RGDP : 15 septembre 2022 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/00818

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RGDP : 15 septembre 2022 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/00818
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COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/00818 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GVWI

[B] [G]

C/ S.A.S. GARAGE DU LAC etc…

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 24 Février 2021, RG F 20/00031

APPELANT :

Monsieur [B] [G]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Virginie ROYER, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL FOLLET RIVOIRE, avocat plaidant au barreau de VALENCE

INTIMEES et APPELANTES INCIDENT :

S.A.S. GARAGE DU LAC

dont le siège social est sis [Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de son représentant légal

S.A.S. IFC

dont le siège social est sis [Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de son représentant légal

Représentées par la SAS C2RG, avocat au barreau d’ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Juin 2022 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller

Madame Elsa LAVERGNE, Conseiller,

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Sophie MESSA,

********

Faits et procédure

La SAS Garage du lac, qui a son siège à [Localité 6], a pour activité le commerce de voitures.

La société compte plus de dix salariés.

La SAS IFC, qui a son siège à [Localité 5], a également pour activité le commerce de voitures.

La convention collective nationale applicable est celle du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes.

M. [B] [G] a été engagé par la SAS Garage du lac en qualité de conseiller des ventes et financement chargé de la vente de crédits d’assurance et produits dérivés le 17 juillet 2017 par contrat à durée indéterminée, avec un statut de cadre. Il bénéficiait d’une rémunération mensuelle brute fixe de 1060 euros à laquelle s’ajoutait une part variable.

Le 25 janvier 2019, M. [B] [G] et la SAS Garage du lac ont signé un protocole de rupture conventionnelle du contrat de travail, homologué par la Direccte.

Le 5 mars 2019, M. [B] [G] a reçu son solde de tout compte et son certificat de travail.

Le 31 janvier 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes d’Annecy aux fins de voir requalifier la rupture conventionnelle de son contrat de travail en licenciement nul, de contester la validité de sa convention de forfait et de se voir allouer diverses sommes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur, du travail dissimulé, du licenciement nul, du préjudice moral, d’avantages en nature non perçus.

Par jugement du 24 février 2021, le conseil de prud’hommes d’Annecy a :

– débouté M. [B] [G] de ses demandes au titre du co-emploi, du travail dissimulé, du harcèlement moral, du préjudice moral au titre des deux avertissements, de la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement nul, du remboursement d’une facture de réparation du véhicule de service, de rappels de commissions,

– condamné la SAS Garage du Lac à verser à M. [B] [G] les sommes de :

* 26879,38 euros au titre des heures supplémentaires,

* 3036,88 euros au titre du repos compensateur

* 2838 € au titre de l’avantage en nature voiture,

* 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [B] [G] du surplus de ses demandes,

– débouté la SAS Garage du Lac de ses demandes,

– condamné la SAS Garage du Lac aux dépens.

Par déclaration en date du 14 avril 2021, M. [B] [G] a relevé appel de cette décision. La SAS Garage du Lac et la SAS IFC ont relevé appel incident.

Par dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, M. [B] [G] demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a retenu que sa convention de forfait-jours était nulle ou en tout état de cause inopposable, et a condamné la SAS Garage du Lac à lui verser 2838 euros au titre de l’avantage en nature voiture, ainsi qu’aux dépens,

– infirmer ce jugement pour le surplus, et statuant à nouveau :

– fixer son salaire mensuel brut à 7800,83 euros

– constater une situation de co-emploi entre les sociétés Garage du Lac et IFC,

– annuler les deux avertissements qui lui ont été notifiés,

– condamner solidairement la SAS Garage du Lac et la SAS IFC à lui payer :

* à titre principal, 37419 € bruts au titre des heures supplémentaires, outre 3741,90 euros de congés payés afférents, somme intégrant les montants des commissions non rémunérées pour le calcul du taux horaire, ou 27 215,98 euros bruts, outre 2721,59 euros de congés payés afférents, selon son taux horaire sans prendre en considération les montants des commissions sollicitées,

* à titre subsidiaire, 30083,625 € brut au titre des heures supplémentaires, outre 3008,36 € de congés payés afférents, somme intégrant les montants des commissions non rémunérées pour le calcul du taux horaire, ou 14006 euros bruts, outre 1400,60 euros de congés payés afférents, selon son taux horaire sans prendre en considération les montants des commissions sollicitées,

* 7364,06 euros au titre des repos compensateurs non pris,

* 46804,98 euros nets à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

* 2000 € à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice moral subi à la suite des deux avertissements qui lui ont été notifiés,

* 23402,50 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 2340,25 euros de congés payés afférents,

*46805 € nets à titre de dommages-intérêts pour perte de son emploi dans le cadre de la nullité de son licenciement,

*10000 € de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral,

* 482 € au titre du paiement par lui-même d’une facture de réparation du véhicule de service,

* 33 747 € bruts à titre de rappels de commissions, outre 3374,70 euros de congés payés afférents,

* 20140 € au titre des commissions relatives aux cartes privilèges, outre 2014 € de congés payés afférents,

* 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, M. [B] [G] indique que sa convention de forfait-jours est nulle ou lui est à tout le moins inopposable en ce qu’elle est conclue sur la base d’un accord collectif dont les stipulations n’assurent pas la garantie du respect des durées raisonnables de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires, et en ce que l’employeur n’a pas mis en place de dispositions supplétives de nature à pallier aux carences de la convention sur ce point.

Le fait que la convention soit nulle ou lui soit inopposable l’autorise à solliciter le paiement des heures supplémentaires qu’il a effectuées au-delà de la durée légale du travail, ainsi que du repos compensateur.

La Cour de cassation considère qu’appliquer le forfait jours sans un accord écrit du salarié ou quand la convention n’est pas suffisamment précise peut être constitutif du délit de travail dissimulé. En l’espèce, l’employeur avait une parfaite connaissance des heures qu’il réalisait puisque celles-ci ne faisaient que respecter l’horaire collectif affiché dans l’entreprise. La société Garage du Lac a par ailleurs déjà été condamnée sur ce fondement par d’autres juridictions.

Son consentement a été vicié pour la signature de la rupture conventionnelle du contrat de travail. Il travaillait en effet depuis plusieurs semaines dans un contexte particulièrement hostile, son employeur ayant la volonté non dissimulée de parvenir par tous moyens à la rupture de son contrat de travail. Il a subi un harcèlement moral qui l’a conduit à signer cette rupture conventionnelle, ce qui a pour effet de rendre nulle cette dernière qui doit être requalifiée en licenciement nul.

L’octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages intérêts pour préjudice moral.

L’employeur n’a jamais entendu lui attribuer un véhicule de fonction utilisable à des fins personnelles, mais lui a simplement mis à disposition un véhicule de service à des fins strictement professionnelles. Il ne pouvait donc considérer que cette mise à disposition d’un véhicule de service constitue un avantage en nature. Lui-même a été contraint de payer des charges et une imposition sur la somme figurant sur sa fiche de paye au titre d’un avantage en nature dont il ne disposait pas en réalité.

La clause figurant au contrat de travail prévoyant le paiement par le salarié d’une partie de la franchise en cas d’accident est une sanction pécuniaire illicite. Il est donc fondé à solliciter le remboursement de la somme qu’il a exposée suite à un accident de trajet qu’il a eu avec son véhicule de service.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail. Par ailleurs, l’employeur ne peut modifier ou rendre non vérifiable le calcul de la rémunération variable. En l’espèce, l’employeur a toujours refusé de lui donner le détail du calcul de sa rémunération variable, ce qui l’a empêché d’apprécier la réalité et le bien-fondé du montant qui lui était alloué au titre des commissions.

L’employeur a volontairement diminué le montant de ses commissions en procédant à des financements par l’intermédiaire de la société Garage du Lac, financements exclus de l’assiette de calcul des commissions qu’il percevait. Il a également calculé ses commissions sur le montant hors taxe des financements, sans raison. Enfin, l’employeur a proratisé le montant de ses commissions en fonction de ses éventuels jours d’absence, ce qui est illicite.

Les ventes de cartes privilège Identicar ne lui ont jamais été rémunérées, et l’employeur n’a jamais fixé avec lui les objectifs de vente.

La société IFC exerce une réelle emprise économique, stratégique et commerciale sur la société Garage du Lac et ses employés. Dans le cadre de ses fonctions, il n’avait de comptes à rendre qu’à la société IFC. Ces rémunérations étaient sous contrôle de cette société qui gérait jusqu’aux primes.

Par dernières conclusions notifiées le 8 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, la SAS Garage du Lac et la SAS IFC demandent à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté M. [B] [G] de ses demandes au titre du co-emploi, du travail dissimulé, du harcèlement moral, du licenciement nul, du fait qu’il bénéficiait d’un véhicule de service et non de fonction,

– réformer pour le surplus, et débouter M. [B] [G] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner M. [B] [G] au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS Garage du Lac et la SAS IFC soutiennent que le salarié ne produit aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles son consentement à la rupture conventionnelle de son contrat de travail aurait été vicié notamment par le harcèlement moral dont il dit avoir été victime. Selon la Cour de cassation, l’existence d’un différend entre les parties n’affecte pas en lui-même la validité de la convention, et en l’absence de vice de consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas la validité de la rupture conventionnelle.

Les deux avertissements qu’il a reçus étaient parfaitement étayés.

Il était remis chaque année au salarié une grille de commissions vierge explicitant ses objectifs et le taux de commissionnement, qui était de 0,4 % du chiffre d’affaires réalisé. M. [B] [G] a perçu les commissions lui revenant pour les années 2017 à 2019, sur la base des éléments qu’il a lui-même renseignés. Il était parfaitement informé des modalités de calcul de sa rémunération variable.

Les conditions de versement des commissions à la société par l’organisme de crédit varient selon le type de financement (crédit simple, LOA, LLD) vendu par la concession. Si les commissions de la société sont calculées sur le prix hors-taxes, celles du salarié le sont aussi.

La SAS Garage du Lac ne maîtrise pas le calcul effectué sur la base de 0,4 % du chiffre d’affaires réalisé, puisqu’elle réceptionne chaque mois les informations qui lui sont communiquées par le salarié et par les maisons de financement et verse les commissions au salarié en fonction de ces informations.

Le financement de certains véhicules directement par la société Garage du Lac résulte d’une procédure interne visant à permettre au garage de la concession de disposer de certains véhicules de courtoisie ou des véhicules mis à disposition des salariés.

M. [B] [G] omet dans ses réclamations de prendre en compte le fait qu’il a déjà perçu entre 2017 et 2019 une somme de 57 550,79 euros bruts au titre des commissions.

Il n’apporte aucun élément de preuve permettant de confirmer qu’il y a bien un engagement de la société à lui verser des commissions au titre d’Identicar. L’ensemble des commissions versées sont directement liés au contrat de partenariat que la société conclue avec les maisons de financement. Le contrat conclu avec la société Ford crédit ne mentionne pas la carte Identicar. Ce sont les vendeurs et non les conseillers en financement qui touchent une commission sur cette carte.

L’article 3 « horaires de travail » du contrat de travail est conforme avec les dispositions de la convention collective et notamment son article 4.06. M. [B] [G] n’a par ailleurs jamais soulevé un quelconque problème à ce titre durant la relation de travail. La convention de forfait-jours est donc valable.

Le salarié ne peut se fonder sur les horaires d’ouverture de la concession pour réclamer des heures supplémentaires dans la mesure où il s’agit d’une simple amplitude d’ouverture et non une durée effective du travail au sein de la concession. Le salarié n’intègre pas à son calcul d’heures supplémentaires les jours de repos dont il a pu bénéficier. Le calendrier qu’il produit au soutien de sa demande mentionnant les heures qu’il est censé avoir travaillées chaque jour est contredit par certaines de ses autres pièces, de sorte que ce calendrier n’apparaît pas suffisant pour démontrer qu’il a réalisé des heures supplémentaires.

M. [B] [G] n’a jamais revendiqué le paiement d’heures supplémentaires durant la relation de travail et ne démontre pas l’intention de l’employeur de dissimuler du temps de travail.

Le salarié bénéficiait de la mise à disposition d’un véhicule de démonstration qu’il pouvait utiliser pour les trajets domicile-lieu de travail mais également durant le week-end et ses vacances, ce qui justifie la qualification d’avantage en nature. La tolérance de l’URSSAF tendant à ne pas décompter un véhicule utilisé pour les trajets domicile-travail comme un avantage en nature ne s’applique que pour les véhicules utilitaires, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Il ne peut y avoir co-emploi que lorsque dans le cadre d’un même contrat de travail le salarié est dans un rapport de subordination avec plusieurs employeurs. M. [B] [G] ne rapporte pas la preuve qu’il se trouvait dans un lien de subordination avec la société IFC. Les sociétés IFC et Garage du Lac entretiennent des relations contractuelles commerciales, le salarié dépendait exclusivement du Garage du Lac s’agissant de son activité. IFC fixe uniquement les règles et les objectifs de répartition du chiffre d’affaires en financement pour toutes les sociétés du groupe Maurin.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2022. Le dossier a été appelé à l’audience du 9 juin 2022. A l’issue, la décision a été mise en délibéré au 8 septembre 2022, délibéré prorogé au 15 septembre 2022.

Motifs de la décision

Sur le co-emploi

Il résulte d’une jurisprudence constante de la cour de cassation qu’en application de l’article L. 1221-1 du code du travail, hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière (Cass soc 24/05/18 n°17-15.630 ; Cass soc 25/11/20 n°18-13.769).

M. [B] [G] produit plusieurs courriels qui démontrent que la société IFC dirige et anime l’activité des « responsables financement » dont faisait partie le salarié, ainsi que des vendeurs de véhicules, en fixant notamment leurs objectifs et en supervisant leurs formations, en gérant les congés afin d’éviter des absences sur poste.

Cependant, il ne résulte d’aucune des pièces qu’il produit aux débats que la société IFC exercerait une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale de l’intégralité des activités de la société Garage du Lac qui serait de nature à conduire à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière. Il n’est ainsi pas démontré que la société IFC exercerait une immixtion dans les activités autres de la société Garage du Lac (réparation automobile par exemple) que la vente et le financement de véhicules, et que cette dernière aurait perdu toute autonomie d’action du fait de son intervention.

Compte-tenu de ces éléments, la décision sur ce point du conseil de prud’hommes sera confirmée.

Sur le rappel de commissions

Tout salarié a le droit de connaître les bases servant au calcul de sa rémunération, notamment quand il est payé à la commission. En effet, il doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération variable a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail (Cass. soc., 18 juin 2008, n° 07-41.910).

Si l’assiette de la commission n’est pas précisée, celle-ci se calcule sur le montant total de la facture adressée au client, y compris le montant des taxes (Cass soc., 20 mai 1998, nº 95-41.169).

En l’espèce, le contrat de travail mentionne, s’agissant de la rémunération: « La rémunération de M. [B] [G] est composée d’une partie fixe mensuelle brute de 1060 euros à laquelle s’ajouteront les commissions applicables en fonction des grilles de rémunération variables communiquées chaque année par la Direction. La réalisation des objectifs minima communiqués par la direction est un élément essentiel du contrat de travail. Il est expressément prévu que ces objectifs et la grille de commissionnement soient revus chaque année et communiqués par la Direction. Ces objectifs minima varieront en tenant compte de la performance de la marque et de l’évolution du secteur. »

Les grilles de rémunération n’étaient pas communiquées,contrairement à ce qu’indique le contrat de travail, annuellement mais mensuellement. S’agissant de la rémunération du salarié, seule cette précision y figure: « Le calcul de la commission sur CA est de 0,4% du CA réalisé. La prime sur PC est de 0,025% du CA réalisé. La prime sur l’entretien est 0,025% du CA réalisé ».

Ni le contrat de travail ni les grilles de rémunération variable ne précisent si le calcul de la commission s’effectue sur le chiffre d’affaires hors taxes ou sur le chiffre d’affaires toutes taxes comprises.

Or, en l’absence de clause contraire, les commissions se calculent sur le prix facturé aux clients.

Il importe peu que le contrat conclu entre Ford Crédit et le Groupe Maurin prévoit pour ce dernier des commissions calculées sur la base d’un prix hors taxes, dans la mesure où M. [B] [G] n’est pas partie à ce contrat et qu’il n’est par ailleurs pas démontré que ce contrat ait été porté à sa connaissance.

En outre, il ne résulte ni du contrat de travail de M. [B] [G] ni des grilles de rémunération qui lui étaient communiquées que les véhicules immatriculés au nom de l’employeur étaient exclues de l’application de la commission due au salarié.

Il en résulte que les commissions dues au salarié aux termes de son contrat de travail doivent être calculées sur l’intégralité des véhicules pour lesquels il a vendu des financements.

Les demandes de rappels de commissions formées par M. [B] [G] apparaissent ainsi, fondées dans leur principe mais également dans leur quantum, compte-tenu des pièces qu’il produit à leur soutien.

La décision du conseil de prud’hommes sur ce point sera donc infirmée, et la SAS Garage du lac sera condamnée à verser à M. [B] [G] la somme de 33747 euros, outre 3374,70 euros de congés payés afférents.

Sur le rappel de commissions relatives aux cartes privilège Identicar

M. [B] [G] ne produit aucune pièce de nature à démontrer qu’il aurait effectué des ventes de cartes privilège Identicar, et donc qu’il serait en droit de percevoir des commissions à ce titre.

La décision du conseil de prud’hommes sera donc confirmée en ce qu’elle a débouté M. [B] [G] de sa demande à ce titre.

Sur la convention de forfait-jour

Il résulte des pièces produites aux débats que l’employeur n’a pas observé les stipulations de des articles 1.09f et 4.06 de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours.

Ainsi, la convention de forfait-jours figurant au contrat de travail du salarié ne détermine pas la durée annuelle du travail calculée en jours et ne précise pas la période annuelle sur laquelle elle s’applique. Par ailleurs, l’employeur ne démontre pas avoir mis en place un dispositif de suivi individuel régulier de la charge de travail de M. [B] [G], ni avoir organisé chaque année un entretien individuel avec ce dernier portant sur sa charge de travail, son organisation du travail, l’amplitude de ses journées de travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale.

Il en résulte que la convention de forfait en jours figurant au contrat de travail de M. [B] [G] n’était pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, qu’elle est donc privée d’effet et doit donc lui être déclarée inopposable (voir notamment Cass soc 29 juin 2011, n°09-71.107).

La décision du conseil de prud’hommes sur ce point sera infirmée en ce qu’elle a déclaré le convention de forfait-jours nulle.

Sur les heures supplémentaires et le repos compensateur

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, en vertu de l’article L. 3171-4 du code du travail, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.

Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou le cas échéant à un repos compensateur équivalent.

Sont des heures supplémentaires celles effectuées à la demande de l’employeur, ou à tout le moins avec son accord implicite, au-delà de la durée légale de travail telle qu’elle résulte de l’article L. 3121-27 du code du travail.

Selon l’article L. 3121-29 du code du travail, les heures supplémentaires se décomptent par semaine.

L’inopposabilité à M. [B] [G] de la convention de forfait-jours figurant à son contrat de travail autorise le salarié à réclamer le paiement des heures supplémentaires qu’il a le cas échéant effectuées au-delà de la durée de 35 heures par semaine fixée par l’article L 3121-27 du code du travail.

M. [B] [G] produit l’affichage obligatoire des horaires de travail de l’entreprise, visant l’article L 620-2 du code du travail (abrogé en 2008 et remplacé par les articles D3171-1 et D3171-2 du même code), mentionnant un temps de travail journalier pour les quatre salariés mentionnés de 8h ou 8h30.

Il produit les horaires d’ouverture de la concession.

Il produit également des calendriers des années 2017 à 2019 qu’il a annotés en mentionnant pour chaque jour qu’il a travaillé le nombre d’heures qu’il soutient avoir effectuées.

Il produit enfin les listings de son badge d’autoroute faisant ressortir les jours et horaires de trajets qu’il soutient être ses trajets domicile-travail.

Ces éléments apparaissent suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir effectuées pour permettre à l’employeur d’y répondre.

L’employeur, auquel il appartient de contrôler les heures de travail effectuées, ne produit aucun élément sur ce point. Il relève à juste titre que les horaires d’ouverture de la concession ne sauraient être retenues comme les horaires réellement effectuées par le salarié. Il relève également ce qu’il estime comme des erreurs dans les décomptes figurant sur les calendriers: le salarié indique avoir pris des congés en août 2018, alors que ses fiches de paie démontreraient qu’il les a pris en septembre 2018; cependant, le listing de ses trajets autoroute démontre en août 2018 des trajets en dehors de sa région d’origine qui ne correspondent pas à ses trajets habituels domicile-travail. Le salarié indique avoir travaillé tout le mois d’août 2017 alors que sa fiche de paie mentionne un jour de congés payés. De même, il peut être constaté qu’il n’a mentionné que trois jours de congés payés en décembre 2018 alors que sa fiche de paie en mentionne quatre. Au final, les erreurs allégués par l’employeur apparaissent peu nombreuses sur la période considérée.

L’employeur soutient que le salarié a bénéficié de 24 jours de repos compensateur par an conformément à ce qui est mentionné à son contrat de travail. Il produit sur ce point deux attestations de salariés et une attestation de M. [D], leur supérieur, indiquant que ce dernier leur donnait ces jours de repos, un des deux salariés précisant que M. [B] [G] prenait également ses jours de repos. Ces pièces apparaissent cependant insuffisantes pour démontrer que le salarié prenait l’intégralité des 24 jours de repos qui lui étaient alloués.

Le relevé des trajets autoroute du salarié faisant apparaître des trajets réguliers correspondant à ses trajets domicile-travail, croisé avec les calendriers annotés de ses horaires journaliers, apparaissent suffisamment précis et probants pour établir le nombre d’heures supplémentaires qu’il a effectuées.

Compte-tenu de ces éléments, il convient de retenir que M. [B] [G] a effectué des heures supplémentaires au-delà des 35 heures fixées par les dispositions légales, heures bénéficiant, selon la convention collective, d’une majoration de 25% pour celles comprises entre 36 et 43 heures, et de 50% au-delà de 43 heures.

2017: 143 heures à 25%, 44 heures 30 à 50%

2018: 227 heures 30 à 25%, 57 heures 30 à 50%

2019: 26 heures à 25%.

Il convient de retenir, compte-tenu des pièces produites aux débats et du rappel de commissions accordé, un salaire de base mensuel de 6239 euros, soit un salaire horaire de 41,13 euros.

En conséquence, la SAS Garage du lac sera condamné à verser à M. [B] [G], au titre des heures supplémentaires qu’il a effectuées, la somme de 26678 euros, outre 2667,80 euros de congés payés afférents.

Aux termes des dispositions de l’article L 3121-30 du code du travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d’heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

L’article L3121-33 du même code applicable à l’époque dispose qu’une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche définit le contingent annuel prévu à l’article L3121-30, et fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que la durée, les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos prévue au même article L3121-30. Cette contrepartie ne peut être inférieure à 50% des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné audit article L3121-30 pour les entreprises de 20 salariés au plus, et à 100% de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.

Il résulte des dispositions de l’article 1.09 bis de la convention collective en vigueur à la date du contrat de travail que le contingent annuel d’heures supplémentaires est fixé à 220 heures.

La convention collective ne précise pas les conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que la durée, les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos prévue à l’article L3121-30.

Il convient donc d’appliquer la contrepartie minimale prévue à l’article L3121-33.

Il appartenait à l’employeur, redevable des heures supplémentaires, de justifier de son nombre de salariés à l’époque du contrat de travail, ce qu’il ne fait pas. Il convient donc de retenir le mode de calcul le plus favorable au salarié.

Ce contingent n’a pas été dépassé en 2017 et en 2019. Le salarié est en droit de réclamer 64 heures au titre du repos compensateur pour l’année 2018.

La décision du conseil de prud’hommes sur ce point sera infirmée, et la SAS Garage du lac sera condamné à verser à M. [B] [G] la somme de 2632,32 euros (41,13×64), outre 263,23 euros de congés payés afférents, au titre du repos compensateur obligatoire non pris.

Sur le travail dissimulé

Aux termes des dispositions de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Aux termes des dispositions de l’article L. 8223-1 du même code : ‘ En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.’

Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l’article L 8223-1, de la volonté chez l’employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement.

Par arrêt de la chambre sociale de la cour d’appel de Grenoble du 27 juin 2012, la société Garage du Lac a déjà été condamnée pour avoir mis en place un contrat de travail prévoyant un forfait-heures non conforme à la Loi et aux prescriptions de la convention collective. De ce fait elle a été condamnée à verser au salarié en question des sommes au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur, mais également au titre du travail dissimulé.

En dépit de cette précédente condamnation qui devait nécessairement la conduire à respecter scrupuleusement la législation en vigueur et la convention collective, la société Garage du Lac a à nouveau mis en place un système de forfait avec un salarié qui s’exonère totalement et de façon grossière du respect des prescriptions de la convention collective.

La société Garage du Lac ne pouvait de ce fait ignorer son illégalité, de sorte qu’il doit en être déduit qu’elle a sciemment entendu se soustraire à ses obligations légales et notamment celle de faire figurer sur les bulletins de paie les heures supplémentaires réellement effectuées et d’en assurer le paiement.

Au regard de ces éléments, la décision du conseil de prud’hommes sur ce point sera infirmée. Il sera fait droit à la demande de M. [B] [G] à hauteur de 46804,98 euros net (salaire de référence incluant les heures supplémentaires).

Sur l’annulation des deux avertissements et les dommages et intérêts subséquents

Il résulte des dispositions de l’article L 1333-1 du code du travail qu’en cas de litige s’agissant d’une sanction disciplinaire, la cour apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, la cour forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utile. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, l’employeur a produit les deux courriers des 24 juillet et 15 octobre 2018 valant avertissements, ainsi que la réponse du salarié au second avertissement et sa propre réponse à ce dernier courrier. Il produit également, en relation avec le second avertissement, une attestation de M. [S], salarié occupant le même poste que M. [B] [G], qui indique qu’il remplit quotidiennement le tableau des ventes de véhicules, qu’il s’agit d’un outil de suivi et de « reporting » faisant partie intégrante de son travail.

Le salarié ne produit pas d’autres éléments, se contente d’alléguer qu’il s’agirait d’un stratagème de la part de sa direction.

Il résulte de ces pièces que M. [B] [G] a reçu un avertissement le 24 juillet 2018 pour avoir eu une altercation avec une autre salariée dans le hall de la concession alors que plusieurs personnes étaient présentes, des insultes ayant été proférées. L’employeur justifie avoir également sanctionné la salariée. M. [B] [G] n’a à l’époque contesté ni les faits ni l’avertissement. Les éléments exposés par l’employeur et dont rien ne permet de remettre en cause la réalité sont de nature à justifier la sanction d’avertissement qui a été infligée au salarié.

M. [B] [G] a reçu un second avertissement relatif au tableau des ventes que celui-ci aurait refusé de remplir conformément aux consignes de son employeur, entraînant selon ce dernier des pertes de renseignements. Le salarié soutient dans le cadre de son courrier de réponse qu’il avait déjà indiqué qu’il ne « pouvait assumer le remplissage du tableau interne sans que cette fonction sensible soit notifiée sur un avenant de mon contrat de travail et déclarée aux services concernés en respectant les normes réglementaires imposées. Ceci bien entendu avec une compensation salariale fixe ». L’employeur lui indique dans sa réponse que ses missions incluent une partie administrative et notamment un travail de compte-rendu, de sorte que le remplissage du tableau des ventes lui incombe. Le salarié évoque ensuite au sein de ses conclusions qu’il considérait cette tâche comme illégale et non conforme aux lois et règlements relatifs à la protection des données personnelles (Règlement Général sur la Protection des Données applicable à compter du 25 mai 2018).

Le RGPD est effectivement d’application immédiate en France à compter du 25 mai 2018. Le second avertissement est postérieur à cette date. Cet avertissement ne détaille pas les renseignements relatifs aux clients que l’employeur souhaitait voir indiquer par le salarié, et l’employeur ne produit aucun élément sur ce point, ce qui ne permet pas de vérifier si M. [B] [G] était légitime à contester une telle demande sans garanties quant à son respect du RGPD, étant rappelé que son contrat de travail mentionnait qu’il devait veiller à respecter les règles légales et juridiques.

Un doute existe donc quant à la justification de ce second avertissement. Le doute profitant au salarié, cet avertissement sera annulé. La décision du conseil de prud’hommes sur ce point sera infirmée.

Le salarié a nécessairement subi un préjudice moral en se voyant infliger un avertissement injustifié. L’employeur sera condamné à verser à ce titre à M. [B] [G] la somme de 500 euros net de dommages et intérêts.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, fussent sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur.

Suivant les dispositions de l’article L1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral ; dans l’affirmative, il appartient ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en ‘uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral n’est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l’ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d’un salarié défaillant dans la mise en ‘uvre de ses fonctions.

Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d’établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu’elle présente au soutien de l’allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.

M. [B] [G] évoque les faits suivants au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral:

– les deux avertissements qui lui ont été notifiés. Le premier a été considéré légitime

par la cour, au contraire du second.

– Une violence économique suite à la modification de sa part variable de

rémunération ayant pour effet d’amoindrir fortement cette dernière. Les pièces

produites par le salarié au soutien de son allégation ne sont pas de nature à établir

que sa part variable avait été modifiée ou allait l’être à son détriment.

– Le refus de sa direction de lui fournir des pneus neige. Le seul courriel envoyé par

le salarié à son employeur à ce sujet ne saurait établir ce fait.

– La demande de la part de son supérieur d’interrompre prématurément ses vacances

d’hiver pour traiter deux dossiers prétendument urgents et qui ne l’étaient pas. Le

courriel produit à l’appui de cette allégation n’établit aucunement la réalité de ce

fait.

– L’altercation importante intervenue avec son supérieur le 15 janvier 2019. Le

salarié ne produit aucune pièce au soutien de cette allégation. Ce fait n’est donc pas

établi.

– Le refus de prise de jours de récupérations. Les pièces produites par le salarié ne

démontrent aucunement que l’employeur lui a refusé des récupérations pour les

jours sollicités. Ce fait n’est donc pas établi.

– L’embauche dès le mois de décembre d’un salarié sur son poste, mis en attente sur

la concession de [Localité 4] le temps de la rupture de son contrat de travail. Il est

établi par la promesse d’embauche rédigée par l’employeur au profit de M. [Z]

en septembre 2018 que ce dernier devait travailler sur le même poste et le même

site que M. [B] [G] à compter du 17 décembre 2018. Celui-ci a finalement

été engagé le 11 décembre 2018 sur la concession de [Localité 7], une clause

mentionnant qu’il pourrait être amené à travailler dans n’importe quelle concession

du groupe dans un rayon de 50 km, puis à compter du 1er mars 2019 sur la

concession de [Localité 6]. Au regard de cette chronologie, les faits allégués par M.

[B] [G] apparaissent établis. Cependant, il n’est pas démontré par ce

dernier qu’il était informé, durant l’exécution de son contrat de travail, du contenu

de cette promesse d’embauche, et il n’est donc pas établi qu’il ait pu en subir une

quelconque pression.

– L’incapacité pour le salarié d’obtenir le détail et le mode de calcul précis de sa

rémunération variable. M. [B] [G] ne produit aucun élément de nature à

démontrer qu’il a sollicité des renseignements sur ce point durant son contrat de

travail et qu’il se serait vu opposer un refus de la aprt de l’employeur.

– Le fait qu’on lui aurait indiqué début novembre 2018 que dans tous les cas, il aurait

‘dégagé’ d’ici un mois. Cette allégation n’est appuyée que par un courriel du salarié

qui n’apparaît pas à lui seul suffisament probant pour établir la réalité de ce fait.

L’analyse de ces éléments, pris dans leur ensemble, ne laissent pas supposer l’existence d’un harcèlement moral.

En conséquence, la décision du conseil de prud’hommes sur ce point sera confirmée.

Sur la rupture conventionnelle et les demandes subséquentes

Il résulte d’une jurisprudence constante que le recours à la rupture conventionnelle est possible même dans un contexte conflictuel entre employeur et salarié, à la condition que le libre consentement du salarié puisse être vérifié. La rupture conventionnelle ne peut donc intervenir si le consentement du salarié est vicié.

Il résulte des éléments analysés ci-dessus que M. [B] [G] échoue à établir des faits laissant supposer, pris dans leur ensemble, l’existence d’un harcèlement moral.

Il ne produit aucune pièce de nature à démontrer que son consentement dans le cadre de la rupture conventionnelle aurait été vicié.

La décision du conseil de prud’hommes sur ce point, ainsi que sur les demandes subséquentes, sera donc confirmée.

Sur l’avantage en nature

L’avantage en nature consiste dans la fourniture ou la mise à disposition par l’employeur d’un bien ou service permettant au salarié de faire l’économie de frais qu’il aurait dû normalement supporter.

Cependant, le fait que le salarié soit autorisé par l’employeur à effectuer avec un véhicule de l’entreprise, en dehors des déplacements professionnels, ses déplacements domicile-travail ne conduit pas à qualifier le véhicule d’avantage en nature (Cass soc 6 juillet 2016, n°14-29.548; voir également circ. DSS/SDFSS/5B 2003-7 du 7 janvier 2003).

Le contrat de travail du salarié mentionne qu’il bénéficie d’un « véhicule de démonstration » pour son usage professionnel, et qu’il s’engage à ne pas l’utiliser à des fins personnelles les week-end et durant les congés payés. Ce véhicule est également dénommé « véhicule de service » au sein du document le concernant annexé au contrat de travail.

L’employeur produit des attestations de trois salariés selon lesquels ils ont reçu une autorisation verbale pour utiliser leur véhicule de démonstration le week-end. Cependant, il ne produit aucun élément de nature à démontrer qu’une telle autorisation a été donnée à M. [B] [G], ou que celui-ci utilisait effectivement son véhicule de démonstration ou véhicule de service durant les week-end et ses congés.

Ce véhicule n’était donc pas un véhicule de fonction, qui consiste en un véhicule dont le salarié conserve l’usage dans sa vie personnelle, et qui seul est de nature à pouvoir constituer un avantage en nature.

M. [B] [G] soutient de façon justifiée avoir dû payer des charges et une imposition sur la somme de 130 à 138 euros par mois considérée par l’employeur comme la valorisation de l’avantage en nature représenté par ce véhicule.

Cependant, le salarié ne produit aucun élément permettant d’évaluer son préjudice à ce titre.

En conséquence, la décision du conseil de prud’hommes sera infirmée, et M. [B] [G] sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande de remboursement du paiement d’une facture de réparation du véhicule de service

Il résulte des dispositions de l’article L 1331-2 du code du travail que « les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite. »

Il est de jurisprudence constante que seule la faute lourde peut engager la responsabilité pécuniaire du salarié vis-à-vis de son employeur (Cass 6 mai 2009, n° 07-44.485).

L’employeur ne justifie ni même n’allègue en l’espèce que le salarié aurait commis une faute lourde.

Ainsi, la clause figurant en annexe du contrat de travail et prévoyant que le salarié devra verser une partie de la franchise en cas d’accident est réputée non écrite et ne lui est pas opposable.

Par ailleurs, M. [B] [G] ne démontre ni même n’affirme avoir versé à son employeur la somme de 481,84 euros au titre de réparations effectuées suite à un accident qu’il a eu avec son véhicule de service. Il ne justifie ainsi d’aucun préjudice.

La décision du conseil de prud’hommes sera donc confirmée en ce qu’elle a débouté M. [B] [G] de sa demande à ce titre.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La décision du conseil de prud’hommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera confirmée.

Par ailleurs, la SAS Garage du Lac sera condamnée à verser à M. [B] [G] la somme de 1800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare recevables les appel et appel incident de M. [B] [G], de la SAS Grage du Lac et de la SAS IFC,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes d’Annecy du 24 février 2021 en ce qu’il a :

– constaté qu’il n’existe pas de situation de co-emploi entre la SAS Garage du Lac et

la SAS IFC,

– jugé que seule la SAS Garage du Lac est l’employeur de M. [B] [G],

– débouté M. [B] [G] de sa demande de rappel de commissions relatives

aux cartes privilège Identicar,

– débouté M. [B] [G] de sa demande d’annulation de l’avertissement du 24

juillet 2018,

– débouté M. [B] [G] de sa demande au titre du harcèlement moral,

– débouté M. [B] [G] de sa demande de nullité de la rupture

conventionnelle et des demandes subséquentes d’indemnité pour licenciement nul

et d’indemnité de préavis,

– débouté M. [B] [G] de sa demande de remboursement du paiement d’une

facture de réparation du véhicule de service,

– condamné la SAS Garage du lac à verser à M. [B] [G] la somme de 1500

euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau:

Dit que la convention de forfait-jours figurant au contrat de travail de M. [B] [G] lui est inopposable,

Annule l’avertissement du 15 octobre 2018,

Déboute M. [B] [G] de sa demande au titre de l’avantage en nature,

Condamne la SAS Garage du lac à verser à M. [B] [G]:

– 33747 euros, outre 3374,70 euros de congés payés afférents, à titre de rappels de

commissions,

– 26678 euros, outre 2667,80 euros de congés payés afférents, au titre du rappel

d’heures supplémentaires,

– 2632,32 euros, outre 263,23 euros de congés payés afférents, au titre du repos

compensateur obligatoire,

– 46804,98 euros net au titre du travail dissimulé,

– 500 euros net au titre du préjudice moral résultant de l’avertissement du 15 octobre

2018,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Garage du lac aux dépens,

Condamne la SAS Garage du lac à verser à M. [B] [G] la somme de 1800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Ainsi prononcé publiquement le 15 Septembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Delphine AVERLANT, faisant fonction de Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 


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