Aux termes de l’article R.147-2 III du code de la sécurité sociale :
‘A compter de la réception de l’avis de la commission ou de la date à laquelle celui-ci est réputé avoir été rendu, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou le directeur de la caisse chargée de la prévention et de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles peut :
1° Soit décider d’abandonner la procédure, auquel cas il en informe ladite personne dans les meilleur délais ;
2° Soit décider de poursuivre la procédure, auquel cas il dispose d’un délai de quinze jours pour saisir le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie d’une demande d’avis conforme, par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, en précisant les éléments prévus dans la notification mentionnée au I et le montant de la pénalité envisagée. A défaut de saisine dans le délai imparti, la procédure est réputée abandonnée.
(…).’
En l’espèce, la caisse se prévaut d’une fiche de synthèse dont il résulte qu’elle concerne le cas de Mme [D], infirmière. Il y est mentionné le 10 novembre 2016 à la ‘date de réception par la caisse de l’avis de la commission’ et le 6 décembre 2016 à la ‘date de réception par la DCCRF de la saisine pour avis conforme du DG UNCAM’.
Il s’en suit qu’il ressort des propres pièces de la caisse que le délai de quinze jours imparti au directeur de la caisse pour solliciter l’avis conforme du directeur général de l’UNCAM n’a pas été respecté, de sorte qu’en vertu des dispositions précitées de l’article R.147-2 III, la procédure est réputée avoir été abandonnée.
La notification subséquente de la pénalité financière doit donc être annulée.
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT AU FOND
DU 08 JUIN 2023
N°2023/554
Rôle N° RG 22/00719 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIWJG
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES ALPES-MARITIMES
C/
[S] [D]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me Stéphane CECCALDI
– Me Karine TOLLINCHI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Nice en date du 09 Décembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 16/02306.
APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES ALPES-MARITIMES, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Stéphane CECCALDI de la SELASU SELASU CECCALDI STÉPHANE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame [S] [D], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Karine TOLLINCHI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Charles TOLLINCHI, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Mme Isabelle PERRIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023
Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [S] [D], exerçant la profession d’infirmière libérale, s’est vue réclamer par la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes ayant relevé, à la suite d’un contrôle d’activité, des anomalies concernant le non-respect de la nomenclature générale des actes professionnels, le remboursement de prestations indûment facturées selon notification en date du 10 septembre 2015 pour un montant de 54.559,55 euros.
Mme [D] a formulé des observations et, par courrier du 12 novembre 2015, la caisse primaire d’assurance maladie a réduit le montant de l’indu à 48.223,40 euros.
Par courrier en date du 12 novembre 2015, Mme [D] a saisi la commission de recours amiable, qui par décision en date du 11 juillet 2016, a rejeté son recours.
Le 6 octobre 2016, Mme [D] a porté son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes-Maritimes et l’instance a été enregistrée sous le numéro 16/02306.
Par courrier en date du 26 décembre 2016, l’organisme de sécurité sociale a notifié à la professionnelle de santé une pénalité financière d’un montant de 10.000 euros.
Par requête en date du 14 février 2017, Mme [D] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale en contestation de la décision de pénalité financière et l’instance a été enregistrée sous le numéro 17/00430.
La jonction des deux instances sous le seul numéro 16/02306 a été ordonnée par mention au dossier.
Par jugement en date du 9 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Nice ayant repris l’instance, a :
– déclaré les recours formés par Mme [D] recevables,
– condamné Mme [D] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes la somme de 43.282,20 euros au titre des prestations indûment facturées,
– infirmé la décision de notification de pénalité financière en date du 26 décembre 2016,
-débouté la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes de sa demande de condamnation au titre de la pénalité financière,
– rejeté la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile par Mme [D],
– dit que les dépens seront supportés par Mme [D],
– rejeté toute autre demande,
– et dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration au greffe de la cour expédiée le 13 janvier 2022, la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes a interjeté appel.
A l’audience du 13 avril 2023, l’appelante reprend les conclusions déposées à l’audience et visées par le greffe. Elle demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a infirmé la décision de notification de pénalité financière en date du 26 décembre 2016, et l’a déboutée de sa demande de condamnation au titre de la pénalité financière,
– statuant à nouveau, condamner Mme [D] à lui payer une somme de 10.000 euros au titre de la pénalité susvisée,
– confirmer le jugement pour le surplus, notamment en ce qu’il a condamné Mme [D] à lui payer la somme de 43.282,20 euros au titre des prestations indûment facturées,
– condamner Mme [D] aux dépens de l’instance,
– condamner Mme [D] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle rappelle que les anomalies graves relevées au cours du contrôle d’activité étaient susceptibles de qualifications pénales et expliquaient le relevé individuel d’activité et de prescriptions montrant une activité extravagante supérieure au référentiel régional, Mme [D] ayant perçu notamment en 2014 la somme de 159.580 euros alors que la moyenne régionale se situait à 69.440 euros. Elle explique que la pénalité financière constitue une alternative aux poursuites pénales et est encadrée par les dispositions de l’article L. 114-17-1 et R. 147-1 et suivants du code de la sécurité sociale.
Elle fait valoir qu’elle a sollicité l’avis du directeur général de l’UNCAM et se fonde sur une fiche de synthèse du 12 décembre 2016 comportant l’avis de ce dernier et la date de sa réception par la caisse primaire le 12 décembre.
Elle fait remarquer que la fiche de synthèse est issue de l’outil de gestion des signalements et de suivi des suites contentieuses (OG3S), développé au sein de l’assurance maladie dans le but de répondre à l’obligation de gérer les signalements en application de l’article L. 114-9 du code de la sécurité sociale et depuis le 1er février 2013, la demande d’avis conforme prévue à l’article R. 147-2 du code de la sécurité sociale étant adressée au directeur général de l’UNCAM via cet applicatif OG3S et l’avis du directeur général en réponse étant également adressé à la caisse via cet applicatif.
Elle fait valoir que l’article R. 147-2 III lui permet de rapporter par tout moyen la preuve de la date de réception de l’avis du directeur général de l’UNCAM, de sorte que la capture d’écran de cet outil lui permet de justifier de la régularité de la procédure.
Elle indique que la procédure s’est ouverte le 23 septembre 2016, par une notification d’engagement de la procédure de sanction financière prévue à l’article L. 114-17-1 envoyée à Mme [D], suivie le 19 octobre 2016 par une lettre l’informant de la date de la réunion de la commission le 25 octobre 2016 à 09h30 et de son droit d’y présenter des observations, que le 25 octobre 2016, la commission des pénalités a retenu une pénalité de 10.000 euros à son encontre et que sur l’avis du directeur général de l’UNCAM, cette pénalité a été notifiée à Mme [D] par lettre du 17 novembre 2016.
Elle reproche au tribunal d’avoir écarter la fiche de synthèse comme moyen de preuve de la réception de l’avis du directeur général de l’UNCAM alors que cette fiche est conforme au modèle issu de l’outil de gestion des signalements et suivi des suites contentieuses mises à la disposition des caisses locales et qu’elle comporte la mention de l’avis du directeur et de sa date de réception.
L’infirmière intimée reprend les conclusions déposées à l’audience et visées par le greffe. Elle demande à la cour de :
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– condamner la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– et condamner la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu’il résulte des dispositions de l’article R. 147-2 III du code de la sécurité sociale, que le directeur général de l’union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) doit être saisi par le directeur de la caisse locale dans un délai de quinze jours suivant la réception de l’avis de la commission ou la date à partir de laquelle celui-ci est réputé avoir été rendu, d’une demande d’avis conforme et qu’à défaut de saisine dans le délai imparti, la procédure est réputée abandonnée.
Elle considère que la caisse ne justifie pas de l’avis conforme du directeur général de l’UNCAM dès lors que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même et que la fiche synthèse dont se prévaut la caisse provient de son propre logiciel. Elle indique que le fait que la commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ait autorisé dans le cadre de l’utilisation de ce logiciel, le traitement automatisé de données à caractère personnel, n’a aucune incidence sur le caractère probant des données qui en seraient extraites par simple capture d’écran.
Elle ajoute que l’avis de la commission des pénalités ayant été rendu le 17 novembre 2016, la saisine alléguée devrait être considérée comme étant tardive et qu’alors que lorsqu’il procède à la saisine du directeur de l’UNCAM, le directeur de la caisse doit préciser les éléments prévus dans la notification et le montant de la pénalité envisagée, la capture d’écran produite ne permet pas de vérifier la mention de ces précisions.
En outre, elle se fonde sur les dispositions de l’article R. 147-2 du code de la sécurité sociale et le caractère sommaire de l’avis rendu par la commission pour faire valoir qu’il n’est pas motivé contrairement aux exigences du texte.
Enfin, elle fait valoir qu’il n’est pas justifié que le signataire de la décision en date du 26 décembre 2016, soit le directeur adjoint de la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes, disposait d’une délégation de signature du directeur de la caisse de sorte que la décision encourt la nullité.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, le jugement n’est pas discuté en ce qu’il a :
– déclaré les recours formés par Mme [D] recevables,
– condamné Mme [D] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes la somme de 43.282,20 euros au titre des prestations indûment facturées,
– rejeté la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile par Mme [D],
-dit que les dépens seront supportés par Mme [D],
-rejeté toute autre demande,
– et dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire de la décision.
Il s’en suit que la cour n’est saisie que de la régularité de la procédure de la pénalité financière prononcée le 26 décembre 2016.
Aux termes de l’article R.147-2 III du code de la sécurité sociale :
‘A compter de la réception de l’avis de la commission ou de la date à laquelle celui-ci est réputé avoir été rendu, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou le directeur de la caisse chargée de la prévention et de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles peut :
1° Soit décider d’abandonner la procédure, auquel cas il en informe ladite personne dans les meilleur délais ;
2° Soit décider de poursuivre la procédure, auquel cas il dispose d’un délai de quinze jours pour saisir le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie d’une demande d’avis conforme, par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, en précisant les éléments prévus dans la notification mentionnée au I et le montant de la pénalité envisagée. A défaut de saisine dans le délai imparti, la procédure est réputée abandonnée.
(…).’
En l’espèce, la caisse se prévaut d’une fiche de synthèse dont il résulte qu’elle concerne le cas de Mme [D], infirmière. Il y est mentionné le 10 novembre 2016 à la ‘date de réception par la caisse de l’avis de la commission’ et le 6 décembre 2016 à la ‘date de réception par la DCCRF de la saisine pour avis conforme du DG UNCAM’.
Il s’en suit qu’il ressort des propres pièces de la caisse que le délai de quinze jours imparti au directeur de la caisse pour solliciter l’avis conforme du directeur général de l’UNCAM n’a pas été respecté, de sorte qu’en vertu des dispositions précitées de l’article R.147-2 III, la procédure est réputée avoir été abandonnée.
La notification subséquente de la pénalité financière doit donc être annulée.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a infirmé la décision de notification de pénalité financière en date du 26 décembre 2016, et débouté la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes de sa demande de condamnation au titre de la pénalité financière,
La caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes, succombant à l’instance, sera condamnée aux dépens de l’appel en vertu de l’article 696 du code de procédure civile.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, la caisse sera condamnée à payer à Mme [D] la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles et sera déboutée de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par décision contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Condamne la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-maritimes à payer à Mme [D] la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,
Déboute la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes de sa demande en frais irrépétibles,
Condamne la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes au paiement des dépens de l’appel.
Le Greffier La Présidente