Rupture anticipée : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/02957

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Rupture anticipée : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/02957
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MINUTE N° 34/23

Copie exécutoire à

– Me Noémie BRUNNER

– Me Marion BORGHI

Le 18.01.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 18 Janvier 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/02957 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HTU4

Décision déférée à la Cour : 30 Avril 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG – Greffe du contentieux commercial

APPELANTE – INTIMEE INCIDEMMENT :

S.A.R.L. VEGA EQUIPEMENT

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me GUIARD-SCHMID, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE – APPELANTE INCIDEMMENT :

S.A.R.L. CCSFR

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marion BORGHI, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me JONGIS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Octobre 2022, en audience publique, un rapport ayant été présenté, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

– Contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 30 avril 2021,

Vu la déclaration d’appel effectuée le 22 juin 2021 par voie électronique, par la SARL Vega Equipement,

Vu la constitution d’intimée effectuée le 5 octobre 2021 par voie électronique par la SARL CCSFR,

Vu les dernières conclusions de la société Vega Equipement du 30 septembre 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, ainsi que le bordereau de communication de pièces, qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, transmis par voie électronique le 10 octobre 2022,

Vu les conclusions de la société CCSFR du 10 octobre 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 12 octobre 2022,

L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 19 octobre 2022.

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

Les parties conviennent que la société CCSFR est spécialisée dans la commercialisation de produits d’agencement de magasins d’alimentation destinés à la grande distribution et que la société Vega Equipement est spécialisée dans la commercialisation de produits d’aménagements de surface de vente, d’assistance et de conseil dans l’aménagement de ces surfaces.

Elles ont signé un contrat le 1er juillet 2013, la société Vega Equipement soutenant qu’il s’agit d’un contrat prévoyant qu’elle exerce une activité de vente de marchandises et une activité d’agent commercial dans l’intérêt de la société CCSFR, tandis que la société CCSFR conteste cette qualification de contrat d’agent commercial et soutient qu’il s’agit d’un contrat de prestation de services.

Le contrat a été renouvelé et un avenant a été souscrit le 31 décembre 2018.

Par lettre du 28 août 2019, la société CCSFR a mis un terme au contrat indiquant appliquer un préavis d’un mois.

Le conseil de la société Vega Equipement écrivait le 3 septembre 2019 à la société CCSFR, laquelle lui répondait le 9 septembre 2019.

Saisi par la société Vega Equipement, le tribunal judiciaire de Strasbourg, après avoir ordonné la réouverture des débats et invité les parties à se prononcer sur l’application ou l’applicabilité de l’article L.442-6-I-5° du code de commerce, actuellement L442-2 du même code au présent litige et sur le défaut de pouvoir pour statuer qui pourrait en résulter, s’est, par le jugement attaqué, déclaré compétent, a débouté la société Vega Equipement de ses demandes et a statué sur les frais et dépens.

1. Sur la demande de la société CCSFR contenue dans ses dernières conclusions d’infirmer le jugement en ce que le tribunal judiciaire de Strasbourg s’est déclaré compétent :

La société CCSFR demande à la cour d’infirmer le jugement en ce que le tribunal judiciaire de Strasbourg s’est déclaré compétent, et de se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Nancy.

La société Vega Equipement demande à la cour de constater que la cour n’est saisie d’aucune demande d’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il s’est déclaré compétent, et en conséquence, lui demande de se déclarer non saisie de la question de la compétence et de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Elle soutient que les conclusions d’appel de la société CCSFR du 5 janvier 2022 comportent un dispositif qui ne conclut pas à l’infirmation du jugement sur la compétence, de sorte qu’elle n’a pas satisfait aux prescriptions des articles 908 et 954 du code de procédure civile ; et que la rectification opérée dans ses conclusions du 29 août 2022 l’a été en dehors du délai prescrit à l’article 909 du code de procédure civile.

Sur ce, la cour constate que, si dans le dispositif de ses conclusions des 5 et 31 janvier 2022, la société CCSFR demande à la cour de ‘in limine litis, se déclarer incompétente au profit du tribunal de commerce de Nancy’, elle n’a pas demandé l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré le tribunal judiciaire de Strasbourg compétent.

Ce n’est que dans le dispositif de ses conclusions du 29 août 2022 qu’elle a demandé à la cour d’infirmer le jugement en ce que le tribunal judiciaire de Strasbourg s’est déclaré compétent, cette demande étant reprise dans ses dernières conclusions du 10 octobre 2022.

Cette demande tendant à l’infirmation partielle du jugement a donc été présentée en dehors du délai pour former appel incident, prévu par l’article 909 du code de procédure civile comme étant de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 dudit code, soit en l’espèce, trois mois à compter du 21 septembre 2021.

Dès lors, l’appel incident sur cette disposition du jugement n’est pas recevable et la cour d’appel n’est pas valablement saisie d’une demande d’infirmation sur la disposition du jugement relative à la compétence du tribunal.

2. Sur la qualification du contrat liant les parties :

La société CCSFR conteste l’existence d’un contrat d’agent commercial et soutient l’application des dispositions relatives aux relations commerciales établies de l’article L.442-6 du code de commerce.

Pour soutenir qu’il s’agit d’un contrat de prestation de services et non pas d’un contrat d’agent commercial, elle invoque, d’une part, les articles 1er et 8 du contrat et que les parties n’ont jamais convenu de qualifier d’agent commercial le statut de la société Vega Equipement ni de placer leur relation contractuelle sous le régime juridique d’un tel statut, d’autre part, que la société Vega Equipement n’est pas enregistrée au registre spécial des agents commerciaux, de troisième part, que le contrat s’inscrit dans un cadre économique plus large que le statut d’agent commercial le supposerait puisque la société Vega Equipement dispose de sa propre clientèle, ce qui exclut le statut d’agent commercial, et est cliente de la société CCSFR, et aussi qu’elle dispose d’un fonds de commerce propre.

Elle ajoute que la société Vega Equipement ne disposait pas de l’indépendance juridiquement conférée à un agent commercial, mais qu’elle s’est unilatéralement arrogé le droit de négocier les contrats passés au nom du mandant, excédant les limites contractuelles.

Elle invoque l’application des articles L.442-6-I-5ème du code de commerce, devenu L.442-1, l’article L.442-4-III, D442-3 et l’annexe 4-2-1 du code de commerce pour conclure à la compétence du tribunal de commerce de Nancy, en soutenant que la société Vega Equipement demande des dommages-intérêts en invoquant une résiliation brutale, anticipée et injustifiée du contrat, et en décrivant une situation juridique qui s’apparenterait à une relation commerciale au sens de l’article L.442-6-I-5ème du code de commerce.

La société Vega Equipement réplique que l’agent commercial est un prestataire de services, et qu’aucune demande n’étant formulée sur le fondement des dispositions de l’article L.442-2 du code de commerce, tant la juridiction du premier degré que celle du second degré n’a été saisie d’une demande relative à sa compétence.

Elle soutient l’application du statut des agents commerciaux, faisant valoir que sa mission est la prospection en vue de la conclusion du contrat, qu’elle effectuait des tournées auprès des prospects, pour présenter les produits CCSFR, le cas échéant pour transmettre le devis préparé par la société CCSFR. Elle ajoute qu’une fois le devis validé par le client, la société CCSFR livrait et facturait le client. Elle précise que sa commission est calculée sur le chiffre d’affaires encaissé par la société CCSFR.

Elle fait valoir que le contrat prévoit qu’elle dispose de la possibilité de procéder à des remises et d’un pouvoir de négociation auprès de la clientèle, les propositions reçues devant in fine être validées par la société CCSFR. Elle ajoute que la qualification d’agent commercial peut être appliquée à un intermédiaire ne disposant pas du pouvoir de modifier le prix des produits dont il assure la vente, qu’une personne peut bénéficier du statut des agents commerciaux sans être inscrite au registre spécial des agents commerciaux et que la qualité de commerçant de l’agent est sans intérêt.

Sur ce,

Par l’arrêt du 4 juin 2020 (Trendsetteuse SARL/DCA SARL, C-828/18), la CJUE a dit pour droit que l’article 1er, § 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens qu’une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d’agent commercial au sens de cette disposition.

Au visa de l’article L.134-1 du code de commerce, il a ainsi été jugé qu’il en résulte que doit désormais être qualifié d’agent commercial le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux, quoiqu’il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services (Com., 2 décembre 2020, pourvoi n° 18-20.231) ou les conditions des contrats conclus par le mandant (Com., 16 juin 2021, pourvoi n° 19-21.585).

Les premiers juges ne pouvaient donc pas se fonder sur l’absence de réel pouvoir de négociation de la société Vega Equipement pour exclure la qualification d’agent commercial.

En outre, l’application du statut d’agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée (Com., 27 septembre 2017, pourvoi n° 16-11.507, 16-10.873).

En l’espèce, selon l’article 1 du contrat intitulé ‘contrat de prestation de services’ conclu entre les parties le 1er juillet 2013, ‘la société Vega accepte (…) d’exécuter au profit du CCSFR les obligations et prestations spécifiques’ consistant à être ‘Interlocuteur national pour les enseignes Cora, Match et A2Pas (dans le respect des tarifs de référencement)’ et ‘Interlocuteur régional pour les clients indépendants sur les départements : 59/62/80/02/60/77/95/93/92/94/10/51/08/52/55 (sauf…)’, avec dans les deux cas, la précision : ‘et en particulier, effectuer les activités de consulting, accompagnement commercial, suivi de chantiers, référencement et représentation directe sur le territoire, visiter les clients potentiels, présenter l’entreprise CCSFR, transmettre les références et gérer les relations d’affaires avec les clients’, mais également consistant en la transmission de propositions de vente pour les clients (dont la liste suit et qui correspond aux clients précités et aux clients indépendants sur les départements précités).

Le contrat poursuit en indiquant ‘à cet égard, Vega déclare qu’il dispose, afin de pouvoir efficacement exécuter ces obligations, d’une organisation, d’un personnel suffisamment qualifié et d’une structure adaptée’.

La société Vega Equipement soutient qu’elle effectuait des tournées dans le cadre desquels les produits CCSFR étaient présentés, et que lorsqu’un prospect envisageait une collaboration avec la société CCSFR, la société Vega Equipement transmettait un devis préparé par la société CCSFR.

Elle produit à cet égard en pièce 24 des devis émis par la société CCSFR, acceptés par les clients, et en pièce 25 un échange entre M. [N] [R], représentant la société Vega Equipement, et la société CCSFR dont il résulte que le premier faisait part de ses réflexions sur les conditions commerciales à établir pour un client.

En outre, comme l’indique la société Vega Equipement, le contrat prévoyait qu’elle était notamment rémunérée à la commission et le contrat indiquait ‘le chiffre d’affaires est calculé sur la base de la valeur nette des encaissés par CCSFR sur la base de propositions de vente soumis par Vega et accepté par CCSFR’.

Il en résulte que la société Vega Equipement avait le pouvoir de représenter la société CCSFR à l’égard des clients, de leur présenter les produits et, le cas échéant un devis préparé par la société CCSFR, après, le cas échéant, discussion de la société Vega Equipement avec la société CCSFR sur les modalités tarifaires et les conditions contractuelles à appliquer au client.

La société CCSFR, qui souligne de manière inopérante que la société Vega Equipement n’avait pas de mission de négociation et de conclusion des contrats, indique d’ailleurs que la société Vega Equipement devait procéder à la seule promotion des ventes en se conformant strictement aux conditions commerciales spécifiées par la société CCSFR.

Si elle évoque ensuite le fait que la société Vega Equipement était autorisée par le contrat à acheter du matériel auprès d’elle, la société CCSFR, pour le revendre à ses propres clients, il n’en demeure pas moins que cette faculté permise par le contrat était distincte de l’activité de représentation précitée effectuée par la société Vega Equipement auprès de clients pour lesquels la société CCSFR émettait des devis et des factures, celle-ci indiquant d’ailleurs qu’elle intervenait dans le processus de vente, émettant les devis et les factures.

Il en résulte que le contrat conclu entre les parties est un contrat d’agent commercial.

Compte tenu de l’ensemble des circonstances précitées, une telle conclusion s’impose quand bien même l’article 8 de ce contrat prévoit des conditions et modalités de résiliation anticipée du contrat qui sont différentes de celles applicables à un contrat d’agent commercial.

En outre, une telle conclusion n’est pas remise en cause par le fait que la société Vega Equipement ne soit pas inscrite au registre des agents commerciaux, cette circonstance étant insuffisante à exclure ladite qualification. Celle-ci n’est pas non plus remise en cause par le fait que la société Vega Equipement soit, par ailleurs, cliente de la société CCSFR, ni par le fait qu’elle dispose d’une clientèle et d’un fonds de commerce qui lui soient propres, dès lors que la société CCSFR ne démontre pas que l’activité de représentation exercée par la société Vega Equipement dans le cadre de leurs relations contractuelles soit effectuée au profit de la clientèle de la société Vega Equipement.

Il convient ainsi de confirmer le jugement en ce qu’il a dit le tribunal judiciaire compétent.

2. Sur la demande de communication de pièces, et subsidiairement la demande d’expertise :

La société Vega Equipement demande la communication de l’ensemble des documents nécessaires de nature à vérifier le montant des commissions qui lui sont dues, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, soient les factures adressées aux clients visés par le contrat pour les exercices 2019 et 2020, les extraits certifiés conformes des documents comptables pour les exercices 2019 et 2020, et subsidiairement, désigner tel expert avec pour mission d’identifier le chiffre d’affaires réalisé par la société CCSFR du fait de l’intervention de la société Vega Equipement et sur le territoire qui lui a été concédé conformément aux prescriptions contractuelles sur les exercices 2019 et 2020.

Contrairement à ce que soutient la société CCSFR, cette demande, certes nouvelle, est recevable, dès lors qu’elle constitue l’accessoire et le complément des demandes initiales.

Sur le fond, la société CCSFR soutient que la demande de communication de documents n’est pas motivée, ne repose sur aucune pièce probante et est très imprécise. Elle fait valoir n’avoir jamais entendu priver son ancienne contractante des commissions effectivement dues et que les informations demandées sont trop larges.

Cependant, l’agent commercial a le droit d’exiger de son mandant qu’il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.

Le mandant a ainsi l’obligation de lui fournir un relevé de celles-ci assorti des éléments de leur calcul, l’agent étant en droit de réclamer toutes informations à cet égard et notamment les documents comptables nécessaires à cette fin.

Dès lors, il convient de faire droit à la demande de communication des factures de la société CCSFR adressées aux clients visés par le contrat liant la société CCSFR et la société Vega Equipement pour les exercices 2019 et 2020 et des extraits certifiés conformes des documents comptables pour les exercices 2019 et 2020 nécessaires pour vérifier le montant des commissions dues à la société Vega Equipement, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le 31ème jour suivant la signification de l’arrêt.

3. Sur la demande de la société Vega Equipement tendant au paiement de la somme de 51 077,06 euros à titre de commissions dues à la date de la résiliation du 30 août 2019 :

La société CCSFR conclut au rejet des demandes. Elle soutient qu’il résulte de la pièce adverse n°8 qu’est demandé le paiement de commissions sur des commandes non encore facturées et livrées, et que la somme demandée n’est pas justifiée. Elle ajoute qu’à la date de l’assignation, elle ne lui devait aucune somme, ayant versé une avance de 80 000 euros HT. Elle fait aussi valoir lui avoir payé les 31 janvier et 6 février 2020 les sommes de 44 731,78 euros et 3 3377 euros, puis 30 000 euros le 1er septembre 2020.

Sur ce, l’annexe 8 est effectivement insuffisante à ce stade de la procédure, ce d’autant que la société Vega Equipement demande par ailleurs la communication de documents afférents à l’année 2019.

Il sera ainsi sursis à statuer sur cette demande.

4. Sur la rupture du contrat :

La société Vega Equipement soutient qu’aucun reproche ne lui avait été fait avant la lettre de rupture du 28 août 2019 et que la société CCSFR n’a jamais utilisé le terme de faute grave, ce qui est exclusif de toute faute grave. Elle ajoute qu’aucun grief n’est émis, seuls des ‘points’ sont visés dans la lettre, qui n’est pas motivée ni justifiée, de sorte qu’elle a droit aux indemnités de rupture dues aux agents commerciaux.

A titre subsidiaire, elle soutient que la lettre du 9 septembre 2019 vise des griefs qui ne correspondent pas aux motifs de rupture pour faute grave visés au contrat.

Elle soutient que les remises ont été autorisées et validées par la société CCSFR et qu’aucun reproche ne lui a été fait. Elle invoque l’absence de preuve et discute les pièces produites.

La société CCSFR réplique que plusieurs rappels des dispositions contractuelles avaient été communiquées à la société Vega Equipement, en invoquant ses pièces 13 à 15. Elle ajoute que le contrat prévoit une procédure de résiliation pour faute, que selon l’article 8 alinéa 3 constitue une faute ‘la promotion des ventes sans se conformer aux conditions commerciales spécifiées par CCSFR’ et que le contrat ne prévoit pas que les motifs susceptibles de constituer une faute grave seraient exhaustifs.

Elle invoque une dégradation des relations entre les sociétés du fait de M. [R], gérant de la société Vega Equipement, et la faute de cette société née de son refus de se conformer aux conditions commerciales spécifiées par la société CCSFR, la société Vega Equipement étant à l’origine de la violation de la politique de prix de CCSFR, pratiquant des remises injustifiées et non autorisées, malgré des avertissements répétés. Elle ajoute que le contrat de résiliation n’avait pas à être motivé et qu’elle lui a exposé les griefs par lettre du 9 septembre 2019.

Sur ce, les pièces invoquées par la société CCSFR ne permettent pas de caractériser une faute grave commise par la société Vega Equipement.

En effet, la société CCSFR invoque, d’abord, son ‘mécontentement larvé’. Cependant, une telle insatisfaction est insuffisante pour caractériser une faute grave de l’agent commercial. D’ailleurs, les propos invoqués en page 28 des conclusions de M. [T] dans le mail du 17 juillet 2019 ne permettent pas de montrer un manquement de la société Vega Equipement à ses obligations.

S’agissant de la dégradation invoquée des relations entre les sociétés du fait du prétendu comportement de M. [R], les pièces produites et notamment les attestations versées aux débats en annexe 8, 9, 11 et 20 sont insuffisamment circonstanciées ou ne contiennent pas la relation de faits objectifs permettant de caractériser le comportement de M. [N], mais seulement des appréciations subjectives de leur auteur et sont ainsi insuffisantes à démontrer la réalité et la gravité d’un comportement de M. [N] qui serait constitutif d’une faute grave. Ainsi, il n’est pas suffisamment démontré que M. [R] ait été à l’origine d’une dégradation notable de la relation entre les équipes des deux sociétés, ni même qu’il s’agisse d’une faute grave.

S’agissant du grief pris du refus de la société Vega Equipement de se conformer aux conditions commerciales spécifiées par la société CCSFR et du fait qu’elle est l’origine de la violation de la politique de prix de la société CCSFR : Si dans son mail du 17 juillet 2019, M. [T] demandait à M. [R] de suivre la politique de prix préconisée par l’entreprise et donc les procédures mises en place au sein de CEFLA France depuis des années pour que celle-ci soit respectée et lui demandait, ‘comme il le faisait par le passé’, qu’ils puissent ‘échanger sur la base des feuilles de marge éditées par le bureau d’études sur les latitudes de négociation qui se rapportent à chaque affaire’, il convient de constater qu’il indiquait également que la société CCSFR pouvait refuser une commande client signé par celui-ci, précisant, de surcroît, que la société CCSFR n’est liée par les déclarations ou propositions de ses représentants qu’autant qu’elles ont été confirmées par la société CCSFR.

Ainsi, les remises n’étaient accordées aux clients que si elles étaient autorisées par la société CCSFR, et celle-ci ne démontre pas le contraire. Celle-ci n’est donc pas fondée à reprocher à la société Vega Equipement de ne pas avoir respecté la politique de prix et d’avoir proposé des remises qu’elle estime trop importantes, et ce d’autant plus qu’elle ne justifie pas, qu’avant ou après ce mail du 17 juillet 2019, elle l’ait rappelée à l’ordre à cet égard, les pièces produites étant insuffisantes à établir qu’un reproche lui a été fait, ni de manquement qui aurait été commis après ce mail du 17 juillet 2019.

En outre, la société CCSFR ne produit aucun élément justifiant le grief consistant dans le fait qu’il serait allé à l’encontre des intérêts de la société CCSFR dans le cadre d’opérations de suivi de chantier.

Il sera, au surplus, constaté que la lettre de rupture n’évoque pas la notion de faute grave et accorde un délai de préavis d’un mois.

5. Sur la demande de 211 504 euros au titre de l’indemnité de préavis :

Contrairement à ce que soutient la société CCSFR, cette demande, certes nouvelle, est recevable, dès lors qu’elle constitue l’accessoire et le complément des demandes initiales.

La société Vega Equipement soutient que le contrat prévoyait qu’il ne pouvait être rompu avant le 31 décembre 2020, mais que la rupture est intervenue le 28 août 2019, moyennant un préavis d’un mois, qui n’était pas prévu et n’a pu être appliqué, car la société CCSFR a suspendu son mode de communication en modifiant le mot de passe de son compte email, ni exécuté, car la société CCSFR a informé ses interlocuteurs de la reprise de ses activités dès le 3 septembre 2019.

La société CCSFR conteste l’existence d’un préavis de 16 mois et invoque une rupture pour faute grave. A titre subsidiaire, elle soutient qu’en cas de contrat d’agent commercial, par application de l’article L.134-11 du code de commerce, le préavis serait de trois mois, et qu’elle a accordé un préavis d’un mois.

Sur ce, eu égard à la durée du contrat et à l’absence de faute grave, la société Vega Equipement a droit à une indemnité de préavis de trois mois.

Il sera précisé que si la société Vega Equipement justifie que, selon l’avenant, le contrat ne pouvait être rompu avant le 31 décembre 2020, elle indique également qu’aucune disposition contractuelle ne prévoit l’application d’un délai de préavis en cas de résiliation avant le 31 décembre 2020. Dès lors, elle n’invoque pas l’existence d’un préavis contractuel.

Dès lors que le calcul du montant dépend du montant mensuel des commissions, il sera sursis à statuer sur la demande en paiement.

6. Sur la demande de 317 259 euros au titre de l’indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi fondée sur l’article 134-12 du code de commerce :

La société Vega Equipement invoque un préjudice professionnel et financier justifiant 24 mois de commissions, faisant valoir l’investissement financier, matériel et humain et la perte des clients, la perte des retombées financières envisagées et des perspectives qu’offraient la marque pour elle, la brutalité de la rupture, la baisse du chiffre d’affaires réalisé lors de l’année de la rupture et la clause d’exclusivité.

La société CCSFR conteste le droit à une telle indemnité, en l’absence de faute dans l’exercice du droit de résiliation, mais aussi de justification du montant demandé, contestant notamment la base de calcul, ainsi que de lien de causalité entre la baisse du chiffre d’affaires de la société Vega Equipement et la rupture du contrat. Elle rappelle lui avoir consenti un mois de préavis, ne pas l’avoir privée de ses commissions, et le fait que le blocage de l’adresse mail n’a pas entravé le fonctionnement de la société Vega Equipement, laquelle a informé ses clients de la rupture du contrat et va poursuivre son activité.

Sur ce, selon l’article L.’134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

En l’espèce, la société Vega Equipement ne justifie pas avoir effectué un investissement financier, matériel et humain tel qu’il doit être pris en compte dans l’appréciation du préjudice résultant de la rupture du contrat. Etant indemnisée au titre d’un préavis de trois mois, elle ne justifie pas d’un préjudice résultant de la brutalité invoquée de la rupture. En particulier, elle ne justifie pas avoir été privée de ses moyens de communication avec les clients, produisant des courriels qui lui sont adressés par les clients après la lettre de rupture. Si elle invoque une clause d’exclusivité, elle n’invoque ni ne démontre être contrainte à une restriction dans l’exercice d’une activité future, suite à la cessation du contrat d’agent commercial.

En revanche, eu égard à la perte des retombées financières que pouvait envisager la société Vega Equipement en exécutant ce contrat et dont elle a été privée en raison de la rupture, mais également au fait qu’elle ne conteste pas poursuivre son activité avec au moins une autre société que cite la société CCSFR et du fait que les documents émanant de son expert-comptable produits aux débats sont insuffisants pour établir le lien de causalité entre le chiffre d’affaires et la rupture du contrat, le préjudice subi du fait de la rupture du contrat sera évalué à l’équivalent de 20 mois de commissions.

Compte tenu de la communication de documents qui a été ordonnée, il sera sursis à statuer sur la demande en paiement.

7. Sur la demande fondée sur la résistance abusive de la société CCSFR :

Contrairement à ce que soutient la société CCSFR, cette demande, certes nouvelle, est recevable, dès lors qu’elle constitue l’accessoire et le complément des demandes initiales.

La société Vega Equipement soutient que les motifs exposés pour tenter de s’exonérer du paiement d’une indemnité de rupture à un agent commercial dévoué qui a toujours donné satisfaction sont sans fondement et traduisent une mauvaise foi évidente, et que la société CCSFR a procédé à la rupture du contrat dans des circonstances brutales, vexatoires et d’une violence incontestable à l’égard d’un cocontractant avec lequel elle n’a jamais émis de critique. Elle ajoute que c’est uniquement parce qu’elle a décidé d’internaliser son service commercial que la société CCSFR a mis un terme au contrat de façon immédiate, le préavis d’un mois n’ayant pu être exécuté.

La société CCSFR soutient l’absence de preuve que la rupture du contrat ou que l’exercice de son droit d’agir en justice ait dégénéré en abus et de l’existence d’un préjudice.

Compte tenu du sursis à statuer sur les demandes financières, il convient également de surseoir à statuer sur cette demande.

8. Sur les frais et dépens :

Les dépens seront réservés et il sera sursis à statuer sur les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 30 avril 2021, sauf en ce qu’il se déclare compétent,

Le confirme de ce chef,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que le contrat liant la société Vega Equipement et la société CCSFR est un contrat d’agent commercial,

Dit que la rupture du contrat par la société CCSFR n’est pas justifiée par une faute grave de la société Vega Equipement,

Déclare recevable la demande de communication de pièces formée par la société Vega Equipement et à titre subsidiaire d’expertise,

Ordonne à la société CCSFR de communiquer à la société Vega Equipement les factures de la société CCSFR adressées aux clients visés par le contrat liant la société CCSFR et la société Vega Equipement pour les exercices 2019 et 2020 et des extraits certifiés conformes des documents comptables pour les exercices 2019 et 2020 nécessaires pour vérifier le montant des commissions dues à la société Vega Equipement, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le 31ème jour suivant la signification de l’arrêt,

Sursoit à statuer sur la demande en paiement de commissions jusqu’à ce que la société CCSFR ait communiqué ces pièces à la société Vega Equipement,

Déclare recevables les demandes nouvelles de la société Vega Equipement en paiement de la somme de 211 504 euros à titre de préavis en application des dispositions contractuelles liant les parties,

Dit que la société CCSFR devra payer à la société Vega Equipement une indemnité de préavis de trois mois de commissions,

Sursoit à statuer sur la demande en paiement formée de ce chef jusqu’à ce que la société CCSFR ait communiqué les pièces précitées à la société Vega Equipement,

Dit que la société CCSFR devra payer à la société Vega Equipement une indemnité de rupture équivalente à 20 mois de commissions,

Sursoit à statuer sur la demande en paiement formée de ce chef jusqu’à ce que la société CCSFR ait communiqué les pièces précitées à la société Vega Equipement,

Déclare recevable la demande nouvelle de la société Vega Equipement en paiement de la somme de 10 000 euros pour résistance abusive au paiement et mauvaise foi,

Sursoit à statuer sur la demande en paiement formée de ce chef jusqu’à ce que l’instance soit reprise à l’expiration du sursis,

Sursoit à statuer sur les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit qu’à l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge,

Ordonne la radiation de la procédure du rôle de la Cour, la partie la plus diligente n’étant autorisée à la faire réinscrire au rôle que sur justification de l’expiration du sursis,

Réserve les dépens.

La Greffière : la Présidente :

 


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