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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
1ère CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 16 NOVEMBRE 2023
N° RG 21/02345 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MCF3
E.A.R.L. VIGNOBLES LAVAUD PERE ET FILS
c/
S.A.S. GRENKE LOCATION
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 mars 2021 par le Pôle protection et proximité du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 11-19-4147) suivant déclaration d’appel du 20 avril 2021
APPELANTE :
E.A.R.L. VIGNOBLES LAVAUD PERE ET FILS, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 2]
représentée par Maître Nicolas CARTRON de la SELARL RODRIGUEZ & CARTRON, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A.S. GRENKE LOCATION, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 1]
représentée par Maître Géraldine FERGEAU, avocat postulant au barreau de BORDEAUX et assistée de Maître Gisèle COHEN AMZALLAG, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 octobre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Bérengère VALLEE, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Mme Paule POIREL
Conseiller : Mme Bérengère VALLEE
Conseiller : M. Emmanuel BREARD
Greffier : Mme Véronique SAIGE
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Selon contrat du 11 avril 2017, la SAS Grenke Location a consenti à l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils un contrat de location financière n°135-8883, pour une durée de 60 mois, au loyer trimestriel de 415,66 euros TTC, portant sur du matériel de surveillance fourni par la société Aquitaine Protection Vol et Incendie (API).
Un document intitulé ‘confirmation de livraison’ était signé le 10 avril 2017 par l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils et la société API.
Le 13 avril 2017, l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils recevait un courrier de la société Grenke Location l’informant de la mise en place d’un échéancier à compter du 10 avril 2017 et du prélèvement des montants dus sur son compte bancaire.
Le 17 janvier 2018, la société API était placée en liquidation judiciaire.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 mars 2018, la société Grenke Location a mis en demeure l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils de payer les loyers impayés sous peine de mise en oeuvre de la clause de résiliation anticipée.
Par lettre du 18 mai 2018, la société Grenke Location a informé l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils qu’elle procédait à la résiliation du contrat et la mettait en demeure de restituer le matériel pris en location et de payer les sommes dues.
Par acte d’huissier du 7 novembre 2019, la société Grenke Location a fait assigner l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils devant le tribunal d’instance de Bordeaux aux fins d’obtenir le paiement des sommes dues en vertu du contrat de location.
Par jugement contradictoire du 17 mars 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– condamné la société Vignobles Lavaud Père et Fils à verser à la société Grenke Location :
* la somme de 5 542,08 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2018 ;
* la somme de 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– ordonné l’exécution provisoire à hauteur de la moitié des sommes mises à la charge de la société Vignobles Lavaud Père et Fils.
Pour statuer ainsi, le tribunal a estimé que l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils avait signé le contrat de location auquel étaient annexées les conditions générales de celui-ci ainsi que le bon de livraison s’y rapportant, qu’elle ne démontrait pas l’existence d’une faute de la société Grenke Location ni d’un vice de son consentement, qu’elle devait donc respecter son obligation de paiement.
La société Vignobles Lavaud Père et Fils a relevé appel de ce jugement par déclaration du 20 avril 2021 et par conclusions déposées le 13 janvier 2022, elle demande à la cour de :
– infirmer le jugement du 17 mars 2021 en ce qu’il a :
* condamné la société Vignobles Lavaud Père et Fils à verser a la société Grenke Location les sommes de 5 542,08 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2018, et de 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
* débouté la société Vignobles Lavaud Père et Fils de ses demandes ;
* condamné la société Vignobles Lavaud Père et Fils aux depens ;
Et, ce faisant :
– juger mal fondées l’action, les prétentions et réclamations de la société Grenke Location, comme reposant sur un contrat nul, et/ou encourant la résolution et/ou caducité pour inexécution ;
En tout état de cause :
– l’en débouter ;
– condamner la société Grenke Location à verser à la société Vignobles Lavaud Père et Fils la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
– condamner la société Grenke Location à verser à la société Vignobles Lavaud Père et Fils la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris de première instance ;
– débouter la société Grenke Location de ses entières prétentions, fins et réclamations devant la cour.
Par conclusions déposées le 18 octobre 2021, la Grenke Location demande à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
– débouter la société Vignobles Lavaud Père et Fils de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Y ajoutant ,
– condamner la société Lavaud Père et Fils au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en cause d’appel.
L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 05 octobre 2023.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 21 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande en paiement de la société Grenke Location
L’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils expose avoir été démarchée par la société API qui lui aurait remis un contrat de location longue durée d’une société Grenke Location qu’elle ne connaissait pas. Elle ajoute avoir naïvement signé le contrat daté du 11 avril 2017 ainsi que le document ‘confirmation de livraison’ daté de la veille, alors même qu’aucun matériel de surveillance ne lui a jamais été fourni et que la société API a été placée en liquidation judiciaire. Elle reproche à la société Grenke Location d’avoir prélevé les loyers sans s’assurer de l’effectivité de la remise du matériel. Elle estime que le contrat de location, dont les conditions générales lui sont inopposables faute de lui avoir été communiquées, est dépourvu d’objet dès lors que le matériel n’a pas été livré. Elle en déduit que le contrat doit être considéré comme nul ou caduc ou, à défaut, résolu pour défaut d’exécution.
La société Grenke Location conclut à la confirmation du jugement, faisant valoir que l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils n’a jamais émis de contestation sur les prestations ni sur les tarifs qu’elle a acceptés. Elle se réfère à l’article 11 des conditions générales du contrat qui prévoit qu’en cas de résiliation, le locataire sera tenu au paiement des loyers échus impayés et des loyers à échoir, ainsi que les intérêts de retard et une somme égale à 10% du montant des loyers à échoir. Elle soutient que le contrat est valide et a été parfaitement exécuté puisqu’elle a mis le matériel à la disposition de l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils ainsi qu’en atteste la confirmation de la livraison signée.
Sur ce,
Au préalable, il convient de constater que dans le dispositif de ses conclusions, l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils sollicite le débouté de la demande en paiement de la société Grenke Location au motif que celle-ci repose ‘sur un contrat nul, et/ou encourant la résolution et/ou caducité pour inexécution’. Elle ne réclame pour autant ni le prononcé de la nullité ou caducité du contrat, ni sa résolution, son opposition à la demande en paiement se fondant en réalité sur l’absence de livraison du matériel loué.
Si l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils a en effet signé la confirmation de livraison, il n’en demeure pas moins qu’elle établit que le matériel ne lui a pas été livré, ainsi qu’il résulte non seulement du remboursement par la société API des deux premiers prélèvements ainsi que du courriel du 19 janvier 2018, dans lequel l’appelante se plaint de ce que le matériel n’est toujours pas installé, mais aussi et surtout du courrier du 1er mars 2018 dans lequel la société Grenke Location elle-même énonce que ‘si la société Aquitaine Protection Vol et Incendie fait effectivement l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, notre service commercial nous informe que les prestations ont été reprises par la société Alarmes Protection Intrusion. Le matériel, objet du contrat de location n°135-8883 est entre ses mains. Il appartient par conséquent à l’EARL des Vignobles Lavaud Père et Fils de prendre contact avec [cette] société’. (souligné en gras par la cour), étant ajouté qu’en affirmant, dans ses écritures, avoir mis le matériel à la disposition de l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils, la société Grenke Location admet avoir été tenue à une obligation de délivrance à son égard.
L’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils est ainsi fondée à invoquer une exception d’inexécution tenant à l’absence de livraison du matériel faisant l’objet du contrat de location financière, pour s’opposer au paiement des loyers.
La demande en paiement sera donc rejetée, le jugement étant infirmé de ce chef, étant rappelé qu’il n’est pas demandé le prononcé de la résolution du contrat.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils
L’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils réclame 1.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral compte tenu de l’obstination de la société Grenke Location à la poursuivre de façon comminatoire et insistante.
Le préjudice allégué n’étant toutefois justifié par aucun élément probant, l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. La société Grenke Location, partie perdante, supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, la société Grenke Location sera condamnée à payer à l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils la somme de 2.000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement déféré,
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Déboute la société Grenke Location de sa demande en paiement,
Déboute l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
Condamne la société Grenke Location à payer à l’EARL Vignobles Lavaud Père et Fils la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Grenke Location aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,