Rupture abusive de pourparlers : 16 juin 2010 Cour d’appel de Paris RG n° 08/19378

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Rupture abusive de pourparlers : 16 juin 2010 Cour d’appel de Paris RG n° 08/19378
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16 juin 2010
Cour d’appel de Paris
RG n°
08/19378

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 16 JUIN 2010

(n° , 05 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 08/19378

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Septembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 05/18378

APPELANTE

La société CANAL DIFFUSION, S.A.R.L.

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par la SCP DUBOSCQ – PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me Jacques-Georges BITOUN, avocat au barreau de Paris, toque P 189

plaidant pour le cabinet [Z] ( SELARL )

INTIMÉ

Monsieur [X] [D]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par la SCP ROBLIN – CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour

assisté de Me Virginie MEYRIER, avocat au barreau de Paris, toque L 292

substituant Me Bernard-Lionel DORE, avocat au barreau de Paris, toque L 292

plaidant pour la SELARL DORE CONSEIL

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Mai 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Melle Aurélie GESLIN

ARRÊT :- Contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

LA COUR,

Vu l’appel relevé par la s.a.r.l. canal diffusion du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 2ème section, n° de RG : 05/18378), rendu le 12 septembre 2008 ;

Vu les dernières conclusions de l’appelante (23 mars 2010) ;

Vu les dernières conclusions (8 avril 2010) de M. [X] [D], intimé ;

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 13 avril 2010 ;

* *

SUR QUOI,

Considérant que canal diffusion, société de production de films de long métrage, ayant été en relation avec M. [D], réalisateur, à l’occasion de plusieurs projets, a assigné ce dernier en paiement de diverses sommes en réparation des préjudices qu’elle prétendait avoir subi du fait de l’échec de ces projets dont elle lui attribuait, à divers titres, la responsabilité ; que le tribunal, par le jugement dont appel, a rejeté toutes ses prétentions et a débouté M. [D] de ses demandes reconventionnelles de dommages-intérêts pour procédure abusive et de publication de la décision ;

Considérant que l’appelante reprend devant la cour ses demandes tendant à la condamnation de M. [D] à lui payer :

– 1°) 25.000 euros sur le grief d’une rupture abusive de pourparlers engagés en vue de la réalisation d’un film intitulé « Futur antérieur »,

– 2°) 273.000 euros sur le fondement d’une succession de fautes contractuelles imputées à l’intimé dans l’exécution de contrats portant sur les projets de tournage des films intitulés « Le Labyrinthe », « Une affaire d’État » et « La demoiselle d’honneur » ;

– 3°) 200.000 euros au motif d’actes de parasitisme pour avoir réalisé et promu le film «L’ivresse du pouvoir » en reprenant notamment le titre du projet intitulé « Une affaire d’état », ce qui rendait désormais impossible l’utilisation du scénario dont elle avait, selon elle, conservé les droits ;

1°) Sur la rupture des pourparlers relative au projet « Futur antérieur » :

Considérant que, courant 1995, M. [M], au nom de canal diffusion, a fait part à M. [D] de son idée d’adapter pour le cinéma l’ouvrage de [O] [L] intitulé dans sa traduction en français « Les carottes sont cuites » ; que, par lettre du 3 avril 1995, M. [D] a répondu à M. [M] : « Je te confirme mon intention de tourner le film intitulé pour l’instant « Les carottes sont cuites », d’après le roman de [O] [L], le plus tôt possible, c’est-à-dire dès que le scénario sera définitif et la production montée » ;

Que canal diffusion expose que, déterminée par cette déclaration d’intention à poursuivre le projet, elle a payé 25.000 euros à M. [N] [V] pour écrire le scénario mais que cette somme a été exposée en pure perte par la faute de M. [D] qui, ayant reçu le scénario et exprimé sa satisfaction de celui-ci, s’est peu après rétracté en invoquant l’exclusivité qui le liait alors à la société de production MK2 ;

Considérant que l’appelante ne fait état d’aucun projet de contrat relatif à l’adaptation cinématographique du roman de [O] [L] sous le titre « Futur antérieur » ayant un minimum de consistance ; qu’elle ne verse au débat aucune pièce témoignant d’échanges ou négociations entre les parties sur des conditions financières, techniques, artistiques, ou de calendrier ; que la simple expression d’une intention, telle que formulée dans la lettre invoquée, ni même le concours apporté par M. [D] à la supervision du scénario ne suffisent à caractériser un engagement dans un projet contractuel ayant atteint un degré d’avancement tel que s’en retirer pût être tenu pour fautif ;

Qu’elle n’établit pas les circonstances dans lesquelles M. [D] se serait rétracté, ne versant au débat aucune lettre ou attestation qui démontrerait le caractère abusif ou brutal de la rupture alléguée, se bornant à indiquer dans ses écritures (p. 5) : « Il se rétractait pourtant une semaine plus tard en invoquant une prétendue exclusivité avec la société MK2. » ;

Considérant enfin que canal diffusion ne contredit pas M. [D] qui indique que la dépense engagée pour le scénario était prématurée alors que le producteur ne s’était pas même préoccupé d’acquérir de l’auteur de l’ouvrage les droits d’adaptation et que, en toute hypothèse, le préjudice est inexistant puisque, en contrepartie du prix payé, canal diffusion avait acquis le scénario qu’elle était libre de confier à un autre réalisateur de son choix ;

Considérant qu’il en résulte que cette demande doit être rejetée ;

2. Sur les relations contractuelles :

Considérant qu’il résulte des pièces versées au débat et des explications des parties que, par contrat du 19 août 1997, canal diffusion a confié à M. [D] l’écriture du scénario, l’adaptation et les dialogues et la réalisation d’une ‘uvre cinématographique de longue durée intitulée « Le labyrinthe » ; que M. [D] a renoncé à ce projet après avoir remis à canal diffusion un synopsis de quatre pages dont il n’était pas satisfait et que les parties se sont accordées pour substituer au film initialement prévu un autre projet intitulé « Une affaire d’État » ; que le scénario quasi définitif revu par M. [D] a été remis à canal diffusion en février 1999 mais que, aucun producteur ou partenaire ne s’étant trouvé, et l’achèvement du tournage ne pouvant être envisagé avant décembre 1999, canal diffusion a accepté (cf p. 11 de ses dernières écritures) que le film de M. [D] qu’elle voulait produire, quel qu’il fût, le serait juste après celui qu’il devait tourner avec la société MK2 ; que c’est ainsi que canal diffusion en vint à soumettre à M. [D] un nouveau projet intitulé « La demoiselle d’honneur », lequel a donné lieu, après remise du scénario à canal diffusion par M. [D] le 15 juin 2001, à la signature, le 29 juillet 2002, des contrats de cession des droits d’auteur scénariste et d’auteur réalisateur ;

Considérant, en synthèse, que le litige provient de ce que canal diffusion prétend que les sommes versées à M. [D] au titre des projets « Le labyrinthe » puis « Une affaire d’État », non aboutis, devraient être prises en compte dans le financement de « La demoiselle d’honneur », ce que conteste M. [D] qui, s’il admet que, dans le cadre du contrat du 19 août 1997, les parties se sont accordées pour substituer « Une affaire d’État » au projet « Le labyrinthe », indique en revanche que « La demoiselle d’honneur » a donné lieu à de nouveaux contrats, distincts du premier – devenu au demeurant caduc par suite de la non réalisation des films envisagés avant le terme prévu – de sorte que, du point de vue de l’intimé, les sommes acquises au titre de ce contrat le sont définitivement par application de son article IV, § 2, et ne sauraient être reportées sur le dernier projet ;

Considérant que, dans ce contexte, pour réclamer la condamnation de M. [D] à lui payer 273.000 euros, canal diffusion lui reproche essentiellement, sur un fond de mauvaise foi, trois fautes de nature à entraîner sa responsabilité contractuelle ;

Considérant que canal diffusion se plaint, en premier lieu, de ce que M. [D] n’a pas livré le scénario du projet « Le labyrinthe » et n’a remis, au delà du terme prévu, qu’un synopsis de quatre pages ;

Mais considérant que ce premier grief est inopérant dès lors qu’il n’est pas contesté que, sur le constat de l’échec de ce premier projet, les parties se sont accordées pour lui substituer celui d’« Une affaire d’État » ;

Considérant que l’appelante reproche en deuxième lieu à l’intimé de s’être désengagé du projet « Une affaire d’État » en invoquant, sans en justifier, une exclusivité avec une autre société de production ;

Considérant que M. [D] a fait en effet écrire à canal diffusion par son agent le 3 septembre 1999 : « Il apparaît à ce jour que le financement n’est toujours pas réuni, que les comédiens contactés ne sont plus libres d’engagement, et que les autres éléments essentiels à la bonne fabrication de ce film, comme l’engagement de la première assistante et des techniciens habituels de Monsieur [X] [D] font également défaut. […] Il est aujourd’hui évident que le tournage du film ne pourra être terminé en décembre 1999, alors que cela a toujours été un point essentiel pour Monsieur [X] [D], ce que vous n’êtes pas sans savoir compte tenu des accords passés de façon prioritaire avec la société MK2, Monsieur [X] [D] n’est malheureusement pas libre d’attendre que ces différents facteurs se conjuguent. C’est la raison pour laquelle il se doit de satisfaire les obligations contractées avec Monsieur [K] [W], mais reste cependant à votre entière disposition pour établir de nouvelles dates relatives à la production de votre projet (…) » ;

Mais considérant que canal diffusion a répondu à cette lettre le 27 septembre dans les termes suivants : « Je vous informe que je ne suis pas d’accord avec l’exposé figurant dans votre lettre du 3 septembre qui ne correspond pas aux événements qui se sont déroulés. Néanmoins, je ne pense pas qu’il soit opportun d’entamer une polémique. Comme il en a été convenu avec Monsieur [X] [D], le film de [X] que nous devons produire pourra être tourné aussitôt après que le nouveau film que [X] doit tourner pour MK2 sera terminé, la date du tournage de ce film étant pour le début de l’année 2000. » ;

Considérant qu’il ressort de cet échange de correspondances, d’une part, que M. [D] ne s’est pas retiré du projet, comme le soutient l’appelante, mais a seulement constaté la nécessité d’un report de date, dont le principe a été accepté par canal diffusion ; que, d’ailleurs, l’article 1 du contrat du 19 août 1997 prévoyait que : « la date du début du tournage ainsi que sa durée seront déterminés ultérieurement d’un commun accord » et que canal diffusion ne prétend pas qu’un tel accord serait intervenu auquel aurait manqué M. [D] ; qu’il en résulte que la deuxième faute alléguée n’est pas démontrée ;

Considérant que canal diffusion reproche encore à M. [D] d’avoir refusé le report des sommes payées au titre des deux projets successifs du contrat du 19 août 1997 sur le projet « La demoiselle d’honneur » alors que, selon elle, « L’accord de reporter les sommes d’un projet à l’autre découle naturellement des accords successifs de Monsieur [X] [D] pour réaliser un film produit par canal diffusion. » ;

Mais considérant, d’une part, que le projet « La demoiselle d’honneur » a donné lieu, comme indiqué précédemment, à deux contrats signés le 29 juillet 2002, distincts de celui du 19 août 1997 et portant sur un nouveau projet dont il n’a jamais été prétendu qu’il se substituerait à « Une affaire d’État » comme ce dernier avait remplacé « Le labyrinthe» ; que, d’autre part, canal diffusion, en contrepartie des sommes payées, a acquis les droits se rapportant au scénario de « Une affaire d’État », de sorte que ce troisième reproche n’est pas davantage fondé que les deux premiers ;

Considérant que la demande formée par canal diffusion au titre d’une responsabilité ou de fautes contractuelles imputées à M. [D] sera donc rejetée ;

3. Sur les actes de parasitisme :

Considérant que canal diffusion fait grief à M. [D] d’articles parus dans la presse annonçant, sous le titre « Une affaire d’État » la prochaine sortie de film qui a été définitivement intitulé « L’ivresse du pouvoir », ce qui, selon elle, rendrait désormais impossible toute utilisation par elle-même du premier titre ;

Mais considérant que rien ne démontre que M. [D] devrait être tenu pour responsable du contenu des informations ainsi publiées ; que la demande formée à ce titre par l’appelante est donc dépourvue de fondement et doit être rejetée ;

4. Sur les demandes reconventionnelles de M. [D] :

Considérant que M. [D] ne démontre pas qu’il aurait subi, du fait de la procédure, un préjudice distinct de la nécessité dans laquelle il s’est trouvé d’avoir à exposer des frais pour sa défense, ce qui donnera lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions fixées au dispositif ; que sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera en conséquence rejetée ;

Qu’il n’invoque aucune circonstance particulière qui justifierait d’accueillir sa demande relative à la publication de l’arrêt ;

Considérant, en définitive, que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions ;

* *

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME le jugement entrepris,

DÉBOUTE les parties de toutes leurs prétentions,

CONDAMNE la s.a.r.l. canal diffusion aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile et à payer à M. [X] [D] 15.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

 


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