Your cart is currently empty!
25 février 2003
Cour de cassation
Pourvoi n°
01-12.660
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Reims, 2 mai 2001), que la société Deville, qui avait créé, en 1988, une nouvelle gamme de cheminées à foyers fermés, a envisagé avec la société Pierre Industrie la fabrication d’habillages en pierre pour ces cheminées ; qu’elle a adressé ses premières commandes à la société Pierre Industrie en 1988 puis a augmenté le nombre de ses commandes au cours de l’année 1989 ; qu’au cours du dernier trimestre 1989, elle a projeté de formaliser ses relations commerciales avec la société Pierre Industrie en signant une convention cadre, ce qui n’a pas eu lieu ; que la société Pierre Industrie a procédé à une hausse de ces tarifs à compter du 1er janvier 1990 ; que la société Deville,
déplorant le retard de la société Pierre Industrie dans la livraison des cheminées, a décidé de ne pas poursuivre ses relations avec cette société et a pris le contrôle d’une société concurrente de la société Pierre Industrie pour la substituer à celle-ci ; que la société Pierre Industrie a judiciairement demandé la condamnation de la société Deville à l’indemniser des préjudices subis du fait de la rupture de leurs relations ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Deville fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer à la société Pierre Industrie des dommages-intérêts au titre d’une rupture abusive de pourparlers, alors, selon le moyen :
1 ) qu’en décidant que la société Deville avait commis une faute en refusant, à la suite des pourparlers, de contracter avec la société Pierre Industrie, après avoir pourtant relevé qu’elle avait reproché à celle-ci, dans la lettre de rupture des pourparlers, d’avoir décidé unilatéralement d’augmenter ses tarifs, et sans constater que ce grief aurait été infondé, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ;
2 ) qu’en décidant que la société Deville avait commis une faute en refusant, à la suite des pourparlers, de contracter avec la société Pierre Industrie, après avoir pourtant relevé que, dès l’origine, la société Deville avait subordonné son offre de contracter à un engagement d’exclusivité de la part de la société Pierre Industrie et que celle-ci n’avait pas satisfait à cette condition, ce qui légitimait la rupture des pourparlers, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l’arrêt relève que la société Deville a passé de nombreuses commandes auprès de la société Pierre Industrie, qu’elle lui a confié la réalisation de prototypes pour lesquels elle l’a chaudement félicitée par courrier du 6 novembre 1989 pour sa rapidité d’exécution et la qualité des quatre modèles réalisés et l’aide apportée dans la mise en place de ce projet, envisageant même de lui confier la réalisation de sept nouveaux modèles, qu’elle n’a adressé aucune reproche à la société Pierre Industrie pendant la durée de leurs relations commerciales, que la rupture est intervenue en raison du choix de la société Deville de substituer sa filiale, concurrente de la société Pierre Industrie à celle-ci dès le 18 décembre 1989, que la société Deville n’a cependant pas mis fin aux pourparlers, sollicitant même, par courrier du 22 décembre 1989, une modification du protocole sur deux points et que, fin décembre 1989, la seule condition de l’approvisionnement exclusif de la société Pierre Industrie restait en suspens et, enfin, qu’elle a suscité chez la société Pierre Industrie la confiance dans la conclusion du contrat envisagé, les pourparlers étant suffisamment avancés pour lui faire légitimement croire que ceux-ci allaient aboutir ; que la cour d’appel, qui a en outre constaté que la société Deville n’avait allégué l’augmentation des tarifs qu’au moment où elle avait rompu brutalement toute relation commerciale avec la société Pierre Industrie, a pu, sans devoir préalablement rechercher si ce grief
était fondé, décider que la société Deville avait manqué à son obligation de loyauté et de bonne foi dans la conduite de ses relations contractuelles avec la société Pierre Industrie ;
que le moyen n’est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Deville fait grief à l’arrêt d’avoir statué comme il a été dit, alors, selon le moyen, que, nul n’ayant l’obligation de contracter, la perte de bénéfice qui aurait pu être retiré du contrat qui n’a pas été conclu ne se trouve pas en relation de cause à effet avec la faute commise lors de la rupture des pourparlers ; qu’en décidant néanmoins que la société Pierre Industrie était fondée à solliciter l’indemnisation d’un préjudice constitué par la perte de chance d’obtenir les gains qu’elle pensait obtenir à la suite de la conclusion d’un contrat avec la société Deville, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d’appel, qui a relevé que la société Pierre Industrie avait subi une perte de chance d’obtenir les gains qu’elle pensait obtenir par la formalisation de la convention de partenariat comportant exclusivité à son profit, a pu décider que ce préjudice résultait de la faute commise par la société Deville en rompant abusivement les pourparlers ; que le moyen n’est pas fondé ;