraînerait la réparation du même préjudice.
Réponse de la Cour :
La Cour retient, en premier lieu, que le contrat de franchise signé le 15 octobre 2014 entre les sociétés D. PRO et CLEDI a été exécuté jusqu’au 1er avril 2016, les prestations échangées ayant trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat.
La résiliation de plein droit aux torts du franchiseur, à la demande de CLEDI, suite à la signature le 1er avril 2016 du contrat de franchise entre le sociétés D. PRO et E2I, en violation de l’exclusivité territoriale concédée à CLEDI, met fin à cette date au contrat signé le 15 octobre 2014, sans que les parties aient à restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procurées l’une à l’autre et que, notamment, la société CLEDI ait droit au remboursement des droits d’entrée qu’elle a versés (18 000 euros TTC). La résiliation d’un contrat à exécution successive n’opère en effet que pour l’avenir.
La société CLEDI sera déboutée de sa demande à ce titre et le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.
La Cour retient, en deuxième lieu, que CLEDI a décidé de quitter le réseau alors que ses droits étaient rétablis et qu’elle ne peut rendre responsable la société D.PRO des gains postérieurs à juin 2016 manqués à ce titre.
Les frais de communication pour un montant de 17 657, 60 euros, qui ne sont pas justifiés, ne peuvent par ailleurs pas donner lieu à réparation.
Le montant des dommages et intérêts résultant, dans ces circonstances particulières, de la résiliation anticipée du contrat, sera fixé à 16 000 euros et D. Pro sera condamnée à verser cette somme à la société CLEDI en réparation du préjudice subi.
Le préjudice moral allégué par CLEDI n’étant pas caractérisé, il n’y a pas lieu à réparation sur ce fondement.
La Cour retient, en troisième lieu, que le président de la société CLEDI, M. [H], ne justifie d’aucun préjudice personnel ni d’aucun préjudice moral découlant des conditions, très spécifiques, de la rupture du contrat de franchise en l’espèce.
La Cour retient, en dernier lieu, que le tribunal de commerce a, dans la décision attaquée, observé à raison que le préjudice se calcule sur la marge brute et non sur le chiffre d’affaires et que durant la période de violation de l’exclusivité territoriale, sur les 14 clients cités par CLEDI dans son assignation (et dont la liste est reprise dans ses dernières écritures d’appel pages 86 et 87), quatre devis (aux noms de [P] [X], [N], [E] [U] et [D] [F]), qui sont restés sans suite, ne peuvent être pris en compte. Il a aussi retenu de façon justifiée qu’il n’est pas démontré que la société E2I ait participé au marché public Drôme Habitat.
Le tribunal en a justement déduit que les seuls éléments à prendre en compte (les 10 factures litigieuses) correspondent pour E2I à un chiffre d’affaires de 2 485 euros HT, ce qui eu égard au taux de marge brute de 40 %, représente un gain manqué de 994 euros pour CLEDI.
Il y a lieu, en conséquence, de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la société E2I à indemniser pour une somme de 994 euros TTC la société CLEDI du préjudice au titre du manque à gagner.
Le tribunal a justement observé ensuite que la société E2I n’intervenait pas dans la distribution des territoires entre chaque franchisé, laquelle est du ressort du seul franchiseur.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a en conséquence condamné la société D. PRO à garantir la société E2I pour le paiement de cette somme.
Il s’en suit, s’agissant des préjudices subis par la société CLEDI, que la Cour infirme la décision de première instance seulement en ce qu’elle a condamné la société D. PRO à verser à la société CLEDI la somme de 18 000 euros au titre du remboursement des droits d’entrée versés, et qu’elle la condamne à verser 16 000 euros en réparation du préjudice subi en raison de la résiliation anticipée du contrat.
Sur les demandes reconventionnelles de la société D.PRO
Exposé du moyen :
La société D.PRO fait valoir qu’alors qu’elle avait maintenu l’exclusivité du territoire du Rhône pour la société CLEDI, cette dernière s’est volontairement mise en retrait du réseau et a cessé d’exécuter ses obligations contractuelles. La société D.PRO a alors été contrainte de résilier le contrat de franchise le 27 mai 2017.
Elle demande réparation des manquements contractuels suivants :
-Le compte de la société CLEDI présente un solde débiteur de 4 467,26 € (dont 1 310,75 euros d’assurance professionnelle) correspondant aux redevances mensuelles qui n’ont pas été réglées.
-La société D.PRO soutient qu’elle a correctement exécuté ses obligations et que la société CLEDI ne peut invoquer une exception d’inexécution pour refuser le paiement des redevances. La société D.PRO sollicite en conséquence le paiement par la société CLEDI de la somme de 3 110,75 € correspondant au montant du solde débiteur, diminué de la somme correspondant à l’assurance professionnelle, sous astreinte de 300 € par jour de retard ainsi que le paiement par la société CLEDI de la facture du 16 janvier 2017 relative à l’assurance professionnelle pour un montant de 1 310,75 € qui n’a pas été réglée.
-La société D.PRO sollicite le paiement de la somme de 9 800 € par la société CLEDI en raison des redevances mensuelle non-perçues jusqu’à l’échéance du contrat -soit 28 mois- du fait de la résiliation anticipée.
-La société D.PRO soutient que la société CLEDI continuait de se présenter comme membre du réseau après la cessation du contrat de franchise, ce qui constitue une violation du contrat. Elle demande que la société CLEDI soit condamnée à se conformer à ses obligations post-contractuelles dans les conditions du contrat de franchise, sous astreinte de 5 000 € par infraction constatée à compter du prononcé de l’arrêt et à 5 000 € de dommages-intérêts au titre de la violation de son obligation post-contractuelle.
La société CLEDI répond qu’aucune des sommes demandées par la société D.PRO n’est due puisque :
-s’agissant des redevances mensuelles, l’inexécution par la société D.PRO de ses propres obligations justifie le non règlement des dernières redevances mensuelles ;
-s’agissant de la facture d’assurance professionnelle, la société CLEDI a été assurée et qu’en 2017 elle s’est assurée seule ;
-s’agissant des redevances non-perçues, ces sommes ne sont pas dues puisque le contrat a été résilié aux torts exclusifs de la société D.PRO ;
-s’agissant des obligations post-contractuelles, la société CLEDI précise qu’elle ne se présente plus comme un franchisé D.PRO et est aujourd’hui parfaitement indépendante. Les anomalies pointées par le franchiseur correspondraient à des erreurs de plume et un retard apporté à certaines modifications.
Réponse de la Cour :
La société CLEDI a, alors que ses droits étaient rétablis, pris ses distances avec le réseau D. PRO, suite à la violation d’avril à juin 2016 de l’exclusivité territoriale qui lui avait été
concédée jusqu’au 1er octobre 2019, sans se prévaloir, à l’époque, d’une résiliation anticipée du contrat de franchise.
Les relations se sont poursuivies jusqu’en avril 2017, date à laquelle D. PRO, excipant d’une
inexécution contractuelle, a considéré que le contrat de franchise de la société CLED était rompu.
La Cour retient que, pour autant, le contrat étant résilié à la date du 1er avril 2016 aux torts de la société D. PRO, la société CLEDI était en droit, bien que ses droits aient été rétablis à compter de juin 2016, de ne pas régler, à l’avenir, les redevances mensuelles prévues par le contrat de franchise.
CLEDI pouvait également ne pas souhaiter renouveler l’assurance professionnelle et s’assurer directement auprès de l’assureur de son choix.
La Cour, en conséquence, retient que les demandes de réparation formulées par D. PRO fondées sur l’inexécution du contrat ne sont pas fondées.
Il appartenait cependant à la société CLEDI, après la cessation du contrat de franchise, de ne pas continuer à se présenter comme membre du réseau D. PRO, ainsi que l’impose l’article 24.3 dudit contrat.
Or l’utilisation du nom D. PRO jusqu’en 2019 est démontrée ainsi qu’il suit :
-Le conseil de la société CLEDI se présente dans un courrier du 10 octobre 2017 à [Localité 10] Habitat comme « le conseil de la société CLEDI-D. Pro (qui) intervient dans le domaine du diagnostic immobilier depuis juillet 2014, date de l’implantation sur [Localité 6] de la franchise D. Pro » (pièce D. Pro n°19) ;
-L’extrait de K.-bis de CLEDI contient toujours la mention, au 11 octobre 2018, du nom « D-Pro [Localité 6] ») en tant que nom commercial (pièce D. Pro n°29) ;
-Au 24 octobre 2019, CLEDI continue d’apparaître sous le nom « D. Pro [Localité 6] (pièce D. Pro n° 38 ; capture d’écran du site internet CCI [Localité 6] métropole ‘ pièce D. Pro n°39 : extrait du contenu du site internet Kompass).
La Cour, en conséquence, condamne la société CLEDI au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de la violation de ses obligations post contractuelles prévues à l’article 24.3 du contrat de franchise.
Elle retient enfin que les autres demandes (condamnation in solidum de la société CLEDI et de son président M. [H], condamnation sous astreinte des appelantes à se conformer aux obligations post-contractuelles, réparation au titre du préjudice moral) ne sont pas justifiées.
Elle limite donc l’infirmation de la décision attaquée à la réparation de la violation par la société CLEDI de ses obligations post-contractuelles.
Sur les demandes au titre de la procédure abusive
Exposé du moyen :
La société D.PRO fait valoir que l’action de la société CLEDI est abusive. Elle souligne notamment l’illisibilité des jeux de conclusions communiqués, les demandes de condamnation infondées et non-justifiées au paiement de plusieurs sommes, l’invention de manquements contractuels afin de multiplier les demandes indemnitaires. Elle fait valoir, en outre, que le caractère fantaisiste et abusif des demandes est corroboré par les témoignages fournis de plusieurs franchisés (pièces D. Pro n°15). Elle sollicite le paiement par la société CLEDI de la somme de 35 022,78 €, soit 5% du montant des condamnations sollicitées par la société CLEDI et M. [H].
La société E2I fait valoir qu’en tant que petite structure, la préparation de sa défense l’empêche de développer son activité commerciale et sollicite donc le paiement par la société CLEDI de la somme de 10 000 € pour appel abusif.
La société CLEDI réplique que des erreurs de rédaction ne peuvent justifier une demande au titre de la procédure abusive et que ses chiffrages sont fondés sur des pièces qui lui permettent, selon elle, de justifier le montant sollicité. Elle dément avoir profité d’un malentendu pour engager une action judiciaire. La société CLEDI soutient qu’elle a parfaitement le droit de faire appel de la décision puisque certaines de ses demandes n’avaient pas prospéré en première instance et que le fait que la société E2I soit une petite structure n’a pas à être pris en compte.
Réponse de la Cour :
Il convient, pour que l’article 32-1 du code de procédure civile relatif au dommages et intérêts pour procédure abusive trouve à s’appliquer, que soient caractérisées des circonstances de nature à faire dégénérer en faute l’exercice par la société CLEDI de son droit agir en justice.
Tel n’est pas le cas en l’espèce, les demandes de la société CLEDI étant partiellement fondées.
La décision du tribunal de commerce sera en conséquence confirmée.
Sur l’exécution provisoire
Exposé du moyen :
La société CLEDI sollicite que l’arrêt à intervenir soit assorti de l’exécution provisoire.
Réponse de la Cour :
La demande telle que formulée est sans objet, les voies de recours qui peuvent être exercés contre un arrêt d’appel n’étant, si la loi n’en dispose autrement, pas suspensifs d’exécution.
Sur l’application de l’article 700 du Code de procédure civile
Compte tenu du sens de la décision rendue, chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel.
L’équité commande que la société CLEDI soit condamnée à verser à D. PRO somme de 3 500 euros et à E21 la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société CLEDI est déboutée de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement en ce qu’il a :
-condamné la société D. Pro à payer à la société CLEDI la somme de 18 000 euros en remboursement des droits d’entrée versés ;
-débouté la société CLEDI de sa demande d’indemnité pour résiliation anticipée du contrat de franchise ;
-rejeté la demande reconventionnelle de la société D.Pro relative à la violation des obligations post contractuelles de la société CLEDI ;
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la société CLEDI de sa demande de remboursement de 18000 euros des droits d’entrée ;
Condamne la société D. Pro à verser la somme de 16 000 euros à la société CLEDI en réparation du préjudice subi en raison de la résiliation anticipée du contrat de franchise ;
Condamne la société CLEDI au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de la violation de ses obligations post contractuelles ;
Condamne la société CLEDI à verser à la société la société D. Pro la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Condamne la société CLEDI à verser à la société la société E2I la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE