Rupture anticipée : 12 janvier 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/01901

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Rupture anticipée : 12 janvier 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/01901
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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 2

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 12 JANVIER 2023 à

Me Alexis DEVAUCHELLE

la SELARL 2BMP

XA

ARRÊT du : 12 JANVIER 2023

MINUTE N° : – 23

N° RG 20/01901 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GGXG

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 24 Septembre 2020 – Section : ACTIVITÉS DIVERSES

APPELANTE :

S.A.S. ACGV SERVICES , prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d’ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Florian POMMERET de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT,

ET

INTIMÉ :

Monsieur [C] [K]

né le 26 Novembre 1966 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Philippe BARON de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS

Ordonnance de clôture : 29 septembre 2022

Audience publique du 25 Octobre 2022 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller.

Puis le 12 Janvier 2023, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La société ACGV Services (SAS) a pour activité la gestion et l’entretien des aires d’accueil des gens du voyage et M.[C] [K] a été engagé à compter du 1er juin 2018 dans le cadre d’un contrat de professionnalisation, à durée indéterminée, en qualité de responsable d’exploitation adjoint. Le contrat prévoyait une période d’essai de 60 jours. Il était affecté sur divers sites, notamment à [Localité 7] et à [Localité 5].

Par courrier du 27 juillet 2018, il était mis fin à la période d’essai.

Par requête enregistrée au greffe le 8 novembre 2018, M.[K] a saisi le conseil de prud’hommes de Tours pour contester cette rupture du contrat de travail, demander une indemnité en conséquence, ainsi que des dommages-intérêts pour violation par l’employeur de l’obligation de sécurité et des dommages-intérêts pour résiliation anticipée de la mutuelle d’entreprise.

Par jugement du 24 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Tours a :

– Jugé que la rupture de la période d’essai du contrat de professionnalisation de M.[K] est abusive,

– Condamné la société ACGV Services à lui verser :

– 1000 euros pour rupture abusive de la période d’essai du contrat de professionnalisation,

– 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement par l’employeur à son obligation de sécurité,

– 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour résiliation anticipée de la mutuelle d’entreprise et la remise tardive des documents de fin de contrat,

– 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Ordonné à la société ACGV Services de délivrer à M.[K] des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au jugement, sous astreinte de 10 euros par jour de retard et par document à compter du 30ème jour de retard suivant la notification de la décision,

– S’est réservé le pouvoir de liquider l’astreinte,

– Débouté M.[K] du surplus de ses demandes,

– Débouté la société ACGV Services de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ,

– Condamné la société ACGV Services aux entiers dépens et aux frais éventuels d’exécution et émoluments d’huissier.

La société ACGV Services a reevé appel du jugement par déclaration notifiée par voie électronique le 1er octobre 2020 au greffe de la cour d’appel.

M.[K] a également relevé appel de la décision par déclaration formée par voie électronique19 octobre 2020.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 janvier 2021.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 12 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la société ACGV Services demande à la cour de :

– Infirmer le jugement entrepris et le mettre à néant,

– En conséquence, juger que le licenciement n’est pas abusif et que la société ACGV Services a régulièrement mis un terme à la période d’essai de M.[K] et qu’elle n’a commis aucun manquement

– Débouter M.[K] de l’ensemble de ses demandes

– Condamner M.[K] à verserà la société ACGV Services la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamner M.[K] aux dépens.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 11 février 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M.[K] demande à la cour de :

– Dire et juger M.[K] tant recevable que bien-fondé en son appel limité au quantum des condamnations prononcées à son profit

– Dire et juger la société ACGV Services recevable mais mal-fondée en son appel

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu à la charge de la société ACGV Services :

– la rupture abusive de la période d’essai du contrat de professionnalisation

– un manquement à son obligation de sécurité

– une déloyauté contractuelle consistant en la radiation de la mutuelle d’entreprise de M.[K]

– la remise tardive des documents de fin de contrat

– L’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

– Condamner la société ACGV Services à lui régler les sommes suivantes:

– 5000 euros à titre de dommages-intérêts afférents à la rupture abusive de la période d’essai

– 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité

– 20 000 euros à titre de dommages-intérêts résultant de la radiation de la mutuelle d’entreprise et de la remise tardive des documents de fin de contrat

– Confirmer la décision déférée en ce qu’elle a condamné la société ACGV Services à lui payer 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamner la société ACGV Services aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d’exécution et au paiement d’une somme supplémentaire de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Débouter la société ACGV Services de toutes ses demandes

La clôture a été prononcée le 29 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

– Sur la violation de l’obligation de sécurité

Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En vertu des articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l’employeur est tenu à l’égard de son salarié d’une obligation de sécurité. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d’information et de formation, mise en place d’une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l’état d’évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner les instructions appropriées aux travailleurs. Il lui appartient de justifier qu’il a satisfait à ses obligations.

M.[K] soulève plusieurs moyens à l’appui de sa démonstration de la violation par la société ACGV Services de son obligation de sécurité :

– Sur l’absence de formation

M.[K] expose que contrairement à ce que prévoyait le contrat de professionnalisation, il n’a pas pu bénéficier des formations prévues dans ce cadre, affirmant qu’il lui a été demandé de signer des feuilles d’émargement ” en blanc “, ce qui le conduisit à interroger l’employeur sur ce procédé. Il explique qu’il a été relancé à plusieurs reprises et de manière impérative, de sorte qu’il adressa les documents émargés sans aucune date, qui furent ensuite complétées par la société. Il souligne que les dates de formation qui ont été portées sur ce document ne correspondent pas à ses déplacements tels que mentionné sur les carnets de bord de son véhicule.

La société ACGV Services conteste que M.[K] n’ait pas suivi le plan de formation prévu et affirme que les feuilles d’émargement produites en attestent, que les séances se déroulaient sur le terrain et étaient pratiquées par ” ses différents hiérarchiques ” et notamment par la directrice régionale d’exploitation et de développement, Mme [P].

L’article L.6325-2 du code du travail prévoit que le contrat de professionnalisation associe des enseignements généraux, professionnels et technologiques dispensés dans des organismes publics ou privés de formation ou, lorsqu’elle dispose d’un service de formation, par l’entreprise, et l’acquisition d’un savoir-faire par l’exercice en entreprise d’une ou plusieurs activités professionnelles en relation avec les qualifications recherchées.

Le contrat de professionnalisation signé par les parties prévoyait que serait dispensé à M.[K] 370 heures ” d’actions d’évaluation, d’accompagnement et d’enseignement “, ” dont 360 heures d’enseignements généraux, professionnels et technologiques “, dispensés par l’organisme de formation ” CTP Formation “, dont le contrat spécifie qu’il ne s’agit pas d’un service de formation interne. Cette formation devait s’étaler entre le 1er décembre 2018 et le 31 mai 2019, ” date prévue de la fin des épreuves ou des examens “.

Pour justifier de la formation pratiquée, la société ACGV Services produit des listes d’émargement munies du logo CTP, datées du 4 juin 2018 au 24 juillet 2018, signées de M.[K] . Il ressort de ces feuilles d’émargement que M.[K] aurait ainsi été formé, selon ce qui y figure, sur ” le c’ur de métier du responsable d’exploitation “, sur ” l’entreprise ACGV Services ” et le ” management RH “.

La société ACGV Services confirme cependant elle-même que les sessions de formation ont été réalisées par les supérieurs hiérarchiques de M.[K], et notamment Mme [P], et non par l’organisme spécialisé mentionné sur le contrat de professionnalisation qui n’a donc mandaté aucun formateur et que M.[K] n’a suivi aucune formation spécifique à son emploi, comme c’était prévu par ce contrat, l’intervention de cet organisme apparaissant dans ces conditions inexistante. Si M.[K] a été formé, ce n’est manifestement que de manière empirique par sa supérieure et ses collègues, dont on voit mal d’ailleurs comment elle aurait pu consacrer 370 heures de son temps de travail de directrice régionale à la formation de son subordonné, et sans qu’un enseignement quelconque lui ait été dispensé.

Au demeurant, la cour ne peut que s’interroger sur la sincérité des feuilles d’émargement que, par courriel du 11 juillet 2018, Mme [P] demandait à M.[K] de retourner signées en précisant : ” merci d’imprimer le document ci-joint en couleur et de me le retourner signé, toutes les cases émargement bénéficiaire doivent être signées “. Cette demande a fait l’objet d’un rappel le 26 juillet 2018 : ” je n’ai toujours pas reçu tes feuilles signées, merci de les envoyer aujourd’hui “. En outre, M.[K] produit un exemplaire de ces feuilles non-remplies, tandis que celles produites par la société ACGV Services, signées de M.[K] et du ” formateur ” dont l’identité n’est pas mentionnée, précisent des dates manuscrites ayant pu être portées sur le document a posteriori et dont aucun élément n’établit qu’elles ont été réellement assurées.

C’est pourquoi, la société ACGV Services apparaît avoir manqué à son obligation de formation, pourtant précisément énoncée dans le contrat de professionnalisation qui n’a manifestement pas été respectée.

– Sur l’absence d’habilitation électrique de M.[K]

M.[K] affirme avoir dû procéder lui-même et à la demande de son employeur à des interventions consistant à remplacer des disjoncteurs, prises et interrupteurs dans les blocs techniques de l’aire d’accueil de [Localité 5] alors qu’il ne disposait d’aucune formation ni habilitation.

La société ACGV Services réplique que M.[K] a été formé et qu’il ne faisait que participer à des réunions, tandis que la conformité des aires d’accueil était contrôlée par le cabinet Socotec, rappelant que seule la communauté de communes de [Localité 5], en sa qualité de propriétaire de l’aire d’accueil, est responsable des installations. La société ACGV Services ajoute que compte tenu des conclusions du rapport de la Socotec qui préconisait une réfection des installations électriques, M.[K] a pris l’initiative d’y procéder lui-même, sans en informer sa hiérarchie, mais que finalement c’est un électricien professionnel qui est intervenu.

La cour constate que dans un email du 12 juillet 2018, adressé par une représentante de la communauté d’agglomération de [Localité 5] à Mme [P], supérieure hiérarchique de M.[K], celle-ci indique qu’il ” semblerait que de nombreux travaux sont à réaliser pour remettre l’aire en état sur la question électrique. M.[K] semblait souhaiter faire certains travaux. Il conviendrait donc de faire un point entre M.[K] et notre électricien pour l’aire afin de réaliser les travaux dans les meilleurs délais “.

Il en résulte que Mme [P] a donc été avisée d’une possible intervention de M.[K] sur l’installation électrique sans pour autant qu’il apparaisse qu’elle ait réagi d’une manière quelconque, alors qu’il est constant que ce dernier ne disposait d’aucune formation spécifique à cet égard, ni d’une quelconque habilitation en la matière ; sa supérieure hiérarchique aurait dû s’y opposer et le lui faire savoir.

Au contraire, M.[K] produit deux attestations d’agents affectés sur l’aire d’accueil de [Localité 5] qui ont été témoins de ce que celui-ci est effectivement intervenu dans le changement de prises électriques, d’interrupteurs et de disjoncteurs.

Dès lors, la société ACGV Services a manifestement fait preuve d’une grave négligence en ne s’opposant pas à une telle intervention dont elle avait connaissance.

– Sur les conditions de travail de M.[K] face aux incidents survenus sur les aires d’accueil

M.[K] affirme que la société ACGV Services n’a pas respecté son obligation de sécurité compte tenu de plusieurs incidents survenus sur des aires d’accueil, auxquelles il a dû faire face en l’absence de toute information et de toute formation en la matière, considérant que la vigilance dont l’employeur affirme avoir fait preuve, notamment de la part du président de la société et de sa responsable d’exploitation, est insuffisante à assurer sa sécurité en l’absence de mise en ‘uvre de moyens réels.

La société ACGV Services réplique que seuls les élus sont compétents en matière de police administrative pour résoudre les problèmes rencontrés, que M.[K] bénéficiait du soutien de sa hiérarchie et qu’il était épaulé, outre par le président de la société, par sa supérieure, Mme [P], avec laquelle il était en permanence en contact.

M.[K] produit deux signalements qu’il a opérés auprès des services de police pour des dégradations (plainte du 12 juin 2018) et pour un vol par effraction (plainte du 17 juillet 2008) commis sur les aires d’accueil dont il avait la responsabilité à [Localité 7]. Il produit également une lettre d’avertissement adressé à un agent qui avait négligé de signaler des dégradations commises en juin 2018.

Ces éléments démontrent les difficultés particulières auxquelles étaient confrontés en termes de sécurité, les agents y travaillant et M.[K] lui-même, qui en avait la responsabilité.

Ces difficultés nécessitaient que l’employeur, à tout le moins, assure une information et mette en place des procédures et des formations spécifiques pour y faire face, ce dont la société ACGV Services ne justifie pas, en dehors d’un simple soutien de la hiérarchie, de sorte qu’elle apparait avoir fait preuve de négligence à cet égard.

Ainsi, au regard de la violation par la société ACGV Services de son obligation de formation à ce métier difficile, de la négligence avec laquelle elle a laissé M.[K] intervenir sur des installations électriques et avec laquelle elle n’a mis en place aucune mesure spécifique de nature à lui permettre de faire face à des infractions répétées commises sur les aires d’accueil dont il avait la charge, l’employeur n’apparaît pas avoir respecté son obligation de sécurité vis-à-vis de son salarié.

M.[K] sera accueilli en sa demande d’indemnité afférente.

Compte tenu des éléments soumis à la cour, il conviendra d’allouer à M.[K], par voie d’infirmation du jugement, la somme de 5000 euros de dommages-intérêts au titre de la violation de son obligation de sécurité.

– Sur la rupture du contrat de travail pendant la période d’essai et la demande de dommages-intérêts afférente

Si l’employeur peut discrétionnairement mettre fin aux relations contractuelles pendant la période d’essai, ce n’est que sous réserve de ne pas faire dégénérer ce droit en abus, caractérisé notamment lorsque la résiliation intervient pour un motif non inhérent à la personne du salarié.

En l’espèce, M.[K] affirme qu’il a été mis fin à sa période d’essai en raison de son refus, dans un premier temps, de signer les feuilles d’émargement des formations qu’il était censé suivre, faisant remarquer que le courrier l’informant de cette décision lui a été adressé le lendemain de la relance qui lui avait été adressée quant à la nécessité de retourner ces feuilles signées.

La société ACGV Services réplique qu’elle a mis fin à la relation contractuelle en période d’essai en indemnisant le délai de prévenance, en lui remettant les documents de fin de contrat et en lui expliquant les raisons pour lesquelles une telle décision a été prise, liées à des carences dans l’exercice de ses fonctions : erreurs dans la mise en ligne d’annonces auprès de Pôle Emploi et dans la rédaction de rapports d’incidents, absence de communication des justificatifs de frais, délais trop important dans la réalisation et la communication des rapports d’incident, retards dans la communication des bilans mensuels, consommation d’alcool durant les repas de midi et usage du véhicule de la société, adoption d’un comportement familier et irrespectueux vis-à-vis de sa hiérarchie et de la responsable de l’agglomération de [Localité 5].

M.[K] conteste tous ces griefs.

La cour relève qu’elle n’a pas à examiner la réalité des griefs invoqués aujourd’hui par la société ACGV Services contre M.[K] à l’appui de sa décision de mettre fin à sa période d’essai, sa décision étant discrétionnaire à cet égard.

En revanche, la question demeure de savoir si cette décision n’était pas fondée en réalité sur des motifs étrangers aux compétences professionnelles de M.[K].

A cet égard, M. [K], dans les emails que Mme [P] lui a adressés à M.[K] pendant sa courte période d’embauche, a été l’objet de remarques sur les points soulevés par la société ACGV Services dans ses écritures.

La cour constate également que la décision de la société ACGV Services de mettre fin à la période d’essai, notifiée par courrier du 27 juillet 2018, est intervenue le lendemain de l’envoi d’un email par lequel on lui demandait de retourner les feuilles d’émargement des formations.

Cet élément est cependant insusceptible à lui seul à démontrer l’intention de l’employeur de se passer de ses services en raison d’un refus de répondre à cette demande et à emporter la conviction de la cour. En effet, si M.[K] a tardé à retourner un exemplaire signé de ces feuilles d’émargement, il a bien fini par le faire puisque la société ACGV Services produit aux débats un exemplaire portant les signatures de l’intéressé, de sorte qu’il ne peut être retenu que c’est nécessairement ce motif qui a pu conduire l’employeur à se séparer de lui.

C’est pourquoi, par voie d’infirmation, M.[K] sera débouté de sa demande visant à voir indemniser la rupture, qu’il considère à tort comme abusive, de la période d’essai.

– Sur la demande de dommages-intérêts en raison de la radiation de la mutuelle d’entreprise et la remise tardive des documents de fin de contrat

M.[K], rappelant les dispositions applicables à la portabilité des garanties fournies par la mutuelle d’entreprise après la rupture du contrat de travail prévue par l’article L.911-8 du code de la sécurité sociale, et la nécessité pour l’employeur de remettre les documents de fin de contrat, et notamment du certificat de travail mentionnant la portabilité de ces garanties, ainsi que l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, soutient que ces documents lui ont été remis avec retard, et notamment les documents de portabilité, après que la mutuelle Alptis ait été avisée par l’employeur de la nécessité de mettre fin aux garanties au 31 juillet 2018. Il fait valoir que ces manquements lui ont causé un préjudice, d’autant que son épouse a fait un infarctus le 29 juillet 2018, causant une hospitalisation et des soins qui n’ont pas été pris en charge par cette mutuelle, ainsi qu’une situation d’inquiétude par rapport à la prise en charge de ces soins. Il produit deux courriers de la mutuelle l’informant que la carte de tiers payant avait été utilisée à tort. La situation n’aurait été régularisée que le 4 septembre 2018, après de nombreuses démarches.

La société ACGV Services réplique qu’elle a adressé à M.[K] les documents de fin de contrat dans un délai suffisant, que parallèlement elle a informé la mutuelle de la sortie de M.[K] de ses effectifs, qu’il a reçu les éléments permettant de bénéficier de la portabilité de ses droits, qu’il les a retournés et qu’ils ont été régulièrement transmis à la mutuelle Alptis.

La cour constate que la société ACGV Services a avisé la mutuelle Alptis dès le 31 juillet 2018 de la rupture du contrat de travail la liant à M.[K]. Celle-ci a indiqué dans une attestation de radiation du 3 août 2018 que M.[K] et son épouse ont bénéficié des garanties jusqu’à cette date.

Cependant, si cette attestation a pu inquiéter M.[K] et son épouse, d’autant qu’elle venait d’être victime d’un accident cardiaque, elle ne correspondait pas à la réalité puisque ces derniers bénéficiaient de la portabilité des garanties, prévue par l’article L.911-8 du code de la sécurité sociale. Par ailleurs, cette attestation a été établie par la mutuelle et l’employeur ne peut être tenu pour responsable de son contenu, pas plus que de l’inquiétude causée par les courriers de la mutuelle des 7 et 10 août 2018 dans lesquels il était demandé à M.[K] de rembourser des frais avancés dans le cadre du tiers-payant, la société ACGV Services ayant simplement informé la mutuelle de la nouvelle situation créée par la rupture du contrat de travail. Aucune faute ne peut lui être reprochée à cet égard.

Les documents de fin de contrat, et notamment le certificat de travail mentionnant la possibilité pour le salarié de bénéficier de la portabilité des garanties fournies par la mutuelle d’entreprise, ainsi que le formulaire afférent, ont été adressés par la société ACGV Services à M.[K] par courrier daté du 31 juillet 2018, mais envoyé le 9 août 2018 et reçu de l’intéressé le 10 août 2018.

Aussi un léger retard dans l’envoi des documents de fin de contrat peut être relevé, mais force est de constater l’absence de préjudice pour M.[K] qui n’en a pas moins été finalement rempli de ses droits, comme il le reconnaît lui-même, en indiquant que la situation a été ” régularisée ” après que les diligences nécessaires aient été accomplies, aussi bien par l’employeur que par le salarié, pour que la portabilité des garanties soit effective.

C’est pourquoi, par voie d’infirmation du jugement, M.[K] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

– Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La solution donnée au litige commande de confirmer la condamnation prononcée par le conseil de prud’hommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et de condamner la société ACGV Services à payer en sus à M.[K] la somme de 1500 euros pour ses frais irrépétibles engagés en cause d’appel.

La société ACGV Services sera déboutée de sa propre demande au même titre et condamnée aux dépens.

S’agissant de la demande de condamnation aux frais d’exécution, il sera rappelé que le titre servant de fondement aux poursuites permet le recouvrement des frais de l’exécution forcée qui sont à la charge du débiteur.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 24 septembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Tours en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné la société ACGV Services à payer à M.[C] [K] la somme de 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens et débouté la société ACGV Services de sa propre demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,

Condamne la société ACGV Services à payer à M.[C] [K] la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de sécurité ;

Déboute M.[C] [K] de sa demande visant à voir jugée abusive la rupture de la période d’essai prévue au contrat de professionnalisation et de sa demande de dommages-intérêts afférente ;

Déboute M.[C] [K] de sa demande au titre de la radiation de la mutuelle d’entreprise et de la remise tardive des documents de fin de contrat ;

Condamne la société ACGV Services à payer à M.[C] [K] la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel, et la déboute elle-même de ce chef de prétention ;

Condamne la société ACGV Services aux dépens d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Karine DUPONT Laurence DUVALLET

 


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