Rupture anticipée : 13 novembre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 23/00360

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Rupture anticipée : 13 novembre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 23/00360
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JG/ND

Numéro 23/3734

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 13/11/2023

Dossier : N° RG 23/00360 – N° Portalis DBVV-V-B7H-IOAF

Nature affaire :

Autres demandes en matière de baux commerciaux

Affaire :

S.A.S. CHEZ RENAULD

C/

S.C.V.V DONIBANE BERRI

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 13 novembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 25 Septembre 2023, devant :

Madame Joëlle GUIROY, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,

Joëlle GUIROY, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Laurence BAYLAUCQ et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. CHEZ RENAULD

immatriculée au RCS de Bayonne sous le n° 811 279 967, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe DUALE de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU

Assisté de Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE :

S.C.C.V. DONIBANE BERRI

immatriculée au RCS de Bayonne sous le n° 535 334 676, prise en la personne de so nreprésentant légal demeurant au siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Nicolas TRECOLLE, avocat au barreau de BAYONNE

Assistée de Me Eric VISSERON (SELARL Visseron), avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 19 JANVIER 2023

rendue par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE BAYONNE

Exposé des faits et du litige :

La société civile immobilière de construction vente Donibane berri (ci-après dénommée SCCV Donibane berri) est propriétaire d’un garage automobile Renault désaffecté situé au centre ville de [Localité 5] situé sur une zone devant faire l’objet d’un programme immobilier.

A compter de mai 2015, la SCCV Donibane berri, gérée par son associé majoritaire, [N] [D], a décidé de mettre en place sur les lieux un « bar éphémère ».

A cet effet, Monsieur [N] [D] et Monsieur [R] [F] ont créé la SAS Chez Renauld dont l’objet était d’exploiter le site durant la saison d’été, le premier disposant de 25 % du capital social et le second les 75% restant.

Entre le 13 mai 2015 et le 28 février 2019, la SCCV Donibane berri et la SAS Chez Renauld ont conclu :

– le 13 mai 2015, un bail commercial de « courte durée » régi par l’article L. 145-5 du code de commerce d’une durée de 20 mois courant jusqu’au 31 janvier 2017,

– le 20 mars 2017, une « convention d’occupation précaire » conclue pour une durée de 11 mois,

– le 20 mars 2018, une « convention d’occupation précaire » signée pour une durée de 14 mois s’étalant jusqu’au 31 mai 2019.

Le 19 septembre 2018, lors d’une réunion en mairie, il a été envisagé le déclassement anticipé du parking Jaulery appartenant à la mairie lequel conditionnait la réalisation du projet immobilier concernant le site donné à bail, ce qui conduisait à envisager le début des opérations de construction au mois d’avril 2019.

Dans ce contexte, le 21 novembre 2018, la SCCV Donibane berri a adressé à sa locataire, la SAS Chez Renauld, une lettre de résiliation anticipée de la convention d’occupation précaire au motif que des opérations préliminaires d’aliénation et de désaffectation du domaine public allaient intervenir, obligeant à la résiliation de l’occupation.

Des désaccords sont alors nés entre les sociétés et les associés.

Par lettre officielle du 18 février 2019 1’avocat de [R] [F] et de la SAS Chez Renauld a proposé un accord “de sortie” portant sur :

– d’une part, la cession des mobilisations corporelles de la SAS, à l’exception des caisses enregistreuses, de l’ordinateur et des lettres lumineuses « Chez Renauld », au prix forfaitaire de 5.000 euros, étant précisé que les installations et aménagements réalisés par le preneur restaient acquis au bailleur ;

– d’autre part, la cession de la licence IV de la SAS au prix de 15.000 euros.

– et en contrepartie, la cession par M. [D] de ses actions à la SAS au prix de 28.000 euros.

Par lettre officielle du même jour, le conseil de Monsieur [D] a accepté la proposition.

Le 28 février 2019, au terme de la résiliation anticipée de la convention d’occupation précaire, le droit d’occupation de la SAS Chez Renauld a pris fin et son départ des lieux a été constaté le 4 mars 2019.

Le 15 mars 2019, l’assemblée générale extraordinaire de la société Chez Renauld actait que, conformément à l’accord convenu par lettres officielles entre avocats, [N] [D] a cédé les 25 % de ses droits dans la SAS pour la somme de 28 000 euros.

Puis, la SAS Chez Renauld a vendu, sous la signature de son gérant, [R] [F], le mobilier et cédé la licence IV à la SARL Garage DB créée le 25 février 2019 entre la société Plus immobilier dont [N] [D] était le gérant et [I] [H].

Au motif que la SCCV Donibane berri aurait engagé sa responsabilité en agissant à son encontre de façon frauduleuse dans le but d’éviter l’application du statut des baux commerciaux aux locaux loués et de capter son fonds de commerce, la SAS Chez Renauld a, suivant acte du 29 janvier 2020, assigné devant le tribunal judiciaire de Bayonne la SCCV aux fins notamment de requalification des conventions d’occupation en bail commercial et de la voir condamner à lui payer les sommes :

– de 2.701.496 euros, au titre du préjudice des sept années à venir ;

– de 240.000 euros HT, au titre des loyers trop perçus, et 42.857 euros HT, au titre des loyers trop versés par anticipation ;

– de 1.636.952 euros HT, au titre du préjudice financier né de la perte du fonds de commerce et correspondant à l’indemnité d’éviction ainsi que la somme de 149.691 euros pour la perte des agencements.

– de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 06 juillet 2022, la SCI Donibane berri, se fondant sur les articles 789 6° et 122 du code de procédure civile et sur les articles 2044 et 2052 du code civil, a demandé au juge de la mise en état de :

– juger l’action engagée par la SAS Chez Renauld irrecevable du fait de la transaction intervenue entre les parties,

– condamner la SAS Chez Renauld à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ordonnance du 19 janvier 2023, à laquelle il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bayonne a :

– déclaré irrecevable l’action de la SAS Chez Renauld du fait de la transaction intervenue entre les parties ;

– débouté la SAS Chez Renauld de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné la SAS Chez Renauld au paiement de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SCI Donibane berri ;

– condamné la SAS Chez Renauld aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration au greffe en date du 1er février 2023, la SAS Chez Renauld a formé appel de l’ordonnance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 juin 2023.

**

Par conclusions en date du 3 avril 2023, la SAS Chez Renauld, au visa des articles 789, 122, 700 et 542 du code de procédure civile et des articles 2044 à 2052 du code civil, demande à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise et,

A titre principal, d’écarter purement et simplement toute idée de transaction entre la SCCV Donibane berri et elle,

A titre subsidiaire, d’écarter pareillement la transaction entre la SCCV Donibane berri et elle sur la requalification des conventions entre les parties, sur son droit à l’indemnité d’éviction et à la réparation des préjudices subis,

En conséquence,

– la déclarer recevable en son action à l’encontre de la SCCV Donibane berri,

– renvoyer la cause et les parties devant le tribunal judiciaire de Bayonne afin qu’il soit statué sur le mérite de l’action principale qu’elle a engagé,

– condamner la SCCV Donibane berri à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens.

**

Par conclusions en date du 27 avril 2023, au visa des articles 789 6° et 122 du code de procédure civile et 1362, 2044 et 2052 du code civil, la SCCV Donibane berri demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance dont appel,

– condamner la SAS Chez Renauld à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS :

Au soutien de sa contestation, la SAS Chez Renauld fait grief au premier juge d’avoir dénaturé les termes des échanges intervenus entre les parties pour retenir qu’une transaction était intervenue avec la SCCV Donibane berri, ce terme n’apparaissant dans aucun des échanges ayant eu lieu entre [N] [D] et elle et les conditions légales d’un tel contrat n’étant pas réunies en ce que, à la date du 18 février 2019, il n’existait aucune contestation née ou à naître entre les deux sociétés et que l’acte qualifié de transaction ne contenait pas de concessions réciproques sur la sortie du bail d’occupation précaire.

En tout état de cause, elle souligne que si l’existence d’une transaction devait être retenue, l’accord ne portait ni sur la qualification de la convention d’occupation précaire ni sur son droit à une indemnité d’éviction et à la réparation de ses préjudices de telle sorte que son action en justice ayant ces objets reste recevable.

La SCCV Donibane berri lui rétorque qu’elle ne peut se prévaloir que de droits d’occupation précaires des lieux car ils étaient destinés à la destruction pour reconstruction dans le cadre d’un programme immobilier. Elle expose que les parties ont développé des négociations pour mettre fin aux relations contractuelles entre les associés et entre le bailleur et l’occupante qui ont abouti à une transaction au terme des correspondances officielles de leur conseil respectif qui ont été entérinées par l’assemblée générale extraordinaire du 15 mars 2019 et le rachat des parts sociales de Monsieur [D] dans la SAS Chez Renauld par [R] [F] et le départ de la SAS des lieux constaté le 4 mars 2019.

En droit, selon l’article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.

Les articles 2048 et 2049 du code civil précisent que les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu et qu’elle ne règle que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.

Enfin, l’article 2052 du même code ajoute que la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet.

Par ailleurs, l’article 1382 du code civil dispose que : Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi, sont laissées à l’appréciation du juge, qui ne doit les admettre que si elles sont graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet la preuve par tout moyen.

En l’espèce, le litige porte sur les suites de la lettre du 21 novembre 2018 remise en main propre à la SAS Chez Renauld par [N] [D] au nom de la SCCV Donibane berri laquelle portait résiliation anticipée de la convention d’occupation précaire les liant.

Les parties produisent des échanges intervenus entre elles postérieurement à ce courrier concernant l’avenir de la SAS Chez Renauld en lien avec la fin du contrat de bail existant entre elles et, le cas échéant, la signature d’un nouveau contrat d’occupation des lieux.

Ces échanges font expressément état de désaccords pouvant donner lieu à une action en justice de la part de la SAS Chez Renauld en sa qualité d’occupante des locaux donnés à bail par la SCCV Donibane berri.

Or, par lettre officielle du 18 février 2019, la SAS Chez Renauld, qui prétendait par courriel du 21 janvier 2019 au maintien dans les lieux et à la poursuite de leur exploitation, écrivait : “Le droit d’occupation de la SAS Chez Renauld prendra fin à l’échéance de la convention d’occupation précaire en cours le 28 février 2019”

En outre, selon les termes de la correspondance officielle de son conseil du 18 février 2019, elle proposait de céder à une société d’exploitation désignée par le bailleur :

– d’une part, les mobilisations corporelles de la SAS Chez Renauld, à l’exception des caisses enregistreuses, de l’ordinateur et des lettres lumineuses « Chez Renauld », au prix forfaitaire de 5.000 euros, étant précisé que les installations et aménagements réalisés par le preneur restaient acquis au bailleur en fin de COP ;

– d’autre part, la licence IV de la SAS Chez Renauld au prix de 15.000 euros.

précisant qu’en contrepartie, Monsieur [D] devait accepter de céder les actions de la SAS qu’il détenait à la SAS au prix de 28.000 euros.

Elle concluait en demandant la confirmation de l’accord de ce dernier sur ces conditions de sortie par retour de lettre officielle.

Par lettre officielle du même jour, le conseil de [N] [D] lui faisait part de son accord sur les conditions de sortie telles que décrites dans sa proposition et, compte tenu de l’accord intervenu, l’informait que l’état des lieux de sortie contradictoire interviendrait le 4 mars 2019 malgré l’expiration de la convention d’occupation précaire à la date du 28 février.

Il résulte des termes de ces écrits que chacune des parties a pris des engagements réciproques destinés à produire des effets juridiques sur l’occupation du site objet des conventions alors que leurs échanges précédents attestent de la volonté de la SAS Chez Renauld de rester dans les lieux, ce à quoi Monsieur [D], associé de la SAS Chez Renauld mais qui ne pouvait alors se positionner qu’en sa qualité de représentant légal du bailleur, s’opposait.

Or, si les deux correspondances officielles de leurs avocats respectifs, non signées par les parties, ne peuvent comme l’a justement relevé le premier juge valoir à elles seules preuve d’une transaction en ce qu’intervenant en dehors de tout cadre judiciaire les conseils n’étaient pas investis d’un pouvoir de représentation et de transaction, le procès-verbal de délibération de l’assemblée générale extraordinaire du 15 mars 2019 de la société Chez Renauld signé par Messieurs [F] et [D] qui constate le retrait du premier par la cession au second de ses parts sociales au prix convenu de 28.000 euros, tout comme la cession des mobilisations corporelles et de la licence IV de la SAS Chez Renauld ensuite formalisée et le constat d’huissier du 4 mars 2019 constatant la restitution des lieux par l’occupant établissent qu’une transaction est intervenue entre la société bailleresse et la société preneuse.

De fait, les parties ont respectivement exécuté les modalités proposées par la SAS Chez Renauld en vue de mettre fin à son occupation des lieux, la correspondance que le conseil de Monsieur [D] et de la SCCV Donibane berri a adressé à la SAS le 18 février 2019 précisant que “compte tenu de l’accord intervenu, son client accepte que l’état des lieux de sortie contradictoire intervienne le lundi 4 mars 2019 malgré l’expiration de la convention d’occupation précaire à la date du 28 février”.

Il en résulte que la transaction portait sur les conditions de sortie des locaux appartenant à la SCCV avec cession des immobilisations corporelles, à l’exception des caisses enregistreuses, de l’ordinateur et des lettres lumineuses « Chez Renauld», et de la licence IV à une société désignée par le bailleur et emportait renonciation de la SAS à rester dans les lieux mais aussi à toute action en requalification du bail précaire en bail commercial et en demande en indemnité d’éviction et réparation de préjudices subis.

L’ordonnance frappée d’appel sera dès lors confirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevable l’action de la SAS Chez Renauld du fait de la transaction intervenue entre les parties et l’a déboutée de ses demandes.

Elle sera également confirmée en ce qu’elle a condamné la SAS Chez Renauld, partie succombante, aux dépens de première instance et au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A hauteur d’appel, la SAS Chez Renauld sera condamnée aux dépens d’appel ainsi que, en équité et eu égard à la situation des parties, au paiement d’une somme supplémentaire de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bayonne en date du 19 janvier 2023 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Condamne la SAS Chez Renauld aux dépens d’appel ;

Condamne la SAS Chez Renauld à payer à la SCCV Donibane berri la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière, La Présidente

 


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