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5ème Chambre
ARRÊT N°-348
N° RG 20/01548 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QREI
S.E.L.A.R.L. ATHENA
S.N.C. CAKE VALLEY
C/
M. [Y] [S]
Mme [T] [S] épouse [G]
Mme [L] [X] épouse [S]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Marie-France DAUPS, Conseillère,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 20 Septembre 2023
devant Madame Virginie PARENT et Virginie HAUET, magistrats rapporteurs, tenant seules l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Novembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTES :
S.E.L.A.R.L. ATHENA immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro 802 989 699 prise en la personne de Maître [O] [M] ès qualités de mandataire judiciaire de la SNC CAKE VALLEY ,
ASSIGNE EN INTERVENTION FORCÉE par acte du 09 février 2023 délivré à personne habilitée à le recevoir
[Adresse 2]
[Adresse 11]
[Localité 3]
Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
S.N.C. CAKE VALLEY immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro 523 607 794 Agissant poursuites et diligences de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège. (en redressement judiciaire suivant jugement du Tribunal de Commerce de RENNES du 06.07.2022)
[Adresse 13]
[Localité 4]
Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Monsieur [Y] [S]
né le 27 Mars 1954 à [Localité 12]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représenté par Me Patrick EVENO de la SELARL P & A, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Madame [T] [S] épouse [G]
née le 04 Juin 1969 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée par Me Patrick EVENO de la SELARL P & A, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Madame [L] [X] épouse [S]
née le 24 Février 1936 à [Localité 10]
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Patrick EVENO de la SELARL P & A, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Par acte authentique du 4 janvier 2013, M. [B] [S] (décédé le 11 décembre 2016), Mme [L] [X] épouse [S], M. [Y] [S] et Mme [T] [S] épouse [G] ont consenti un bail à loyer commercial à la société Cake Valley, ayant pour activité la vente de gâteaux, relatif à un local situé [Adresse 9], à [Localité 7], pour une période de neuf ans à compter du 15 février 2013 pour un loyer annuel HT de 38 858, 65 euros.
Par acte d’huissier du 3 mai 2016, les bailleurs ont adressé un commandement à la société Cake Valley aux fins de se conformer aux obligations de garnissement et d’exploitation du local commercial et de payer la somme de 16 898, 28 euros correspondant aux loyers de février à mai 2016.
Suite à assignation en référé de la société Cake Valley par les bailleurs, la présidente du tribunal de grande instance de Vannes, par ordonnance du 24 novembre 2016, a constaté la résiliation du bail commercial à compter du 16 février 2016 et a débouté les parties de leurs autres demandes.
Appel ayant été interjeté par les bailleurs, la cour d’appel de Rennes, par arrêt du 5 juillet 2017, a
– infirmé l’ordonnance du 24 novembre 2016,
– constaté la résiliation du bail au 3 juin 2016,
– condamné la société Cake Valley à payer une provision de l2 819,97 euros HT à valoir sur les réparations locatives,
– condamné la société Cake Valley aux dépens.
Par exploits d’huissier des ler et 8 mars 2018, la société Cake Valley a assigné, devant le tribunal de grande instance de Vannes, M. [Y] [S], Mme [T] [S] épouse [G], Mme [L] [X] épouse [S] aux fins d’obtenir le paiement de plusieurs sommes dues par les consorts [S], notamment au titre de la restitution du dépôt de garantie et de la restitution du pas de porte.
Par jugement en date du 16 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Vannes a :
– constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial au 3 juin 2016,
– condamné la société Cake Valley à verser à M. [Y] [S], Mme [T] [S] épouse [G], Mme [L] [X] épouse [S] la somme de 17 320, 68 euros au titre des loyers du ler février 2016 au 3 juin 2016,
– condamné la société Cake Valley à verser à M. [Y] [S], Mme [T] [S] épouse [G], Mme [L] [X] épouse [S] la somme de 4 787, 20 euros au titre de l’indemnité d’occupation des locaux entre le 4 juin 2016 et le 8 juillet 2016,
– rejeté les demandes formulées par la société Cake Valley au titre du dépôt de garantie, du pas de porte, de la restitution de la provision,
– rejeté la demande présentée par M. [Y] [S], Mme [T] [S] épouse [G], Mme [L] [X] épouse [S] aux fins de paiement d’une somme supplémentaire de 8 279,35 euros,
– condamné la société Cake Valley à verser à M. [Y] [S], Mme [T] [S] épouse [G], Mme [L] [X] épouse [S] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Cake Valley aux dépens.
Le 4 mars 2020, la société Cake Valley a interjeté appel de cette décision.
Suivant un jugement de liquidation judiciaire du 19 octobre 2022, la SELARL Athena, prise en la personne de maître [O] [M], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Cake Valley, demande à la cour, aux termes de ses dernières écritures notifiées le 18 avril 2023, de :
– déclarer la société Cake Valley recevable et bien fondée en son appel,
Y faisant droit,
– infirmer le jugement rendu le 16 décembre 2019 par le tribunal de grande
instance de Vannes, sauf en ce qu’il a rejeté la demande présentée par les consorts [S] aux fins de paiement d’une somme supplémentaire de
8 279,35 euros,
– débouter les consorts [S] de l’intégralité de leurs demandes, fins et
conclusions,
– déclarer irrecevables car inopposables toutes les demandes financières des
consorts [S] faute de déclaration de créances à la liquidation judiciaire de la société Cake Valley ,
En conséquence, statuant à nouveau, à ce titre,
– ordonner, avant-dire droit, aux consorts [S] de produire aux débats les factures acquittées par eux au titre de la remise en état invoquée et le dossier ERP de la caisse d’épargne sur le local commercial,
– constater la résiliation du bail commercial au 16 février 2016,
– débouter les consorts [S] de leurs demandes en paiement des loyers et indemnités d’occupation,
– dire et juger excessives les dispositions du bail relatives au dépôt de garantie et pas de porte et réduire ces clauses pénales à la somme de 1 euro,
– condamner les consorts [S] à verser à maître [M], SELARL Athena, ès-qualités de liquidateur de la société Cake Valley , la somme de 6 475,44 euros, en restitution du dépôt de garantie, majorée des intérêts au taux légal, à compter du 16 février 2016, et jusqu’à parfait paiement,
– condamner les consorts [S] à verser à maître [M], SELARL Athena, ès-qualités de liquidateur de la société Cake Valley , la somme de 20 464,86 euros, en restitution du pas de porte, majorée des intérêts au taux légal, à compter du 16 février 2016, et jusqu’à parfait paiement,
– condamner les consorts [S] à verser à maître [M], SELARL Athena, ès-qualités de liquidateur de la société Cake Valley , la somme de 8 000 euros, majorée des intérêts au taux légal, à compter du 16 février 2016, et jusqu’à parfait paiement,
– condamner les consorts [S] à restituer à maître [M], SELARL
Athena, ès-qualités de liquidateur de la société Cake Valley la somme de 12 819,97 euros HT, majorée des intérêts au taux légal, à compter de l’arrêt à intervenir, et jusqu’à parfait paiement,
En tout état de cause,
– débouter les consorts [S] de leur demande en paiement d’une somme supplémentaire de 8 279,35 euros,
– condamner les consorts [S] à payer à maître [M], SELARL Athena, ès-qualités de liquidateur de la société Cake Valley la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les consorts [S] aux entiers dépens, tant de première
instance que d’appel, dont distraction au profit de la SELARL Bazille-Tessier Preneux, avocats associés, selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par acte du 9 février 2023, les consorts [S] ont assigné en intervention forcée le mandataire liquidateur.
Par dernières conclusions notifiées le 26 juin 2023, Mme [L] [X], épouse [S], M. [Y] [S] et Mme [T] [S], épouse [G], demandent à la cour de :
– les dire et juger recevables et bien fondés en toutes leurs demandes fins et conclusions,
– dire et juger la SELARL Athena, prise en la personne de maître [O] [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Cake Valley, irrecevable et mal fondée en son appel et en toutes ses demandes fins et conclusions, et l’en débouter intégralement,
– confirmer le jugement en date du 16 décembre 2019 en qu’il a :
* constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial au 3 juin 2016,
* condamné la société Cake Valley à leur verser la somme de 17 320,68 euros au titre des loyers du 1er février 2016 au 3 juin 2016,
* condamné la société Cake Valley à leur verser la somme de 4 787,20 euros au titre de l’indemnité d’occupation des locaux entre le 4 juin 2016 et le 8 juillet 2016,
* rejeté les demandes formulées par la société Cake Valley au titre du dépôt de garantie, du pas de porte, de la restitution de la provision,
* condamné la société Cake Valley à leur verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Cake Valley aux dépens,
– réformer le jugement en qu’il a rejeté leur demande aux fins de paiement d’une somme supplémentaire de 8 279,35 euros au titre au titre des dégâts causés aux locaux,
Et statuant à nouveau,
– fixer au passif de la société Cake Valley les sommes de :
* 8 279,35 euros au titre des dégâts causés aux locaux,
* 17 320,68 euros au titre des loyers du 1er février 2016 au 3 juin 2016,
* 4 787,20 euros au titre de l’indemnité d’occupation des locaux entre le 4 juin 2016 et le 8 juillet 2016,
En tout état de cause,
– condamner la SELARL Athena ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Cake Valley à payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SELARL Athena ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Cake Valley aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
– Sur la recevabilité des demandes des consorts [S]
La SELARL Athena, prise en la personne de maître [O] [M], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Cake Valley, soutient que les consorts [S] n’ont pas déclaré leur créance dans les deux mois de la publication du jugement de liquidation au BODACC qui est intervenue le 29 et 30 octobre 2022. Elle en déduit que leurs demandes de condamnation financière sont irrecevables car inopposables.
Les consorts [S] rétorquent que leurs demandes sont parfaitement recevables en ce qu’ils ont déposé une requête en relevé de forclusion devant le juge-commissaire du tribunal de commerce de Rennes le 4 novembre 2022 et qu’après avoir constaté qu’aucune liste des créanciers n’avait été fournie au mandataire judiciaire par la société Cake Valley, ils ont été relevés de leur forclusion par décision du 27 mars 2023. Ils exposent qu’ils ont ensuite déclaré leurs créances auprès de la SELARL Athena le 12 avril 2023 de sorte que leurs demandes sont parfaitement recevables.
Aux termes des dispositions de l’article L.622-26 du code de commerce, à défaut de déclaration dans les délais prévus à l’article L.622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait ou qu’elle est due à une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste des créanciers. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.
En l’espèce, il résulte de l’ordonnance du juge-commissaire de la procédure collective de la société Cake Valley en date du 27 mars 2023 que les consorts [S] ont été relevés de la forclusion encourue et qu’elle a dit qu’ils figureront sur l’état des créances du débiteur. Ils justifient avoir déclaré leurs créances le 12 avril 2013 pour un montant total de 35 829,63 euros. Il en résulte que leurs demandes financières sont parfaitement recevables.
– Sur la demande de production de pièces
La SELARL Athena, prise en la personne de maître [O] [M], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Cake Valley, sollicite de voir ordonner, avant dire droit, aux consorts [S] de produire aux débats les factures qu’ils ont acquittées au titre de la remise en état invoquée et le dossier ERP de la Caisse d’Epargne sur le local commercial en indiquant qu’à défaut de production la cour en tirera les conséquences.
Les consorts [S] versent aux débats le contrat de bail conclu avec la Caisse d’Epargne et indiquent que le dossier ERP est en possession de cette dernière.
Les appelantes sollicitent une production de pièces mais ne la formulent pas au titre des dispositions des articles 138 et suivants du code de procédure civile. De plus, les pièces sollicitées sont des éléments de preuve à l’appui des demandes des consorts [S], et non à l’appui des demandes des appelants, de sorte que la cour appréciera, au vu des pièces produites, les demandes formulées par les consorts [S] sans qu’il y ait lieu d’ordonner, avant dire droit, la production des pièces sollicitées.
– Sur la date de résiliation du bail
La SELARL Athena, prise en la personne de maître [O] [M], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Cake Valley, demande de voir infirmer le jugement et de constater la résiliation du bail au 16 février 2016. Elle expose que si le congé n’a pas été signifié dans les formes prévues au contrat de bail, il peut néanmoins retrouver son efficacité s’il existe une volonté de résiliation existante entre le bailleur et le preneur. Elle soutient que le bailleur a été informé de la résiliation du bail à la première échéance triennale par mail du 6 novembre 2014 dans lequel la société Cake Valley l’informait de la fermeture du magasin le 29 novembre 2014 et du fait qu’elle réglerait le loyer jusqu’à l’échéance triennale du bail. Elle affirme que le bailleur ne peut soutenir ne pas avoir reçu ce mail qui a été envoyé à la bonne adresse mail et qu’il a d’ailleurs initié des démarches auprès des agences immobilières pour retrouver un nouveau locataire dès le 30 décembre 2014. Elle ajoute que le local a été vidé, les enseignes enlevées après avoir obtenu l’autorisation du bailleur. Elle s’étonne que le bailleur n’ait pas réclamé le versement des loyers alors qu’ils n’étaient plus payés depuis février 2016 et qu’il n’a délivré un commandement de payer que le 6 mai 2016 après le désistement d’un futur preneur. Elle indique que la société Cake Valley a ré-adressé les clés par voie postale en recommandé au bailleur et qu’elle n’est plus rentrée dans les locaux depuis son déménagement et considère, ainsi, avoir respecté le contrat de bail.
Les consorts [S] rétorquent que le congé n’a pas été délivré dans les formes prescrites par le contrat de bail et que le preneur ne justifie d’aucun acte positif, dépourvu d’équivoque émanant de sa part, qui caractériserait l’existence d’une résiliation amiable. Ils contestent avoir reçu les mails que la société Cake Valley dit avoir adressé au bailleur. Ils indiquent que le mail du 30 décembre 2014 de M. [Y] [S] ne saurait être considéré comme une quelconque acceptation de la résiliation du bail s’agissant uniquement d’une information de l’intention du locataire de vendre son droit au bail. Ils indiquent qu’ils n’ont pas été prévenus du déménagement de la société Cake Valley et que les clés n’ont été restituées qu’après l’introduction de la procédure de référé. Ils ajoutent que le 12 février 2015, la société Cake Valley a confié un mandat de vente portant mention d’un bail courant jusqu’au 31 décembre 2021 et a remis les clés à diverses agences immobilières. Ils demandent de voir confirmer le jugement qui a constaté la résiliation du bail au 3 juin 2016, soit un mois après la délivrance du commandement de payer.
Aux termes des dispositions de l’article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.
L’acte authentique du 4 janvier 2013 portant bail commercial prévoit en sa clause sur la durée du bail que ‘le présent bail est consenti et accepté pour une durée de 9 années à compter du 16 février 2013 pour se terminer le 15 février 2022.
Faculté laissée au locataire de donner congé à l’expiration de chaque période triennale.
Conformément aux dispositions des articles L.145-4 et L.145-9 du code de commerce, le locataire aura la faculté de mettre fin au présent bail à l’expiration de chaque période triennale, en donnant congé par acte d’huissier au moins six mois à l’avance. En cas de congé tardif ou donné selon des formes irrégulières, le bail se renouvellera pour une nouvelle période de trois ans avec toutes les obligations qui en découleront pour le locataire.’
Il est constant que la société Cake Valley n’a pas délivré de congé dans les formes prescrites par le bail. Il convient d’examiner s’il y a eu néanmoins une rencontre des volontés pour une résiliation amiable du bail au 16 février 2016.
Les appelantes produisent un courrier du 6 novembre 2014, dont elles indiquent, qu’il s’agit de la pièce jointe d’un mail adressé à M. [S] dans lequel la société Cake Valley l’informe que le magasin de [Localité 7] fermera ses portes le 29 novembre 2014 et qu’elle continuera à régler le loyer jusqu’à l’échéance triennale. A supposer que ce courrier ait été adressé avec le mail précité et que ce mail ait bien été réceptionné par M. [S], ce que celui-ci conteste, les appelantes ne justifient pas que le bailleur ait accepté une résiliation triennale anticipée. En effet, elles produisent un mail adressé par M. [Y] [S] le 30 décembre 2014 à Mme [P] de la société [P] dans lequel il indique avoir eu un contact avec un agent immobilier susceptible d’avoir des repreneurs pour le local mais n’évoque pas la résiliation de bail Aucune autre pièce établissant la volonté du bailleur d’accepter la résiliation anticipée du bail n’est produite. Ainsi la gérante de la société Cake Valley adresse un courrier recommandé le 23 mars 2016 à M. [B] [S] en indiquant qu’elle s’excuse du formalisme du courrier mais l’explique par l’absence de réponse à ses précédents courriers et s’étonne de recevoir des factures de loyer pour 2016 alors que selon elle, le bail était résilié depuis le 16 février 2016 mais les consorts [S] lui répondent, par courrier du 31 mars 2016, qu’ils n’ont pas été destinataires d’une rupture du bail au 16 février 2016 et que les démarches de négociation du fonds de commerce n’ont pas été initiées par eux.
Par ailleurs, les appelantes ne justifient pas de l’accord du bailleur pour vider le local et enlever les enseignes qu’elles évoquent et il apparaît, au vu de son courrier du 6 juillet 2016, que la société Cake Valley a restitué les clés au bailleur à cette date soit postérieurement à la délivrance de l’assignation en référé.
Les appelantes échouant à démontrer l’existence d’acte positif, dépourvu d’équivoque, susceptible de caractériser l’existence d’une résiliation amiable, le jugement, qui a fixé la date de la résiliation au 3 juin 2016, un mois après la délivrance du commandement de payer demeuré vain, sera confirmé.
– Sur la demande de paiement des loyers et de l’indemnité d’occupation formulée par les consorts [S]
Les consorts [S] sollicitent de voir confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Cake Valley à leur verser la somme de 17 320,68 euros au titre des loyers de février 2016 jusqu’au 3 juin 2016 et la somme de 4 787,20 euros au titre de l’indemnité d’occupation entre le 4 juin 2016 et le 8 juillet 2016, date de restitution des clés.
La SELARL Athena, prise en la personne de maître [O] [M], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Cake Valley, fait valoir que faute de déclaration de créance, les demandes financières des consorts [S] sont irrecevables car inopposables à la liquidation judiciaire de la société Cake Valley. Elle ajoute, qu’en tout état de cause, elles ne sont redevables que des loyers et jusqu’au 16 février 2016.
Il a été précédemment démontré que les demandes financières des consorts [S] étaient parfaitement recevables et que la date de résiliation du bail était fixée au 3 juin 2016 de sorte que les sommes retenues au titre des loyers et indemnité d’occupation par le jugement, qui ne sont pas contestées en leur montant, seront confirmées sauf à préciser que ces sommes seront fixées au passif de la société Cake Valley.
– Sur la demande de restitution du dépôt de garantie formulée par les appelantes
La SELARL Athena, prise en la personne de maître [O] [M], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Cake Valley, soutient que la somme de 6 476,44 euros, qui a été versée à titre de dépôt de garantie et représentant deux mois de loyers hors taxe aux termes du bail, doit être considérée comme une clause pénale excessive et réduite à la somme de 1 euro. Elle indique que la société Cake Valley a déjà versé aux bailleurs la somme conséquente de 52 788,44 euros dès l’entrée dans les lieux.
Les consorts [S] rétorquent que le bail prévoit que le dépôt de garantie restera acquis aux bailleurs en cas de résiliation du bail suite à l’inexécution de l’une des obligations du locataire et que la société Cake Valley a cessé de payer ses loyers, a abandonné l’exploitation des lieux loués et est seule à l’origine de la résiliation. Ils demandent de voir confirmer le jugement qui a considéré que le montant du dépôt de garantie n’était pas excessif en l’espèce.
Aux termes des dispositions de l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur a été mis en demeure.
Le bail stipule au paragraphe ‘dépôt de garantie’ qu’en cas de résiliation du bail par suite d’inexécution de ses conditions pour une cause imputable au locataire, le dépôt de garantie restera acquis au bailleur à titre de dommages et intérêts et au paragraphe ‘clause pénale’ qu’en cas de résiliation de plein droit ou judiciaire, le montant du dépôt de garantie restera acquis au bailleur à titre d’indemnisation forfaitaire du dommage causé par cette résiliation.
En l’espèce, le dépôt de garantie représente deux mois de loyers hors taxe. Les appelantes ne justifient pas en quoi cette clause serait excessive. Le fait d’affirmer avoir réglé une certaine somme au bailleur est sans incidence sur l’appréciation du caractère excessif ou non de la clause pénale. Le jugement a retenu à bon droit qu’au regard de la nature du bail et de sa durée, la clause pénale prévoyant l’acquisition du dépôt de garantie au profit du bailleur, n’apparaît pas excessive pour justifier sa réduction.
– Sur la demande relative au pas de porte formulée par les appelantes
La SELARL Athena, prise en la personne de maître [O] [M], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Cake Valley, indique que cette dernière a versé, par anticipation, au bailleur une somme de 22 000 euros HT soit 26 312 euros TTC à titre de pas de porte, considéré comme un supplément de loyer dus uniquement pendant la première période de neuf années du bail. Elle fait valoir que le bail prévoit que ce pas de porte a la nature d’une clause pénale et qu’ainsi une réduction au prorata temporis s’impose de 7/9 de sorte que cette somme devra être restituée à la société Cake Valley soit la somme de 20 464,86 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 16 février 2016.
En réponse, les consorts [S] indiquent que le bail prévoit que le pas de porte restera acquis au bailleur s’il venait à être résilié et qu’ils sont recevables à le conserver. Ils réfutent le fait que le pas de porte soit excessif et que la somme versée par anticipation soit excessive. Ils ajoutent que la société Cake Valley en a tiré un avantage fiscal non négligeable.
Le bail stipule en page 6 ‘2° pas de porte :
d’un commun accord entre les parties, il est versé par anticipation, par la comptabilité du notaire soussigné au bailleur qui le reconnaît expressément, une somme de 22 000 euros hors taxes soit 26 312 euros toutes taxes comprises à titre de pas de porte considéré comme un supplément sur les loyers dus uniquement pendant la première période de neuf années du bail.
Observation est ici faite, à titre de condition essentielle et déterminante sans laquelle les parties n’auraient pas contracté, que ce supplément de loyer ne sera pas pris en compte pour la détermination des loyers à venir, tant dans le cadre des révisions successives que du renouvellement du présent bail.’
Il mentionne en page 6 que ‘si le bail venait à être résilié, pour quelque cause que ce soit, pendant la première période de neuf années, le versement du pas de porte resterait acquis au bailleur à titre de clause pénale’.
Aux termes des dispositions de l’article 1134 du code civil précitées, il convient de rechercher la commune intention des parties pour apprécier la nature juridique du pas de porte.
Or en l’espèce s’il est prévu un fractionnement du prix permettent de qualifier le pas de porte de supplément de loyer, il est néanmoins exclu que le pas de porte soit pris en compte pour le renouvellement du bail ou les révisions successives de loyer et il est prévu qu’il reste acquis au propriétaire en cas de résiliation du bail de sorte qu’il s’apparente plus, en l’espèce, à une indemnité compensatrice d’avantages commerciaux qu’à un supplément de loyer. Il n’y dès lors pas lieu de faire droit à la demande des appelantes de voir réduire le montant du pas de porte versé au prorata temporis. Le jugement sera confirmé.
– Sur la demande relative à la somme versée au locataire sortant formulée par les appelantes
La SELARL Athena, prise en la personne de maître [O] [M], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Cake Valley, demande de voir condamner le bailleur à verser au liquidateur la somme de 8 000 euros majorée des intérêts légaux à compter du 16 février 2016 s’agissant de la somme versée au locataire sortant. Elle expose que les parties ont convenu, lors de la conclusion du bail, par le biais d’une convention d’indemnisation que la société Cake Valley règle à M. [I], locataire sortant, la somme de 8 000 euros pour que celui-ci puisse s’acquitter de ses propres loyers de retard envers le bailleur. Elle indique que cette somme a été reversée par M. [I] aux consorts [S].
Les consorts [S] s’y opposent en arguant qu’ils n’étaient pas parties à cette convention. Ils ajoutent que l’indemnisation avait pour but de favoriser la société Cake Valley afin qu’elle ouvre son magasin plus tôt.
Il résulte de la convention d’indemnisation entre la société Cake Valley et M. [I] en date du 15 février 2013 que le preneur, M. [I], s’engage à résilier le bail dans les meilleurs délais afin de ‘permettre à la société Cake Valley de signer un nouveau bail avec le propriétaire des locaux, engager ses travaux d’aménagement et ouvrir son magasin sans attendre la date d’expiration du bail. Cette résiliation anticipée qui laisse peu de temps à M. [I] pour procéder à la liquidation de son stock, donne lieu au versement d’une indemnité de 8 000 euros à titre d’indemnité forfaitaire et définitive.’
Il est constant que les consorts [S] ne sont pas parties à cette convention. De plus, les appelantes ne démontrent pas que M. [I] aurait reversé cette somme aux consorts [S] pour apurer sa dette de loyer. Au vu de ces éléments, le jugement qui a rejeté la demande de la société Cake Valley de remboursement de la somme de 8 000 euros sera confirmé.
– Sur la demande relative aux réparations locatives formulée par les consorts [S]
La SELARL Athena, prise en la personne de maître [O] [M], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Cake Valley, soutient que la société Cake Valley ne peut être tenue des éventuelles dégradations survenues pendant une période où elle n’était plus locataire et n’avait plus les clés des locaux et que le constat du 27 avril 2016 démontre le bon état du local et des travaux accomplis par le preneur. Elle indique qu’aucun état des lieux d’entrée n’a été établi. Elle reproche au bailleur de vouloir mettre à sa charge la réfection d’un pignon alors que ces réparations ne sont pas imputables au preneur et qu’il ne démontre pas que l’état du pignon soit dû au preneur ainsi que la pose d’un tableau électrique, de 80 spots encastrés, d’une alarme incendie s’agissant d’éléments qui n’existaient pas à l’entrée dans les lieux. Elle ajoute que les consorts [S] n’ont effectué aucun travaux et n’ont d’ailleurs produit aucune facture. Elle demande de les voir condamner à lui restituer la somme de 12 819,97 euros au titre de la provision reçue sur les réparations locatives et de les voir débouter de leur demande de condamnation à la somme complémentaire de 8 279,35 euros qu’elle estime non justifiée.
Les consorts [S] demandent de voir confirmer le jugement qui a débouté le preneur de sa demande de restitution de la somme de 12 819,97 euros faute de justifier de l’avoir effectivement versée. Ils indiquent que compte tenu de l’état des lieux, ils ont dû consentir une baisse de loyers à la Caisse d’Epargne, nouveau preneur des locaux. Ils rappellent qu’en l’absence d’état des lieux d’entrée, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état et que la société Cake Valley s’est gardée de faire procéder à un état des lieux de sortie contrairement aux stipulations du bail et a refusé celui organisé par le bailleur. Ils contestent que le constat du 27 avril 2016 puisse faire office d’état des lieux de sortie en arguant que ce constat avait seulement pour objectif de prouver le déménagement sauvage des locaux en dehors de tout congé. Ils considèrent que le preneur est responsable des dégradations affectant l’éclairage ainsi que la destruction d’un bâti nécessitant des travaux de réfection d’un pignon qui sont à la charge du preneur au vu du bail s’agissant de réparation légère d’un mur.
En vertu des articles 1730 et 1731 du code civil, le preneur doit rendre la chose telle qu’il l’a reçue, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure.
Le bail stipule que le locataire a pris les locaux dans leur état.
Les parties s’accordent sur le fait qu’aucun état des lieux n’a été dressé de sorte que le preneur est considéré comme ayant reçu les lieux en bon état.
Le bail prévoit qu’un mois avant la résiliation du bail un état des lieux de sortie doit être dressé. La résiliation a été fixée au 3 juin 2016 et les clés ont été restituées au bailleur le 8 juillet 2016. Le bailleur a fait établir un constat d’état des lieux de sortie le 14 septembre 2016 auquel le preneur a refusé de participer alors qu’il y avait été régulièrement convoqué. Ce constat est opposable au preneur et les éventuelles dégradations relevées peuvent lui être imputées puisque le local n’a pas été reloué et n’a pas fait l’objet d’effraction entre la remise des clés et sa réalisation.
Il résulte des photographies du constat dressé le 27 avril 2016 à la demande des consorts [S], pour constater que le local commercial était en train d’être déménagé, que le local était en parfait état et éclairé par un plafond muni de spots. Or le constat du 15 septembre 2016 révèle que les spots ont disparu, la présence de 53 trous d’où sortent des câbles sectionnés, la présence de saignées après enlèvements de rampes et le sectionnage des câbles visibles. Ces dégradations sont imputables au preneur.
Les consorts [S] produisent un devis de la société Sveg de remise en état de l’installation électrique du local pour un montant de 14 732,77 euros soit 17 679,32 euros TTC.
Il convient de rappeler que les réparations locatives présentent un caractère indemnitaire et que le bailleur n’est pas tenu de démontrer qu’il a effectivement procédé ou fait procéder aux réparations locatives.
Le montant sollicité doit être limité à la somme de 10 683,31 euros HT soit 12 819,97 euros TTC qui correspond à la dépose des câbles existant non réutilisables, à la reprise de l’électricité du plafond et à la ré-alimentation des prises existantes. Il n’y a pas lieu de mettre à la charge du preneur la pose d’un nouveau tableau électrique, d’un éclairage de sécurité, d’une alarme incendie et d’un système informatique. Les appelantes seront déboutées de leur demande de restitution de la somme de 12 819,97 euros TTC.
Il résulte du constat du 15 septembre 2016 la présence, à l’arrière du bâtiment, d’un gondolement excessif du bardage qui n’assure plus l’étanchéité, une cassure sévère du mur dans l’angle droit et en partie inférieure des fissures.
Les consorts [S] produisent un devis de réfection du pignon pour
3 420 euros mais ils ne démontrent que ce gondolement, cette cassure et ses fissures sont imputables au preneur. Le jugement qui a débouté les consorts [S] de leur demande de condamnation d’une somme complémentaire de 8 279,35 euros sera confirmé.
– Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant en leur appel, la SELARL Athena, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Cake Valley, sera condamnée à verser la somme de 1 500 euros aux consorts [S] au titre des frais irrépétibles en cause d’appel et aux entiers dépens d’appel. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Déboute la SELARL Athena prise en la personne de maître [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Cake Valley de sa demande d’irrecevabilité des demandes financières de Mme [L] [X], épouse [S], M. [Y] [S] et Mme [T] [S] épouse [G] faute de déclaration de créances à la liquidation judiciaire de la société Cake Valley et de leur demande de production pièces avant dire droit ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à préciser que les sommes que la société Cake Valley a été condamnée à verser Mme [L] [X], épouse [S], M. [Y] [S] et Mme [T] [S] épouse [G] seront fixées au passif de la société Cake Valley ;
Y ajoutant,
Condamne la SELARL Athena prise en la personne de maître [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Cake Valley à verser la somme de 1 500 euros à Mme [L] [X], épouse [S], M. [Y] [S] et Mme [T] [S], épouse [G] au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ;
Condamne la SELARL Athena prise en la personne de maître [M], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Cake Valley aux entiers dépens d’appel ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.
Le greffier, La présidente,