Rupture anticipée : 16 novembre 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 22/01271

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Rupture anticipée : 16 novembre 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 22/01271
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Minute n°

N° de rôle : N° RG 22/01271 – N° Portalis DBVG-V-B7G-ERI3

COUR D’APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2023

Décision déférée à la Cour : jugement du 28 avril 2021 – RG N°2020001802 – TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANCON

Code affaire : 50B – Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Cédric SAUNIER, conseiller, président de l’audience

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés devant M. Cédric SAUNIER, président, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour.

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Cédric SAUNIER, conseiller, a rendu compte conformément à l’article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :

Monsieur M. WACHTER, Président et Madame Bénédicte MANTEAUX, conseiller.

L’affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT

S.A.R.L. GRAPHI’SYSTEM

Sise [Adresse 1]

Inscrite au RCS de Dijon sous le numéro 487 748 873

Représentée par Me Emilie BAUDRY de la SELARL BALLORIN-BAUDRY, avocat au barreau de HAUTE-SAONE, avocat postulant

Représentée par Me Antoine CARDINAL, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE, avocat plaidant

ET :

INTIMÉE

APPELANTE SUR APPEL INCIDENT

S.A. SIGEC

[Adresse 2]

Inscrite au RCS de Besançon sous le numéro 998 417 125

Représentée par Me Laurent MORDEFROY de la SELARL ROBERT & MORDEFROY, avocat au barreau de BESANCON

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Michel Wachter, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

*************

Le 24 septembre 2015, la SARL Graphi’System a conclu avec la SA SIGEC un contrat de services et de maintenance portant sur un copieur.

Par LRAR du 4 janvier 2019, la société Graphi’System a informé la société SIGEC de la résiliation de ce contrat.

Le 15 janvier 2019, la société SIGEC a pris acte de cette résiliation, mais a sollicité le paiement d’une indemnité de résiliation de 34 141,94 euros, telle que stipulée aux conditions générales du contrat.

Par exploit du 26 mai 2020, faisant valoir que, malgré mise en demeure, cette indemnité n’avait pas été réglée, la société SIGEC a fait assigner la société Graphi’System devant le tribunal de commerce de Besançon en paiement.

La société Graphi’System s’est opposée à la demande, en faisant valoir que les conditions générales lui étaient inopposables comme n’ayant pas été portées à sa connaissance, de sorte que le contrat pouvait être rompu à tout moment sans indemnité.

Par jugement du 28 avril 2021, le tribunal de commerce a :

– condamné la société Graphi’System à payer à la société SIGEC la somme de 34 141,94 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2019, date de la mise en demeure ;

– condamné la société Graphi’System payer à la société SIGEC la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– mis les dépens à la charge de la société Graphi’System ;

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;

– liquidé les dépens du présent jugement à la somme de 83,08 euros.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que l’original du contrat était produit aux débats, lequel comportait au verso les conditions générales incluant l’article 7.7 relatif à l’indemnité de résiliation, et que le représentant de la société Graphi’System avait apposé sa signature sur le recto de ce document, dans un cadre mentionnant qu’il avait pris connaissance des conditions générales figurant au verso, ce dont il devait être déduit que la défenderesse avait accepté les conditions générales, qui devaient trouver à s’appliquer.

La société Graphi’System a relevé appel de cette décision le 3 juin 2021.

Le dossier a fait l’objet d’une radiation le 1er mars 2022, puis a été rétabli au rôle le 29 juillet 2022.

Par conclusions transmises le 23 février 2022, l’appelante demande à la cour :

Vu les articles 1134, 1162, 1152 ancien du code civil,

À titre principal,

– de constater que le contrat liant les sociétés SIGEC et Graphi’System a été modifié unilatéralement par la société SIGEC et ne contient pas de conditions générales ;

– de constater que le contrat liant les sociétés SIGEC et Graphi’System est un contrat à durée indéterminée pouvant, dès lors, être rompu à tout moment ;

– d’infirmer, en conséquence, en toutes ses dispositions le jugement de première instance ;

Statuant à nouveau :

– de dire et juger que le contrat litigieux est un contrat à durée indéterminée pouvant, dès lors, être rompu à tout moment et qu’il a été valablement résilié par la société Graphi’System ;

Au surplus,

– de constater que les conditions générales sont inopposables à la société Graphi’System ;

– de constater que le contrat liant les sociétés SIGEC et Graphi’System est un contrat à durée indéterminée pouvant, dès lors, être rompu à tout moment ;

À titre subsidiaire,

– de requalifier la clause de dédit en clause pénale ;

– de limiter la condamnation de la société Graphi’System à la somme de 7 500 euros ;

À titre infiniment subsidiaire,

– d’accorder à la société Graphi’System un délai de 24 mois afin de s’acquitter de sa dette ;

En tout état de cause,

– de condamner la société SIGEC à verser à la société Graphi’System la somme de 3 000 euros

au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 23 novembre 2021, la société SIGEC demande à la cour :

Vu les articles 1134 et 1162 anciens du code civil,

– de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Y ajoutant,

– de condamner la société Graphi’System à payer à la société SIGEC la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de la condamner aux entiers dépens d’appel.

La clôture de la procédure a été prononcée le 24 août 2023.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Sur l’opposabilité des conditions générales

L’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, qu’elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, et qu’elles doivent être exécutées de bonne foi.

Pour obtenir l’infirmation de la décision déférée, l’appelante fait d’abord valoir que la société SIGEC avait, comme à son habitude, unilatéralement modifié le contrat après sa signature, ce qu’établissait le fait que les exemplaires détenus respectivement par les parties différaient, notamment en ce que celui dont se prévalait l’intimée comportait des conditions générales au verso, alors que celui de l’appelante présentait un verso vierge. Elle en déduit que, quand bien même elle aurait apposé sa signature sur une mention indiquant qu’elle avait pris connaissance des conditions générales figurant au verso, cette prise de connaissance était inexistante faute pour le verso de comporter quelque indication que ce soit.

L’intimée conteste cette allégation, indiquant que les seules mentions rajoutées au contrat étaient celles qui ne pouvaient être connues du commercial lors de l’établisement du contrat, mais que, pour le reste, et notamment s’agissant des conditions générales, les exemplaires du contrat détenus par les parties étaient parfaitement identiques.

Il sera observé que, pour appuyer son argumentation, la société Graphi’System verse en premier lieu diverses pièces relatives à un contrat signé entre la société SIGEC et une société Sprint, qui est totalement étrangère au présent litige, et dont il ne saurait dès lors être tiré aucune conclusion quant à la solution de celui-ci.

Il doit ensuite être constaté que la société SIGEC produit aux débats l’exemplaire original du contrat, dont il ressort qu’il comporte un verso constitué par la reproduction des conditions générales. La société Graphi’System verse quant à elle deux copies du recto de ce contrat, qui diffèrent entre elles par la présence, sur l’une seule des deux, des références de la machine et de la date de son installation, étant relevé que cet exemplaire correspond en tous points au recto de l’original fourni par l’intimée. Il ne peut cependant être tiré aucune conséquence de l’absence de ces deux mentions particulières sur l’une des copies du recto, s’agissant de précisions qui pouvaient ne pas être connues lors de la signature du contrat, et qui ont donc pu être apposées par la suite, sans que les obligations des parties n’en soient affectées de quelque manière que ce soit.

Il ne saurait en tout cas être déduit de l’ajout de ces deux mentions techniques que la société SIGEC aurait également ajouté un verso au contrat postérieurement à sa signature, la production de simples copies du recto ne permettant bien évidemment pas de rapporter la preuve de l’absence de verso, alors surtout que le recto fait expressément référence aux ‘conditions générales figurant au verso’, dont la présence réelle est suffisamment établie par l’exemplaire original du contrat.

L’appelante échoue ainsi à démontrer que l’intimée aurait unilatéralement modifié le contrat en y ajoutant des conditions générales qui n’y auraient pas figuré lors de la signature.

La société Graphi’Sysem fait ensuite valoir que les conditions générales ne lui étaient pas opposables dès lors qu’elles ne les avait pas paraphées ni signées, et qu’elles n’étaient évoquées que de manière succincte par le contrat.

Toutefois, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu l’opposabilité des conditions générales à la société Graphi’System, après avoir constaté à l’examen du contrat que le représentant de cette société avait apposé sa signature dans un cadre mentionnant expressément que ‘le soussigné déclare avoir pris connaissance des conditions générales figurant au verso, et les accepte sans réserve.’ Il ressort en effet sans aucune ambiguïté de cette mention que le signataire avait acquis la connaissance des conditions générales, et qu’il avait accepté qu’elles régissent la relation contractuelle entre les parties.

Sur le caractère de clause pénale

Les conditions générales fixent à l’article 5 la durée du contrat à 5 années à compter de sa date d’effet, et stipulent à l’article 7.7 qu’en cas de résiliation anticipée demandée par le client, SIGEC exigera le versement d’une indemnité contractuelle égale à 90 % de la facturation trimestrielle moyenne depuis le début du contrat, multipliée par le nombre de trimestres restant à courir jusqu’au terme contractuel. L’article 7.9 précise que les parties reconnaissent que la durée du contrat constitue une condition déterminante à l’origine d’une grille tarifaire adaptée à la durée.

La résiliation notifiée par la société Graphi’System le 4 janvier 2019 est bien intervenue de manière anticipée, de sorte que le principe de la mise en oeuvre de l’indemnité contractuelle n’est pas contestable.

L’appelante soutient alors que l’indemnité ainsi stipulée s’analyse en une clause pénale, et qu’elle doit être réduite au regard de son caractère manifestement excessif.

L’intimée ne prend pas spécialement position sur ce moyen.

L’article 1152 du code civil, dans sa rédaction applicable, dispose que, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

Dès lors qu’elle engage le client à verser à la société SIGEC une indemnité forfaitaire déterminée à l’avance en cas d’inexécution de ses obligations, la stipulation litigieuse s’analyse incontestablement en une clause pénale au sens de l’article 1152.

Cette clause, qui consiste à faire bénéficier la société SIGEC de 90 % des sommes qu’elle aurait pu percevoir jusqu’au terme du contrat, présente en l’occurrence un caractère manifestement excessif au regard du préjudice effectivement subi, compte tenu notamment de la durée du contrat d’ores et déjà écoulée, et des conséquences économiques résultant pour l’intimée de la rupture des relations pour la durée restant à courir.

L’indemnité de résiliation sera réduite à la somme de 15 000 euros, que la société Graphi’System sera condamnée à verser à la société SIGEC. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

Sur les délais de paiement

La demande de délais de paiement formée par l’appelante sera rejetée, en l’état d’une attestation comptable faisant référence à des chiffres d’affaires manquant d’actualité, comme concernant les années 2018 à 2020.

Sur les autres dispositions

Le jugement entrepris sera confirmé s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.

L’appelante sera condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la société Sigec la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Confirme le jugement rendu le 28 avril 2021 par le tribunal de commerce de Besançon, sauf en ce qu’il a condamné la société Graphi’System payer à la société SIGEC la somme de 34 141,94 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2019, date de la mise en demeure ;

Statuant à nouveau du chef infirmé, et ajoutant,

Condamne la société Graphi’System payer à la société SIGEC la somme de 15 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la société Graphi’System aux dépens d’appel ;

Condamne la société Graphi’System payer à la société SIGEC la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,

 


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