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Conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué à ce sujet.
S’agissant d’une oeuvre littéraire, la création artistique nécessite cependant une liberté accrue de l’auteur. A fortiori, si l’ouvrage en cause présente la nature d’oeuvre de fiction, prévaut en principe la liberté de création, dans la mesure où la création littéraire permet que des personnes réelles, qui ne peuvent ici faire valoir une susceptibilité exacerbée, deviennent des personnages, et où la notion d’oeuvre de fiction implique une distanciation, susceptible d’entraîner la disparition de toute atteinte à la vie privée.
Toutefois, la démonstration, par les personnes visées, d’un préjudice d’une gravité certaine peut aussi justifier que soit constatée une atteinte à la vie privée, le tribunal devant examiner le dispositif formel de l’oeuvre de fiction et les procédés littéraires utilisés par l’auteur.
En l’espèce, pour retenir l’atteinte à la vie privée de l’un des protagonistes d’un roman, les juges ont relevé que l’ouvrage fait usage de ses véritables prénom et nom (la personne nommée étant dans la même classe que l’auteur en 4ème, dans un collège situé à Sainte-Geneviève-des-Bois) ; les faits se réfèrent à divers lieux situés dans ou à proximité de cette commune ; la référence au suicide d’un camarade de classe prénommé Antoine correspond à un fait réel ; l’ouvrage litigieux présente un caractère fictionnel, tout en comportant aussi des éléments autobiographiques incontestables ; le passage en cause portant atteinte à la vie privée du tiers dénote une rupture stylistique avec le reste de l’ouvrage, usant expressément de l’imparfait et faisant référence à une anecdote précise et circonstanciée, alors même que le reste du roman se présente plutôt comme une exploration intérieure de la pensée d’une adolescente.
Le paragraphe litigieux fait référence à un épisode de la vie scolaire, sentimentale et sociale du protagoniste cité dans des termes manifestant une absence de délicatesse et une attaque gratuite par rapport au reste de l’ouvrage, celle-ci apparaissant, sous sa véritable identité, avoir été ridiculisée en dévoilant par inadvertance son sexe.
Ainsi, Le tiers justifiait, dans ces conditions, d’une atteinte au droit au respect de sa vie privée, tant au regard de la mention de son identité que des détails fournis, lui occasionnant un préjudice certain, l’auteur du livre, ayant exposé sans la distanciation nécessaire les faits décrits, ne pouvant arguer de la liberté de création accrue en matière de fiction.