Rupture anticipée : 11 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/03387

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Rupture anticipée : 11 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/03387
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/03387 – N° Portalis DBVH-V-B7E-H4IL

AV

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

11 décembre 2020 RG :2018J00167

S.A.S. PERRIER TP

C/

S.A.R.L. BOUQUET TP ET TRANSPORT

Grosse délivrée le 11 janvier 2023 à :

– Me CHABAUD

– Me VAJOU

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 11 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 11 Décembre 2020, N°2018J00167

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Christine CODOL, Présidente de chambre,

Madame Claire OUGIER, Conseillère,

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère.

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier, lors des débats et Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 08 Décembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 Janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A.S. PERRIER TP, au capital de 5 174 400 €, immatriculée auprès du Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro 778 147 801; prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Hélène MARTY, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE :

BOUQUET TP ET TRANSPORTS, SARL inscrite au RCS de NÎMES sous le numéro 497 867 366, au capital de 10 000 euros, pris en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité en son siège ,

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me VIGIER Mathilde, substituant Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Christian JOURDAN, Plaidant, avocat au barreau de TARASCON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Christine CODOL, Présidente de chambre, le 11 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l’appel interjeté le 18 décembre 2020 par la SAS Perrier TP à l’encontre du jugement prononcé le 11 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Nîmes, dans l’instance n°2018J00167,

Vu l’ordonnance du 24 mars 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 15 septembre 2022,

Vu l’arrêt du 26 octobre 2022 rendu par la 4ème chambre commerciale de la cour d’appel de Nîmes ordonnant notamment la réouverture des débats à l’audience du 8 décembre 2022, sans rabat de l’ordonnance de clôture maintenue au 15 septembre 2022,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 7 décembre 2022 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 7 décembre 2022 par la SARL Bouquet TP et Transports, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

La SAS Perrier TP a été membre d’un groupement momentané d’entreprises conjointes, lequel s’est vu confier par la société anonyme Aventis Agriculture des travaux de réhabilitation des sols d’un ancien site agrochimique.

A la demande de la SAS Perrier TP, la SARL Bouquet TP a établi le 25 juillet 2016 :

-Un devis ‘estimatif’ n°2016/07/479 pour la fourniture de limon de remblai, conforme au guide des travaux routiers (GTR), pour une quantité de 15 000 à 17 000m3 au prix de 4,80 euros TTC/m3;

-Un devis ‘estimatif’ n°2016/07/480 pour le transport de remblai au prix de 45 euros l’unité, par semi benne acier deux essieux, 24 tonnes charge utile.

Le devis ‘estimatif’ n°2016/07/479 prévoyait le versement d’un acompte de 30% à sa signature, soit de la somme de 21 600 euros TTC. Il précisait qu’un relevé topographique serait fait, avant chargement et après chargement, pour vérification et exactitude des m3 exploités et livrés.

Il était indiqué que le devis ‘estimatif’ n°2016/07/480 que l’enlèvement du remblai serait effectué au [Adresse 4] et que la livraison aurait lieu sur le chantier ancien site Procida, [Adresse 5].

Le 3 août 2016, la SARL Bouquet TP a émis une facture n°2016/08/766 d’un montant de 21 600 euros correspondant à l’acompte de 30% prévus dans le devis n°2016/07/479.

Cette facture d’acompte sur la fourniture de remblai limon a été réglée le 20 septembre 2016 par la SAS Perrier TP.

Le 31 août 2016, la SARL Bouquet TP a émis les factures suivantes :

-Facture n°2016/08/771 d’un montant de 4 050 euros TTC correspondant à 75 opérations de transport par semi benne acier, deux essieux, de 24 tonnes utile;

-Facture n°2016/08/772 d’un montant de 5 284,80 euros TTC correspondant à la fourniture de 1 101 m3 de limon de remblai.

Ces factures ont été réglées par la SAS Perrier TP au moyen de traites.

Le 31 mars 2017, la SARL Bouquet TP a émis une facture n°2017/03/829 d’un montant de 477 euros pour la location d’une pelle 18 tonnes avec opérateur et GNR pour la journée du 29 mars 2017.

Cette facture a été réglée par la SAS Perrier TP au moyen d’une traite.

Invoquant la fin du chantier, la SAS Perrier TP a sollicité le remboursement de l’acompte versé, par courrier recommandé daté du 29 août 2017.

Par courrier recommandé du 7 septembre 2017, la SARL Bouquet TP a demandé à la SAS Perrier TP de lui confirmer que le chantier était réellement terminé pour cette dernière et lui a rappelé, qu’afin de respecter les engagements de son devis, elle avait investi dans l’acquisition d’une pelle mécanique de 20 tonnes et d’un véhicule 8×4 supplémentaire pour les besoins du chantier.

Par courrier recommandé daté du 10 octobre 2017, la SAS Perrier TP a confirmé à la SARL Bouquet TP que le marché de travaux de dépollution avait été résilié et a réitéré sa demande de remboursement d’acompte.

Par courrier recommandé daté du 17 novembre 2017, la SAS Perrier TP a mis en demeure la SARL Bouquet TP de procéder, sous huitaine, au remboursement intégral de la somme de 21 600 euros.

A la requête de la SAS Perrier TP, le président du tribunal de commerce de Nîmes a rendu le 14 mars 2018 une ordonnance faisant injonction à la SARL Bouquet TP de payer la somme de 21 600 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017, et la somme de 37,07 euros pour frais de requête.

Cette ordonnance a été signifiée le 27 mars 2018 à la SARL Bouquet TP qui a formé opposition, par courrier reçu au greffe le 25 avril 2018.

Par jugement avant dire droit du 13 décembre 2019, le tribunal de commerce de Nîmes a enjoint à la SAS Perrier TP de communiquer le protocole transactionnel de résiliation par anticipation du marché signé le 28 juillet 2017.

Par jugement du 11 décembre 2020, le tribunal de commerce de Nîmes a :

-Condamné la SAS Perrier TP à payer à la SARL Bouquet TP et Transport la somme de 72 000 euros de laquelle il convient de déduire l’acompte perçu de 21 600 euros, soit un solde de 50 400 euros

-Condamné la SAS Perrier TP aux dépens de l’instance que le tribunal a liquidés et taxés à la somme de 171,34 euros, en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.

Le 18 décembre 2020, la SAS Perrier TP a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.

Par arrêt du 26 octobre 2022, la 4ème chambre commerciale de la cour d’appel de Nîmes a :

-Infirmé le jugement en ses dispositions soumises à la cour

Statuant à nouveau,

-Condamné la SARL Bouquet TP et transports à rembourser à la SAS Perrier TP la somme de 21 600 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017

-Condamné la SAS Perrier TP à verser à la SARL Bouquet TP et Transports la somme de 4 813, 34 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du gain manqué et de la perte résultant de l’achat d’un terrain

-Ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties

-Invité la SARL Bouquet TP et transports à produire la facture d’achat de la pelle, le contrat de crédit-bail et l’intégralité des pages de l’échéancier ainsi que toute pièce justificative complémentaire permettant à la cour de déterminer la perte éventuellement subie

-Dit que la SARL Bouquet TP et transports devra communiquer ses pièces justificatives et observations sur le calcul de son préjudice avant le 10 novembre 2022

-Dit que la SAS Perrier TP pourra faire valoir des observations en réponse avant le 24 novembre 2022

-Ordonné la réouverture des débats à l’audience du 8 décembre 2022 à 14h30, sans rabat de l’ordonnance de clôture

-Sursis à statuer sur la demande de dommages-intérêts formée par la SARL Bouquet TP et transports au titre de l’achat de la pelle à chenilles

-Sursis à statuer sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’appelante demande à la cour de :

-Débouter Bouquet TP et Transport de toutes ses demandes, fins et conclusions tendant à la condamnation de Perrier TP à lui payer quelque somme que ce soit, à titre de dommages et intérêts, en indemnisation de l’achat de la pelle à chenilles KOMATSU PC190LC,

-Débouter Bouquet TP et Transport de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

A titre principal,

-Condamner Bouquet TP et Transport à lui payer la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

A titre très infiniment subsidiaire,

-Dire que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles

-Condamner chacune des parties à supporter les dépens exposés par ses soins.

Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait observer que la facture d’achat de la pelle n’est pas produite, l’intimée versant à nouveau aux débats la facture unique de location établie le 5 octobre 2016 par la société Natixis Lease.

L’appelante expose que les éléments retenus par l’expert comptable de l’intimée sont sans aucune commune mesure avec la réalité du chantier; qu’en effet, la première méthode de calcul aboutissant à un préjudice de 19 326 euros, en fonction de la valeur du matériel acheté, tient compte d’une durée de chantier de deux années alors que le chantier nécessitait une utilisation de la pelle de seulement 272 à 304 heures; que la comparaison avec le coût de location d’une pelle Komatsu de 22 tonnes et donc d’un matériel supérieur en capacité permet de déterminer une perte de 7 000 euros sur une moyenne de 36 jours de travail.

L’appelante soutient que la deuxième méthode de calcul reposant sur la valeur du crédit bail fait également état de cette durée de chantier de deux années dont l’exagération ôte toute crédibilité au travail entrepris. Elle précise, à cet égard, que le contrat de réhabilitation des sols prévoit en son article 8 une durée de réalisation des travaux de 17 mois.

S’agissant de la troisième méthode de calcul reposant sur le chiffre d’affaires du transport non réalisé, l’appelante fait valoir qu’elle doit être écartée, en vertu du principe de l’estoppel, alors qu’l’intimée avait indiqué, dans le cadre de la procédure, qu’elle ne pouvait réclamer d’indemnité liée au transport de limon puisque la prestation n’avait pas été effectuée.

Enfin, l’appelante indique que dans la mesure où l’intimée ne pouvait, en sa qualité de professionnelle, ignorer que le chantier ne lui assurerait que 272 à 304 heures de travail, la décision d’acquisition de la pelle ne pouvait avoir été prise en vue du marché qui n’était pas encore signé ; que si tel était le cas, l’intimée aurait vendu, depuis fin 2017, la pelle ne lui servant à rien ; que, dans le cadre de son activité répondant à son objet social, elle utilise, de manière habituelle et sans difficulté, la pelle acquise au moyen du contrat de crédit bail et ne peut prétendre de ce fait à une indemnisation quelconque ; qu’elle aurait revendu la pelle si elle ne lui servait à rien.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’intimée demande à la cour, au visa de l’article 803 du code de procédure civile, de:

-Révoquer l’ordonnance de clôture aux fins d’admettre aux débats les conclusions sur réouverture des débats et communication de pièces à l’appui, sous bordereau,

Au principal,

-Condamner la SARL Perrier TP à lui payer la somme de 81 000 euros TTC au titre de perte et préjudice, pour l’achat de la pelle à chenilles

Subsidiairement, si par impossible la cour ne faisait pas droit à la demande principale,

-Fixer la perte financière subie, selon les moyens ci-dessus développés:

a) 19 326 euros au titre de la valeur du matériel acheté

b) 20 358, 50 euros au titre de la valeur du crédit-bail

c) 38 280 euros au titre de la location du matériel et 48 915 euros au titre du nombre de rotations

-Condamner la SARL Perrier TP à payer à la SARL Bouquet TP et Transports la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel;

-Débouter la société Perrier TP de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

-Condamner la SAS Perrier TP aux dépens de l’instance, liquidés et taxés par le tribunal à la somme de 171,34 euros, en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires

-Condamner la société Perrier TP aux entiers dépens de la procédure, frais de signification et d’exécution.

L’intimée soutient que le chantier de l’appelante l’a incitée à financer l’achat d’une pelle aux fins d’assurer utilement la prestation attendue et que le financement n’a été obtenu que par la promesse du dit chantier avec signature du devis. Elle affirme qu’elle a répondu à la demande de la cour en fournissant la facture de cession qui correspond à la facture d’achat.

L’intimée réplique que son expert comptable a évalué la perte subie à 19 326 euros en fonction de la valeur du matériel acheté, tenant compte que la durée d’amortissement est de 5 années, que la pelle n’a fonctionné qu’à 50% de son temps et que la durée prévisible du chantier était de deux années.

L’intimée fait également valoir qu’en prenant en compte le montant du loyer du crédit-bail, sur une durée de chantier de deux années, avec une utilisation à 50% de la pelle, la perte s’élève à 20 358,50 euros.

Elle conteste la durée d’utilisation de 272 à 304 heures, avancée par l’appelante, alors que le fonctionnement de la pelle est assujetti à l’avancement des travaux en aval du chantier, à savoir le déroulement des travaux sur le site à dépolluer ainsi que la rotation des camions de transport de limon, si bien que la pelle ne peut fonctionner sans arrêt.

Elle estime que le devis de location d’une pelle de 22 tonnes est dénué de toute crédibilité, alors que la pelle utilisée est de 19 tonnes et que le devis provient des fournisseurs de l’appelante.

Enfin, l’intimée indique que le prix d’une pelle à la journée s’élevant à 660 euros hors taxes, le prix de la location sur une durée de 62 jours, pour livrer 17 000 M3 de limon, aurait été de 40 920 euros hors taxes, soit de 38 280 euros hors taxes, après déduction de la livraison de 1 101 M3 effectuée ; qu’il aurait fallu effectuer 1 162 rotations qui auraient été facturées pour un montant de 52 290 euros pour livrer la quantité de limon prévue au devis, engendrant une perte de 48 915 euros, après déduction de 75 rotations réalisées pour la livraison effective de 1 101 M3 de limon.

MOTIFS

1) Sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture

Aux termes de l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.

En l’occurrence, la SARL Bouquet TP et Transports ne se prévaut d’aucune cause grave justifiant qu’il soit procédé au rabat de la clôture fixée au 29 septembre 2022.

En application de l’article 445 du code de procédure civile, les conclusions et pièces qu’elle a communiquées le 9 novembre 2022 sont recevables dans la mesure où elles répondent aux éclaircissements demandés par la cour, conformément aux dispositions de l’article 444 du même code.

2) Sur le préjudice subi du fait de la location de la pelle Komatsu 20 tonnes

Le dossier prévisionnel de création d’activité de janvier 2016 à décembre 2018, destiné à obtenir le financement de la location avec option d’achat de la pelle à chenilles Komatsu, fait mention du souhait de la SARL Bouquet TP et Transports d’acquérir, dans le cadre de son développement, deux nouveaux engins de terrassement lui permettant de travailler avec de nouveaux clients, sur des chantiers qui lui étaient, jusqu’à ce jour, inaccessibles. Il y est précisé que le prévisionnel a été bâti, sur la base du chiffre d’affaires 2015, majoré légèrement et en tenant compte de nouveaux chantiers devenus possibles, en cours de négociation, notamment le chantier Perrier TP/Sanofi (+ de 100 000 euros HT dans l’année en cours).

Le devis estimatif n°2016/07/479 du 25 juillet 2016, accepté par la SAS Perrier TP, faisait état de fourniture de limon remblai pour une quantité de 15 000 à 17 000 M3 en place, prix départ chargé avec pelle 20 tonnes.

Il s’en suit que c’est bien, pour faire face aux besoins de fourniture et livraison de remblai limon de la SAS Perrier TP et pour pouvoir exécuter ses obligations à son égard que la SARL Bouquet TP et Transports a pris la décision d’acquérir une pelle à chenilles Komatsu de 20 tonnes, dans le cadre d’un contrat de crédit bail.

Après la résiliation du marché par la SAS Perrier TP, par courrier du 29 août 2017, la SARL Bouquet TP et Transports n’a pas fait le choix de procéder à la résiliation anticipée du contrat de crédit bail d’une durée de soixante mois, prenant fin au 1er juin 2021. Il est démontré par la facture de cession du 24 novembre 2021 qu’à l’expiration de la location, elle a acquis la pelle moyennant le versement d’une indemnité de résiliation de 900 euros hors taxes. Le rapport de contrôle effectué le 11 janvier 2022, les conditions particulières du contrat d’assurance contenant l’état du parc au 14 septembre 2022 et l’extrait du site internet de la SARL Bouquet TP et Transports établissent que cette dernière est toujours en possession de l’engin de chantier qui avait 4 032 heures au compteur le 11 janvier 2022. D’ailleurs, la SARL Bouquet TP et Transports ne conteste pas l’utilité de la pelle pour d’autres chantiers que celui que lui avait confié la SAS Perrier TP, même si elle ne l’a pas fait tourner à plein régime.

Les deux premières méthodes de calcul proposées par la SARL Bouquet TP et Transports, pour évaluer son préjudice, prennent en considération une durée de chantier de deux années, et une utilisation de la pelle à 50% de son temps.

Le bon de commande du 5 septembre 2016 signé par la SAS Perrier TP fait état d’une durée de quatre jours pour extraire 1 101 M3 de limon.

La commande effectuée par la SAS Perrier TP portait sur la fourniture de 15 000 à 17 000 M3 de limon, soit 16 000 M3 en moyenne, dont à déduire les 1 101 M3 déjà livrés ; il aurait donc fallu utiliser une pelle, pendant soixante jours au maximum, pour y répondre; toutefois, il ne s’agit pas nécessairement de jours consécutifs, la SARL Bouquet TP et Transports étant dépendante de l’avancement des travaux sur le site à dépolluer ainsi que de la rotation des camions de transport du limon ; il convient donc de tenir compte de la durée globale prévisible du chantier.

La SARL Bouquet TP et Transports avait indiqué, dans son prévisionnel édité le 9 mai 2016, que le chantier litigieux allait lui rapporter plus de 100 000 euros hors taxes ‘dans l’année en cours’.

Le protocole d’accord valant transaction du 28 juillet 2017, signé par le groupement d’entreprises dont faisait partie la SAS Perrier TP et par le maître d’ouvrage, indique que les prestations devaient être achevées à l’issue d’une durée de dix-huit mois, à compter de l’ordre de service du 27 février 2016, mais que le groupement n’ayant pu démarrer les excavations à la date prévue contractuellement, les parties avaient signé un avenant aux termes duquel le maître d’ouvrage avait accepté un délai supplémentaire de deux mois expirant le 26 octobre 2017, pour la réalisation de toutes les prestations contractuelles.

Il ressort du cahier des clauses techniques particulières du contrat de réhabilitation des sols que le remblaiement confié à la SARL Bouquet TP et Transports ne constitue qu’une partie seulement des travaux du lot 1 qui comprennent la gestion des eaux pluviales, le démantèlement des bâtiments et bassins restant sur le site, le retrait de la couverture de surface et des fondations, le retrait des réseaux et des structures enterrés, l’excavation et le tri à l’avancement, le traitement de fond de fouille, le stockage des matériaux pour caractérisation, la stabilité des fouilles et des existants, la gestion des eaux de fond de fouille, la gestion des nuisances, l’élimination hors site, le reprofilage et la réfection de la couverture de surface ….

Ainsi, la durée prévisible des travaux confiés à la SARL Bouquet TP et Transports ne peut être fixée à deux années mais tout au plus à six mois.

Il y a lieu d’écarter la troisième méthode de calcul utilisée par la SARL Bouquet TP et Transports qui détermine le manque à gagner du fait de la non réalisation du transport de remblai alors qu’il s’agit d’un préjudice distinct de celui de la perte liée à l’acquisition de la pelle dont il est demandé réparation.

Les deux premières méthodes de calcul proposées par la SARL Bouquet TP et Transports, en fonction de la valeur du matériel acheté et de la valeur du crédit-bail, aboutissent à des résultats proches de 19 326 euros avec la première et de 20 358,50 euros avec la deuxième, soit de 19 842,25 euros en moyenne, pour une durée de chantier de deux années qu’il y a lieu de ramener à six mois.

Le préjudice de la SARL Bouquet TP et Transports sera, par conséquent, évalué à la somme de 4 960,56 euros.

3) Sur les frais du procès

L’introduction d’une action en justice était nécessaire pour faire les comptes entre les parties; pour ces motifs, les dépens seront partagés entre elles par moitié et chacune conservera les frais irrépétibles qu’elle a engagés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Rejette la demande en rabat de l’ordonnance de clôture

Condamne la SAS Perrier TP à payer à la SARL Bouquet TP et Transports la somme de 4 960,56 euros en réparation de son préjudice du fait de l’achat de la pelle à chenilles

Déboute la SARL Bouquet TP et Transports du surplus de ses prétentions

Y ajoutant

Ordonne le partage par moitié des dépens de première instance et d’appel,

Déboute les parties de leurs demandes d’indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Arrêt signé par Madame Christine CODOL, Présidente de chambre, et par Madame Isabelle DELOR, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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