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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04806 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFM7C
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 01 Février 2022 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY – RG n° 2021F01578
APPELANTE
S.A.R.L. HAVIM PARTICIPATION inscrite sous le numéro 428 299 465 au R.C.S. de PARIS, agissant poursuites et diligences de gérant, M [F] [I], domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
INTIMEE
SELARL [J] M.J. Prise en la personne de ses représentans légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, en la personne de Maître [S] [J], agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de la société MONTREUIL LOCATION
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Assistée de Me François PESTRE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 07 Juin 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sophie MOLLAT, Présidente
Mme Isabelle ROHART, Conseillère
Mme Déborah CORICON, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER : Mame Saoussen HAKIRI lors des débats.
ARRET :
– contradictoire,
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier présent lors de la mise à disposition.
*****************
La société Havim Participation a pour activité la prise de participation dans des opérations de promotion immobilière, acquisition de biens immobiliers et de sociétés. Elle détient divers biens immobiliers, dont des locaux commerciaux et des terrains à [Localité 3].
La société Montreuil Location a pour activité la location de courte durée de voitures dans le cadre d’un contrat de franchise conclu avec la société Ada. Elle a pris à bail un bâtiment et deux terrains situés à [Localité 3] auprès de la société Havim Participation par acte conclu le 2 octobre 2006.
La société Havim Participation a souhaité réaliser une opération de promotion immobilière sur ces terrains. Elle a donc conclu avec sa locataire, le 10 mars 2017, un avenant au contrat de bail prévoyant sa résiliation dans un délai de 2 ans moyennant une indemnité forfaitaire de résiliation de 330 000 euros. Un avenant du 8 février 2019 a décalé la date de résiliation au 31 janvier 2021 et l’indemnité a été ajustée à la somme de 300 000 euros, dont 150 000 euros payables immédiatement et 150 000 euros payables au jour de la libération effective des lieux, soit le 31 janvier 2021.
Par protocole d’accord du 11 juin 2020, les parties ont convenu de la résiliation du bail au 30 juin 2020 et ont réduit la 2ème partie de l’indemnité à la somme de 85 500 euros (soit une réduction de 64 500 euros). Cette somme a été payée par chèque le jour même.
Par jugement du 7 septembre 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Montreuil Location et la SELARL [J] MJ prise en la personne de Me [J] a été nommé liquidateur judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 7 mars 2019.
Par acte d’huissier du 21 juillet 2021, la SELARL [J] a assigné la société Havim Participation pour voir prononcer la nullité du protocole d’accord du 11 juin 2020 et condamner la société Havim Participation à payer à la liquidation judiciaire la somme de 64 500 euros avec intérêts légaux à compter du 12 février 2021 et anatocisme.
Par jugement rendu le 1er février 2022, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la nullité du protocole d’accord conclu le 11 juin 2020 entre la société Montreuil Location et la société Havim Participation, condamné la société Havim Participation à payer à Me [J] la somme de 64 500 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 12 février 2021 avec anatocisme et la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Havim Participation a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 1er mars 2022.
*****
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 avril 2023, la société Havim Participation demande à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Débouter la SELARL [J] MJ ès qualités de l’ensemble de ses demandes.
Condamner la SELARL [J] MJ ès qualités à payer à la SARL HAVIM PARTICIPATION la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du CPC.
Condamner la SELARL [J] MJ ès qualités aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.
*****
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2023, la SELARL [J] MJ prise en la personne de Me [J] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Montreuil Location, demande à la cour de :
– CONFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de BOBIGNY du 1er février 2022 en toutes ses dispositions ;
– JUGER que ses demandes sont recevables et bien fondées ;
Y faisant droit,
– DEBOUTER la société HAVIM PARTICIPATION de ses demandes, fins et conclusions;
En tout état de cause,
– CONDAMNER la société HAVIM PARTICIPATION à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
– CONDAMNER la société HAVIM PARTICIPATION aux entiers dépens.
*****
Sur la nullité du protocole du 11 juin 2020
La société Havim Participation fait valoir que le protocole en litige a été signé à la demande de la société Montreuil Location qui a souhaité écourter la durée du bail de 7 mois ; que la diminution de l’indemnité forfaitaire a été décidée d’un commun accord pour prendre en compte l’arriéré de loyers qui s’élevait à 39 052, 36 euros et la restitution du dépôt de garantie de 10 947, 50 euros, soit un solde dû de 28 104, 85 euros par la société Montreuil Location ; que la résiliation anticipée du bail lui a causé un préjudice (7 mois de loyers soit 30 474, 03 euros) qui justifie également la réduction de l’indemnité forfaitaire. Le différentiel restant (6 421, 11 euros) a été déterminé en compensation d’un portage et de la gestion d’un risque de squat.
Elle fait grief aux premiers juges d’avoir retenu que le protocole en litige était un contrat commutatif et qu’il était donc nul sur le fondement des dispositions de l’article L. 632-1 2° du code de commerce comme étant intervenu en période suspecte.
Elle estime qu’il appartient au liquidateur judiciaire d’établir le déséquilibre notable entre les engagements des parties ; que les premiers juges lui ont injustement reproché de ne pas produite de lettres de relance ou de mises en demeure relatives aux loyers impayés alors qu’il appartenait au liquidateur d’établir le montant des loyers et charges dus.
Le liquidateur judiciaire rappelle que les contrats commutatifs conclus en période suspecte sont nuls de plein droit sur le fondement des dispositions de l’article L. 632-1 du code de commerce ; qu’en l’espèce, le contrat a été conclu pendant la période suspecte et était dépourvu d’aléa : la réduction de l’indemnité à hauteur de 64 500 euros s’accompagne de la libération des lieux, comme le souhaitait le bailleur qui voulait réaliser une opération de promotion immobilière ; la prise en compte d’arriérés de loyers comme raison de la réduction de l’indemnité n’a jamais été justifiée par une quelconque pièce de la part du bailleur et n’est pas visée au protocole
Il en déduit que ce protocole ne procure que des avantages au bailleur et que la réduction de l’indemnité de résiliation à hauteur de 64 500 euros apparaît disproportionnée et a contribué à appauvrir la société Location Montreuil.
Sur ce,
Aux termes du I de l’article L. 632-1 du code de commerce : ‘Sont nuls, lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants : (…)
2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie ; (…)’.
En l’espèce, il ressort du protocole d’accord en litige que la société Montreuil Location a souhaité, début juin 2020, libérer les lieux pris à bail dès la fin du mois, soit 7 mois plus tôt que la date de fin de bail prévue par l’avenant du 8 février 2019.
La rapidité avec laquelle la société Montreuil Participation a souhaité libérer les lieux, alors qu’elle devait rester encore 7 mois aux termes de son dernier engagement contractuel, a nécessairement créé un préjudice pour le bailleur, qui a accepté de ne pas percevoir 7 mois de loyers, soit la somme totale de 30 474, 03 euros. Si l’avenant du 8 février 2019, sur lequel revient le protocole d’accord en litige, prévoyait effectivement, comme le soutient le liquidateur judiciaire, une faculté de réalisation anticipée du bail, cette faculté était assortie d’un délai de préavis de 6 mois. Ainsi, le bailleur était légitimement en droit d’exiger 6 mois de loyers, soit la somme totale de 26 120, 60 euros, à laquelle il a renoncé en acceptant la résiliation le 11 juin 2020 une résiliation au 30 juin 2020. La réduction de l’indemnité de résiliation à due concurrence apparaît ainsi justifiée.
L’acte fait également état d’arriérés de loyers à imputer sur le montant de cette indemnité. Le décompte produit (pièce 10 de l’appelante) fait état d’un solde débiteur de 28 104, 86 euros, correspondant aux échéances impayées des 2ème, 3ème et 4ème trimestre 2019, et 1er et 2ème trimestre 2020, desquelles ont été déduit trois dépôts de garanties. L’avenant conclu le 8 février 2019 avait soldé les arriérés de loyers jusqu’au 1er trimestre 2019. Si le liquidateur conteste ce montant, il ne produit cependant aucun élément venant attester de ce que la société Montreuil Location aurait bien réglé ces trimestres.
Il en résulte que la diminution du montant de l’indemnité de résiliation est justifiée par des éléments objectifs à hauteur d’a minima 54 225, 46 euros (26 120, 60 + 28 104, 86 euros). S’il reste un différentiel d’environ 10 000 euros non justifié par les pièces produites, il s’ensuit cependant que les obligations convenues dans le protocole d’accord en litige n’apparaissent pas notablement déséquilibrées.
Il en résulte que la réduction de l’indemnité de résiliation à hauteur de 65 000 euros constitue une concession équilibrée au regard de la situation, et que le protocole d’accord en litige ne peut être qualifié de contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur, la société Montreuil Location, excèdent notablement celles de la société Havim Participation.
Le jugement sera donc infirmé.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
La société Havim Participation demande la condamnation de la SELARL [J] MJ ès-qualités à lui verser la somme de 3 000 euros à ce titre.
La SELARL [J] MJ ès-qualités demande la condamnation de la société Havim Participation à lui payer la somme de 5 000 euros à ce titre.
Les circonstances de l’espèce commandent de ne pas faire application de ces dispositions.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement attaqué,
Statuant à nouveau,
Déboute la SELARL [J] MJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Montreuil Location, de sa demande de nullité du protocole d’accord du 11 juin 2020,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégié de procédure collective.
LE GREFFIER LE PRESIDENT