Rupture anticipée : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/00033

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Rupture anticipée : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/00033
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N° RG 20/00033 – N° Portalis DBVX-V-B7E-MY7Z

Décision du Tribunal de Grande Instance de ROANNE

Au fond du 29 novembre 2019

RG : 19/00727

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 12 Janvier 2023

APPELANTE :

SARL TERRA EXPERTISE

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par la SELARL MARTIN SEYFERT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1792

Et ayant pour avocat plaidant la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES

INTIMES :

M. [I] [T]

né le 08 Janvier 1969 à [Localité 6] (PUY DE DOME)

[Adresse 7]

[Localité 5]

Mme [B] [V] épouse [T]

née le 26 Octobre 1970 à [Localité 8] (RHONE)

[Adresse 7]

[Localité 5]

SCI [T]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentés par la SELARL SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE

INTERVENANTE :

S.A.R.L. SOLA EXPERTISE venant aux droits de la SARL TERRA EXPERTISE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL MARTIN SEYFERT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1792

Et ayant pour avocat plaidant la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 01 Décembre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Octobre 2022

Date de mise à disposition : 12 Janvier 2023

Audience présidée par Anne WYON, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Anne WYON, président

– Françoise CLEMENT, conseiller

– Dominique DEFRASNE, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Le 1er juin 2018, Monsieur [T], expert automobile qui exerçait sous l’enseigne ‘Allier Loire Expertises’, a cédé son activité à la société Terra Expertise aux droits de laquelle vient la société Sola Expertise.

Dans le cadre de cette cession, il était prévu que la société Terra Expertise prenne à bail les locaux dont M. [T] et son épouse Mme [B] [V] étaient propriétaires.

La société Terra Expertise a occupé les lieux à compter du 1er juin 2018 sans qu’un bail écrit ait été régularisé. M. [T] a transmis à la société Terra Expertise un bail commercial par courriel du 3 août 2018. Après divers échanges sur les modalités du contrat, la société Terra Expertise a quitté les lieux le 19 avril 2019, cessant tout règlement des loyers.

Les époux [T] et la SCI [T] ont saisi le tribunal de grande instance de Roanne le 24 septembre 2019. Par jugement réputé contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 29 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Roanne a :

– constaté l’existence d’un bail commercial liant les époux [T] et la SCI [T] en qualité de bailleurs à la société Terra Expertise en qualité de preneur, depuis le 1er juin 2018,

– condamné la société Terra Expertise à payer aux époux [T] et à la SCI [T] la somme globale de 3.303,98 euros TTC au titre des charges de l’exercice 2018 outre intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2019,

– condamné la société Terra Expertise à payer aux époux [T] et à la SCI [T] la somme globale de 6.300,00 euros TTC au titre des loyers de mai à novembre 2019 outre intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2019,

– condamné la société Terra Expertise à payer aux époux [T] et à la SCI [T] la somme globale de 3.849,52 euros TTC au titre de la facture n°130274 du 28 février 2019 outre intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2019,

– condamné la société Terra Expertise à payer aux aux époux [T] et à la SCI [T] la somme globale de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par déclaration du 2 janvier 2020, la société Terra Expertise a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 11 septembre 2020, la société Terra Expertise demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et de :

– déclarer irrecevable l’action des consorts [T] et de la SCI [T] faute de qualité pour agir,

– subsidiairement, les débouter de leurs demandes faute de bail,

– très subsidiairement, pour le cas où la cour reconnaîtrait l’existence d’un bail, juger qu’il a été résilié le 11 avril 2019 par la faute exclusive du bailleur et débouter les époux [T] et la SCI [T] de toute réclamation postérieure à cette date,

– débouter les époux [T] et la SCI [T] de leur réclamation au titre de la facture du 28 février 2019.

Elle sollicite la condamnation des bailleurs in solidum à lui payer 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait de la rupture brutale de toute alimentation des prises électriques le 11 avril 2019 ainsi que la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d’appel.

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe le 03 novembre 2020, les époux [T] et la société [T] demandent à la cour de confirmer le jugement dont appel, de débouter la société Terra Expertise de l’intégralité de ses demandes, de constater l’existence d’un bail commercial et de condamner la société Terra Expertise à leur verser les sommes de : 3.303,98 euros au titre des charges sur l’exercice 2018, 9.000 euros au titre des loyers impayés pour les mois de décembre 2019 à novembre 2020 outre l’ensemble des loyers à venir jusqu’à la décision à intervenir, 3.849,52 euros au titre de la refacturation de l’utilisation du logiciel SIDEXA, 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 01 décembre 2020.

Par conclusions des 11 janvier 2021 et 29 août 2022, la société Terra Expertise a sollicité la révocation de l’ordonnance de clôture.

Par conclusions du 11 octobre 2022, la SARL Sola Expertise, venant aux droits de la SARL Terra Expertise selon traité de fusion-absorption du 20 septembre 2021 mentionné le 31 décembre 2021 au registre du commerce et des sociétés, est intervenue volontairement à la procédure.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l’article 802 alinéa 2 du code de procédure civile, l’intervention volontaire de la société Sola Expertise, venant aux droits de la société Terra Expertise à la suite d’un traité de fusion-absorption du 20 septembre 2021 doit être reçue par la cour, sans qu’il soit nécessaire de révoquer pour autant l’ordonnance de clôture.

En l’absence de révocation de l’ordonnance de clôture, aucune pièce ou conclusions postérieures ne seront prises en compte par la cour.

– sur l’intérêt pour agir des époux [T] et de la SCI [T]

La société Terra Expertise aux droits de laquelle vient la Sola Expertise fait valoir que la SCI [T] n’a pas qualité à agir en paiement des loyers dès lors qu’elle est nue-propriétaire de l’immeuble et que les époux [T], qui ne sont pas les auteurs des factures émises au titre des loyers qui lui sont réclamés, n’ont pas davantage qualité pour agir.

Les intimés produisent une attestation de leur notaire dont il ressort que suivant acte du 26 novembre 2010, les époux [T] sont devenus usufruitiers des locaux pour une durée de 18 années à compter du 26 novembre 2010 et que la SCI [T] en est nue-propriétaire jusqu’à l’expiration de leur usufruit.

Les demandes en paiement formées par la SCI [T] au titre de l’occupation des locaux par la société Terra Expertise doivent dès lors être déclarées irrecevables, en ce qu’elles sont formées par la nue-propriétaire.

Les sommes réclamées au titre de l’occupation des lieux l’ont été sur des imprimés de note d’honoraires utilisés par M. [T] dans le cadre de son activité professionnelle. Il n’en demeure pas moins que ces documents émanent sans ambiguïté de l’un des usufruitiers. Le représentant légal de la société Terra Expertise ne s’est pas mépris sur la qualité de leur signataire comme en témoignent les courriels qu’il a adressés à M. [I] [T] en sa qualité de bailleur les 26 septembre et 31 octobre 2018.

Il n’y a dès lors pas lieu de déclarer irrecevables les demandes formées par M. [T] et Mme [B][V] en paiement des sommes dues au titre de l’occupation des lieux.

– sur l’existence d’un bail

La société Terra Expertise aux droits de laquelle vient la société Sola Expertise soutient qu’aucun bail commercial n’a été conclu faute d’accord sur la répartition des charges.

Les intimés s’appuient sur l’article 1709 du code civil et font valoir qu’un bail verbal a été conclu, le gérant de la société Terra Expertise ayant indiqué par courriel du 6 septembre 2018 qu’il effectuait le virement du loyer et confirmé par courriel du 26 septembre 2018 que ce paiement suffisait à établir le bail et qu’il n’était pas besoin d’un contrat écrit.

L’appelante ne conteste pas avoir pris possession des lieux. Les époux [T] versent aux débats une lettre datée du 26 septembre 2018 émanant de M. [L], représentant légal de la société Terra Expertise, faisant suite à la proposition de bail commercial qui lui a été adressée. Celui-ci indique que le document lui apparaît trop complexe et donne son accord sur la location par bail commercial d’une durée de neuf ans à compter du 1er juin 2018. Il reprend la désignation précise des lieux loués, désigne expressément la société Terra Expertise en qualité de locataire, précise que le loyer annuel hors taxes s’élèvera à 9.000 euros outre indexation, et déclare que la société preneuse prendra en charge la moitié de la taxe foncière. Il a joint à ce courrier une attestation d’assurance datée du 11 juin 2018, valable du 1er juin au 31 décembre de la même année.

Les époux [T] font valoir sans être contredits sur ce point que la somme de 750 euros par mois qu’ils ont appelée suivant les ‘notes d’honoraires’ mensuelles a été réglée jusqu’en avril 2019 ; cette somme correspond au douzième du loyer accepté par le courrier du 26 septembre 2018. Au surplus, par courriel du 6 septembre 2018, M. [L] a écrit à M. [T] qu’il effectuait le virement de la somme due au titre du loyer.

Il résulte de ces éléments que les parties sont bien convenues d’un bail verbal de 9 ans à compter du 1er juin 2018 et de son prix, et que la société preneuse a payé les loyers échus jusqu’en avril 2019 inclus, le jugement critiqué méritant confirmation sur ce point.

– sur la dette de loyers

Les époux [T] réclament la condamnation de la société Terra Expertise aux droits de laquelle vient la société Sola Expertise à leur verser les loyers dus jusqu’à la date de la décision à intervenir.

La société Sola Expertise demande à la cour de prononcer la résiliation du bail au motif que les bailleurs ne lui ont pas permis de jouir paisiblement de la chose louée puisque le 11 avril 2019, l’ensemble des prises électriques de ses locaux a cessé de fonctionner, provoquant l’arrêt des installations informatique et téléphonique et la perte de données. Faisant valoir que l’éclairage a continué de fonctionner et que le tableau électrique était situé au rez-de-chaussée occupé par les époux [T], elle affirme que la situation résulte d’un fait volontaire qu’elle impute à ces derniers. Elle se prévaut d’un courriel adressé par M. [T] à M. [L] le 1er mars 2019 comportant la mention suivante : « à défaut de régularisation des charges, c’est avec regret que je serai contraint de stopper la fourniture en eau, électricité, chauffage etc, et ce jusqu’à régularisation ».

Elle en conclut que la résiliation doit être prononcée aux torts des époux [T] à la date du 11 avril 2019 et sollicite le rejet de la demande en paiement de sommes dues au titre du bail postérieurement à cette date.

Les époux [T] répondent qu’ils ne sont pas à l’origine de la coupure d’électricité qui est intervenue sur les seules prises électriques protégées par un onduleur, qu’ils ont fait intervenir une entreprise le jour même, que celle-ci a changé la batterie de l’onduleur et a procédé à un test de fonctionnement, et que la panne n’a duré que 12 heures, ceci ne pouvant justifier une résiliation anticipée du bail. Elle ajoute que la société preneuse n’a pas donné congé et que le bail se poursuit.

Le constat d’huissier versé aux débats par la société preneuse établit l’existence de la panne affectant le circuit électrique, hormis l’éclairage, mais ne prouve pas qu’un fait volontaire en soit à l’origine. Rien ne prouve non plus que la menace de M. [T] contenue dans son courriel du 1er mars 2019 ait été mise à exécution. Les époux [T] justifient quant à eux de l’intervention de la société Électricité Fessy Biosset dans les locaux le 12 avril 2019, à leur demande, ainsi que du remplacement de la batterie de l’onduleur qui a été facturé à la société Allier Loire Expertise. Il est ainsi démontré que la panne a été réparée dès le lendemain sur l’intervention des époux [T], à qui il ne peut être reproché dans ces conditions d’avoir manqué à leur obligation de jouissance paisible.

Le motif grave justifiant la résiliation du bail aux torts des époux [T] n’étant pas démontré par la société Sola Expertise, sa demande de résiliation du bail ne peut qu’être rejetée, de même que sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, aucun préjudice n’étant justifié.

La société preneuse n’ayant pas donné congé est débitrice des loyers échus depuis le mois de mai 2019 compris jusqu’à la date de la présente décision. Ainsi que le demandent les époux [T], le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société preneuse à leur verser la somme de 6 300 euros au titre des loyers échus de mai à novembre 2019 inclus. La cour condamnera la société preneuse à leur verser en sus la somme de 9 000 euros au titre des loyers échus du 1er décembre 2019 au 30 novembre 2020, outre les loyers échus à compter 1er décembre 2020 jusqu’à la date du présent arrêt.

– sur les charges

Les époux [T] excipent d’une créance de charges d’un montant de 3303,98 euros. Or, il ne résulte d’aucun élément versé aux débats qu’il ait été convenu par les parties que la société preneuse supporte une somme quelconque au titre des charges ; la société Terra Expertise n’a pas acquitté volontairement quelque somme que ce soit à ce titre pendant la période d’occupation des locaux, et n’a formé aucune proposition en ce sens. C’est pourquoi la demande en paiement de ce chef sera rejetée et le jugement infirmé sur ce point.

– sur la facturation de l’utilisation du logiciel Sidexa

Les bailleurs demandent à ce titre la condamnation de la société Sola Expertise à leur payer la somme de 3849,52 euros TTC correspondant à une facture du 28 février 2019. Cette somme correspond à l’utilisation par la société preneuse d’un logiciel professionnel utilisé par les experts automobiles, qui a été facturée au cabinet Allier-Loire Expertises. En l’absence de toute preuve d’une mise à disposition de ce logiciel à titre onéreux par M. et Mme [T] au profit de la société Terra Expertise, il ne peut être fait droit à cette demande qui sera rejetée, le jugement dont appel étant infirmé sur ce point.

La société Sola Expertise, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’au paiement aux époux [T] d’une indemnité de procédure de 5 000 euros, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Accueille en son intervention volontaire la société Sola Expertise venant aux droits de la société Terra Expertise ;

Déclare recevable l’action engagée par M. [I] [T] et Mme [B] [V] son épouse ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Roanne le 29 novembre 2019 en ce qu’il a :

– constaté l’existence d’un bail commercial liant les époux [T] à la société Terra Expertise aux droits de laquelle vient la société Sola Expertise ;

– condamné la société Terra Expertise aux droits de laquelle vient la société Sola Expertise à payer aux époux [T] la somme de 6 300 euros TTC au titre des loyers de mai à novembre 2019 outre intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2019 ;

– condamné la société Terra Expertise aux droits de laquelle vient la société Sola Expertise à payer aux époux [T] la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens

Infirme le jugement critiqué sur le surplus, et statuant à nouveau :

Déclare irrecevable l’action engagée par la SCI [T] ;

Déboute M. [I] [T] et Mme [B] [V] son épouse de leurs demandes en paiement des sommes de 3303,98 euros outre intérêts et de 3849,52 euros outre intérêts;

Y ajoutant,

Condamne la société Sola Expertise venant aux droits de la société Terra Expertise à payer à M. [I] [T] et à Mme [B] [V] son épouse la somme de 9.000 euros au titre des loyers échus du 1er décembre 2019 euros au 30 novembre 2020 inclus outre le loyer mensuel de 750 euros à compter du 1er décembre 2020 jusqu’à la date du présent arrêt ;

Condamne la société Sola Expertise venant aux droits de la société Terra Expertise aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à M. [I] [T] et à Mme [B] [V] son épouse la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

Le Greffier Le Président

 


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