Rupture abusive du contrat de directrice artistique Freelance

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Rupture abusive du contrat de directrice artistique Freelance
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Respect d’un préavis suffisant

La rupture de la collaboration avec une directrice artistique en Freelance doit toujours être précédée d’un préavis suffisant sous peine d’une condamnation pour rupture brutale de relation commerciale.

6 mois de collaboration, 15 jours de préavis  

Pour 6 mois de collaboration, un préavis d’un mois (et non de quinze jours), aurait dû être respecté.

Délai de préavis et délais de prévenance

Par ailleurs, le délai de préavis contractuellement prévu en cas de manquements contractuels ne doit pas être confondu avec le délai de prévenance fixé pour mettre fin à la relation contractuelle hors manquements contractuels.

L’article L. 442-6 I 5° du code de commerce

Pour rappel, aux termes de l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce applicable à la présente espèce, la rupture litigieuse ayant été notifiée antérieurement au 26 avril 2019 :

I. Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° ‘De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels … Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure’.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2022
 
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/00717 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CC5AJ
 
Décision déférée à la Cour : jugement du 20 novembre 2020 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 2ème section – RG n°19/08968
 
APPELANTE
 
Mme [W] [V]
 
Née le 31 août 1974
 
De nationalité française
 
Exerçant la profession de directrice artistique et graphiste
 
[Adresse 1]
 
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP JEANNE BAECHLIN, avocate au barreau de PARIS, toque L 0034
 
Assistée de Me Pierre LAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque B 925
 
INTIMEES
 
S.A.S. CULTURE ET PATRIMOINE PARTENAIRE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
 
[Adresse 2]
 
[Localité 4]
 
Assignée par remise de l’acte à l’étude de l’huissier de justice et n’ayant pas constitué avocat
 
S.A.S.U. CULTURE ET PATRIMOINE INVESTISSEMENTS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
 
[Adresse 2]
 
[Localité 4]
 
Assignée par remise de l’acte à l’étude de l’huissier de justice et n’ayant pas constitué avocat
 
S.A.S. ZALTHABAR, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
 
[Adresse 3]
 
[Localité 5]
 
Assignée par remise de l’acte à l’étude de l’huissier de justice et n’ayant pas constitué avocat
 
COMPOSITION DE LA COUR :
 
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
 
Mme Laurence LEHMANN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
 
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente
 
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
 
Mme Isabelle DOUILLET, Présidente, désignée pour compléter la Cour
 
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
 
ARRET :
 
Par défaut
 
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
 
Signé par Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
 
Vu le jugement contradictoire rendu le 20 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris,
 
Vu l’appel interjeté le 6 janvier 2021 par Mme [W] [V], dénoncé aux trois sociétés intimées par remise de la déclaration d’appel en étude d’huissier le 23 février 2021, et la remise de ces actes au greffe le 4 mars 2021,
 
Vu les uniques conclusions remises au greffe le 2 avril 2021 par Mme [V], appelante,
 
Vu les actes d’huissier du 9 avril 2021 de signification à personne des écritures de Mme [V] à la société Culture et Patrimoine Partenaire et à la société Culture et Patrimoine Investissements et la remise de ces actes au greffe le 29 avril 2021,
 
Vu l’acte d’huissier du 13 avril 2021, de signification par dépôt en l’étude d’huissier des écritures de Mme [V] à la société Zalthabar et la remise de cet acte au greffe le 29 avril 2021,
 
Vu l’ordonnance de clôture du 20 janvier 2022.
 
SUR CE, LA COUR,
 
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
 
[W] [V] se présente comme directrice artistique et graphiste, spécialisée notamment en communication événementielle, design global de marque ou encore marketing opérationnel.
 
Elle indique que les trois sociétés intimées appartiennent à un même groupe, Groupe Culture et Patrimoine, qui s’est donné pour mission d’intervenir comme investisseur pour détecter, restaurer et équiper des bâtiments d’exception et précise que :
 
— la société SAS Culture et Patrimoine Partenaire (CPP) est spécialisée dans le secteur d’activité du conseil pour les affaires et autres conseils de gestion,
 
— la société SAS Culture et Patrimoine Investissements (CPI) est spécialisée dans l’organisation de foires, de salons professionnels et de congrès. Elle serait présidée par la société CPP,
 
— la société SAS Zalthabar est spécialisée dans l’organisation de foires, de salons professionnels et de congrès. Elle serait présidée par la société CPP.
 
Mme [V] a fait délivrer le 18 janvier 2019 des assignations devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris aux sociétés CPP et CPI et Zalthabar formant à l’encontre des deux premières des demandes de condamnations relatives à l’exécution et à la rupture d’un contrat de freelance et à l’encontre des trois sociétés des demandes fondées sur le droit de l’auteur.
 
Le jugement du tribunal judiciaire du 20 novembre 2020 dont appel :
 
— a déclaré Mme [V] irrecevable en ses demandes formées à l’encontre de la société CPI sur le fondement du contrat du 1er juillet 2018,
 
— l’a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de mission freelance en date du 1er juillet 2018,
 
— l’a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’abus de position dominante alléguée,
 
— l’a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral allégué ;
 
— a condamné la société CPP à payer à Mme [V] les sommes de 8.800 euros TTC au titre de la facture n°338.12.2018 F datée du 20 décembre 2018 et de 4.400 euros TTC au titre du préavis,
 
— a déclaré Mme [V] irrecevable en ses demandes fondées sur le droit d’auteur,
 
— a condamné Mme [V] à remettre à la société CPP :
 
— les typographies utilisées pour le Zalthabar, l’Alternatif et la société C&P,
 
— les références pantone du vert Culture & Patrimoine et du jaune Alternatif
 
— les fichiers Indesign / idml des newsletters
 
ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant quatre mois passé un délai de deux semaines à compter de la signification du présent jugement et s’est réservé la liquidation de l’astreinte,
 
— a rejeté les demandes des parties fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
— a condamné Mme [V] aux dépens ;
 
— a ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.
 
Mme [V] sollicite de la cour de :
 
INFIRMER le jugement en ce qu’il l’a :
 
* déclarée irrecevable en ses demandes formées à l’encontre de la société CPI sur le fondement du contrat du 1er juillet 2018,
 
* déboutée de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, du fait de la rupture brutale du contrat de mission freelance en date du 1er juillet 2018 et de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’abus de position dominante,
 
* déboutée de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral allégué et l’a déclarée irrecevable en ses demandes fondées sur le droit d’auteur,
 
* déboutée de ses demandes en rémunération de la cession des droits d’exploitation de ses oeuvres pour une durée de 15 ans ,
 
* condamnée à remettre à la société CPP :
 
les typographies pour le Zalthabar, l’Alternatif et la société C&P, les références pantone du vert Culture & Patrimoine et du jaune Alternatif, les fichiers Indesign / idml des newsletters,
 
Sur le plan contractuel :
 
— constater que les sociétés CPP et CPI, ont rompu de manière abusive et brutale leurs relations commerciales avec Mme [V],
 
— constater que les sociétés CPP et CPI, ont exploité de manière abusive la dépendance économique de Mme [V],
 
Par conséquent :
 
— condamner les sociétés CPP et CPI, conjointement et solidairement, à verser à Mme [V] la somme de 26.000 euros au titre du préjudice matériel subi par cette dernière en raison de la rupture brutale de leurs relations commerciales,
 
— condamner les sociétés CPP et CPI, conjointement et solidairement, à verser à Mme [V] la somme de 25.000 euros, en réparation du préjudice matériel subi par cette dernière en raison de l’exploitation abusive de son état de dépendance économique,
 
— condamner les sociétés CPP et CPI, conjointement et solidairement, à verser à Mme [V] la somme de 60.000 euros en réparation du préjudice moral subi.
 
Sur le plan délictuel :
 
— constater que les oeuvres de Mme [V] sont protégées par le droit d’auteur.
 
Par conséquent :
 
— dire qu’en l’absence de tout contrat de cession de droits entre Mme [V] et les sociétés CPP, CPI et Zalthabar, ces dernières ne peuvent exploiter aucune des oeuvres créées par Mme [V] au cours de leur collaboration,
 
— condamner les sociétés CPP, CPI et Zalthabar, conjointement et solidairement, à verser à Mme [V] la somme de 50.000 euros en rémunération de la cession des droits d’exploitation de ses oeuvres pour une durée de 15 ans ;
 
En tout état de cause :
 
— condamner les sociétés CPP, CPI et Zalthabar, conjointement et solidairement, à verser à Mme [V] la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— condamner les sociétés CPP, CPI et Zalthabar, conjointement et solidairement, aux entiers dépens.
 
La cour observe qu’il n’a pas été relevé appel des dispositions du jugement relatives aux condamnations prononcées à l’encontre de la société CPP à payer à Mme [V] les sommes de 8.800 euros TTC au titre de la facture n°338.12.2018 F datée du 20 décembre 2018 et de 4.400 euros TTC au titre du préavis qui sont irrévocables de même que celles rejetant les demandes formées à l’encontre de Mme [V] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
 
Sur les demandes relatives à la relation contractuelle
 
Mme [V] produit au débat une proposition de contrat, non signée, établie le 1er juillet 2018 ayant pour objet «des missions freelance en Direction Artistique et de création par la prestataire pour le compte du Client». Mme [V] était désignée comme la prestataire et la société CPP représentée par M. [C] en sa qualité de président du conseil d’administration comme le client. La rémunération mensuelle était fixée à 10.000 euros HT (pièce 12).
 
Elle produit également un autre contrat également daté du 1er juillet 2018 différent légèrement du premier contrat relativement notamment à la rémunération mensuelle réduite à 8.000 euros HT qu’elle indique avoir régularisé et signé le 27 août 2018 (pièce 15).
 
Si le contrat produit au débat est bien signé par Mme [V], il ne l’est pas par la société CPP. Pour autant il ressort des conclusions de première instance des sociétés CPP, CPI et Zalthabar, versées au débat devant la cour, que la régularisation dudit contrat par les parties au 27 août 2018 est un fait non contesté et constant et que les parties sont liées par les termes du contrat versé en pièce15.
 
Le tribunal a ainsi, à juste titre, retenu l’existence d’un lien contractuel entre Mme [V] en qualité de prestataire et la société CPP.
 
Il a tout aussi justement apprécié que cette relation contractuelle n’engage que les parties du contrat à savoir Mme [V] et la société CPP et qu’ainsi les demandes formées à l’encontre de la société CPI sur le fondement contractuel doivent être déclarées irrecevables. Le jugement doit être confirmé de ce chef.
 
Les griefs invoqués par Mme [V] sur le fondement de la relation contractuelle seront ainsi examinés à l’encontre de la seule société CPP.
 
La cour rappelle que les condamnations prononcées par les premiers juges de 8.800 euros TTC pour le paiement des honoraires du mois de décembre 2018 et celle de 4.400 euros pour le paiement de quinze jours du préavis, accepté par la société CPP, sont irrévocables.
 
L’article 8 du contrat produit en pièce 15 stipule une clause de résiliation pour «mauvaise exécution ou absence d’exécution d’une des parties au contrat» qui prévoit qu’il pourra y être mis fin après l’envoi d’une lettre de mise en demeure de s’exécuter et ce dans les quinze jours de la réception dudit courrier. Une clause identique était prévue au contrat produit en pièce 12 mais à un article numéroté 10.
 
Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 26 décembre 2018 et retournée avec la mention «avisé non réclamé», la société CPP a notifié à Mme [V] la fin de sa mission à l’issue d’un délai de préavis de quinze jours à compter de la réception du courrier.
 
La lettre non reçue a été transmise par mail à Mme [V] le 3 janvier. La rupture était motivée par le choix de la société CPP d’intégrer un graphiste à temps plein au sein de la structure. Aucune faute n’était reprochée à Mme [V] (pièce 19).
 
Mme [V] adressait en retour un mail le 5 janvier 2019 regrettant cette rupture en cours de mission et proposant de trouver une solution alternative tel un mi-temps pour quelques mois ou un plein temps pour deux mois (pièce 20).
 
Par mail du 8 janvier la société CPP indiquait que la décision de rupture avait également été prise pour un manque de réactivité de Mme [V] et précisait «Ainsi, au terme de l’article 10 du contrat, nous mettons fin à notre collaboration, avec un délai de prévenance de 15 jours» (pièce 21).
 
Mme [V] reproche une rupture brutale des relations commerciales et sollicite la somme de 26.000 euros au titre du préjudice matériel subi.
 
Aux termes de l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce applicable à la présente espèce, la rupture litigieuse ayant été notifiée antérieurement au 26 avril 2019,
 
‘I. Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel personne immatriculée au répertoire des métiers :
 
5° ‘De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels … Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure’.
 
La cour observe que le contrat ne stipulait pas de durée contractuelle et que l’intention des parties était manifestement de poursuivre la relation contractuelle sur plusieurs années. Ainsi il a été demandé à Mme [V] de revoir à la baisse sa rémunération mensuelle de 10.000 à 8.000 euros pour la seule première année, celle-ci devant être augmentée sur les années suivantes. Elle retient dès lors que la condition posée par l’article susvisé d’une relation commerciale établie est remplie
 
A tort, le jugement déféré a considéré que le délai de préavis de 15 jours devait s’appliquer alors qu’il s’agissait du délai contractuellement prévu en cas de manquements contractuels et qu’aucun délai de prévenance n’était fixé pour mettre fin à la relation contractuelle hors manquements contractuels.
 
Pour autant, la cour retient que la relation commerciale a duré 6 mois seulement et que si Mme [V] affirme avoir travaillé à plein temps et avoir refusé d’autres missions elle n’en apporte pas la preuve, pas plus qu’elle n’apporte d’élément justifiant d’une dépendance économique vis à vis de la société CPP.
 
Dans ces conditions, la cour estime qu’un préavis d’un mois, et non de quinze jours, aurait dû être respecté.
 
La responsabilité de la société CPP est ainsi engagée du fait de la brutalité de la rupture et le préjudice en découlant doit être réparé. Mme [V] est en droit de demander réparation au titre du gain manqué correspondant à la marge qu’elle pouvait escompter tirer de ses relations commerciales avec le partenaire fautif pendant la durée du préavis qui aurait dû être respecté.
 
Elle aurait dû percevoir au titre de ce préavis la somme de 8.000 euros, représentant sa rémunération HT pour un mois, diminuée de ses charges mensuelles liées à son activité qu’elle a fixé dans ses écritures à la somme de 1.400 euros, soit la somme de 6.600 euros.
 
Il convient de déduire de cette somme de 6.600 euros la condamnation prononcée de manière irrévocable à 4.400 euros au titre du préavis et dès lors condamner la société CPP à verser à titre indemnitaire pour rupture brutale la somme de 2.200 euros. Le jugement qui avait débouté Mme [V] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de mission est infirmé de ce chef.
 
Le jugement est en revanche confirmé en ce qu’il a rejeté la demande non justifiée de réparation du préjudice moral.
 
Mme [V] invoque également la responsabilité de la société CPP sur le fondement de l’article L. 420-2 du code de commerce qui prohibe, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation abusive ‘ de l’état de dépendance économique dans laquelle se trouve une entreprise cliente ou un fournisseur».
 
Cependant, ni l’état de dépendance économique, ni l’exploitation abusive de celui-ci n’est démontré au regard des éléments produits au débat.
 
Le jugement qui a débouté Mme [V] sur ce fondement est dès lors confirmé.
 
Sur les demandes fondées sur le droit d’auteur
 
Mme [V] expose qu’elle a réalisé, dans le cadre de son travail pour la société CPP des créations originales susceptibles de protection au titre du droit de l’auteur dont elle n’aurait pas valablement cédé les droits à la société CPP.
 
Le jugement dans sa motivation a considéré que Mme [V] «en signant le contrat de mission freelance a accepté de céder à la société C&B les droits de propriété intellectuelle sur ses réalisations» et qu’ainsi elle ne justifiait pas de la titularité des droits d’auteur qu’elle invoque et devait être déclarée irrecevable en ses demandes fondées sur le droit d’auteur.
 
Le dispositif du jugement reprend seulement l’énoncé de cette irrecevabilité des demandes fondées sur le droit d’auteur.
 
Au terme du dispositif de ses conclusions, Mme [V] après avoir demandé l’infirmation du jugement en ce qu’il a prononcé cette irrecevabilité sollicite de la cour, sur le plan délictuel, qu’elle :
 
— constate que les oeuvres de Mme [V] sont protégées par le droit d’auteur.
 
Par conséquent :
 
— dire qu’en l’absence de tout contrat de cession de droits entre Mme [V] et les sociétés CPP, CPI et Zalthabar, ces dernières ne peuvent exploiter aucune des oeuvres créées par Mme [V] au cours de leur collaboration,
 
— condamner les sociétés CPP, CPI et Zalthabar, conjointement et solidairement, à verser à Mme [V] la somme de 50.000 euros en rémunération de la cession des droits d’exploitations de ses oeuvres pour une durée de 15 ans ;
 
La cour rappelle qu’au terme de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile :
 
«Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
 
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.».
 
Or, il convient de considérer que les mentions dans le dispositif des écritures de Mme [V] tendant à voir la cour ‘constater’ ou ‘dire’ ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile mais un résumé des moyens invoqués à l’appui de ses demandes et qu’il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
 
Seule la demande de condamnation des sociétés CPP, CPI et Zalthabar au paiement d’une somme de 50.000 euros en rémunération de la cession des droits d’exploitation de ses oeuvres pour une durée de 15 ans constitue une prétention au sens de l’article susvisé dont la cour est saisie.
 
La cour observe cependant qu’il ne s’agit pas d’une demande d’indemnisation fondée sur une faute délictuelle d’utilisation illicite ou contrefaisante d’une oeuvre déterminée. Cette prétention vise à demander à la cour de fixer un prix de cession de droits d’exploitation pour une durée de 15 ans.
 
Seul un accord conclu entre les parties peut prévoir une telle fixation, une juridiction ne pouvant imposer aux parties une telle cession de droit, ni en fixer le montant.
 
Dès lors, Mme [V] ne pourra qu’être déboutée de sa demande de ce chef.
 
Le dispositif du jugement qui a déclaré Mme [V] irrecevable en ses demandes fondées sur le droit d’auteur sera confirmé sans qu’il y ait lieu de reprendre le débat relatif à la validité et à l’étendue de la clause du contrat liant Mme [V] et la société CPP quant à la cession des droits de propriété intellectuelle et il y sera ajouté le débouté relatif à sa demande de fixation et condamnation d’un prix de cession.
 
Sur la remise à la société CPP des typographies pour le Zalthabar, l’Alternatif et la société C&P, les références pantone du vert Culture & Patrimoine et du jaune Alternatif, les fichiers Indesign / idml des newsletters
 
Le jugement entrepris a condamné Mme [V] à remettre à la société CPP les typographies pour le Zalthabar, l’Alternatif et la société C&P, les références pantone du vert Culture & Patrimoine et du jaune Alternatif, les fichiers Indesign / idml des newsletters.
 
Mme [V] demande au dispositif de ses écritures l’infirmation de ce chef mais ne formule au soutien de cette demande aucun moyen dans la motivation de ses conclusions.
 
La cour retient que lors d’un échange de mails courant janvier 2019, Mme [V] avait accepté d’adresser à la société CPP ces éléments mais avait conditionné son envoi au paiement de ses factures d’honoraires.
 
Dès lors, la décision des premiers juges de ce chef sera confirmée.
 
Sur les frais et dépens
 
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné Mme [V] aux dépens de la première instance et rejeté ses demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
 
La société CPP sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et, en équité, à verser à Mme [V] la somme de 4.000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
 
PAR CES MOTIFS
 
La Cour, statuant dans les limites de l’appel,
 
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté Mme [V] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de mission freelance en date du 1er juillet 2018, a rejeté ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens,
 
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
 
Condamne la société Culture et Patrimoine Partenaire à payer à Mme [W] [V] la somme de 2.200 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la brusque rupture de la relation contractuelle établie,
 
Déboute Mme [W] [V] de sa demande de fixation et de condamnation d’un prix de cession de ses oeuvres et du surplus de ses demandes plus amples ou contraires à la motivation,
 
Condamne la société Culture et Patrimoine Partenaire à payer à Mme [W] [V] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
 
Condamne la société Culture et Patrimoine Partenaire aux dépens de première instance et d’appel.
 
La Greffière La Conseillère, Faisant Fonction de Présidente
 
 

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