RGDP : 12 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02419

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RGDP : 12 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02419
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 12 MAI 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02419 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDKDI

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Février 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MELUN – RG n° R20/00102

APPELANTE

Madame [R] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Leslie NICOLAÏ, avocat au barreau de PARIS, toque: P0018

INTIMÉE

S.A.S. GESTAMP NOURY

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-Caroline MARTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0397

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Paule ALZEARI, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Olivier FOURMY, Premier Président de chambre

Christine LAGARDE, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

– signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [R] [F] a été recrutée par la société GESTAMP NOURY à compter du 12 février 2018 afin d’exercer les fonctions d’assistante ressources humaines, statut agent de maîtrise.

La société GESTAMP NOURY exerce une activité de découpage, emboutissage et assemblage des pièces métalliques pour l’industrie automobile.

Mme [R] [F] a été victime d’un accident du travail le 6 mars 2020.

Elle a été en arrêt de travail à compter de cette date jusqu’à la rupture de son contrat de travail.

Par courrier du 22 juin 2020, la société GESTAMP NOURY a convoqué Mme [R] [F] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, convocation assortie d’une mise à pied à titre conservatoire.

L’entretien préalable s’est tenu le 30 juin 2020.

Par courrier recommandé en date du 7 juillet 2020, la société lui a notifié son licenciement pour faute.

Par courrier recommandé du 18 septembre 2020, Mme [R] [F] a formulé une demande de droit d’accès aux termes de laquelle elle a sollicité la communication de l’intégralité de son dossier personnel.

Par courrier recommandé du 1er octobre 2020, la société GESTAMP NOURY a transmis un ensemble de documents.

Estimant que la transmission était insuffisante et en prévision d’un litige en germe, Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 4 février 2021, le conseil de prud’hommes de Melun a débouté Mme [R] [F] de l’ensemble de ses demandes et l’a invité à mieux se pourvoir au fond, débouté la société GESTAMP NOURY de ses demandes reconventionnelles et laissé les dépens à la charge de Mme [R] [F].

Selon déclaration du 1er mars 2021, Mme [R] [F] a interjeté appel à l’encontre de cette décision.

Par dernières conclusions du 17 novembre 2021, elle soulève l’irrecevabilité des conclusions de l’intimé du 19 juillet 2021.

Elle prétend à l’infirmation de l’ordonnance et demande à la cour de :

‘ condamner la société GESTAMP NOURY à communiquer le contenu intégral de sa messagerie électronique professionnelle aux fins d’obtenir les courriels professionnels émis ou reçus entre le 12 février 2018 et le 7 août 2020,

‘ condamner la société GESTAMP NOURY à lui communiquer la copie de l’intégralité de ses données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement par la société et n’ayant pas été transmises antérieurement,

‘ prononcer la communication des documents sollicités sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du cinquième jour calendaire qui suivra le prononcé de l’arrêt à intervenir,

‘ se réserver le droit de liquider l’astreinte.

En tout état de cause, elle réclame le paiement de la somme de 5000 euros à titre de provision sur dommages-intérêts et de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon dernières écritures du 19 juillet 2021, la société GESTAMP NOURY conclut à la confirmation de l’ordonnance déférée.

Re conventionnellement, elle réclame le paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est en date du 19 novembre 2021.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS,

In limine litis, l’appelante soulève l’irrecevabilité des conclusions de l’intimée en application des dispositions de l’article 905-2 du code de procédure civile.

Il doit être rappelé qu’en application de l’article 905-2 du code de procédure civile alinéa 2, « l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. »

En application de la disposition précitée, Mme [R] [F] n’est plus recevable, devant la cour, pour invoquer l’irrecevabilité des conclusions de l’intimée.

Cette prétention est donc écartée.

Au soutien de son appel, Mme [R] [F] invoque les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile et rappelle les deux conditions cumulatives exigées par cet article :

‘ l’absence de procès au fond en cours,

‘ l’existence d’un motif légitime.

Elle fait valoir que l’accès aux courriers électroniques envoyés et reçus par l’intermédiaire de la boîte mail professionnelle pourra permettre de contester utilement les griefs disciplinaires invoqués à l’appui de son licenciement pour faute.

En particulier, elle ajoute que la transmission des messages professionnels est susceptible de lui permettre d’établir la réalité de ses horaires de travail et ainsi de formuler une demande chiffrée précise au titre des heures supplémentaires.

Elle expose que le périmètre de la production de pièces peut être cantonné dans l’hypothèse où sa boîte mail serait supprimée.

La société GESTAMP NOURY fait valoir qu’elle est dans l’impossibilité matérielle de répondre favorablement à la demande de son ancienne salariée dans la mesure où sa boîte mail, au regard de la mise en place d’une politique stricte en matière de protection des données personnelles et notamment le RGPD, a été supprimée dans un délai maximal de 90 jours suivant la rupture du contrat de travail.

Elle précise que la condition essentielle d’absence de procès en cours n’est pas remplie puisque Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Melun le 29 juin 2021.

Elle estime qu’en tout état de cause, elle ne justifie pas d’un motif légitime pour obtenir les messages contenus dans sa boîte mail.

Selon l’article 145 du code de procédure civile « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

En l’espèce, il doit être considéré que les premiers juges ont statué antérieurement à la saisine au fond de la juridiction prud’homale.

Dans cette mesure, la demande fondée sur les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile doit être examinée.

Sur l’existence d’un motif légitime, les premiers juges ont considéré que la société GESTAMP NOURY avait mis en place une politique stricte en matière de protection des données personnelles et que Mme [F] n’avait demandé la copie intégrale des données informatiques la concernant que le 18 septembre 2020 (reçue par l’employeur le 21 septembre), alors qu’elle avait été licenciée le 7 juillet 2020.

En premier lieu, il doit être retenu que l’employeur justifie, par la production de la réponse de son directeur informatique que la boîte mail de Mme [F] a été supprimée postérieurement à la rupture du contrat de travail.

Ainsi ce dernier a indiqué : « je vous confirme que conformément à notre politique interne sur la protection des données, notamment liée au RGPD, la boîte mail de Mme [R] [F] a été automatiquement supprimée dès qu’elle a quitté l’entreprise. Il est donc impossible de donner suite à votre demande et d’avoir accès à cette boîte et à son contenu qui a été également supprimé. »

À l’opposé, il est établi et non contesté que l’employeur a adressé, le 1er octobre 2020 les éléments suivants :

‘ dossier de candidature d’embauche,

‘ attestation de remise du livret d’accueil, du règlement intérieur et du code de conduite Groupe,

‘ contrat de travail,

‘ bulletin d’affiliation mutuelle et prévoyance,

‘ DPAE,

‘ fiche d’aptitude du service de santé au travail,

‘ entretien annuel de l’année 2018,

‘ entretien annuel de l’année 2019,

‘ courrier de versement d’une prime exceptionnelle et d’une augmentation individuelle,

‘ attestation de formation « Excel » avec feuille d’émargement, note de frais afférente et enquête de satisfaction,

‘ attestation de formation « Guides et serres-files » avec enquête de satisfaction,

‘ attestation de formation « incendie » avec enquête de satisfaction,

‘ attestation de formation « les points clés de la gestion de la formation » avec feuille d’émargement et note de frais afférente,

‘ relevés de pointages de l’année 2018,

‘ relevés de pointages de l’année 2019,

‘ relevés de pointages de l’année 2020.

Mme [F] motive sa demande de production au regard de la saisine du conseil de prud’hommes au titre de diverses demandes relatives à l’exécution et à la rupture de son contrat de travail et en particulier sur le fait qu’elle a réalisé de nombreuses heures supplémentaires qui , selon elle, pourraient être établies par l’examen des messages professionnels reçus et émis.

Cependant, il vient d’être considéré que l’employeur est dans l’impossibilité de communiquer la boîte mail de l’intéressée, celle-ci ayant été détruite.

À l’opposé, il doit être retenu que les pièces communiquées par l’employeur s’agissant des entretiens d’évaluation mais surtout des relevés de pointage sont, à l’évidence, des pièces susceptibles de lui permettre, à tout le moins, d’étayer sa demande au titre des heures supplémentaires, étant rappelé qu’en la matière, il appartient à l’employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Dans cette mesure, Mme [F] ne justifie pas d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile y compris, sur sa demande de cantonnement du périmètre de la production de pièces sollicitées.

Enfin, sur la demande relative à la communication de la copie de l’intégralité des données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement de la société GESTAMP NOURY et n’ayant pas été transmises antérieurement à Mme [R] [F], l’employeur fait justement valoir que ces pièces ont d’ores et déjà été communiquées s’agissant de la salariée.

Les demandes de Mme [F] ne peuvent donc utilement prospérer sur le fondement des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile.

Sur la demande en paiement de dommages-intérêts à titre provisionnel, Mme [F] estime qu’il appartenait à la société GESTAMP NOURY , non pas de refuser la communication de certaines données mais de prendre les mesures de nature à ne pas porter atteint aux droits des tiers, par exemple en biffant certaines mentions permettant d’identifier des tiers.

Elle ajoute que la réalité de la suppression de la boîte mail n’est pas démontrée et qu’en tout état de cause, elle a sollicité son droit d’accès le 18 septembre 2020, date à laquelle la boîte mail professionnelle ne devait pas être supprimée puisque la demande avait été faite avant l’expiration du délai de trois mois invoqué par l’employeur.

La société GESTAMP NOURY répond qu’il ne lui a jamais été demandé que les documents soient anonymisés.

Elle ajoute qu’il n’est fait état d’aucun préjudice.

Il doit en premier lieu être considéré que les demandes de production de Mme [F] sont écartées.

Ainsi, il n’est justifié d’aucun préjudice étant observé, qu’à juste titre, l’intimée a relevé que l’appelante ne justifiait nullement de son préjudice, à tout le moins, au regard de la provision réclamée.

Par ailleurs, il est justifié par l’employeur que le groupe a mis en place une politique stricte en matière de protection des données personnelles alors que Madame [F] avait parfaitement connaissance de ses engagements dont elle avait reçu copie.

Au surplus, il doit être considéré que la demande de communication des données relatives à la messagerie n’a pas été formulée dans la demande initiale du 18 septembre 2020.

La demande en paiement d’une provision sur dommages-intérêts sera donc rejetée.

Mme [F], qui succombe sur les mérites de son appel, doit être condamnée aux dépens et déboutée en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera fait application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’intimée.

PAR CES MOTIFS,

Contradictoire, dernier ressort, publiquement

Confirme l’ordonnance déférée,

Y ajoutant,

Condamne Mme [R] [F] aux dépens d’appel et la déboute en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [R] [F] à payer à la société GESTAMP NOURY la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,

 


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