Your cart is currently empty!
CKD
MINUTE N° 23/617
Copie exécutoire
aux avocats
Copie à Pôle emploi
Grand Est
le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRET DU 11 AOUT 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/04499 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HWH4
Décision déférée à la Cour : 16 Septembre 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SCHILTIGHEIM
APPELANT(S) :
Société IGOR SECURITE PROTECTION
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
N° SIRET : 852 864 701
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat au barreau de COLMAR
INTIME(S) :
Monsieur [G] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Amandine RAUCH, avocat au barreau de STRASBOURG
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro C-68066-2021-00006 du 25/01/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de COLMAR)
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 17 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
-2-
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [G] [Y], né le 07 juin 1967, a été embauché en qualité d’agent de prévention et de sécurité le 13 juillet 2010, avec reprise d’ancienneté au 04 avril 2008, par la SARL Cityveille, entreprise spécialisée dans les activités de sécurité privée. À compter du 29 mai 2019 le contrat de travail a été transféré à la SAS Igor Sécurité Protection.
Le 17 juillet 2020 le salarié a saisi le conseil des prud’hommes de Schiltigheim d’une demande en référé en paiement de rappels de salaire. Par ordonnance du 29 septembre 2020 l’employeur a été condamné à lui payer notamment 3.619,27 € de rappels de salaire, outre les congés payés afférents, et 500 € au titre de préjudice moral.
Par courrier du 09 juillet 2020 la SAS Igor Sécurité Protection a informé le salarié des difficultés économiques engendrant une restructuration de la société suite à la résiliation du marché Mars Wrigley, à l’absence de poste de reclassement, et à la probable suppression de son poste.
Monsieur [Y] a le 15 juillet 2020 accepté un contrat de sécurisation professionnelle.
Contestant le licenciement, Monsieur [Y] a le 10 novembre 2020, saisi le conseil de prud’hommes de Schiltigheim de demandes à l’encontre de la SAS Igor Sécurité Protection.
Par jugement du 16 septembre 2021, le conseil de prud’hommes a dit et jugé que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, et a condamné la SAS Igor Sécurity Protection à payer à Monsieur [Y] les sommes de :
– 5.941,77 € au titre d’indemnité légale de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, et des congés payés afférents,
– 6.000 € au titre du préjudice pour la perte d’emploi,
– 900 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,
– 3.232,30 € à titre de rappels de salaire,
– 323,23 € au titre des congés payés afférents,
– 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Le conseil de prud’hommes a rejeté les demandes de dommages et intérêts pour préjudice subi, et pour non-respect de la priorité de réembauche. Il a également condamné l’employeur à délivrer des documents de fin de contrat, ainsi que des bulletins de paye, et a rappelé le point de départ des intérêts légaux.
La SAS Igor Sécurité Protection a le 22 octobre 2021 interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 11 octobre 2021.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 juin 2022, la SAS Igor Sécurité Protection demande à la cour d’infirmer le jugement déféré s’agissant des condamnations prononcées. Elle demande à la cour statuant à nouveau de :
– juger qu’elle justifie de réelles et sérieuses difficultés économiques à la date de la rupture du contrat de travail,
-3-
– juger qu’elle a correctement exécuté son obligation de tentative de reclassement,
– juger que le licenciement économique repose sur une cause réelle et sérieuse,
– débouter Monsieur [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins, et conclusions,
– le condamner à lui payer 4.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 mars 2022, Monsieur [G] [Y] demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement, et en tout état de cause, de dire et juger que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, et notamment de condamner la société Igor Sécurité Protection à lui verser les sommes de :
– 4.652,80 € en bruts à titre de rappels de salaire,
– 465,28 € au titre des congés payés afférents,
– 1.500 € nets de dommages et intérêts pour non délivrance du bulletin de paye de janvier 2020,
– 800 € nets de dommages et intérêts pour non-paiement du salaire,
– 1.833,36 € nets au titre du solde de l’indemnité légale de licenciement,
– 3.734,92 € bruts d’indemnité de préavis,
– 373,49 € bruts au titre des congés payés afférents,
– 20.500 € nets à titre de dommages et intérêts au titre de la perte d’emploi,
– 1.867 € de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche,
– 1.800 € nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,
– 4.380 € au titre de la liquidation de l’astreinte pour non délivrance du bulletin de paye de janvier 2020
– 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance,
– 2.000 € au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 pour la procédure d’appel à verser à la Selarl Rauch Majerle Avocats,
– Subsidiairement la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 06 septembre 2022.
Il est, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits moyens et prétentions des parties, renvoyé aux conclusions ci-dessus visées.
MOTIFS
A titre préliminaire
Le dispositif du jugement déféré est prononcé à l’encontre de la société Igor Sécurity Protection, et non à l’encontre de la SAS Igor Sécurité Protection, tel que mentionné sur la première page de la décision, et sur les conclusions des parties.
Il y a lieu de rectifier le jugement en ce que le dispositif concerne la SAS Igor Sécurité Protection.
À hauteur de cour les deux parties concluent pour, et à l’encontre, de la société Igor Sécurité Protection.
I. Sur les rappels de salaires et les demandes annexes
-4-
1. Sur les rappels de salaire
Aux termes du contrat de travail liant les parties, Monsieur [Y] est embauché à hauteur de 151,67 heures de travail par mois, réparties selon un planning déterminé par l’employeur, et remis au salarié.
L’employeur a l’obligation de fournir le travail, et de rémunérer le salarié conformément au contrat de travail. Il ne peut à cet égard alléguer d’une baisse d’activité pour fournir moins d’heures de travail, et réduire la rémunération.
En l’espèce Monsieur [Y] justifie par la production des bulletins de paye de déductions de salaires les mois de février à juillet 2020. Il affirme que l’employeur ne lui a pas confié les heures de travail prévues, alors que pendant la crise sanitaire l’activité de l’entreprise n’a pas cessé.
La SAS Igor Sécurité Protection soutient pour sa part que le salarié ne s’est plus présenté à son poste de travail à compter du 16 mars 2020 suite à l’annonce du confinement, et ce malgré sa demande (pièce 8) de se présenter à son poste.
Or Monsieur [Y] verse au débat en pièce 10 les plannings établis par son employeur pour les mois de mars, avril, et mai démontrant que ce ne sont que quelques missions éparses qui lui ont été confiées par la société.
Par ailleurs la pièce 8 qui selon l’employeur démontrerait qu’il a été contraint de contacter le salarié afin qu’il exécute sa prestation durant le confinement ne confirme absolument pas ses affirmations. Ce courrier concerne des informations sur la perte du marché Mars Wrigley depuis le 19 mai, et le transfert du contrat de travail au repreneur, tout en précisant ne pas disposer de date de transfert effectif du contrat. Ce courrier ne comporte aucun reproche relatif à un abandon de poste, et est en outre daté du 03 juin 2020, alors que l’employeur affirme que le salarié serait absent depuis mi-mars.
Ainsi, à fort juste titre que le conseil des prud’hommes a conclu que les retenues de salaire opérées en mars, avril, et mai 2020 ne sont pas justifiées.
En février 2020 l’employeur a retenu 35 heures soit 361,27 € et mentionné des congés payés du 1er au 24 février 2020. Or Monsieur [Y] verse en pièce numéro 12 un arrêt de travail du 25 février au 1er mars 2020. Par conséquent contrairement à ce qu’a retenu le conseil des prud’hommes cette retenue de 361,27 €, ainsi que le rappel sur la prime d’ancienneté de 8 % soit 25,70 € sont injustifiées.
Les bulletins de salaire de juin et juillet 2020 établissent que le salarié a été placé en chômage partiel, avec une retenue de 151 h 67 à hauteur de 1.606,19 € pour un taux horaire de 10,59 € et le versement d’indemnités chômage pour le même nombre d’heures mais avec un taux horaire de 8,03 €, sans que l’employeur n’apporte la moindre explication sur cette modification du taux.
La cour relève par ailleurs que le conseil des prud’hommes n’avait pas statué sur le rappel de salaires de juillet 2020.
Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la demande de rappel de salaires à hauteur de 4.152,81 €, outre les congés payés afférents, dont les calculs sont expliqués en page 4 des conclusions de l’intimée est bien-fondée.
-5-
Le jugement déféré qui a réduit cette somme à 3.232,30 €, outre les congés payés afférents doit être infirmé.
2. Sur les dommages et intérêts pour non-paiement du salaire
Monsieur [Y] réclame une somme de 800 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-paiement du salaire. Il rappelle que le juge des référés par ordonnance du 29 septembre 2020 lui a alloué une somme de 500 € à titre provisionnel sur les dommages et intérêts et que l’ordonnance n’a pas été exécutée.
Le salarié, par ailleurs père de famille, justifie qu’il a fait intervenir le syndicat CGT qui a adressé une sommation à son employeur le 25 mai 2020, qu’il a pris attache avec l’inspection du travail, et enfin qu’il a introduit une procédure de référé, l’ensemble en vain. Il justifie que le non-paiement du salaire complet durant plusieurs mois, ainsi que le retard du paiement ont entraîné des difficultés financières pour la famille, et que le préjudice subi n’est pas réparé par les seuls intérêts moratoires.
L’allocation d’une somme de 300 € à titre de dommages et intérêts indemnisera le préjudice subi. Le jugement qui a rejeté ce chef de demande est donc infirmé.
3. Sur la remise des feuilles de paye et documents de fin de contrat sous astreinte, la liquidation de l’astreinte, et les dommages et intérêts pour l’absence de délivrance du bulletin de paie de janvier 2020
Eu égard à la solution du litige, le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné la société Igor Sécurité Protection à délivrer à Monsieur [Y] les documents de fin de contrat, un bulletin de paie de janvier 2020, et un bulletin de paie complémentaire reprenant les rappels de salaire, et congés payés, et ce sans qu’une astreinte ne soit prononcée.
Il convient simplement de préciser que ces bulletins de paie et documents de fin de contrat seront établis au regard du présent arrêt. Le prononcé d’une astreinte n’est pas en état justifié et il appartient à Monsieur [Y] le cas échéant de réclamer celle-ci auprès de juge de l’exécution.
Monsieur [Y] sollicite dans le dispositif de ses conclusions une somme de 4.380 € au titre de la liquidation de l’astreinte pour non délivrance du bulletin de paye de janvier 2020. Il ne développe cependant aucun motif à l’appui de cette demande, ne procède à aucun calcul, et ne précise pas même sur quel titre il fonde cette demande. Celle-ci est par conséquent rejetée. Le jugement entrepris ayant omis de statuer sur cette demande est complété.
Enfin il réclame une somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour l’absence de délivrance du bulletin de paye de janvier 2020, sans cependant motiver cette demande, et par conséquent sans justifier de l’existence d’un préjudice. Cette demande est par conséquent rejetée.
-6-
II. Sur licenciement pour motif économique
Aux termes de l’article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, ou encore à la cessation d’activité de l’entreprise.
En l’espèce la société Igor Sécurité Protection invoque des difficultés économiques.
L’article L.1233-3 du code du travail précise que les difficultés économiques sont « caractérisées soient par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique telle une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ses difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente au moins égal à :
– Un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés,
– 2 trimestres constitutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés,
– 3 trimestres constitutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés,
– 4 trimestres constitutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus. »
Même lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur doit énoncer le motif économique, soit dans le document écrit d’information sur la convention, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L 1233-15 et L 1233-39 du code du travail, soit lorsqu’il ne lui est pas possible de le faire, dans tout autre document écrit, remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de l’acceptation.
En l’espèce le contrat de travail a été rompu par l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle le 17 juillet 2020.
La « note d’information sur le motif économique de la rupture envisagée du contrat de travail et proposition d’un contrat de sécurisation professionnelle » du 9 juillet 2020 est rédigée dans les termes suivant :
« Depuis ces dernières semaines, notre société est confrontée à des difficultés économiques engendrant la restructuration nécessaire de notre société, ensuite de la résiliation anticipée du contrat de prestations qui nous liait à la société Mars Wrigley Confectionnery France, en date du 19 mai dernier, site sur lequel vous étiez affectés.
Cette situation remet désormais gravement en cause l’équilibre économique de notre société.
-7-
En outre notre société souffre également des conséquences de la crise sanitaire qui sévit actuellement, et qui a notamment pour conséquence la réduction des budgets que les sociétés clientes allouent pour assurer la sécurité et le gardiennage de leurs entreprises, tant au quotidien, qu’en cas d’événement exceptionnel.
La dégradation de notre situation de trésorerie cumulée à l’actuelle conjoncture économique défavorable, et aux prévisions pessimistes annoncées, nous prive désormais de tout espoir d’amélioration à court et moyen terme.
Cette situation ne contraint par conséquent à envisager la suppression de votre poste. Par ailleurs, comme discuté verbalement, nous vous confirmons qu’en dépit des recherches que nous avons effectuées au sein de notre entreprise et de nos partenaires, conformément à l’article L 1233-4 du code du travail nous n’avons pas trouvé de poste de reclassement.
Nous vous rappelons que vous avez jusqu’au 31 juillet prochain pour adhérer au contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui vous est proposée, soit un délai de 21 jours calendaires.
En cas d’adhésion au CSP, votre contrat de travail sera automatiquement rompu d’un commun accord ce 31 juillet, date à partir de laquelle nous mettrons à votre disposition vos documents de fin de contrat (‘) ».
Monsieur [Y] dénonce le fait que la société appelante n’apporte aucun élément permettant de démontrer le caractère économique du licenciement intervenu.
Et en effet, malgré cette contestation, force est de constater que la société Igor Sécurité Protection ne justifie pas de la réalité des difficultés économiques évoquées dans la note ci-dessus, et ne verse strictement aucune pièce aux débats à cet égard.
Le salarié dénonce également l’absence de recherche de reclassement.
Il est rappelé que selon l’article L 1233-4 du code du travail l’obligation d’adaptation de reclassement est un préalable obligatoire au licenciement.
En effet ce texte précise que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés, et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles situés sur le territoire national dans l’entreprise, ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie.
Et là encore en effet l’employeur ne justifie d’aucune recherche de reclassement. Il ne ne précise pas même le nombre exact de salariés, ni la liste des postes, et ne produit pas le registre du personnel. Il ne justifie d’aucune démarche de reclassement la seule affirmation dans la note d’information étant à cet égard insuffisante.
Or tout licenciement économique suppose réunit cumulativement les trois conditions à savoir :
un élément causal : des difficultés économiques, des mutations technologiques, la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, ou encore la cessation d’activité ;
un élément matériel : la suppression, ou la transformation de l’emploi ou encore la modification du contrat de travail ;
-8-
le respect de l’obligation de reclassement.
En l’espèce les difficultés économiques alléguées ne sont pas établies et l’obligation de reclassement n’est pas respectée de sorte que le licenciement de Monsieur [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré est par qu’en confirmé sur ce point.
II. Sur les conséquences financières
Le conseil des prud’hommes a globalement alloué somme de 5.941,77 € au titre de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis, et des congés payés y afférents.
Une telle condamnation pose problème dans la mesure où l’indemnité légale de licenciement est constituée d’une somme nette, alors que les deux autres indemnités sont constituées de sommes brutes, il convient de distinguer les différentes condamnations dans le dispositif du jugement.
Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, c’est à juste titre que le conseil des prud’hommes a sur le principe alloué au salarié une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, ainsi qu’un solde de l’indemnité légale de licenciement.
1. Sur l’indemnité de préavis et les congés payés afférents
Le salaire moyen des trois derniers mois est de 1.867,40 € et l’ancienneté de Monsieur [Y] de 12,25 années. Au regard de ces éléments l’indemnité de préavis correspondant à deux mois de salaire s’élève à 3.734,92 € brutes, outre 373,49 € bruts au titre des congés payés afférents.
2. Sur le solde de l’indemnité de licenciement
Par ailleurs le solde de l’indemnité de licenciement est bien de 1.833,36 € nets dès lors que cette indemnité s’élève à 6.069,24 €, que le salarié a d’ores et déjà perçu 4.235,68 €, de sorte que le solde s’élève au montant précité.
3. Sur les dommages et intérêts
Enfin le licenciement étant dénué de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre conformément à l’article 1235-3 compte tenu de son ancienneté, et du nombre de salariés employés, à une indemnité comprise entre 3 et 11 mois de salaire bruts.
Le conseil des prud’hommes a alloué 6.000 € en réparation du préjudice subi, alors que Monsieur [Y] dans le cadre de son appel incident réclame une somme de 20 500 € nets représentant 11 mois de salaire, en invoquant la perte de ressources suite au licenciement, et ce durant 19 mois ce qui a entraîné des difficultés financières au niveau de la famille et notamment le non-paiement du loyer.
Monsieur [Y] était âgé de 53 ans lors de la rupture du contrat, comptait 12 ans d’ancienneté, et percevait un salaire moyen mensuel brut de 1.867,40 €, dont il a injustement été privé. Il justifie par ailleurs qu’il a été indemnisé par pôle emploi du mois d’août 2020 à février 2022 à hauteur de 1.375,47 € puis à hauteur de
-9-
1.094,30 € après un an. En revanche, et alors qu’il est spécialisé dans un secteur d’activité qui recrute, l’intimé ne justifie d’aucune démarche de recherche d’emploi après la fin du confinement.
Au regard de l’ensemble de ces éléments le préjudice subi par Monsieur [Y] sera justement indemnisé par l’allocation d’une somme de 12.000 € bruts en réparation du préjudice subi. Le jugement qui a alloué un montant de 6.000 € est par conséquent infirmé sur ce point.
4. Sur les dommages et intérêts pour irrégularité de procédure
Le conseil des prud’hommes a alloué une somme de 900 € au motif que le salarié n’a pas été convoqué à un entretien préalable et qu’aucune lettre de licenciement ne lui a été notifiée.
Or il résulte de l’article L 1235-2 qu’en l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de procédure est réparé par l’indemnité allouée conformément aux dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail, c’est-à-dire qu’il n’y a pas cumul des indemnités lorsque le licenciement est infondé.
Le jugement est par conséquent infirmé, et Monsieur [Y] débouté de ce chef de demande.
5. Sur les dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche
Le salarié réclame un mois de salaire. Le jugement a rejeté ce chef de demande, au motif que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, et ne repose pas sur un motif économique.
En application de l’article 1233-45 du code du travail le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauchage durant un délai de un an.
Or en l’espèce la rupture du contrat de travail est fondée sur un motif économique, quand bien même le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse. Et en effet le fait que le licenciement prononcé pour motif économique soit jugé sans cause réelle et sérieuse ne rend pas inapplicable et inopposable la priorité de réembauche (Cass. Soc. 13 avril 1999 N° 96-45.028 P)
Cependant le salarié ne bénéficie de la priorité qu’à condition d’en manifester le désir dans le délai d’un an qui lui est imparti. Cette demande est une condition nécessaire dès lors que le salarié a été informé de son droit, ce qui est le cas en l’espèce par courrier du 09 juillet 2020.
Or Monsieur [Y] ne verse aux débats aucune pièce justifiant de sa demande explicite de bénéficier de la priorité de réembauche.
Après substitution de motifs, le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande.
-10-
6. Sur le remboursement à pôle emploi
Par ailleurs selon l’article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1132-4, L.1134-4, L.1144-3, L.1152-3, L.1153-4, L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.
Le remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance, ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, ce qui est le cas en l’espèce.
Il conviendra en conséquence d’ordonner le remboursement des indemnités éventuellement versées dans la limite fixée à trois mois, et de compléter le jugement sur ce point.
III. Sur les demandes annexes
Le jugement déféré qui a condamné la société Igor Sécurité Protection aux entiers dépens de la procédure, et au paiement de frais irrépétibles est confirmé.
À hauteur de cour la société Igor Sécurité Protection qui succombe est en application de l’article 696 du code de procédure civile condamnée aux dépens de la procédure d’appel, ce qui entraîne par voie de conséquence le rejet de sa demande de frais irrépétibles.
Enfin l’équité commande de la condamner à payer au conseil de Monsieur [G] [Y] une somme de 2.000 € au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
RECTIFIE le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Schiltigheim le 16 septembre 2021 en ce que le dispositif est prononcé à l’encontre de la SAS Igor Sécurité Protection, et non à l’encontre de la société Igor Sécurity Protection mentionnée par erreur ;
INFIRME le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Schiltigheim le 16 septembre 2021 en ce qu’il condamne la société Igor Sécurity Protection à verser à Monsieur [Y] les sommes de :
– 3.332,30 € à titre de rappels de salaire,
– 323,23 € au titre des congés payés afférents,
– 5.941,77 € au titre de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents,
– 6.000 € au titre du préjudice subi pour la perte d’emploi,
– 900 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,
-11-
– déboute Monsieur [Y] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi ;
CONFIRME le jugement en ce qu’il :
– dit et juge que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,
– déboute Monsieur [Y] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice subi pour le non-respect de la priorité de réembauche,
– condamne la société Igor Sécurity Protection à délivrer à Monsieur [Y] un bulletin de paye de janvier 2020, ainsi que les documents de fin de contrat, et un bulletin de paye complémentaire reprenant les rappels de salaire et congés payés,
– condamne la société Igor Sécurity Protection en tous les frais et dépens, ainsi qu’à une indemnité de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– dit que les montants à caractère salarial porteront intérêts de retard à compter du 20 novembre 2020 ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant
DIT que les bulletins de paie et documents de fin de contrat seront établis au regard du présent arrêt ;
CONDAMNE la SAS Igor Sécurité Protection à verser à Monsieur [G] [Y] les sommes de :
– 4.152,81 € bruts à titre de rappels de salaire,
– 415,28 € bruts au titre des congés payés afférents,
– 1.833,36 € nets au titre du solde de l’indemnité légale de licenciement,
– 3.734,92 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 373,49 € bruts au titre des congés payés y afférents,
– 12.000 € bruts au titre du préjudice subi pour la perte d’emploi,
– 300 € nets de dommages et intérêts pour non-paiement du salaire ;
DEBOUTE Monsieur [G] [Y] de ses demandes :
– de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure,
– de dommages et intérêts pour non délivrance du bulletin de paie de janvier 2020,
– de liquidation de l’astreinte pour non délivrance du bulletin de paie de janvier 2020 ;
ORDONNE le remboursement par la SAS Igor Sécurité Protection à Pôle Emploi EST des indemnités de chômage versées le cas échéant à Monsieur [G] [Y] dans la limite de trois mois à compter de la rupture, sur le fondement des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail ;
CONDAMNE la SAS Igor Sécurité Protection aux entiers dépens des procédures de première instance et d’appel ;
-12-
CONDAMNE la SAS Igor Sécurité Protection à payer au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, pour la procédure d’appel, à la Selarl Rauch Majerle Avocats,
la somme de 2.000 €.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 11 août 2023, signé par Madame Christine DORSCH, Président de Chambre et Madame Martine THOMAS, Greffier.
Le Greffier Le Président