Rupture abusive du contrat de partenariat

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Rupture abusive du contrat de partenariat

La rupture de contrat de partenariat qui prend effet immédiatement est susceptible d’être sanctionnée par la rupture abusive de relations commerciales.  

L’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce

L’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (‘). Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l’absence de préavis écrit ou l’insuffisance de préavis.

La relation commerciale établie

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s’entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial.

Délai de préavis

Le délai de préavis doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné’

Préavis de six mois  

En l’espèce, il est établi que les relations commerciales entre les parties se sont instaurées à la fin de l’année 2009 et une exclusivité avait été stipulée. En conséquence, eu à égard à ces éléments, le préavis qui aurait dû être observé a été fixé à 6 mois.

Préjudice consécutif à la brutalité de la rupture

S’agissant du préjudice consécutif à la brutalité de la rupture, celui-ci est constitué du gain manqué pendant la période d’insuffisance du préavis et s’évalue donc en considération de la marge brute escomptée durant cette période.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 02 JUIN 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10919 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAAUT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS 04 – RG n° J201600033

APPELANTES

Madame [A] [N]

née le 17 janvier 1967 à MUNICH (ALLEMAGNE)

8, rue Pernelle

75004 PARIS

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Assistée de Me Mathilde LEFRANC-BARTHE de la SELARL W & S, avocat au barreau de PARIS, toque : L0215, avocat plaidant

SARL PERNELLE REAL ESTATE à associé unique, exerçant sous le sigle PRE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 511 254 187

56 rue de Verneuil

75007 PARIS

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Assistée de Me Mathilde LEFRANC-BARTHE de la SELARL W & S, avocat au barreau de PARIS, toque : L0215, avocat plaidant

SCP THEVENOT PARTNERS administrateurs judiciaires, agissant par Maître [G] [O] ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société PERNELLE REAL ESTATE

42, rue de Lisbonne

75008 PARIS

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Assistée de Me Mathilde LEFRANC-BARTHE de la SELARL W & S, avocat au barreau de PARIS, toque : L0215, avocat plaidant

SELARL ACTIS mandataires judiciaires, agissant par Maître [R] [U] ès

qualités de mandataire judiciaire de la société PERNELLE REAL ESTATE

4 rue Antoine Dubois

75006 PARIS

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Assistée par Me Mathilde LEFRANC-BARTHE de la SELARL W & S, avocat au barreau de PARIS, toque : L0215, avocat plaidant

INTIMES

Madame [J] [H] [C]

née le 24 Mars 1971 à MONTREAL (CANADA)

116 Stambaugh St REDWOOD CITY

CA 94063 ETATS-UNIS

Représentée par Me Arnaud GUYONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

Assistée de Me Claude MIZRAHI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0068, avocat plaidant

Madame [V] [L]

née le 1er avril 1961

2800 N Lake Shore Dr CHICAGO

IL 60657 ETATS- UNIS

Représentée par Me Arnaud GUYONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

Assistée de Me Claude MIZRAHI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0068, avocat plaidant

Monsieur [M] [S]

né le 24 juin 1976

8 rue Duvivier

75007 PARIS

Représenté par Me Arnaud GUYONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

Assisté de Me Claude MIZRAHI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0068, avocat plaidant

Société HEDDY & COMPANY société de droit américain prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

116 Stambaugh St REDWOOD CITY

CA 94063 ETATS-UNIS

Représentée par Me Arnaud GUYONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

Assistée de Me Claude MIZRAHI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0068, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 Novembre 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de la chambre Madame Nathalie RENARD, présidente de chambre

Madame Christine SOUDRY, conseillère chargée du rapport

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre et par Madame Yulia TREFILOVA, greffière à laquelle la minute de la présente décision a été remise par la magistrate signataire.

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FAITS ET PROCÉDURE :

La société Heddy & Company (ci-après société Heddy), société dont le siège social est situé dans l’Etat du Delaware (Etats-Unis), a été créée en 2005 par Mme [J] [H] [C].

La Société [C] & Company, société de droit français créée en 2006 par Mme [C], avait pour activité le conseil aux particuliers et aux entreprises, l’assistance à l’hébergement en France de personnes étrangères, la relocation et des activités d’estimation. Cette société a fait l’objet d’une radiation du registre du commerce et des sociétés en février 2013.

La société Pernelle Real Estate (ci-après société Pernelle), domiciliée 8 rue Pernelle à Paris 4èmepuis 56 rue de Verneuil à Paris 7ème, a été créée par Mme [A] [N] en 2009 et a pour activité la gestion d’immeubles et les transactions immobilières.

Mme [C], de nationalité canadienne et américaine, a exercé en qualité d’avocat au barreau de Californie. Elle a développé, après son arrivée en France en 2003, une activité de conseil auprès d’expatriés cherchant à investir ou à s’installer à Paris.

Le 22 juin 2006, Mme [C] a déposé à l’INPI la marque « Paris Property Finders » (PPF). La même année, elle a enregistré un nom de domaine pour le site internet « Parispropertyfinders.com ».

En 2007, Mme [C] a enregistré un nom de domaine pour les sites internet « Parispropertygroup.com » et « fractionalparis.com ».

De 2007 à fin 2009, Mme [C] a travaillé, par l’intermédiaire de la société [C] & Company, avec l’agence immobilière « Côté Acheteur » en lui concédant l’utilisation de la marque et du site internet PPF et en la mettant en relation avec des prospects.

Mme [C] a rencontré Mme [N] en 2007 par l’intermédiaire d’une amie commune. Mme [N], après avoir travaillé dans les finances, a souhaité travaillé dans l’immobilier à compter de 2008.

Selon une lettre d’accord du 25 février 2009, la société [C] & Company, utilisant la marque PPF, et Mme [A] [N] ont convenu que celle-ci apporterait son assistance à PPF dans le cadre de ses relations avec l’agence immobilière Côté Acheteur.

Mme [A] [N] a créé la société Pernelle Real Estate au mois d’avril 2009 et a obtenu l’habilitation pour devenir agent immobilier au mois de novembre de la même année.

C’est dans ces conditions que Mme [C] a cessé de travailler avec l’agence immobilière Côté Acheteur et a entrepris une collaboration avec la société Pernelle en lui concédant l’utilisation de la marque PPF et du site internet PPF.

Le 8 février 2011, Mme [C] a déposé à l’INPI la marque « Paris Property Group » (PPG) dont elle a consenti l’utilisation à la société Pernelle de même que le site internet PPG et le blog « This Paris Life ».

Le 14 août 2013, la société Pernelle et Mme [N] en son nom propre d’une part, et la société Heddy et Mme [C] en son nom propre d’autre part, ont conclu une « lettre d’accord » visant à redéfinir les conditions de leur collaboration dans le cadre des recherches et ventes de biens immobiliers en France.

Les bénéfices de la coopération devaient être répartis à 50 % pour la société Pernelle et 50 % pour la société Heddy, sauf pour la tranche comprise entre 200.001 euros et 300.000 euros pour laquelle les bénéfices devaient être répartis à 80 % pour la société Pernelle et à 20 % pour la société Heddy.

Une clause de non-concurrence d’une durée de cinq ans à partir de la résiliation du contrat de partenariat a été stipulée.

Au début de l’année 2015, des différends sont nés entre les parties au sujet de la répartition des bénéfices et du solde dû à la société Heddy au titre des exercices 2013 et 2014.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 mars 2015, la société Heddy a mis en demeure la société Pernelle de lui payer une somme de 60.909,89 euros au titre des factures suivantes :

facture n°109-2015-R d’un montant de 21.652,89 euros au titre du remboursement de frais,

facture n°110-2015-R d’un montant de 9.699 euros au titre du solde dû pour l’année 2013,

facture n°111-2015-R d’un montant de 29.558 euros au titre du solde dû pour l’année 2014.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 27 mars 2015, la société Pernelle a contesté les sommes réclamées et a constaté la résiliation de la lettre d’intention à l’issue de l’exercice 2014 ainsi que la fin de toute collaboration avec la société Heddy à compter du 10 avril 2015.

Par ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Paris du 22 octobre 2015, la société Heddy a obtenu la désignation d’un huissier de justice aux fins de se rendre au siège social de la société Pernelle pour se faire remettre des documents de nature à établir des éléments de preuve concernant des faits de parasitisme et de violation de la clause de non-concurrence qu’elle dénonçait.

Un procès-verbal de constat a été établi le 17 novembre 2015.

Par arrêt du 25 octobre 2017, la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 25 mars 2016 ayant rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance du 22 octobre 2015.

Par acte en date du 22 décembre 2015 (RG n° 20016001629), la société Heddy et Mme [C] ont assigné la société Pernelle et Mme [N] devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de les voir condamner au paiement des sommes dues en vertu de l’accord de partenariat du 14 août 2013, d’une indemnité en réparation du préjudice subi à la suite de la résiliation de cet accord et d’une indemnité en raison de la violation de la clause de non-concurrence ainsi que de voir cesser tout acte de concurrence déloyale.

Par actes des 15 et 19 avril 2016 (RG n° 2016026803), la société Pernelle a assigné en intervention forcée Mme [V] [L] et M. [M] [S], collaborateurs de Mme [C], devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de les voir condamner à lui verser les sommes suivantes :

—  200.000 euros à titre de dommages et intérêts pour faits de concurrence déloyale, dénigrement et entrave ;

— de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, du fait du dénigrement reproché.

Par jugement du 13 mars 2017, le tribunal de commerce de Paris a joint les causes RG n° 20016001629 et RG n° 2016026803 sous le numéro de RG J2016000336 et a enjoint à la société Pernelle de produire un bilan certifié conforme « pro-forma » des trois premiers trimestres de l’exercice 2015 de la société Pernelle, pour les opérations immobilières qui ont été engagées avant le 27 mars 2015 et qui ont été dénouées avant le 1 er septembre 2015, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à partir de 60 jours suivant la date du jugement, et ce pendant une durée de 30 jours.

Par jugement du 18 avril 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

— Joint la cause RG : 2017037694 à la cause RG : J2016000336 et statué par un seul et même jugement ;

— Débouté la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] de sa demande d’irrecevabilité et de débouté des demandes principales de la société de droit américain Heddy & Company et de Mme [J] [H] [C] ;

— Débouté la SARL Pemelle Real Estate et Mme [A] [N] de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles;

— Condamné solidairement la SARL Pemelle Real Estate et Mme [A] [N] à payer à la société de droit américain Heddy & Company et à Mme [J] [H] [C] au titre des années 2013 et 2014 la somme de 88.800,02 euros, augmentée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 9 mars 2015 ;

— Condamné solidairement la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] à payer à la société de droit américain Heddy & Company et à Mme [J] [H] [C] au titre de l’année 2015 la somme de 79.211 euros, augmentée des intérêts légaux à compter de l’assignation du 22 décembre 2015 ;

— Condamné in solidum la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N], en réparation du préjudice subi à la suite de la résiliation brutale de l’accord de partenariat du 14 août 2013, à payer à la société de droit américain Heddy & Company et Mme [J] [H] [C] la somme de 40.000 euros ;

— Condamné in solidum la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] à payer la somme de 50.000 euros à la société de droit américain Heddy & Company et Mme [J] [H] [C] en réparation du préjudice d’actes de concurrence déloyale ;

— Condamné la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] au paiement in solidum de la somme de 15.000 euros à la société de droit américain Heddy & Company et à Mme [J] [H] [C] au titre de la liquidation de l’astreinte ordonnée par le jugement de ce tribunal en date du 13 mars 2017 ;

— Débouté la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] de leurs demandes à l’encontre de Mme [V] [L] et de M. [M] [S] ;

— Débouté Mme [V] [L] et de M. [M] [S] de leurs demandes de dommages et intérêts ;

— Condamné in solidum la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] à payer les sommes de 10.000 euros à la société de droit américain Heddy & Company et de 5.000 euros à Mme [J] [H] [C] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamné in solidum la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] à payer les sommes de 1.000 euros à Mme [V] [L] et de 1.000 euros à M. [M] [S] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Ordonné l’exécution provisoire ;

— Débouté toutes les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

— Condamné solidairement la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 169,16 euros dont 27,98 euros de TVA.

Par jugement du 14 mai 2019, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde à l’encontre de la société Pernelle et a désigné la SCP Thévenot Partners Administrateurs Judiciaires en la personne de Me [G] [O] en qualité d’administrateur et la SELARL Actis Mandataires judiciaires en la personne de Me [R] [U] en qualité de mandataire judiciaire.

Par déclaration du 23 mai 2019, la société Pernelle, la SCP Thevenot Partners agisant en qualité d’administrateur judiciaire de la société Pernelle, la SELARL Actis agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Pernelle ainsi que Mme [N] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :

— Débouté la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] de sa demande d’irrecevabilité et de débouté des demandes principales de la société de droit américain Heddy & Company et de Mme [J] [H] [C] ;

— Débouté la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles ;

— Condamné solidairement la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] à payer, à la société de droit américain Heddy & Company et à Mme [J] [H] [C] au titre des années 2013 et 2014 la somme de 88.800,02 euros, augmentée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 9 mars 2015 ;

— Condamné solidairement la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] à payer à la société de droit américain Heddy & Company et à Mme [J] [H] [C] au titre de l’année 2015 la somme de 79.211 euros, augmentée des intérêts légaux à compter de l’assignation du 22 décembre 2015 ;

— Condamné in solidum la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N], en réparation du préjudice subi à la suite de la résiliation brutale de l’accord de partenariat du 14 août 2013, à payer à la société de droit américain Heddy & Company et Mme [J] [H] [C] la somme de 40.000 euros ;

— Condamné in solidum la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] à payer la somme de 50.000 euros à la société de droit américain Heddy & Company et Mme [J] [H] [C] en réparation du préjudice subi du fait d’actes de concurrence déloyale ;

— Condamné la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] au paiement in solidum de la somme de 15.000 euros à la société de droit américain Heddy & Company et à Mme [J] [H] [C] au titre de la liquidation de l’astreinte ordonnée par le jugement de ce tribunal en date du 13 mars 2017 ;

— Débouté la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] de leurs demandes à l’encontre de Mme [V] [L] et de M. [M] [S] ;

— Condamné in solidum la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] à payer les sommes de 10.000 euros à la société de droit américain Heddy & COMPANY et de 5.000 euros à Mme [J] J [H] [C] au titre de l’article 700 du code de procédure ;

— Condamné in solidum la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] à payer les sommes de 1.000 euros à Mme [V] [L] et de 1.000 euros à M. [M] [S] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement ;

— Débouté toutes les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires », mais uniquement lorsqu’il déboute la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] de leurs demandes ;

— Condamné solidairement la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 169,16 euros dont 27,98 euros de TVA.

Par jugement du 21 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de sauvegarde, désigné Mme [N] comme tenue d’exécuter le plan d’une durée de 8 ans, désigné SCP Thévenot Partners Administrateurs Judiciaires en la personne de Me [G] [O] commissaire à l’exécution du plan, mis fin à la mission de SCP Thévenot Partners Administrateurs Judiciaires en la personne de Me [G] [O] Administrateur, et maintenu la SELARL Actis Mandataires judiciaires en la personne de Me [R] [U], Mandataire judiciaire.

Par ordonnance sur incident du 28 mai 2020, le conseiller de la mise en état a :

— Dit que l’exécution du jugement entrepris entraînerait pour les appelantes des conséquences manifestement excessives ;

— Dit n’y avoir lieu à ordonner la radiation de l’affaire ;

— Réservé les frais et dépens.

Prétentions et moyens des parties

Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 16 novembre 2021, la société Pernelle, la société Thevenot ès qualités d’administrateur judiciaire de la société Pernelle, la société Actis ès qualités de mandataire judiciaire de la société Pernelle, ainsi que Mme [N] demandent à la cour de :

Vu les articles 1er et suivants de la loi 70-9 du 2 janvier 1970,

Vu les articles 1128, 1162, 1188 et suivants et 1832 al.1 du code civil,

Vu les articles 5, 31, 125 alinéas 1 et 2, 700, 960 et 961 du code de procédure civile,

Vu les articles L.223-22 et 442-6, I, 5° du code de commerce,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Vu l’article 32-1 du code de procédure civile,

A titre préalable :

— Déclarer irrecevables, sur le fondement des dispositions des articles 960 et 961 du code de procédure civile, les conclusions de la société Heddy et de Mme [C], de Mme [L] et de M. [S], pour cause de défaut de mention du siège social et des domiciles réels ;

— Constater qu’elle n’est saisie d’aucune prétention émanant des intimés au titre de l’application de la clause de non-concurrence ;

Et,

— Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 18 avril 2019 en ce qu’il a débouté la société Heddy et Mme [J] [C] de leurs demandes au titre de la clause de non-concurrence ;

— Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 18 avril 2019 en ses autres dispositions.

Statuant à nouveau,

A titre principal :

— Dire et juger que Mme [J] [C] et la société Heddy exercent une activité d’entremise immobilière sans y être autorisées ;

— Dire et juger que Mme [J] [C] et la société Heddy sont, par conséquent, irrecevables en leurs demandes ;

Subsidiairement :

— Rejeter l’ensemble des demandes formées à l’encontre de Mme [A] [N] et la société Pernelle comme étant mal fondées ;

Par conséquent,

— A titre principal, juger que la lettre d’accord est nulle et condamner solidairement Mme [J] [C] et la société Heddy à verser à la société Pernelle la somme de 37.379,36 euros au titre du trop-perçu, avec intérêt à compter de l’assignation ;

— A titre subsidiaire, si la lettre d’accord devait être jugée valable, juger que le partage prévu dans cette lettre porte sur 50% du résultat fiscal de Pernelle, sans retraitement des rémunérations de la gérance, et condamner solidairement Mme [J] [C] et la société Heddy à payer à la société Pernelle la somme de 46.874,36 euros au titre du trop-perçu, avec intérêt à compter de l’assignation ;

— A titre très subsidiaire, condamner solidairement Mme [J] [C] et la société Heddy à payer à la société Pernelle la somme de 31.061,36 euros au titre du trop-perçu, avec intérêt à compter de l’assignation ;

— A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait adopter une interprétation maximaliste de la Lettre d’Accord, juger que le montant encore dû par les appelantes ne saurait dépasser la somme de 63.037,14 euros ;

A titre reconventionnel :

— Juger que Mme [C] et la société Heddy ont violé leur obligation de non-concurrence et les condamner solidairement à payer à la société Pernelle la somme de 220.000 euros, au titre de la violation de l’obligation de non-concurrence, avec intérêts à compter de l’assignation ;

— Juger que [J] [C], la société Heddy, [V] [L] et [M] [S] ont commis des actes de concurrence déloyale et de dénigrement et les condamner solidairement à payer à la société Pernelle la somme de 200.000 euros, avec intérêts légaux à compter de l’arrêt à intervenir et à payer la somme de 20.000 euros à Mme [A] [N] en réparation de son préjudice moral;

— Ordonner à Mme [J] [C], la société Heddy, Mme [V] [L] et M. [M] [S], solidairement entre eux, et sans délai :

De restituer à la société Pernelle : (i) l’accès aux archives mails de la société Pernelle et (ii) la qualité exclusive d’administrateur afférente, sous astreinte de 1.000 euros par jour calendaire de retard ;

De restituer à la société Pernelle : (i) l’accès au compte MailChimp et (ii) la qualité exclusive d’administrateur afférente, sous astreinte de 1.000 euros par jour calendaire de retard ;

De procéder au retrait des références aux opérations faites sous mandat de la société Pernelle, sur le site internet « Paris Property Group » et sur tous les autres supports ; sous astreinte de 150 euros par infraction et par jour calendaire de retard.

— Interdire solidairement à Mme [J] [C], la société Heddy, Mme [V] [L] et M. [M] [S], tout usage de la ligne téléphonique et de la ligne télécopie exploitées par la société Pernelle jusqu’au 27 mars 2015 : +33 9 75 18 18 99 (FR) et +33 1 72 77 00 39 (FR), + (917) 779-9950 (US) et numéro de fax : +33 1 72 70 38 69), sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée ;

— Ordonner solidairement à Mme [J] [C], la société Heddy, Mme [V] [L] et M. [M] [S] de justifier de la résiliation de la ligne téléphonique et de la ligne télécopie susvisées, sous astreinte de 1.000 euros par infraction et par jour calendaire de retard ;

— Ordonner solidairement à Mme [J] [C], la société Heddy, Mme [V] [L] et M. [M] [S] la suppression de tous les articles inclus entre le 1er janvier 2013 et le 27 mars 2015 sur le blog Paris Property Group, en ce compris les articles inclus postérieurement par Mme [J] [C], mais que la société Pernelle a commandés et payés ; sous astreinte de 500 euros par jour calendaire ;

— Ordonner aux frais de Mme [J] [C], la société Heddy, Mme [V] [L] et M. [M] [S], solidairement entre eux et dans la limite d’un montant total de 15.000 euros, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ou par jour manquant :

La publication d’un extrait de l’arrêt à intervenir, dans deux publications professionnelles et dans un support national généraliste disposant d’un contenu notoire en matière de vente immobilière, choisis par la société Pernelle.

La publication d’un extrait de l’arrêt à intervenir, pour une durée de 90 jours sur la page « accueil » du site Paris Property Group, sans que l’encart puisse occuper moins de 50 % de la surface de ladite page d’accueil.

En tout état de cause :

— Condamner solidairement Mme [J] [C], la société Heddy, Mme [V] [L] et M. [M] [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction entre les mains de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, représentée par Me Matthieu Boccon-Gibod ;

— Condamner solidairement Mme [J] [C], la société Heddy, Mme [V] [L] et M. [M] [S] à verser à Mme [A] [N] et à la société Pernelle respectivement les sommes de 30.000 euros et 70.000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner solidairement Mme [J] [C], la société Heddy, Mme [V] [L] et M. [M] [S] à verser à Mme [A] [N] et à la société Pernelle la somme de 15.000 euros au titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile;

— Condamner solidairement Mme [J] [C], la société Heddy, Mme [V] [L] et M. [M] [S] à payer une amende civile sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 18 novembre 2021, la société Heddy, Mme [C], Mme [L] et M. [S] demandent à la cour de :

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil,

Vu l’article anciennement 1382 du code civil,

Vu les articles 32-1, 700 du code de procédure civile,

Vu l’article L.622-28 du code de commerce,

— Débouter les appelants de leur moyen d’irrecevabilité invoqué sur le fondement des articles 960 et 961 du code de procédure civile;

— Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 avril 2019 en ce qu’il a débouté Heddy et Mme [C] de leurs demandes au titre de la clause de non-concurrence ;

— Dire et juger que les conclusions de Mme [L] et [E] sont recevables ;

— Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 avril 2019 en toutes ses autres dispositions ;

— Condamner solidairement la société Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction s’agissant des dépens d’appel au profit du Cabinet SCP AFG, représenté par Me Arnaud Guyonnet, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

— Rejeter la demande formée sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

— Condamner la société Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] au paiement in solidum de la somme de 50.000 euros à la société Heddy & Company, de 40.000 euros à Mme [J] [H] [C], de 10.000 euros à M. [M] [S] et de 10.000 euros à Mme [V] [L] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 novembre 2021.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de l’inobservation des dispositions de l’article 960 du code de procédure civile

Mme [N] et la société Pernelle se prévalent des dispositions de l’article 960 du code de procédure civile, qui précise les mentions obligatoires à la constitution d’avocat par l’intimé, les personnes physiques devant indiquer le lieu de leur domicile et les personnes morales devant indiquer le lieu de leur siège social, et de celles de l’article 961 du même code, qui ajoute notamment, par renvoi, que les conclusions « ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l’alinéa 2 de l’article précédent n’ont pas été fournies ».

Elles font valoir que les conclusions d’intimées ne comportent ni la mention du siège social réel de la société Heddy ni la mention du domicile réel de Mme [L]. Elles ajoutent que les intimés ne peuvent déclarer comme seule adresse l’adresse de leur conseil.

Elles soutiennent que ces irrégularités leur font grief parce qu’en dissimulant leur adresse, les intimés rendent impossible toute possibilité d’exécuter une décision qui serait rendue en leur faveur.

Les intimés répliquent avoir mentionné leur adresse dans leurs dernières conclusions et qu’aucun grief résultant de l’irrégularité dénoncée n’est démontré.

Par application des dispositions des articles 960 et 961 du code de procédure civile sont déclarées irrecevables les conclusions d’une partie ne mentionnant pas son domicile actuel.

Cette fin de non-recevoir tend à la sauvegarde des droits des parties laquelle est assurée par la communication des indications mentionnées à l’alinéa 2 de l’article 961 avant que le juge ne statue.

En l’espèce, les dernières conclusions des intimés font état de leur domicile actuel de sorte que la fin de non-recevoir soulevée ne peut être accueillie.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir

Les sociétés appelantes se prévalent de l’absence d’intérêt à agir de Mme [C] et de la société Heddy en faisant valoir que leur action contreviendrait aux dispositions de la loi Hoguet. Elles estiment en effet que Mme [C] et la société Heddy auraient exercé une activité d’entremise immobilière sans être domiciliées en France, sans être titulaires d’une carte professionnelle, d’une garantie financière, d’une assurance responsabilité professionnelle.

Mme [C] et la société Heddy répliquent que leur activité s’est limitée à apporter à la société Pernelle l’utilisation de noms de domaines, de sites internet, de prospects, de partenaires, de marques, de contrats et d’une expertise en marketing, communication, relations publiques et juridique. Mme [C] dénie avoir pris en charge des clients, fait procéder à des visites d’appartement, négocié des offres, signé des documents.

Selon l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention.

Les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet, qui, en son article 1er, détermine son champ d’application, prévoient qu’elle s’applique aux personnes physiques ou morales qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives, notamment, à l’achat, la vente, la recherche, l’échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d’immeubles bâtis ou non bâtis.

Il est constant que Mme [C] et la société Heddy agissent sur le fondement d’un acte juridique dénommé « lettre d’accord » conclu le 14 août 2013. Au terme de cet acte, les parties sont convenues de collaborer dans le cadre de recherches et de ventes de biens immobiliers en France en faisant des apports exclusifs et en se répartissant les bénéfices après déduction des frais engagés par les parties. Ainsi PPG s’est engagé à apporter : « Le nom de domaine www.parispropertygroup.com ainsi que le site web et le blog (This Paris Life) s’y rapportant, le nom de domaine www.fractionalparis.com et le site web s’y rapportant, les prospects, les partenaires et les sources de prospection de Paris Property Group inhérents à l’activité, les logos et marques protégés PPG, et notamment, entre autres, Paris Property Finders, Paris Property Group et Fractional Paris, les contrats, le matériel marketing PPG liés à l’activité ainsi que l’expertise juridique PPG en matière juridique. » et PRE a apporté : « La licence de courtage pour l’activité, le bail commercial de la boutique située 56 rue de Verneuil, 75007 Paris, la gestion et la supervision des tâches journalières courantes inhérentes à l’activité ».

Il résulte de ces stipulations que le rôle de Mme [C] et la société Heddy dans le cadre de l’activité de recherche et de vente de biens immobiliers en France se limitait à mettre à disposition de la société Pernelle leur savoir-faire en marketing et en communication, dont un site internet, ainsi que leur réseau de clients, de prospects et de professionnels de l’immobilier. Il n’est pas discuté que Mme [C] et la société Heddy n’intervenaient pas dans la prise en charge des clients et que cette prise en charge était assurée par la société Pernelle. En outre, la rémunération de la société Heddy consistait non pas en un pourcentage de la commission due à la société Pernelle mais en un partage des résultats de l’activité déduction faite des frais assumés par chacune des parties. Ainsi les prestations de la société Heddy et de Mme [C] se situaient bien en amont de toute opération immobilière particulière.

Dans ces conditions, la loi du 2 janvier 1970 n’a pas vocation à s’appliquer. En conséquence, tant Mme [C] que la société Heddy disposent d’un intérêt légitime à agir et leurs demandes seront déclarées recevables.

Sur l’accord du 14 août 2013

Sur la nullité

Mme [N] et la société Pernelle invoquent la nullité de la lettre d’accord du 14 août 2013 en affirmant qu’elle avait pour objet la mise en place d’une activité illicite puisqu’elle visait à permettre à la société Heddy d’exercer une activité d’entremise immobilière qui lui était interdite. Elles ajoutent qu’en tout état de cause, cet accord tendait à la conclusion d’un contrat de société qui aurait été nul en raison d’apports fictifs réalisés par Mme [C] et la société Heddy.

L’accord litigieux ayant été conclu le 14 août 2013, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, les dispositions issues de cette ordonnance ne sont pas applicables au litige.

Selon l’article 1128 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions.

Par ailleurs, l’article 1131 du code civil prévoit que l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir d’effet.

Ainsi qu’il a été énoncé ci-dessus la lettre d’accord litigieuse ne contrevient pas aux dispositions de la loi Hoguet. Dès lors, aucune nullité n’est encourue de ce chef.

Mme [N] et la société Pernelle prétendent encore que les apports en société de la société Heddy et de Mme [C], tels qu’énoncés dans la lettre d’accord du 14 août 2013, étaient fictifs, ce qui entraînerait la nullité du contrat de société.

Outre le fait que la lettre d’accord du 14 août 2013 ne constitue pas un contrat de société faute d’affectio societatis, il résulte des pièces versées aux débats que les moyens mis à disposition par la société Heddy et Mme [C] (utilisation de marques, de logos, de sites internet, d’un blog, mise à disposition d’un savoir-faire en matière de marketing et juridique) étaient réels.

Aucune nullité ne peut être prononcée de ce chef.

Sur la qualification

La société Pernelle et Mme [N] affirment que la lettre d’accord du 14 août 2013 ne constitue qu’un avant-contrat et que l’exécution des obligations qui y sont énoncées à la charge des parties étaient subordonnée à la conclusion d’un accord définitif.

Toutefois si l’accord litigieux indique dans un dernier paragraphe que : « L’intention des Parties est que l’ensemble des termes de la présente Lettre feront l’objet d’un contrat définitif, en bonne et due forme, entre PPG et PRE, contenant toutes les dispositions légales habituelles, y compris un contrat d’achat-vente et une formule d’estimation. », il n’en demeure pas moins que la lettre d’accord contient des obligations précises à la charge de chacune des parties (apports, répartition des frais, répartition des bénéfices’) dont la prise d’effet n’a aucunement été reportée à la signature d’un contrat définitif. L’article 8 de la lettre d’accord précise d’ailleurs que « La présente lettre représente le seul accord ayant force obligatoire entre les parties, à l’exclusion de tout autre déclaration, engagement ou incitation, verbale ou écrite. »

Dès lors, la lettre d’accord ne constitue pas un avant-contrat mais bien un contrat ayant force obligatoire entre les parties.

Sur l’exécution

Sur la demande en paiement

En exécution de l’accord du 14 août 2013, la société Heddy et Mme [C] revendiquent le paiement des sommes suivantes :

62.007 euros au titre du partage des bénéfices de l’exercice 2013 dont à déduire l’avance de 40.000 euros déjà perçue,

21.652,89 euros au titre des dépenses engagées par la société Heddy et Mme [C],

83.866,50 euros au titre du partage des bénéfices de l’exercice 2014 dont à déduire l’avance de 40.000 euros déjà perçue,

1.273,63 euros au titre des dépenses engagées par la société Heddy et Mme [C],

79.211 euros au titre du partage des bénéfices de l’exercice 2015.

Mme [N] et la société Pernelle contestent les demandes en paiement adverses. Elles considèrent que l’accord doit être interprété comme portant sur un partage du résultat fiscal de la société Pernelle et qu’il convient ainsi de déduire la rémunération de la gérante. En tout état de cause, elles estiment que le partage des résultats ne doit porter que sur les opérations réalisées à partir du site internet et non sur la totalité des résultats de la société Pernelle.

L’article 2 de la lettre d’accord, relatif aux frais, prévoit que :

« Aux fins du présent Accord, le terme Frais désigne les frais suivants encourus le ou après le ler janvier 2013 :

a. Les salaires, les loyers, les frais de matériel marketing, les frais de service public, les frais de publicité, les frais de maintenance et d’optimisation du site web, les frais de maintenance du nom de domaine, les commissions versées à des tiers, les frais de déplacement, de divertissement ou les frais liés à la Collaboration ; et

b. Les autres frais qui sont des frais courants et ordinaires liés à la participation des Parties à la Collaboration, et notamment les frais de promotion, gestion et maintien de la Collaboration et/ou les frais liés à l’Apport de chacune des Parties à la Collaboration.

Chaque Partie assumera les frais pour la Collaboration à sa discrétion. Ceci dit, ni l’une ni l’autre partie n’assumera de Frais supérieur à 5000 euros sans l’approbation expresse de l’autre Partie. »

L’article 3 relatifs à la répartition des bénéfices entre les parties précise que :

« Aux ‘ns du présent Accord, le terme « Bénéfices» désigne les revenus nets de la Collaboration, avant les impôts personnels et les charges sociales, mais après les Frais.

a. Les Parties conviennent que leur Collaboration sera régie par le principe suivant :

1. PRE s’engage à assurer la supervision quotidienne et les opérations liées à la Collaboration ; et

2. PPG s’engage à exercer un rôle de conseil dans le cadre de la Collaboration, notamment en ce qui concerne l’obligation de mettre en place le système d’approvisionnement des contenus et d’assurer la continuité générale du blog.

Les Béné’ces seront répartis comme suit:

Jusqu’à 200.000 euros de Béné’ces : partagés 50%/50% entre PPG et PRE

Entre 200.001 et 300.000 euros: 80% PRE, 20% PPG, afin de compenser PRE pour son apport journalier à la Collaboration

A partir de 300.001 euros : partagés 50°/50% entre PPG et PRE

b Au cas où PRE cesserait d’assurer la supervision quotidienne et les opérations liées à la Collaboration, les Parties conviennent que les bénéfices seront répartis à 50%/50% entre les Parties à partir du premier euro. »

Il résulte de ces stipulations que le terme « bénéfice » ne correspond pas au résultat fiscal de la société Pernelle et que la rémunération de la gérante de la société Pernelle ne peut être comprise dans les frais exposés au titre de la collaboration dès lors que Mme [N], comme Mme [C], avait vocation à prétendre aux bénéfices tirés de la collaboration de sorte qu’elle ne pouvait cumuler la répartition aux bénéfices et une rémunération de gérante. Il sera en outre précisé que l’apport journalier à la collaboration faisait partie des apports de Mme [N]. Enfin à aucun moment il n’est spécifié dans l’accord que le partage des bénéfices est limité aux opérations réalisées à partir du site internet mis à disposition par la société Heddy et Mme [C]. Il sera encore relevé que dans un courriel du 29 novembre 2014, Mme [N] indiquait à Mme [C] que toute l’activité immobilière de Pernelle ‘ la gestion de biens ainsi que les ventes et recherches immobilières ‘ faisait partie de l’accord.

Il ressort également des courriels produits aux débats que Mme [N] a reconnu l’engagement de frais par Mme [C] et la société Heddy d’un montant de 20.379,27 euros pour l’exercice 2013 et de 1.273,63 euros pour l’exercice 2014. Il convient en conséquence de faire droit à la demande en paiement de ces chefs.

Contrairement à ce que soutiennent Mme [C] et la société Heddy, il n’est aucunement démontré que lesdits frais ont été intégrés dans les exercices comptables de la société Pernelle au titre des années 2013 et 2014. Dès lors, ils convient de les déduire desdits comptes afin de déterminer le bénéfice à répartir entre les parties au titre de ces années.

Au vu des documents comptables produits aux débats, les bénéfices à répartir doivent être calculés comme suit :

Exercice 2013 :

Chiffre d’affaires : 285.660 euros

Dont à déduire : Achats de matière première : -25

Autres achats et charges externes (sous-traitance, location, rémunérations d’intermédiaires, autres comptes) : – 199.279

Dotation d’exploitation sur immobilisation : -2.342

Frais Mme [C]/Heddy : – 20.379,27 euros

Dont à ajouter la rémunération versée à Heddy et Mme [C] incluse dans le montant de 199.279 euros : + 40.000

Total des bénéfices à répartir 50%/50% : 103.635 euros/2= 51.817,50 euros dont à déduire la provision déjà perçue de 40.000 euros, soit un solde dû de 11.817,50 euros.

Exercice 2014 :

Chiffre d’affaires : 353.761 euros

Dont à déduire :Autres achats et charges externes (sous-traitance, location, rémunérations d’intermédiaires, autres comptes) : – 222.749 euros

Dotation d’exploitation sur immobilisation -3.279 euros

Frais Mme [C]/Heddy : -1.273,63 euros

Rémunération versée à Heddy et Mme [C] + 40.000 euros

Total des bénéfices à répartir 50%/50% : 166.460 euros/2=83.230 euros dont à déduire la provision déjà perçue de 40.000 euros, soit un solde dû de 43.230 euros.

Exercice 2015 :

Selon l’expert-comptable de la société Pernelle, le bénéfice à partager s’est élevé en 2015 (pour la période du 1er janvier au 31 août 2015) étant précisé qu’il a été admis que toutes les opérations réalisées au premier semestre 2015 ont une origine antérieure au 30 mars 2015, date de la résiliation de la lettre d’accord du 14 août 2013 à 158.423 euros, soit 79.211 euros chacune.

En conséquence, les créances à ces titres seront fixées dans les termes du dispositif.

Les autres demandes seront rejetées.

Sur la clause de non-concurrence

Il sera relevé que Mme [C] et la société Heddy revendiquent l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il les a déboutées de leurs demandes au titre de la clause de non-concurrence sans toutefois indiquer, dans le dispositif de leurs conclusions qui seul lie la cour, de prétention correspondante.

Dans ces conditions, la cour n’étant saisie d’aucune prétention, il n’y a pas lieu de statuer de ce chef.

Sur la concurrence déloyale

La société Heddy et Mme [C] reprochent à la société Pernelle et Mme [N] divers actes de concurrence déloyale.

Actes de dénigrement

Le dénigrement consiste en la divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent.

Contrairement à ce que soutiennent les intimées, aucun propos malveillant ne résulte du courriel adressé par Mme [N] le 3 avril 2015 à la société Paris Perfect rédigé ainsi qu’il suit :

« Bonjour,

A la suite d’une rupture de service totalement indépendante de notre volonté, notre hébergeur n’est plus en mesure de nous transférer les emails adressés à nos anciennes adresses «@parispropertygroup.com ».

Par ce fait, nous n’avons pas reçu vos courriels depuis le lundi 30 mars à 9h, heures locales. Nous vous prions de nous excuser pour ce désagrément et vous saurions gré de supprimer ces adresses invalides et de transmettre vos derniers messages à nos nouvelles adresses désormais en place (voir l’ensemble des coordonnées ci-dessous).

Nous avons par ailleurs cessé notre collaboration avec la marque Paris Property Group, qui n’est plus habilitée à se prévaloir des services et produits que nous vous proposons.

Aujourd’hui, nous avons le plaisir de vous informer que si nos prestations restent inchangées, nos services vont évoluer pour encore mieux se rapprocher de la demande de nos clients et de nos partenaires.

Comme vous pouvez le constater, nous avons adopté un nouveau nom, 56Paris ®, et vous ferons bientôt découvrir un nouveau site plus pratique, plus intuitif, au graphisme encore plus agréable et facilement consultable par terminaux mobiles.

Vous pouvez évidemment toujours nous joindre sur les numéros mobiles habituels et nous sommes heureux de continuer à vous accueillir dans notre agence du 56 , rue de Verneuil, 75007 Paris »

La demande en responsabilité de ce chef sera donc écartée.

Actes de désorganisation

Mme [C] et la société Heddy reprochent à Mme [N] et la société Pernelle d’avoir revendiqué la propriété du compte « mailchimp », site de publipostage, et d’en avoir bloqué l’accès. Elles affirment que ce compte contenait tous les clients et prospects apportés dans le cadre de la lettre d’accord et que Mme [C] détenait les droits d’administrateur du compte.

Mme [N] et la société Pernelle prétendent que le compte « mailchimp » est la propriété de la société Pernelle, qu’il contient tous les clients et prospects auxquels était adressée une lettre d’information mensuelle, que ce compte avait été ouvert par Mme [D] [X], salariée de la société Pernelle qui en avait les droits d’administrateur, et que les factures du compte étaient payées par la société Pernelle.

Il résulte des pièces versées aux débats que le compte « mailchimp » a été créé au mois de novembre 2013 par Mme [D] [X], salariée de la société Pernelle, et que les factures au titre de ce compte étaient payées par la société Pernelle. Toutefois il est également établi que le compte était dénommé « Parispropertygroup », marque appartenant à Mme [C], que cette dernière en détenait depuis l’origine les droits d’administrateur et que ce compte a été alimenté, à l’origine, avec les bases de données de clients et prospects apportés par Mme [C] à la collaboration.

En conséquence, eu égard au litige opposant les parties quant à la propriété de ce compte « Mailchimp » à l’occasion de la rupture des relations, la revendication de droits sur ce compte par la société Pernelle ne peut être constitutif d’un acte de concurrence déloyale.

Mme [C] et la société Heddy font encore grief à Mme [N] et la société Pernelle d’avoir détourné leur clientèle.

Mme [N] et la société Pernelle dénient ces allégations.

La concurrence déloyale suppose une faute au sens de l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable au litige.

En l’espèce, Mme [C] et la société Heddy produisent un constat d’huissier du 17 novembre 2015 qui ferait ressortir qu’après la rupture du partenariat, la société Pernelle aurait conservé 761 des 1231 de leurs clients et prospects et 17 des 40 apporteurs d’affaires. Toutefois en l’absence de production du fichier initial des clients et prospects de Mme [C] et de la société Heddy, le détournement de clientèle allégué n’est pas caractérisé.

Par ailleurs, le seul courriel de Mme [K] [Y] à Mme [F] [P] du 29 octobre 2015 ne peut être constitutif d’un détournement de client dès lors qu’aucun procédé déloyal n’est établi. Le seul contact avec un client de Mme [C] et de la société Heddy n’est pas répréhensible eu égard à la liberté du commerce et de l’industrie.

Actes de parasitisme

Mme [C] et la société Heddy invoquent des actes de parasitisme à l’encontre de Mme [N] et la société Pernelle qui les contestent.

Le parasitisme est le fait, pour un professionnel, de se placer dans le sillage d’un concurrent et de tirer profit, sans contrepartie, du fruit de ses investissements et de son travail ou de sa renommée ‘ sans porter atteinte à un droit privatif ‘, en réalisant ainsi des économies considérées comme injustifiées.

A l’appui de leurs allégations, Mme [C] et la société Heddy produisent des échanges de courriels du mois de juin 2015 entre Mme [K] [Y], collaboratrice de la société Pernelle, et Mme [B] [T], ancienne cliente d’un apporteur d’affaires de la société Heddy. Toutefois ces échanges de courriels ne démontrent aucune utilisation illégitime et intéressée d’une valeur économique de la société Heddy, fruit d’un savoir-faire spécifique et d’un travail intellectuel. Mme [C] et la société Heddy se prévalent encore d’un constat d’huissier du 10 septembre 2015. Néanmoins le fait qu’un client du site internet 56Paris mentionne une vente réalisée sous l’enseigne Paris Property Group ou que des photographies de ventes réalisées sous l’enseigne Paris Property Group figurent sur ce site ne peut constituer des actes de parasitisme alors qu’il est constant que ces ventes ont été effectuées à l’occasion de la collaboration entre les parties. Enfin l’utilisation par la société Pernelle de mandats de vente qui ne présentent aucune spécificité ni savoir-faire ou travail intellectuel particulier ne peut être retenu à son encontre comme constitutif d’un acte de parasitisme.

En conséquence, l’action en responsabilité de Mme [C] et de la société Heddy à l’encontre de Mme [N] et de la société Pernelle pour des actes de concurrence déloyale sera rejetée et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la rupture brutale des relations commerciales

La société Heddy et Mme [C] revendiquent le paiement d’une indemnité de 40.000 euros sur le fondement de l’article L 442-6 du code de commerce en alléguant que la société Pernelle et Mme [N] ont rompu brutalement les relations commerciales qui les liaient. Elles estiment qu’un préavis de six mois aurait dû être observé compte tenu de l’ancienneté de la relation et de l’exclusivité accordée.

Les intimées répliquent que les relations étaient précaires (flux financiers et volumes d’affaires irréguliers, accord qui devait être suivi d’un accord définitif’), que la rupture était prévisible compte tenu du désaccord croissant entre les parties, que Mme [C] et la société Heddy ont commis des fautes à l’origine de la rupture et qu’en tout état de cause, le préavis de 15 jours accordé était suffisant.

L’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (‘). Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s’entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial.

En l’espèce, il ressort de ce qui précède que Mme [C] et la société Heddy ont commencé une relation d’affaires avec Mme [N] et la société Pernelle en 2009 et que cette collaboration a généré, pour les premières, des revenus de l’ordre de 40.000 euros en 2013 et en 2014. Bien que des désaccords soient apparus entre les parties fin 2014/début 2015, rien ne laissait présager la rupture des relations commerciales lors de l’envoi de la lettre de résiliation par la société Pernelle le 27 mars 2015.

Par ailleurs, Mme [N] et la société Pernelle ne sauraient reprocher à Mme [C] et la société Heddy de ne pas s’être impliquées dans la gestion quotidienne de l’activité alors que l’accord conclu prévoyait que cette obligation était à la charge de la société Pernelle et de Mme [N]. Il ne peut pas davantage leur être reproché d’avoir coupé l’accès au site internet PPG et aux adresses mail correspondantes dès le 30 mars 2015 alors même que la lettre du 27 mars 2015 constatait la résiliation de la lettre d’intention rétroactive à l’issue de l’exercice 2014 et la fin de toute collaboration à compter du 10 avril 2015 de sorte que Mme [C] et la société Heddy ont pu déduire de ses indications contradictoires que la rupture prenait effet immédiatement.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l’absence de préavis écrit ou l’insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné’

En l’espèce, il est établi que les relations commerciales entre les parties se sont instaurées à la fin de l’année 2009 et qu’une exclusivité avait été stipulée. En conséquence, eu à égard à ces éléments, le préavis qui aurait dû être observé doit être fixé à 6 mois.

S’agissant du préjudice consécutif à la brutalité de la rupture, celui-ci est constitué du gain manqué pendant la période d’insuffisance du préavis et s’évalue donc en considération de la marge brute escomptée durant cette période.

Il résulte de ce qui précède que les revenus nets de frais tirés par la société Heddy de sa collaboration avec la société Pernelle s’élèvent à 51.817,50 euros en 2013 et à 83.230 euros en 2014.

Dans ces conditions, le gain manqué résultant de l’absence de préavis doit être estimé à 33.761,88 euros ([51.817,50 euros + 83.230 euros= 135.047,50 euros/2]/12 mois x6 mois).

Sur les demandes de condamnations à l’égard de Mme [N] à titre personnel

Il ressort de ce qui précède que seule l’action en paiement au titre du remboursement des frais et du partage des bénéfices résultant de la collaboration et l’action en responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales ont été accueillies. Or s’il est précisé dans la lettre d’accord du 14 août 2013 que le terme « PPG » s’entend de Mme [C] et la société Heddy ensemble et que le terme « PPR » s’entend de Mme [N] et la société Pernelle ensemble, il n’en demeure pas moins que la relation commerciale était établie entre la société Heddy et la société Pernelle et que le partage des bénéfices tirés de la collaboration devait s’effectuer entre la société Heddy et la société Pernelle. C’est d’ailleurs ce qui résulte des échanges des courriers officiels entre les conseils des deux sociétés datés du 9 mars 2015 et du 27 mars 2015 par lesquels la société Heddy (et non Mme [C]) réclame le paiement de factures au titre du remboursement de frais et du partage de bénéfices et la société Pernelle (et non Mme [N]) rompt la relation avec la société Heddy.

Ainsi les condamnations au titre du remboursement des frais et du partage des bénéfices ainsi que de la rupture brutale des relations commerciales seront prononcées entre la société Heddy et la société Pernelle. Les demandes à l’encontre de Mme [N] de ces chefs seront rejetées. Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points.

Sur la liquidation de l’astreinte

Mme [N] et la société Pernelle demandent à la cour d’infirmer le jugement notamment en ce qu’il a liquidé l’astreinte ordonnée par jugement du 13 mars 2017.

Mme [C] et la société Heddy sollicitent la confirmation du jugement sur ce point.

Il sera relevé que le jugement du 13 mars 2017 servant de base à la liquidation de l’astreinte n’est pas produit.

Selon les conclusions des parties, le tribunal de commerce de Paris a ordonné la production d’un bilan certifié conforme « pro-forma » des trois premiers trimestres de l’exercice 2015 de la société Pernelle, pour les opérations immobilières qui ont été engagées avant le 27 mars 2015 et qui ont été dénouées avant le 1 er septembre 2015, sous astreinte de 500 euros par jour à partir de 60 jours suivant la date du jugement, et ce pendant une durée de 30 jours.

Or la société Pernelle produit une attestation de son expert-comptable attestant de l’impossibilité de produire un tel document pro-forma. Par ailleurs, la société Pernelle a produit son bilan pour la totalité de l’exercice 2015 et a fourni une attestation d’un expert-comptable permettant d’établir les sommes dues à la société Heddy au titre de l’exercice 2015.

En conséquence, il convient d’en déduire que la société Pernelle et Mme [N] ont satisfait à l’injonction de production de pièces qui leur a été faite sous astreinte et Mme [C] et la société Heddy seront déboutées de leur demande tendant à sa liquidation. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les demandes reconventionnelles

Sur la violation de la clause de non-concurrence

La société Pernelle reproche à Mme [C] et à la société Heddy d’avoir enfreint la clause de non-concurrence stipulée dans la lettre d’accord du 14 août 2013 en continuant à utiliser l’enseigne et le site créés spécialement pour elle et en s’attribuant de manière indue le bénéfice du passé commercial de PERNELLE (anciennes ventes sur le site de «PPG », avis des internautes sur Google).

L’article 4 de la lettre d’accord du 14 août 2013 prévoit que :

« Les parties confirment ne pas avoir de contrat en cours ou d’obligation incompatible avec les dispositions du présent accord ou susceptible d’empêcher ladite partie de respecter les dispositions du présent accord. A compter de la signature du présent accord et pendant une période de 5 ans faisant suite à sa résiliation, ni l’une ni l’autre partie ne devra s’engager ou s’impliquer directement ou indirectement ‘en qualité de mandant, agent, responsable, salarié, associé, actionnaire, dirigeant, conseil ou autre ‘ dans une activité concurrente de la collaboration sauf accord contraire entre les parties.

La violation du présent paragraphe par l’une ou l’autre partie sera considérée comme une violation substantielle, et l’autre partie aura droit à 50% de tout revenu obtenu par la partie défaillante dans le cadre de cette activité concurrente. »

La lettre d’accord définit l’activité, objet de la collaboration, comme consistant en des recherches et des ventes de biens immobiliers.

Or il apparaît qu’à la suite de la résiliation de lettre d’accord du 14 août 2013, la société Pernelle a continué à avoir une activité de recherche et de vente de biens immobiliers de sorte qu’en vertu de l’exception d’inexécution, elle ne peut reprocher à Mme [C] et à la société Heddy d’avoir continué à exploiter, avec d’autres agences immobilières ou négociateurs, leurs ressources (sites internet, marques, blog’) destinées à la recherche et à la vente de biens immobiliers.

La demande d’indemnisation de ce chef ne peut donc prospérer.

Sur la concurrence déloyale

Mme [N] et la société Pernelle reprochent divers actes de concurrence déloyale à l’encontre de Mme [C], la société Heddy, Mme [L] et M. [S].

Sur le détournement de courriels

Contrairement à ce qu’elles soutiennent, Mme [N] et la société Pernelle ne démontrent aucun détournement, par Mme [C] de courriels qui leur auraient été adressés et notamment d’une utilisation de l’adresse électronique de Mme [D] [X] par Mme [C] pour se faire attribuer les droits d’administrateur sur le compte « Mailchimp ».

En effet, il résulte de ce qui précède que Mme [C] avait dès l’origine les droits d’administrateur de ce compte. La seule attestation de Mme [X], salariée de la société Pernelle, qui ne fait état que de suppositions ou déductions ne présente pas de caractère probant.

Sur le détournement de lignes téléphoniques et de numéro de fax

La société Pernelle prétend que les lignes téléphoniques (+33 9 75 18 18 99 (FR) +33 1 72 77 00 39 (FR), +(917) 779-9950 (US) et le numéro de fax (+33 1 72 70 38 69) qu’elle utilisait ont été détournés par Mme [C], la société Heddy, Mme [L] et M. [S].

Toutefois Mme [C] rapporte la preuve de l’ouverture de ces lignes à son nom en 2010 et 2011.

Aucun procédé déloyal de Mme [C] et la société Heddy n’est donc caractérisé pour avoir poursuivi l’utilisation des lignes leur appartenant après la rupture de la collaboration avec la société Pernelle et Mme [N]. Mme [L] et M. [S] ayant continué à travailler avec la Mme [C] et la société Heddy, aucune faute ne peut leur être reprochée pour avoir utilisé les lignes leur appartenant.

Détournement de clients et prospects

La société Pernelle reproche en outre à Mme [C] et à la société Heddy d’avoir tenté de capter quatre de ses clients.

Toutefois les attestations qu’elle produit à cet égard sont contredites pas les attestations produites par les intimées.

Aucune preuve des procédés déloyaux allégués n’est donc rapportée.

Tentatives de détournements d’honoraires

Mme [N] et la société Pernelle prétendent que Mme [C] aurait tenté de détourner des honoraires leur revenant.

Toutefois il ressort des pièces versées aux débats que les deux faits invoqués sont liés au litige opposant les parties dans le cadre de la rupture des relations et notamment au paiement des commissions liées à des affaires initiées pendant la durée de la collaboration. Aucune manœuvre déloyale ne peut être retenue à l’encontre de Mme [C] de ces chefs.

Détournement d’articles de presse

La société Pernelle soutient que Mme [C] aurait détourné, le 30 mars 2015, deux articles de presse qu’elle avait commandés à une journaliste pour les publier sur son site internet.

Néanmoins la seule attestation de Mme [K] [Y], négociatrice travaillant avec Mme [N], ne peut suffire à rapporter la preuve de la commande d’articles et de leur détournement par Mme [C].

Aucune manœuvre déloyale n’est établie sur ce point.

Les demandes reconventionnelles de Mme [N] et de la société Pernelle au titre des actes de concurrence déloyale seront rejetées. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes d’injonction

Mme [N] et la société Pernelle revendiquent qu’il soit fait injonction à Mme [C], la société Heddy, Mme [L] et M. [S] de :

— restituer à PERNELLE l’accès aux archives mails de PERNELLE ainsi que la qualité exclusive d’administrateur afférente, sous astreinte de 1.000 euros par jour calendaire de retard ;

— restituer à PERNELLE l’accès au compte MailChimp et la qualité exclusive d’administrateur afférente, sous astreinte de 1.000 euros par jour calendaire de retard ;

— retirer toute référence, sur le site internet PARIS PROPERTY GROUP et sur tout autre support, aux opérations faites sous mandat PERNELLE, sous astreinte de 150 euros par infraction et par jour calendaire de retard ;

— supprimer tous les articles publiés sur le site PARIS PROPERTY GROUP, datés entre le 1 er janvier 2013 et le 27 mars 2015, en ce compris les articles ajoutés postérieurement par [J] [C], mais que PERNELLE a commandés et payés, sous astreinte de 500 euros par jour calendaire ;

— ne pas faire usage de la ligne téléphonique et de la ligne télécopie exploitées par la société Pernelle jusqu’au 27 mars 2015 : +33 9 75 18 18 99 (FR) et +33 1 72 77 00 39 (FR), + (917) 779-9950 (US) et numéro de fax : +33 1 72 70 38 69), sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée ;

— justifier de la résiliation de la ligne téléphonique et de la ligne télécopie susvisées, sous astreinte de 1.000 euros par infraction et par jour calendaire de retard ;

— Ordonner solidairement à Mme [J] [C], la société Heddy, Mme [V] [L] et M. [M] [S] la suppression de tous les articles inclus entre le 1er janvier 2013 et le 27 mars 2015 sur le blog Paris Property Group, en ce compris les articles inclus postérieurement par Mme [J] [C], mais que la société Pernelle a commandés et payés ; sous astreinte de 500 euros par jour calendaire ;

Il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes susvisées.

Sur la publication de la décision

Il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande.

Sur la procédure abusive

Mme [N] et la société Pernelle font encore grief à Mme [C] et la société Heddy d’avoir, de manière abusive, formé un incident tendant à la radiation de l’appel alors que la société Pernelle faisait l’objet d’une mesure de sauvegarde.

En l’absence de preuve d’un abus de droit d’agir en justice, la demande de dommages et intérêts de ce chef sera rejetée. Il n’y a pas lieu d’ordonner une amende civile.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.

Mme [N], la société Pernelle, Mme [C] et la société Heddy succombent partiellement en leurs prétentions. Elles supporteront in solidum les dépens d’appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile. Leurs demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées. Mme [N] sera condamnée in solidum à payer à Mme [L] et M. [S] une somme de 3.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

DÉCLARE recevables les conclusions de la société Heddy & Company, de Mme [J] [C], de Mme [V] [L] et de M. [M] [S] ;

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Pernelle et Mme [N] pour défaut d’intérêt à agir, en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société Pernelle et de Mme [N], en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Pernelle et de Mme [N] à l’encontre de Mme [L] et de M. [S], en ce qu’il a condamné in solidum la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] à payer les sommes de 10.000 euros à la société de droit américain Heddy & Company et de 5.000 euros à Mme [J] [H] [C] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a condamné in solidum la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] à payer les sommes de 1.000 euros à Mme [V] [L] et de 1.000 euros à M. [M] [S] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a condamné solidairement la SARL Pernelle Real Estate et Mme [A] [N] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 169,16 euros dont 27,98 euros de TVA ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

REJETTE la demande en nullité de la lettre d’accord du 14 août 2013 formée par Mme [N] et la société Pernelle ;

FIXE la créance de la société Heddy au passif de la procédure collective dont fait l’objet la société Pernelle au titre des frais engagés pour l’exercice 2013 à une somme de 20.379,27 euros ;

FIXE la créance de la société Heddy au passif de la procédure collective dont fait l’objet la société Pernelle au titre des frais engagés pour l’exercice 2014 à une somme de 1.273,63 euros ;

FIXE la créance de la société Heddy au passif de la procédure collective dont fait l’objet la société Pernelle au titre de la répartition des bénéfices tirés, en 2013, de la collaboration issue de la lettre d’accord du 14 août 2013 à une somme de 11.817,50 euros ;

FIXE la créance de la société Heddy au passif de la procédure collective dont fait l’objet la société Pernelle au titre de la répartition des bénéfices tirés, en 2014, de la collaboration issue de la lettre d’accord du 14 août 2013 à une somme de 43.230 euros ;

FIXE la créance de la société Heddy au passif de la procédure collective dont fait l’objet la société Pernelle au titre de la répartition des bénéfices tirés, en 2015, de la collaboration issue de la lettre d’accord du 14 août 2013 à une somme de 79.211 euros ;

REJETTE l’action en responsabilité de Mme [C] et de la société Heddy à l’encontre de Mme [N] et de la société Pernelle pour des actes de concurrence déloyale ;

DIT que la société Pernelle a rompu brutalement les relations commerciales la liant à la société Heddy et la déclare responsable de ce chef ;

FIXE la créance de la société Heddy au passif de la procédure collective dont fait l’objet la société Pernelle au titre de la réparation du préjudice résultant de cette rupture brutale des relations commerciales à une somme de 33.761,88 euros ;

DIT que la société Pernelle a satisfait à l’injonction de production de pièces qui lui a été faite sous astreinte par jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 mars 2017 ;

REJETTE les demandes en liquidation de l’astreinte formulées par Mme [C] et la société Heddy ;

Y ajoutant,

REJETTE la demande d’indemnisation de la société Pernelle au titre de la clause de non-concurrence ;

REJETTE les demandes d’injonction formées à l’encontre de Mme [C], la société Heddy, Mme [L] et M. [S] :

REJETTE la demande de publication de la présente décision ;

REJETTE les demandes sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [N] à payer à Mme [L] et M. [S] une somme de 3.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civil ;

CONDAMNE in solidum Mme [N], la société Pernelle, Mme [C] et la société Heddy ayx dépens d’appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes des parties.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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