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Grosses délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 15
ORDONNANCE DU 18 MAI 2022
(n°23, 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/01649 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC7VW
Décision déférée : Ordonnance rendue le 05 janvier 2021 (n° 3/2021) par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS
Nature de la décision : Contradictoire
Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillere à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;
assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;
Après avoir appelé à l’audience publique du 16 mars 2022 :
Monsieur [V] [C]
né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 10] (90000)
Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON
[Adresse 4]
[Localité 8]
Monsieur [K] [W]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 8]
Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON
[Adresse 4]
[Localité 8]
LA SOCIETE DAVIDSON OUEST S.A.S.
Prise en la personne de son Président en exercice
Immatriculée au RCS de Rennes sous le n° 493 128 128
Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentés par Maître Delphine RAVON, avocat au barreau de PARIS, toque : C2263 et par Maître Eve OBADIA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1371
APPELANTS
et
LA DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137
INTIMÉE
Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 16 mars 2022, les conseils des appelants et le conseil de l’intimée ;
Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 18 Mai 2022 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
Avons rendu l’ordonnance ci-après :
Le 5 janvier 2021 le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal Judiciaire (ci-après TJ) de PARIS a rendu, en application de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance à l’encontre de :
la SAS DAVIDSON OUEST, représentée par [N] [F], président, dont le siège social est sis [Adresse 6] et qui exerce une activité de réalisation de prestations d’ingéniérie et des études techniques dans le domaine de l’industrie et des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
L’ordonnance autorisait des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants :
– locaux et dépendances sis [Adresse 3], présumés être occupés par M.[K] [W] et/ou la SAS BSM INVEST et/ou la SAS NOA INVEST et/ou la SAS DANIEL INVEST et/ou le FONDS DE DOTATION [H] [W] ;
– locaux et dépendances sis [Adresse 7], présumés être occupés par M. [V] [C].
L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société SAS DAVIDSON OUEST serait présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’État en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le Code général des impôts (ci-après CGI).
Et ainsi serait présumée s’être soustraite et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l’IS et 244 quater B pour le crédit d’impôt pour dépenses de recherche).
L’ordonnance était accompagnée de 132 pièces annexées à la requête.
Il ressortait des éléments du dossier que le groupe DAVIDSON est un groupe international composé de 25 sociétés spécialisées qui exerce une activité de management, du consulting et de l’expertise technologique. Sur son site internet il est évoqué un chiffre d’affaires en 2019 de 275 millions d’euros. Il intervient dans le conseil digital au sens large. Il emploie de nombreux ingénieurs et consultants qu’il place ensuite en mission plusieurs mois chez ses clients.
Suite à une réorganisation en 2020, la SAS DAVIDSON NG détient la totalité des actions de la SAS DAVIDSON CONSULTING, le groupe DAVIDSON est maintenant animé par la société tête de groupe DAVIDSON NG et a pour actionnaires principaux M. [V] [C] et M. [K] [W].
La SAS DAVIDSON OUEST dont le siège social est situé à [Adresse 6], a été créée le 20 octobre 2006. Elle exerce une activité d’ingéniérie, des activités techniques et de service dans le domaine de l’informatique. Elle est détenue à 100% par DAVIDSON CONSULTING qui est son associé unique et est dirigée par [N] [F].
Suivant contrat du 1er février 2007, la société DAVIDSON OUEST exécute en sous-traitance pour le compte de DAVIDSON CONSULTING des contrats de prestation de service en matière d’ingéniérie informatique auprès de ses clients. Ses prestations sont facturées sur la base de la rémunération convenue par le contrat client au profit de DAVIDSON CONSULTING , minorée de 3% pour le chiffre d’affaires HT sous-traité par DAVIDSON CONSULTING à DAVIDSON OUEST. Il s’ensuit que DAVIDSON OUEST facture des prestations à la SAS DAVIDSON CONSULTING qui elle-même facture les prestations au client final.
La SAS DAVIDSON OUEST a déposé plusieurs déclarations de crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR) entre 2013 et 2019 pour des dépenses de recherche. Ainsi dans le cadre de travaux de recherche, la SAS DAVIDSON OUEST a bénéficié de crédits d’impôt recherche et s’est fait assister par un Cabinet spécialisé en CIR, la société INNOVATECH Conseil.
Il en résulte qu’elle a acquitté partiellement son impôt sur les sociétés dû en 2019 par l’imputation des CIR 2019, 2016 et 2017, que la société DAVIDSON OUEST bénéficie d’un stock de crédit d’impôt en faveur de la recherche déposé au titre des années 2017 et 2018 s’élevant au 31/12/2019 à 234 148 euros et a bénéficié d’un remboursement de crédit d’impôt en faveur de la recherche de 2013 s’élevant à 947 789 euros et de 2015 s’élevant à 18 930 euros.
Les dossiers de CIR déposés par la société DAVIDSON OUEST entre 2015 et 2017 sont constitués de dépenses de recherches réalisées par l’entreprise et de dépenses de sous-traitance comprenant des dépenses de personnels soit salariés de l’entreprise soit mis à disposition par la société Interavia Consulting, des dotations aux amortissements de biens affectés à des opérations de recherche, des dépenses de fonctionnement et d’une dépense de veille technologique, exposés entre 2013 et 2019 qu’elle a partiellement imputés sur le règlement de son impôt sur les sociétés des années 2016 à 2019.
Il peut être présumé que le montant total des dépenses de recherches réalisées par l’entreprise dans le calcul du CIR au titre des années 2015, 2016, 2017 serait constitué entre 95 et 97% (hors dépenses de fonctionnement) de dépenses de personnel, dont une partie serait mise à disposition par la société INTERVIA.
Par ailleurs, il découlerait de ces informations que la SAS DAVIDSON OUEST semble disposer de moyens d’exploitation matériels affectés directement et exclusivement à des opérations de recherche limitées.
Il était indiqué que le crédit d’impôt recherche (CIR) est une mesure générique de soutien aux activités de recherche et développement (R&D) des entreprises, sans restriction de secteur ou de taille, que la réduction d’impôt est calculée sur la base des dépenses de R&D engagées par les entreprises, que les entreprises bénéficiaires du CIR déposent une déclaration spéciale qui permet de calculer le montant du CIR et reportent le résultat sur leur déclaration fiscale, que ce crédit d’impôt peut être imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par la société, ou à défaut peut constituer une créance sur l’État.
Il était précisé que le CIR est basé notamment sur le montant des rémunérations du personnel affecté aux opérations de recherche.
Cependant une entreprise qui met ses salariés/consultants à la disposition de ses clients afin d’y effectuer, dans leurs locaux et avec leurs moyens, des opérations de recherche ne doit pas prendre en compte leur rémunération dans le montant des dépenses des personnels affectés à la recherche.
Il découle des dossiers financiers transmis au titre des années 2014, 2015, 2016 et 2017 que la situation de la mise à disposition de salariés semblerait connue de la société DAVIDSON OUEST puisqu’elle a pris en compte dans ses déclarations de CIR du personnel mis à disposition par la société INTERVIA.
Le contrôle du CIR est de la compétence de la Direction générale des finances publiques (ci-après DGFiP) qui peut, le cas échéant, se faire assister d’un expert du ministère chargé de la recherche (ci-après MESRI), et l’entreprise qui a bénéficié du CIR doit pouvoir justifier des éléments qu’elle a déclarés.
Il s’ensuit que le contrôle du CIR comprend en général une partie scientifique réalisée par des experts du MESRI (contrôle de la compétence et du travail) et une partie purement fiscale (contrôle de la dépense et de l’organisation de la société) réalisée par les agents de la DGFiP.
Dès lors, un CIR peut être validé totalement ou partiellement par les experts du MESRI d’un point de vue scientifique, et faire l’objet d’un rejet total ou partiel par les agents de la DGFiP si les conditions imposées par le code général des impôts ne sont pas respectées.
La SAS DAVIDSON OUEST a déposé le 24 /10/2018 auprès de la DRFP d’Ille et Vilaine une demande de remboursement du CIR 2014, toujours en cours d’instruction au jour de la requête.
La société a communiqué au service des impôts des entreprises de Rennes-Est des rapports scientifique et financiers et les pièces justificatives afférentes à la demande de remboursement de son CIR 2014.
L’analyse des pièces du dossier révèle selon l’administration fiscale qu’un grand nombre de salariés de la société DAVIDSON OUEST (analyse de leur profil linkedin, données sociales de la société ) a pu être pris en compte dans sa déclaration de CIR 2014 alors qu’ils travaillaient en réalité pour d’autres sociétés (3 salariés consultants ou ingénieurs d’études, un salarié ingénieur de SAS DAVIDSON OUEST, 5 salariés de INTERVIA CONSULTING).
Par ailleurs, la SAS DAVIDSON OUEST a fait l’objet, suite à un avis de vérification en date du 28/12/2018, d’une procédure de vérification de comptabilité visant ses déclarations fiscales des années 2016 et 2017 et s’agissant du crédit d’impôt en faveur de la recherche, de l’ensemble des dépenses engagées au titre des années 2015 à 2017 portées sur les déclarations 2069-A SD déposées en 2016, 2017 et 2018. Une proposition de rectification (20/12/2019) a été adressée par le service vérificateur que la SAS DAVIDSON OUEST a contesté (le 24/02/2020), s’agissant notamment du portage salarial facturé par INTERVIA et figurant sur les déclarations du CIR. Ainsi l’analyse et le recoupement entre les données relatives aux salariés de DAVIDSON OUEST, leur profil Linkedin ou Viadeo et les données sociales de la société ont permis à l’administration fiscale de constater qu’un nombre important de salariés de la société DAVIDSON OUEST a pu être pris en compte dans ses déclarations de CIR alors qu’ils travaillaient en réalité pour d’autres sociétés, que dès lors il peut-être présumé que la société SAS DAVIDSON OUEST aurait artificiellement majoré le montant des dépenses de personnel pris en compte dans le calcul de ses CIR 2014, 2015, 2016 et 2017, et a ainsi réduit frauduleusement ses impositions.
La société SAS DAVIDSON OUEST est donc présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’Etat en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par la CGI.
[V] [C] est le nouveau Directeur Général de la société SAS DAVIDSON OUEST et l’un des principaux actionnaires du groupe DAVIDSON, compte tenu de ses fonctions il est susceptible de détenir dans les locaux qu’il occupe sis [Adresse 7] des documents et/ou supports d’informations relatifs à la fraude présumée.
[K] [W] déclare résider [Adresse 3], il est directeur général de DAVIDSON CONSULTING depuis 2010 et l’un des directeurs généraux de la société DAVIDSON OUEST au cours des années pour lesquelles les CIR 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017 ont été demandés. Compte tenu de son ancien poste de DG au sein de DAVIDSON OUEST et de son rôle d’actionnaire indirect du ‘groupe’ DAVIDSON, [K] [W] est susceptible de détenir dans les locaux qu’il occupe [Adresse 3], des documents et/ou supports d’informations relatifs à la fraude présumée.
Au vu de tout ce qui précède, le JLD du Tribunal judiciaire de PARIS a autorisé la visite domiciliaire par ordonnance du 5 janvier 2021.
Les opérations de visite et de saisies se sont déroulées le 12 janvier 2021 dans les locaux susmentionnés.
Le 27 janvier 2021, la SAS société DAVIDSON OUEST, M. [V] [C] et M. [K] [W] ont interjeté appel contre l’ordonnance du JLD ( RG 21/01649)
L’affaire a été audiencée pour être plaidée le 17 novembre 2021, elle a été renvoyée à l’audience du 16 mars 2022 et mise en délibéré pour être rendue le 18 mai 2022.
SUR L’APPEL
Par conclusions déposées au greffe de la cour d’appel de Paris le 23 décembre 2021, conclusions d’appel et en réplique du 17 février 2022 et conclusions en réplique et récapitulatives du 11 mars 2022, reçues le 16 mars 202, les appelants font valoir :
Rappel des faits et de procédure :
Le JLD du TJ de Paris a rendu une ordonnance le 5 janvier 2021 autorisant des visites domiciliaires au sein des domiciles privés de M [W] ([Adresse 3]) et de M [C] ([Adresse 7]). Les visites ont été effectuées le 12 janvier 2021. Désignés par l’ordonnance critiquée, Messieurs [C] et [W] sont recevables à interjeter appel.
Après avoir exposé le contexte des visites domiciliaires (présentation du groupe Davidson, de la société Davidson Ouest et du régime du CIR), les appelants sollicitent qu’il soit à nouveau statué, en fait et en droit, selon l’art 561 du CPC, sur la requête de la DNEF du 17 décembre 2020, au regard de trois moyens (absence de caractérisation des conditions de mise en oeuvre de l’art L 16 B, absence de vérification du JLD, caractère illicite d’un grand nombre de pièces de l’administration) qui ne peuvent que conduire à l’infirmation de l’ordonnance, étant observé que par ordonnance du 19 janvier 2022, le Premier Président de la CA de Rennes a infirmé l’ordonnance du JLD du Tribunal judiciaire de Rennes dont la rédaction est identique.
I ‘ Contexte de la mise en ‘uvre de la visite domiciliaire contestée : présentation du groupe DAVIDSON, de la société DAVIDSON OUEST et du régime CIR
A ‘ Présentation générale du groupe DAVIDSON
Il est décrit le groupe DAVIDSON exerçant une activité de consulting dans domaine de l’ingénierie depuis 2005. Il est structuré autour de 23 filiales françaises et de 7 filiales étrangères.
Le groupe a notamment participé à certains projets les plus innovants des dix dernières années dans le domaine des télécoms, de l’internet des objets (IoT) ou du numérique au sens large. A titre d’exemple, il est notamment cité le lancement du premier portail de vidéo à la demande français avec Canal+, l’optimisation des réseaux 4G chez SFR et le lancement de la 5G avec BOUYGUES TELECOM.
Par ailleurs, au cours des dix dernières années, plus de 800 projets en lien avec une démarche de recherche et développement (ci-après R&D) lui ont été confiés.
Afin d’exercer son activité, le groupe DAVIDSON a recours à différents types d’engagements contractuels : l’assistance technique (simple ou renforcée), des projets ponctuels, des pôles d’activité et des centres de services.
Il est argué qu’il ne s’agit en aucun cas de contrats de mise à disposition de personnel ou de portage salarial, et ce, quand bien même le lieu d’exécution des missions se situerait généralement dans les locaux des clients, à l’instar de la majeure partie des activités des cabinets de conseil employant des consultants.
Il est indiqué que depuis sa création en 2005, le groupe DAVIDSON a connu une croissance continue et que le nombre de ses consultants a cru de 30 en 2005 à 2 428 au 31 décembre 2020.
En outre, l’activité du groupe se caractérise par une technicité croissante qui se traduit par une activité de R&D foisonnante, aussi bien en interne qu’en externe: à titre d’exemple, il est cité la publication de nombreux articles scientifiques ainsi que le dépôt de plusieurs brevets.
Il est fait valoir qu’afin de répondre aux atteintes de ses clients, le groupe DAVIDSON a placé son activité R&D au c’ur de sa stratégie marketing. Grâce à cet investissement R&D conséquent, le groupe fait désormais figure de référence dans le monde de l’IoT.
B ‘ Présentation de la société DAVIDSON OUEST
A l’instar des autres sociétés du groupe, la société DAVIDSON OUEST déploie son activité de conseil, d’expertise et de management de projets dans les domaines de l’industrie et des nouvelles technologies. Les visites domiciliaires l’ont visée alors qu’elle était en plein essor depuis é015 après des résultats déficitaires en 2013 et 2014. Elle mène des projets R&D, au titre des exercices 2015 à 2017 quatre projets ont été valorisés (melody, Linux ARM, IOT SIM, impression 3 D).
C ‘ Une activité de R&D justifiant le dépôt des demandes de CIR
-Le régime du CIR
Il est rappelé que le crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR) est une mesure d’incitation fiscale au développement de l’effort de recherche scientifique et technique des entreprises françaises. Calculé sur la base des dépenses de R&D engagées par les entreprises, il a pour objectif d’en diminuer le coût afin d’inciter les entreprises à y procéder et accroître leur compétitivité.
Il est indiqué que le taux du crédit d’impôt est de 30% pour les dépenses de recherches jusqu’à 100 millions d’euros. Le CIR est déduit de l’impôt sur les sociétés dû par la société au titre de l’année au cours de laquelle elle a engagé les dépenses de R&D intégrées à l’assiette du CIR.
En cas d’impossibilité d’imputation sur un bénéfice trop faible par exemple, le crédit excédentaire non imputé constitue une créance de l’État, qui peut être utilisée pour le paiement de l’impôt dû au titre des 3 années suivantes. A l’expiration d’un délai de 3 ans, la créance est remboursable.
– Comme le relève à juste titre l’ordonnance, dans le cadre de son activité de recherche, la SAS DAVIDSON OUEST a bénéficié de CIR, la société a en effet déposé des demandes de CIR au titre des exercices visés dans l’ordonnance, de 2014 à 2017.
Au total, au titre de la période visée dans l’ordonnance (2014-2017), la société DAVIDSON OUEST a acquitté partiellement son impôt sur les sociétés dû en 2019 par l’imputation de ses CIR au titre de 2016, 2017 et a bénéficié d’un remboursement au titre du CIR de 18 930 euros, remboursement intervenu qu’en mai 2020 (7 mois avant la présentation de la requête) portant sur le CIR afférent de l’exercice clos en 2015.
Les autres créances du CIR afférentes à la période visée dans l’ordonnance (2014-2017) n’ont donné lieu à aucun remboursement ni aucune imputation sur la période visée.
– Les dossiers du CIR (années 2014-2017) ont été établis avec l’assistance d’un expert, la société INNOVATECH CONSEIL, référencée en tant qu’acteur conseil CIR ce qui est un gage de sérieux.
II ‘ Absence de caractérisation des conditions de mise en ‘uvre de l’article L. 16 B du LPF
– Les parties appelantes font valoir que les cas de présomption de fraude permettant d’autoriser l’administration fiscale à procéder aux visites et saisies sont limitativement énumérés par le paragraphe I de l’article L. 16 B du LPF et que le dispositif prévu à l’article L. 16 B du LPF n’est conforme à la Constitution que dans la mesure où il vise de manière précise les infractions pouvant justifier le recours à ce dispositif, que ce texte permet l’organisation d’une visite domiciliaire dans les seuls cas où le contribuable se soustrait au paiement de l’impôt, alors que l’administration fiscale invoque dans sa requête la réduction frauduleuse de l’imposition et le bénéfice d’une créance indue sur l’Etat.
– En l’espèce, la présomption de fraude alléguée à l’encontre de la société DAVIDSON OUEST est qu’elle aurait majoré le montant des dépenses de personnel pris en compte dans le calcul de ses déclarations de CIR ( 2014-2017), et est ainsi ‘ présumée avoir réduit frauduleusement ses impositions ou bénéficié d’une créance indue sur l’Etat’.
L’administration vise dans sa requête deux situations bien distinctes :
– la réduction par le contribuable de son imposition
– le bénéfice d’une créance indue sur l’Etat.
Il est rappelé la situation de DAVIDSON OUEST au jour de la requête.
– La suspicion du caractère frauduleux du calcul de créances de CIR détenues par un contribuable mais non imputées, au jour de la requête, sur l’impôt sur les société, comme c’est le cas au titre des exercices 2014 et 2015, ne constitue pas un cas de présomption de fraude visé par l’art L 16 B du LPF. Les infractions visées sont des infractions matérielles supposant que le résultat est un élément même de l’infraction qui n’est consommée que par la réalisation du dommage et que la soustraction à l’établissement ou au paiement de l’impôt est donc non seulement le résultat des infractions visées mais elle en est également un élément constitutif, ce qui exclut une tentative de soustraction à l’établissement de l’impôt.
En conséquence lorsqu’une créance de CIR n’a été ni imputée ni remboursée, soit que la demande de remboursement n’a pas été déposée, soit qu’elle est encore en cours d’instruction, soit qu’elle a été rejetée, l’article L 16 B du LPF ne peut pas être mis en oeuvre.
La décision du Premier Président de la CA de Rennes en date du 19 janvier 2022 qui a jugé dans ce sens est citée, ainsi que l’avis du professeur de droit Deboissy.
Selon les appelants, il s’impose d’annuler l’ordonnance en ce qu’elle a autorisé la visite pour rechercher la preuve des agissements visés au titre des exercices 2014 et 2015.
Les parties contestent les trois arguments de l’administration fiscale dans ses conclusions en défense.
– S’agissant des exercices 2014 et 2015 (à titre subsidiaire) et des exercices 2016 et 2017(à titre principal), la suspicion de fraude n’est pas alléguée.
En effet, l’administration fiscale avait parfaitement connaissance du fonctionnement du groupe DAVIDSON, une vérification de comptabilité était en cours à la date de présentation de la requête, ce contrôle portant sur les CIR au titre des années 2015 à 2017. Pour chaque exercice vérifié, la société a remis au service vérificateur plusieurs documents (rapports financiers incluant les éléments permettant de déterminer le montant retenu des dépenses de personnel, de veille technologique et de dotations aux amortissements et les copies de déclarations n° 2069-A-SD ; rapports scientifiques, présentant les projets de R&D concourant à la détermination des CIR demandés ; feuilles de temps et annexes ; copies de contrats). Ainsi tous les documents demandés par l’administration lui ont été remis.
Or, dès lors que l’administration fiscale avait connaissance du fonctionnement du groupe DAVIDSON ainsi que de l’organisation de la R&D en son sein et avait déjà diligenté des vérifications de comptabilité au terme desquelles lesdemande de CIR avaient été validées, il ne lui était pas possible de mettre en ‘uvre l’article L. 16 B du LPF. Il est cité l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris en date du 9 septembre 2020 (n° 19/16971) dans l’affaire LVMH FINANCE BELGIQUE SA.
L’administration n’explique en rien quel intérêt revêtait pour elle la réalisation des visites sollicitées aux domiciles personnels de M. [C] et [W] et quels documents utiles elle escomptait y collecter.
Pour répondre aux arguments de l’administration fondés sur la vérification du volet scientifique des projets fondant les déclarations de CIR ( Observation du Mesri), il est rappelé que l’organisation générale de la société DAVIDSON OUEST et, plus largement, celle du groupe DAVIDSON , en vertu de laquelle les ingénieurs réalisent des opérations de R&D pour le compte de la société dans le cadre des missions qu’ils effectuent chez des clients, n’a jamais été remise en cause dans le cadre des vérifications de comptabilité ayant porté sur des années antérieures à 2015, dont certaines ont eu lieu très récemment.
Pour étayer ses allégations, l’administration produit le profil LinkedIn de 6 salariés.
Or, selon la jurisprudence, les « mentions figurant sur les comptes LinkedIn (‘) sont dépourvues de toute force probante, dès lors qu’elles ne sont (‘) en aucun cas soumises à l’aval des sociétés en cause ».
Il est argué que l’administration aurait dû exercer à l’égard de ces quelques salariés le droit de communication dont elle dispose pour leur demander exactement quelles avaient été leurs activités.
– La circonstance que les dépenses de personnel afférentes aux consultants de la société, affectés par celle-ci à des opérations de R&D dans le cadre du CIR déclaré, soient refacturées aux clients et seraient donc, selon l’administration, exclusives du bénéfice du CIR pour la société relève d’un débat purement juridique qui ne peut être tranché par une visite domiciliaire.
A cet égard, il est mis en exergue que la position exprimée par l’administration dans sa requête, et reprise par le JLD dans son ordonnance, est en contradiction avec la doctrine de l’administration fiscale telle que fixée depuis plus d’une dizaine d’années, ainsi que les extraits produits le montrent.
Il est également cité une décision du Conseil d’État en date du 18 juin 2021 à l’appui de cet argument.
Dès lors qu’il ressort clairement des dispositions édictées aux paragraphes I et suivants de l’article 244 quater B du CGI que le dispositif du CIR doit bénéficier à l’auteur de la R&D, c’est-à-dire à la personne qui expose les dépenses de R&D éligibles, c’est à juste titre que la société DAVIDSON OUEST a inclus ces dépenses dans l’assiette de son CIR, sans qu’ait d’incidence à cet égard la circonstance que ces dépenses soient répercutées à ses clients.
III ‘ Absence de vérification concrète par le JLD du bien-fondé et de la proportionnalité de la mesure
Il est fait valoir que plusieurs éléments démontrent que le JLD n’a pas vérifié le bien-fondé et la proportionnalité de la mesure qu’il a autorisée.
Tout d’abord, la requête était accompagnée de 132 pièces, représentant des milliers de pages, dont aucune d’entre elles n’établit ni la nécessité ni l’intérêt de réaliser une visite domiciliaire, notamment au domicile personnel de M [C] et de M [W].
Par ailleurs, le JLD n’a pas rempli son rôle de vigie de la liberté individuelle que lui assigne l’article 66 de la Constitution, en omettant de vérifier que l’exigence de proportionnalité, qui découle notamment de l’article 8 de la CESDH, avait été respectée.
Il est argué que la motivation de l’ordonnance (« la preuve des agissements présumés peut, compte tenu des procédés mis en place, être apportée par la mise en ‘uvre du droit de visite et de saisie prévu à l’article L. 16 B du LPF ») est abstraite et générale et ne contient aucun élément concret justifiant de la nécessité ainsi que de la proportionnalité de la mesure.
Ainsi, il n’est mentionné à aucun moment que l’administration ne pouvait pas obtenir les mêmes informations par une autre voie, moins intrusive, telle que le droit de communication.
Dans sa jurisprudence, la CEDH censure toute ingérence non nécessaire et donc disproportionnée au but recherché.
En laissant à l’administration le libre choix des armes et en refusant implicitement de reconnaitre à la procédure de l’article L 16 B du LPF un caractère subsidiaire, le JLD a commis une erreur de droit au regard des exigences de la CEDH, il n’a pas donné la priorité à la protection des droits fondamentaux ( inviolabilité du domicile et respect de la vie privée).
Par conséquent, il est demandé d’annuler l’ordonnance.
IV ‘ Caractère illicite d’un grand nombre de pièces soumise au JLD par l’administration à l’appui de sa requête.
Les parties appelantes rappellent la jurisprudence constante de la cour de cassation concernant l’obligation pour le premier président , en cas de contestation , de vérifier que les éléments d’information fournis par l’administration fiscale requérante ont été obtenues de manière licite. Selon elles, les traitements de données sur lesquels se fonde l’ordonnance du JLD doivent respecter les règles applicables en matière de protection des données personnelles, tel n’est pas le cas. La loi du 6 janvier 1978 et le règlement RGPD sont rappelés.
Elles évoquent la caractère illicite de certaines pièces jointes à la requête de l’administration fiscale correspondant à une collecte d’informations et de données issues de recherches sur des bases de données ou de sources d’accès public tels que des moteurs de recherches, des réseaux sociaux professionnels ( pièces 38, 46 à 51 et 101) cette collecte indirecte supposant une information des personnes concernées qui ne leur a pas été délivrée, les agents de l’administration fiscale en l’espèce devant se soumettre aux règles du RGPD.
Compte tenu du nombre de données collectées, sans la production de ces pièces, le JLD saisi n’aurait pas fait droit à la demande de mise en oeuvre des visites domiciliaires présentée par l’administration. L’ordonnance doit donc être annulée.
En conclusion, il est demandé de :
A titre principal
-infirmer l’ordonnance signée le 5 janvier 2021 par le JLD du TJ de PARIS au visa de l’article L. 16 B du LPF ;
-en conséquence, annuler les opérations de visite et saisie autorisées par cette ordonnance ;
A titre subsidiaire
-infirmer l’ordonnance critiquée en ce qu’elle a autorisé les visites pour rechercher la preuve des agissements prêtés à la société appelante au titre des exercices 2014 et 2015 ;
-en conséquence, annuler les saisies réalisées au cours des deux visites en ce qu’elles portent sur les exercices 2014 et 2015 ;
En tout état de cause
-ordonner la destruction, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir, de toute copie sous quelque forme que ce soit des documents et fichiers saisis, à charge pour l’administration de justifier de la destruction effective de ces documents et fichiers ;
-dire que l’administration sera rétroactivement réputée ne jamais avoir détenu les pièces saisies ;
-condamner la DGFiP aux dépens et à payer aux appelants la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en date du 9 février 2022 et conclusions n°2 reçues le 16 mars 2022 l’administration fiscale fait valoir :
1 Un rappel préalable de la procédure est exposé.
2 Discusssion
2-1 Rappel préalable des faits :
L’administration fiscale rappelle et développe les éléments soumis à l’appréciation du juge justifiant la mise en oeuvre de la procédure de visite domiciliaire dans la requête ainsi que les pièces produites.
2-2 L’argumentation développée par la partie appelante ne remet pas en cause le bien -fondé des présomptions retenues par le premier juge.
A- sur l’absence d’acte ou d’omission entrant dans le champ de l’article L16 B du LPF.
L’appelant reproche au JLD de s’être fondé sur des éléments qui ne permettraient pas d’établir l’existence de présomptions selon laquelle le contribuable se serait soustrait à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d’affaires […]. Ce moyen se pourra qu’être rejeté dès lors que la présomption vise la délivrance de factures ou de documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et réduisant une imposition ou permettant de bénéficier d’une créance indue sur l’Etat et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par la CGI. La Cour de cassation a rappelé que pouvaient être relevées des présomptions relevant des art 1741 ou 1743 du CGI, elle a également régulièrement jugé que ce texte n’exigeait pas des infractions d’une particulière gravité et que le juge n’avait pas à caractériser la mauvaise foi du contribuable .
L’appelante invoque la décision du Premier Président de la Cour d’appel de Rennes et énonce que les dispositions de l’article L 16B du LPF ne peuvent pas être mises en oeuvre en l’absence d’imputation d’une créance CIR.
Les conditions de la mise en oeuvre de l’article L 16B du LPF sont rappelées.
Au cas présent, l’excédent du crédit d’impôt non imputé constitue au profit de l’entreprise une créance sur l’Etat d’égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l’impôt dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis s’il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l’expiration de cette période.
Les entreprises qui dégagent un crédit d’impôt non imputé sur l’impôt dû au titre de la même année doivent constater une créance sur le trésor du montant du crédit d’impôt non imputé. Cette créance de CIR doit être enregistrée pour sa valeur normale au débit du compte 444 ‘ Etat -impôt sur les bénéfices’ et par le crédit du compte 699 ‘ produits- Crédit d’impôt recherche’.
C’est bien la constatation et donc l’enregistrement comptable de la créance qui constitue le fait générateur permettant à terme le remboursement. Par la suite la demande de restitution s’effectue sur le formulaire dédié à la liquidation de l’IS.
D’autre part, en cas d’imputation sur un exercice postérieur à la période vérifiée d’un CIR remis en cause à la suite d’un contrôle, il sera procédé à une nouvelle liquidation de l’IS, assortie de l’application éventuelle de pénalités. En effet la remise en cause d’un excédent d’imputation de CIR s’analyse comme une opération comptable de liquidation de l’IS et non comme une rectification en matière d’assiette de l’impôt.
Au cas particulier, l’administration a notamment présumé que la société appelante avait bénéficié d’une créance indue sur l’Etat en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le CGI.
Ainsi le dépôt d’une déclaration de CIR fait naitre un droit à imputation ou au remboursement de l’IS qui à terme bénéficiera finalement à la société en l’absence de remise en cause et contribuera in fine à diminuer sa charge fiscale. Le principe de la soustraction à l’établissement ou au paiement de l’ impôt est avéré dès la constitution de la créance , dès lors qu’elle a donné lieu à la passation d’écritures omptables et qu’elle a pour vocation unique une minoration du paiement de l’impôt. D’ailleurs la Cour d’appel de Besançon a confirmé sur ce point l’ordonnance du JLD de Belfort concernant la SAS DAVIDSON EST (6 janvier 2022).
Il en résulte que la constatation de la créance de CIR est soumise à des obligations comptables et fiscales . Elle doit en effet être déterminée sur une déclaration spécifique qui s’inscrit dans un processus lié à l’établissement de l’impôt et faire l’objet d’un enregistrement comptable.
De cette constatation de l’existence de la créance résulte la naissance d’un droit à déduction avec pour effet une minoration du paiement de l’impôt, peu important la date à laquelle il sera exercé.
Ainsi, un CIR imputé sur le montant de l’IS dû au titre d’un exercice entre à l’évidence dans le champ d’application de l’art L 16B du LPF, puisqu’il peut se traduire par une soustraction au paiement de l’impôt. Le seul fait de ne pas avoir été en mesure de procéder à cette imputation (exercice déficitaire) ne change en rien le fait que le contribuable aura essayé de se soustraire au paiement de l’impôt, quand bien même il s’agit d’un exercice ultérieur, l’art L 16B n’exigeant pas que cette soustraction se rapporte à un exercice déterminé.
La circonstance que l’excédent de la créance de CIR n’ait pas pu être imputé du fait du résultat déficitaire de la société ne retire rien à la nature fiscale de la créance, d’ailleurs il résulte de la jurisprudence qu’une demande indue de remboursement d’un CIR est constitutive de l’infraction de fraude fiscale sanctionnée par l’art 1741 du CGI.
En conséquence, les dispositions de l’article L 16B sont applicables au CIR, peu importe les modalités de son utilisation (imputation ou remboursement).
B- Sur l’incidence de la vérification de comptabilité sur la procédure de l’art L 16B du LPF.
Il est rappelé la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l’administration peut solliciter la mise en oeuvre de l’art L 16B avant, pendant ou après une vérification fiscale.
Les appelants critiquent la mise en oeuvre d’une procédure de visite et de saisie après l’envoi au contribuable d’une procédure de rectification sans application de pénalités, or la procédure de l’art L16B est totalement indépendante de la procédure de contrôle que constitue la vérification de comptabilité. Aucune disposition légale ne s’oppose à ce que, au terme d’une enquête de la DNEF, une procédure de visite soit engagée concomitamment à une procédure de vérification.
De même, le fait qu’un remboursement ait été effectué au titre d’un CIR (qui s’appuie sur une analyse de pièces soumises à l’administration fiscale) , n’est pas en contradiction avec la mise en oeuvre d’une opération de visite, dont la finalité est de recueillir des éléments qui n’ont pas été portés spontanément à la connaissance de l’administration ou produits dans le cadre de la vérification.Le fait qu’aucune pénalité n’ai été appliquée aux droits rappelés doit être corrélé à la nature des constatations effectuées par le service vérificateur, en fonction des éléments qui lui ont été présentés ( considérations technique s’appuyant sur rapports des experts du MESRI). Les services de la DNEF ont rapproché ces éléments (remise en cause de certaines dépenses de personnel notamment) et certaines sources externes (profil linkedin de salariés concernés), pour établir une présomption de fraude fondée sur des incohérences manifestes (temps prétendument passé à leur participation aux projets de recherche) justifiant la mise en oeuvre de la procédure.
C- Sur le débat juridique.
Selon les appelantes, le débat porterait sur le point de savoir si une entreprise qui expose des dépenses de R&D pour son propre compte peut inclure ces dépenses dans l’assiette de son CIR lorsque celles-ci sont refacturées à un client, elle produisent une arrêt du 18 juin 2021 du Conseil d’Etat à l’appui de leur argumentation. Or cette discussion relève de la compétence du juge de l’impôt, ce que n’est pas le JLD en matière de visite domiciliaire ni le Premier président statuant en appel
En l’espèce les appelants tentent de réduire les présomptions de fraude à un seul débat juridique, alors qu’il ressort des éléments produits devant le JLD qu’il pouvait être présumé que la société SAS DAVIDSON OUEST a articifiellement majoré le montant de dépenses de personel pris en compte dans le calcul des CIR de 2014 à 2017 et a ainsi réduit frauduleusement ses impositions.
D -Sur le contrôle du juge
Les parties appelantes demandent l’annulation de l’ordonnance au motif que le JLD n’aurait pas procédé à un examen des pièces présentées dans le délai entre le dépôt de la requête et l’ordonnance rendue. La jurisprudence de la Cour de cassation est rappelée en la matière. Selon cette jurisprudence l’art L 16 B du LPF ne prévoit aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision, le nombre de pièces produites ne peut à lui seul, laisser présumer que le premier juge s’est trouvé dans l’impossibilité de les examiner, en tous état de cause , au titre de l’effet dévolutif, le Premier président saisi d’un recours peut statuer à nouveau en fait et en droit sur le bien fondé de la requête de l’administration.
Il est rappelé l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 31 août 2010 sur ce point. En l’espèce rien n’autorise les appelantes à suspecter que le juge se soit dispensé de contrôler les pièces soumises à son apréciation.
E- sur la force probante des pièces présentées
Les appelantes dénient toute force probante aux informations linkedin et Viadeo, alors que l’administration ne fait que communiquer des éléments d’accès publics issus de base de données ou sites internet, pour lesquels la Cour de cassation a reconu le caractère licite des consultations, les informations figurant sur les réseaux sociaux professionnels décrivent l’activité exercée par les personnes qui s’y pésentent. Il ressortait de ces consulations qu’un nombre important de salariés de la société DAVIDSON OUEST a pu être pris en compte dans ses déclarations de CIR alors qu’ils travaillaient en réalité pour d’autres sociétés, et qu’ainsi la SAS DAVIDSON OUEST a artificiellement majoré le montant de dépenses de personnels pris en compte dans le calcul de ses CIR et ainsi réduit frauduleusement ses impositions.
Le juge a ainsi relevé des éléments révélant des incohérences concernant les travaux de recherche ( conclusions des experts du MESRI, volume horaire déclarés par la société pour les activités de recherche, situation des salariés.
Les éléments retenus par le juge dans l’ordonnance sont rappelés concernant le pourcentage d’heures de travail à la recherche et au développement par 3 salariés (ingénieur d’étude, ingénieur informatique et consultant), incohérent avec leur activité telle que décrite par leur profil Linkedin.
F- Sur le contrôle de proportionnalité et l’intérêt de la visite domiciliaire
Il est fait valoir que la Cour de cassation a toujours jugé qu’aucun texte n’impose au juge de vérifier si l’administration pouvait recourir à d’autres modes de preuve ou à d’autres procédures.
Selon l’article L. 16B du LPF, Dès lors qu’existent des présomptions d’agissements frauduleux, la procédure de visite domiciliaire était justifiée en ce qu’elle permettait de rechercher la preuve de ces agissements et ainsi d’accéder à des documents de gestion quotidienne de l’entreprise ou relatifs à l’organisation interne, que le contribuable n’a pas l’obligation de remettre dans le cadre d’une procédure de contrôle classique.
Contrairement à ce qu’indiquent les appelants, les présomptions ne se résument pas à un simple débat juridique sur le CIR, mais elles portent sur la réalité factuelle des dépenses de frais de personnel concernant les salariés de Davidson Ouest, prises en compte dans les déclarations de CIR alors qu’ils paraissaient travailler en réalité pour d’autres sociétés, la question étant de savoir si la société réalisait de la R&D et si elle pouvait bénéficier du CIR en prenant compte des dépenses de salariés/ consultants alors qu’ils paraissaient travailler pour d’autres sociétés.Il s’agit d’une question de fait qui repose sur les éléments communiqués par la société, sa résolution implique que l’administration fiscale puisse démontrer que les salariés ne travaillent pas chez leur employeur, mais dans les locaux des clients chez qui ils sont mis à disposition.
La réponse ministérielle produite par les appelantes (18 février 216 ) vise des opérations de recherche menées en sous traitance par des organismes de recherches privés, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, la société DAVIDSON exerçant une activité de consulting en mettant à disposition de ses clients ses propres salariés, étant observé d’ailleurs une faiblesse des moyens d’exploitation matériels affectés aux opérations de recherche.
Il en résulte que le JLD a pu légitimement présumer que la société DAVIDSON OUEST a artificiellement majoré le montant des dépenses de pesonnel dans le calcul de des CIR de 2014 à 2017 et ainsi réduit frauduleusement ses impositions.
G- Sur la visite des domiciles de messieurs [C] et [W]
Le JLD a expliqué dans sa décision en quoi la visite des domiciles de messieurs [C] et [W] était justifiée, eu égard à leurs fonctions respectives au sein de la SAS DAVIDSON OUEST, de la SAS DAVIDSON CONSULTING et du groupe DAVIDSON.
H- Sur le caractère licite de certaines pièces soumises à l’appréciation du JLD
Selon les appelantes, les agents auraient dû respecter la réglementation RGPD et l’obligation d’information portant sur la source des données ainsi traitées et leur accessibilité au public.
La jurisprudence de la Cour de cassation et celle de la cour d’appel de Paris qui ont validé la possibilité pour l’administration de recueillir des informations tirées de la consultation de sites d’accès publics sont rappelées.
L’article 14 du règlement UE du 27 avril 2016 concernant le RGPD est rappelé, concernant les personnes morales qui en sont exclues, de même l’article 2 du RGPD qui prévoit que le règlement ne s’applique pas aux données à caractère personnel effectué .. ‘d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection ds infractions pénales, d’equêtes et de poursuite en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces’.
L’art 42 de la Loi du 6 janvier 1978 qui se prononce de la même façon est également rappelé, ainsi que l’art 2 de l’arrêté du 24 juillet 2000 concernant la mission de la DNEF.
Il résulte de ces textes que le traitement ‘sui generis’ mis en oeuvre par l’administration fiscale disposait d’une base juridique suffisamment précise.
Concernant le reproche à l’administration fiscale de ne pas avoir rappelé aux personnes concernées leurs droits s’agissant des données collectées indirectement, cet argument doit être écarté en application de l’art 23 du RGPD ( possibilité de limitation de la portée des obligations de l’art 14 du règlement par les Etats membres) .
En conséquence, les restrictions à l’information des personnes ayant fait l’objet de traitement de données sont autorisées par les textes.
En conclusion, il est demandé de :
– Confirmer l’ordonnance du JLD de Paris du 5 janvier 2021
– Rejeter toutes demandes, fins et conclusions
– Condamner l’appelante au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
SUR CE LA COUR
Sur l’absence de caractérisation des conditions de mise en ‘uvre de l’article L. 16 B du LPF
En application des dispositions de l’article L 16B du LPF, il appartient au JLD et au Premier Président saisi en appel d’apprécier s’il existe des présomptions de fraude fiscale à l’encontre d’un contribuable indiqué dans la requête de l’administration fiscale sollicitant d’effectuer une visite domiciliaire dans les lieux où les documents sont susceptibles de se trouver.
L’administration fiscale a saisi le JLD de Paris d’une requête sur le fondement de l’article L 16B du LPF concernant la société SAS DAVIDSON OUEST qui serait présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’État en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le Code général des impôts, dans le cadre du crédit d’impôt recherche.
Selon l’article 244 quater B -I du CGI, dans le titre ‘ impôts directs et taxes assimilées’, ‘les entreprises […]peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche qu’elles exposent au cours de l’année. Le taux de crédit d’impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d’euros et de 5% pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant .[…]’ . L’article donne la liste des dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt. Le CIR apparaît ainsi comme une mesure de soutien aux activités de recherche et de développement des entreprises qui peuvent déduire de leurs impôts sous certaines conditions, les dépenses de recherche fondamentale et de développement expérimental. Il s’agit d’un dispositif fiscal qui permet aux entreprises de financer une partie de leurs dépenses de R&D par le biais de remboursement ou de réduction d’impôt sur les sociétés, le CIR est imputé sur l’impôt sur les les sociétés dû par l’entreprise dans les conditions de l’art 199 ter B du CGI.
Les parties appelantes, opèrent une distinction entre ‘la réduction par le contribuable de son imposition’ et ‘le bénéfice d’une créance indue sur l’état’, elles estiment que l’administration dans sa requête vise ces deux situations bien distinctes et que l’article L16B ne peut s’appliquer dans ce dernier cas de figure qui concerne les exercices 2014 et 2015.
Concernant les présomptions de fraude alléguées par l’administration fiscale dans sa requête et reprises par le JLD dans son ordonnance, il convient de rappeler que la société DAVIDSON OUEST a déposé une demande de crédit d’impôt en faveur de la recherche pour les dépenses engagées en 2013, elle a télé-déclaré les déclarations n° 2069 RCI au titre des années 2014 et 2015, et une déclaration n° 2069-A pour les années 2016 à 2019. Le CIR est basé notamment sur le montant des rémunérations de personnel affecté aux opérations de recherche.
Il est constant que la société a déclaré au titre de l’exercice clos 2013, un CIR de 947 789 euros qui n’a pas été imputé sur l’IS, la société a réalisé un déficit fiscal de 887 655 euros, le CIR non imputé a été reporté dans le stock des créances reportables (remboursement intégral le 4/4/2018). La société a déclaré au titre de l’exercice clos 2014, un CIR de 435 690 euros qui n’a pas été imputé sur l’IS, la société a réalisé un déficit fiscal de 199 870 euros, le CIR non imputé a été reporté dans le stock des créances reportables. Elle a déclaré au titre de l’exercice clos 2015, un CIR de 292 470 euros qui n’a pas été imputé sur l’IS, la société a réalisé un résultat fiscal nul après imputation d’un déficit reportable de 63 789 euros, le CIR non imputé a été reporté dans le stock des créances reportables d’un montant de 273 540 euros, la société ayant obtenu le remboursement de 18 930 euros .En 2016, le CIR de 278 215 euros non imputé a été reporté dans le stock des créances reportables. En 2017, le CIR de 289 131 euros non imputé a été reporté dans le stock des créance reportables. En 2018, le CIR de 77 890 euros non imputé dans le cadre de la liquidation définitive de l’impôt sur les sociétés a été reporté dans le stock des créance reportables. En 2019, la société a réalisé un résultat fiscal de 1 938 879 euros, elle était redevable d’un impôt sur les sociétés de 586 053 euros, elle a imputé les montants respectifs des CIR de 2016, 2017 et 2019.
Il en résulte que la société a acquitté partiellement son impôt sur les sociétés dû en 2019 par l’imputation des crédits d’impôt recherche 2016, 2017 et 2019, elle a bénéficié d’un stock de CIR déposés au titre des années 2017 et 2018 (234 148 euros) et a bénéficié d’un CIR de 2013 s’élevant à 947 789 euros et de 2015 s’élevant à 18 930 euros.
L’administration fiscale a constaté que la société DAVIDSON OUEST avait acquitté une très grande partie des sommes dues au titre de l’impot sur les sociétés par le biais de ses déclarations de CIR.
Il ressort des déclarations de la société que les travaux de recherche et développement sont quasi intégralement des dépenses de personnel. La société a mentionné des dotations aux amortissements de biens affectés aux opérations de recherche de montants faibles, elle a déclaré en revanche des dépenses de fonctionnement constitués d’un pourcentage de dépenses de personnel (évalués entre 95 et 97% pour les années 2015 à 2017) : 633067euros en 2015, 610 643 euros en 2016, 613 031 euros en 2017, il s’agit de dépenses de personnel salarié de la société et de dépenses de personnel mis à disposition par la société INTERVIA, à l’exception de 2017.
Dans sa décision, le JLD relève que suite à une procédure de vérification de comptabilité par l’administration fiscale, un questionnement est apparu concernant la mise à disposition de salariés pris en compte dans sa déclaration de CIR, étant observé que le contrôle du CIR comprend une partie scientifique réalisée par des experts du MESRI et une partie purement fiscale réalisée par les agents de la DGFIP.
Le JLD retient les éléments relevés par les enquêteurs de la DNEF qui ont procédé à des recoupements d’informations en consultant les profils Linkedin de certains salariés.
Le JLD dans son ordonnance, rappelle quelques exemples précis concernant la situation de certains salariés : ainsi [A] [Y], ingénieur consultant en mécanique a été pris en compte pour 92% de son temps pour des opérations de recherche et de développement en 2015 et 2016 pour DAVIDSON OUEST alors qu’il exerçait sur la même période une mission de consultant chez Sepro Group, ce qui semblait incompatible. [T] [Y], ingénieur d’étude employé par DAVIDSON OUEST jusqu’en février 2016 a été pris en compte entre 87% et 93% de son temps pour des opérations de recherche et de développement en 2015 et 2016 pour DAVIDSON OUEST alors qu’il exerçait sur la même période des missions de chef de projet au sein de ST Microelectronic et de la SNCF, tout en affirmant travailler pour Davidson consulting. [D] [I], salarié de DAVIDSON OUEST comme ingénieur d’études, a été pris en compte pour plus de 94% de son temps pour des opérations de recherche et de développement en 2015 et 2016 pour DAVIDSON OUEST alors qu’il a exercé sur la même période une mission de consultant chez la société Sepro robotique, tout en affirmant travailler pour Davidson consulting. La même analyse est effectuée concernant 2 autres salariés. Ainsi le recoupement des données relatives aux salariés pris en compte dans les dépenses de personnel des dossiers financiers 2015 à 2017 de DAVIDSON OUEST, leur profil Linkedin ou Viadeo et les données sociales de la société a permis de constater que sur cette période 21 salariés de DAVIDSON OUEST et 4 salariés de la SAS INTERVIA ont été pris en compte dans les déclarations de CIR de DAVIDSON OUEST alors qu’il travaillaient pour d’autres sociétés.
Il résulte de l’examen in concreto des pièces soumises par l’administration fiscale à l’appui de sa requête au JLD qu’il pouvait être présumé que la société SAS DAVIDSON OUEST a artificiellement majoré le montant de dépenses de personnel pris en compte dans le calcul des CIR de 2014 à 2017 et a ainsi réduit frauduleusement ses impositions, caractérisant ainsi les présomptions de fraude fiscale telles qu’exigées par l’article L16 B du LPF.
S’agissant de la non imputation d’une créance CIR, dans le cas d’espèce au titre des exercices 2014 et 2015, qui selon les appelantes ne pourrait fonder une présomption d’infraction fiscale de la part de la société, il convient de rappeler, ainsi que le précise de façon pertinente la DNEF que cette déclaration fait naitre un droit à imputation ou au remboursement de l’impôt sur les sociétés, que les entreprises qui dégagent un crédit d’impôt non imputé sur l’impôt dû au titre de la même année doivent constater une créance sur le trésor du montant du crédit d’impôt non imputé. Cette créance de CIR doit être enregistrée pour sa valeur normale au débit du compte 444 ‘ Etat-impôt sur les bénéfices’ et par le crédit du compte 699 ‘produits- Crédit d’impôt recherche’ que c’est donc la constatation et l’enregistrement comptable de la créance qui constituent le fait générateur permettant à terme le remboursement, que par la suite lorsqu’une demande de restitution est déposée, l’imputation des créances CIR des exercices antérieurs doit s’effectuer sur le formulaire dédié à la liquidation de l’IS, qu’au cas d’espèce l’administration a pu présumer que la société appelante avait bénéficié d’une créance indue sur l’Etat en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le CGI.
Ainsi le dépôt d’une déclaration de CIR fait naitre un droit à imputation ou au remboursement de l’IS qui, s’il n’entraine pas nécessairement une soustraction immédiate au paiement de l’impôt, bénéficiera finalement à la société en l’absence de remise en cause et contribuera in fine à diminuer sa charge fiscale.
Le contribuable doit établir des déclarations fiscales en fonction d’écritures comptables exactes et justifiées et les infractions des articles 1741 et 1743 du code général des impôts (CGI) visent expressément la passation d’écritures inexactes ou fictives dans les documents comptables dont la tenue est imposée par le CGI, infrcations auxquelles renvoie l’article L 16B du LPF.
Ainsi, une demande de remboursement indû au titre du CIR est une infraction fiscale au visa des art 1741 et 1743 du CGI, dès lors le fait de ne pas imputer le CIR sur l’impôt de l’exercice correspondant n’est pas de nature à écarter les présomptions exigées par l’article L 16B du LPF.
Les enjeux financiers portent sur des montants importants, l’activité déclarée de R&D de la SAS DAVIDSON OUEST repose essentiellement sur des dépenses de personnel dont les justificatifs sollicités ne correspondaient pas intégralement aux déclarations effectuées et dont les constatations sur certains salariés concernés ne semblent pas correspondre à leur activité de recherche au sein de la structure alors qu’ils étaient mis à disposition dans d’autres structures sur la même période, caractérisant les présomptions de fraude conformément à l’article L. 16 B du LPF.
C’est à tort que les parties appelantes opèrent une distinction entre’la réduction par le contribuable de son imposition’ et ‘le bénéfice d’une créance indue sur l’état’, concernant le dispositif fiscal du crédit d’impôt recherche qui justifierait la non applicabilité de l’article L 16B dans le second cas de figure.
Il convient de rappeler par ailleurs qu’il n’appartient pas au Premier Président de la Cour d’appel, qui n’est pas le juge de l’impôt, de se prononcer sur l’applicabilité ou la non applicabilité de l’article L 16 B du LPF à un dispositif fiscal en analysant le processus de chaque mesure du dispositif qui en tout état de cause, aboutit à accorder une réduction d’impôt, alors qu’il appartient au JLD et au Premier Président saisi du recours de seulement vérifier l’existence de présomptions de fraude.
En l’espèce les présomptions de fraude permettant la mise en ‘uvre de l’article L. 16B du LPF sont parfaitement caractérisées.
Ce moyen sera rejeté.
Sur l’absence de de vérification concrète par le JLD du bien-fondé et de la proportionnalité de la mesure
Il convient de relever en l’espèce que la requête de l’administration fiscale ainsi que les pièces ont été déposées auprès du JLD le 17 décembre 2020, que celui-ci a pu étudier la requête et vérifier les pièces de façon concrète, qu’il a rendu sa décision le 5 janvier 2021, qu’aucun élément du dossier ne permet aux parties de prétendre que le JLD n’a pas vérifié le bien fondé de la requête.
Il convient de rappeler que les dispositions de l’article L. 16B du LPF constituent uniquement un moyen d’investigation destiné à contrôler le respect de la réglementation fiscale, qui peut être mis en ‘uvre sur autorisation du JLD et peut faire l’objet d’un contrôle par le Premier Président de la Cour d’appel.
Par ailleurs, en exerçant son contrôle in concreto sur le dossier présenté par l’administration fiscale, le JLD exerce de fait un contrôle de proportionnalité. En cas de refus, il peut inviter l’administration fiscale à avoir recours à d’autres moyens d’investigation moins intrusifs. En conséquence, la signature de l’ordonnance par le JLD signifie que ce dernier entend privilégier l’enquête dite «’lourde’» de l’article L.16 B du LPF et que les diligences auprès du contribuable seraient insuffisantes et dénuées de ‘l’effet de surprise, d’ailleurs la Cour de cassation a toujours jugé qu’aucun texte n’impose au juge de vérifier si l’administration pouvait recourir à d’autres modes de preuve ou à d’autres procédures.
En ce qui concerne l’argument selon lequel l’administration fiscale avait obtenu des informations sur l’organisation du groupe durant une opération de contrôle fiscal antérieure, il convient de rappeler que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, l’administration peut solliciter la mise en oeuvre de l’art L 16B avant, pendant ou après une vérification fiscale, en effet si les appelants critiquent la mise en oeuvre d’une procédure de visite et de saisie après l’envoi au contribuable d’une procédure de rectification sans application de pénalités, il convient de rappeler que la procédure de l’article L16B du LPF est totalement indépendante de la procédure de contrôle que constitue la vérification de comptabilité, d’ailleurs aucune disposition légale ne s’oppose à ce que, au terme d’une enquête de la DNEF, une procédure de visite soit engagée à la suite d’ une procédure de vérification.
Par conséquent, il ne peut être reproché à l’administration d’avoir fait usage de la procédure prévue par l’article L. 16B du LPF.
L’article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose que ‘il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui’.
En l’espèce, le JLD a parfaitement motivé sa décision au vu de la requête de l’administration fiscale et des 132 pièces produites, il a à juste titre relevé que ‘des documents et supports d’informations relatifs à la fraude présumée étaient suceptibles de se trouver dans les locaux du [Adresse 3], susceptibles d’être occupés par [K] [W], et du [Adresse 7], susceptibles d’être occupés par [V] [C]’, que contrairement à ce qu’affirment les parties appelantes, le JLD a motivé sa décision en rappelant les fonctions occupées tant par [K] [W] que par [V] [C], au sein de la SAS DAVIDSON OUEST et du groupe DAVIDSON, justifiant la visite à leur domicile respectif, qu’il n’y a pas eu de violation des dispositions de l’article 8 de la CESDH et la mesure n’a aucunement été disproportionnée eu égard au but poursuivi.
Ce moyen sera rejeté.
Sur le caractère illicite d’un grand nombre de pièces soumises au JLD par l’administration à l’appui de sa requête
En ce qui concerne la prétendue violation des dispositions du RGPD dans le cadre de la production des pièces faite par l’administration fiscale à l’appui de sa requête, il convient de rappeler que l’article 2 du RGPD prévoit que « Le présent règlement ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué: (‘) d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites (…) », or les opérations de visite et saisie diligentées par les agents de la DNEF dans le cadre de l’article L. 16 B du LPF sont effectuées dans le cadre d’investigations en vue de prévenir et détecter des infractions potentiellement pénales, que l’article 23 du RGPD autorise les états membres à limiter la portée des obligations prévues à l’art 14 du règlement, que l’article 38 de la Loi du 6 janvier 1978 permet justement d’en limiter la portée (‘lorsque le traitement est mis en oeuvre par les administrations publiques qui ont pour mission soit de contrôler ou de recouvrer des impositions soit d’effectuer des contrôles de l’activité de personnes physiques ou morales pouvant donner lieu à la constatation d’une infraction ou d’un manquement, des amendes administratives ou à des pénalités’), qu’il en résulte que le RGPD ne s’applique pas aux demandes d’autorisation de visites domiciliaires. En ce qui concerne les pièces 38, 46 à 51 et 101, il s’agit de pièces issues de la consultation par les agents de l’administration fiscale de sites internet d’accès public, ainsi les renseignements recueillis sur les réseaux sociaux sont considérés comme ayant été licitement recueillis.
Ce moyen sera rejeté.
L’ordonnance du JLD du Tribunal judiciaire de Paris en date du 5 janvier 2021 sera déclarée régulière et confirmée.
Enfin les circonstances de l’instance commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’administration fiscale.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement et en dernier ressort:
– Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de PARIS en date du 5 janvier 2021 autorisant les visites dans les locaux et dépendances sis [Adresse 3], présumés être occupés par M. [K] [W] et/ou la SAS BSM INVEST et/ou la SAS NOA INVEST et/ou la SAS DANIEL INVEST et/ou le FONDS DE DOTATION [H] [W] et sis [Adresse 7], présumés être occupés par M. [V] [C] ;
– Rejetons toute autre demande ;
– Disons qu’il convient d’accorder la somme de 2000 euros (deux mille euros) à charge pour les parties appelantes à verser à la DNEF au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Disons que la charge des dépens sera supportée par les parties appelantes.
LE GREFFIER
Véronique COUVET
LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT
[R] [B]