Révocation immédiate du directeur général : légal et non vexatoire 

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Révocation immédiate du directeur général : légal et non vexatoire 
Ce point juridique est utile ?

Une SAS est en droit de ne pas avertir le directeur général (DG) de son projet de le révoquer lors de la prochaine assemblée générale. En l’occurrence, la société a convoqué ses associés en assemblée générale ordinaire, comportant en annexe les projets de résolution, le rapport de gestion sur les opérations de l’exercice clos et le rapport spécial du président sur les conventions de l’article L 227-10 du code de commerce. A aucun moment l’ordre du jour n’évoquait la question de la révocation du DG.

Résolution proposée en incident de séance

La résolution proposée en incident de séance a pris effet immédiatement à l’issue de l’assemblée générale, et dès l’adoption de cette résolution, alors même que l’assemblée générale n’était pas terminée, il lui a été demandé de restituer les éléments appartenant à la société (badge d’accès, ordinateur…) et de quitter les lieux séance tenante.

La résolution emportait par ailleurs pour lui interdiction d’accéder et de prendre connaissance de toutes données appartenant à la société auxquelles il pourrait avoir accès de quelque manière que ce soit et de se maintenir dans le système d’information de la société à compter de sa révocation, et interdiction d’accéder aux locaux de l’entreprise.

Révocation non vexatoire

Cette révocation n’a pas été jugée vexatoire.  En effet, les statuts de la société prévoient en leur article 18 la possibilité de révoquer le directeur général ‘à tout moment, sans qu’il soit besoin d’un juste motif’ :  

« Le Directeur Général peut être révoqué à tout moment, sans qu’il soit besoin d’un juste motif, par décision de la collectivité des associés sur proposition du Président, prise à la majorité des associés représentant au moins la moitié des voix. Cette révocation n’ouvre droit à aucune indemnisation ;

L’assemblée ne peut délibérer sur une question qui n’est pas à l’ordre du jour. Elle peut cependant, en toutes circonstances, révoquer le Président, ou l’un de ses dirigeants, et procéder à leur remplacement ».

Ces dispositions permettaient donc tant de soumettre au vote des associés, même au cours d’une assemblée générale dont l’ordre du jour initial ne le prévoyait pas, la question de la révocation de l’un des dirigeants de la société, et ce sans qu’il soit besoin d’un juste motif.

Le principe du contradictoire

Il est constant que, même dans l’hypothèse d’une révocation ad nutum, la société qui entend procéder à une telle mesure doit le faire d’une part en respectant le principe du contradictoire et d’autre part sans l’accompagner de circonstances portant atteinte à l’honneur ou à la réputation du dirigeant révoqué.

En l’espèce, il ressort des pièces produites et des explications des parties que l’assemblée générale a été organisée non pas dans les locaux de la société mais dans ceux de l’un de ses associés et que le secrétariat de cette assemblée générale a été tenu par l’avocat de cette société.

Le DG a eu ensuite la parole pour formuler ses observations ainsi que le procès-verbal le mentionne.

Il a été jugé que la présence d’un avocat pour assurer le secrétariat de l’assemblée générale peut parfaitement être justifiée par le souhait de s’assurer de la régularité formelle des délibérations de cette assemblée, et le DG ne justifiait en aucune manière de l’ascendant qu’il imputait au juriste.

Dès lors le DG ne contestait pas avoir eu un exposé des reproches qui lui étaient faits, et il a eu la parole pour répliquer.

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COUR D’APPEL DE DIJON

2e Chambre Civile

ARRÊT DU 03 JUIN 2021

N° RG 19/00642 – N° Portalis DBVF-V-B7D-FHT4

Décision déférée à la Cour : au fond du 07 mars 2019, rendue par le tribunal de commerce de Dijon – RG : 17/007811

APPELANT :

Monsieur A Z-Y

né le […] à […]

domicilié :

[…]

[…]

représenté par Me Vincent CUISINIER, membre de la SELARL DU PARC – CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91

INTIMÉE :

SAS X, prise en la personne de son représentant légal Monsieur B Z, Président, domicilié en cette qualité au siège :

[…]

[…]

représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126

assistée de Me N-O Q, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 avril 2021 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, ayant fait le rapport et Michel WACHTER, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller,

I BAILLY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 03 Juin 2021,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur B Z et Monsieur A Z-Y, qui sont demi-frères, constituent le 19 juillet 2011 la Sarl X, laquelle est transformée en SAS le 24 juillet 2013.

Monsieur B Z en est le président et Monsieur A Z- Y le directeur général.

Le capital social de la SAS est composé comme suit :

— Monsieur B Z : 13,15 %

— Monsieur A Z-Y : 15,08 %

— Monsieur C D : 25,68 %

— SAS DIPIA (société dont le président est Monsieur A Z- Y et le directeur général Monsieur B Z) : 23,52 %

— Société STARQUEST ANTI-FRAGILE 2016 : 16,85 %

— Société ADVISIO : 1,55 %

— Monsieur E F : 0,78 %

— Monsieur G H : 0,78 %

— Madame I J : 0,61 %

— Titulaires BSPCE : 2%.

Par acte d’huissier du 28 juin 2016, Monsieur A Z- Y assigne la SAS X devant le tribunal de commerce de Dijon au visa de l’article 1382 du code civil aux fins de voir :

— dire et juger que sa révocation est intervenue dans des conditions brutales,

— dire et juger que sa révocation est intervenue dans des conditions vexatoires, injurieuses et humiliantes,

— en conséquence condamner la société X à lui verser la somme de 155 150 € en réparation du préjudice lié à sa révocation brutale et celle de 10 000 € en réparation du préjudice lié aux circonstances vexatoires, injurieuses et humiliantes de la révocation, le tout avec exécution provisoire,

— condamner la société X à lui verser 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il expose que, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 20 mai 2016, la société a convoqué ses associés en assemblée générale ordinaire, la lettre de convocation comportant en annexe les projets de résolution, le rapport de gestion sur les opérations de l’exercice clos le 31 décembre 2015 et le rapport spécial du président sur les conventions de l’article L 227-10 du code de commerce ; qu’à aucun moment l’ordre du jour n’évoquait la question de sa révocation ; qu’il a donc été surpris d’apprendre en pleine assemblée générale, à l’occasion d’un incident de séance, que sa révocation allait être mise au vote des associés.

Il soutient qu’il a été mis devant le fait accompli et que, de toute évidence, cela avait été préparé à l’avance ; que la révocation de son mandat a été mise au vote et adoptée dans le cadre d’une 7e résolution proposée en incident de séance ; qu’elle a pris effet immédiatement à l’issue de l’assemblée générale, et que, dès l’adoption de cette 7e résolution, alors même que l’assemblée générale n’était pas terminée, il lui a été demandé de restituer les éléments appartenant à la société (badge d’accès, ordinateur…) et de quitter les lieux séance tenante, alors qu’il est le président de la société DIPIA qui est associée de X.

Il ajoute que la résolution emportait par ailleurs pour lui interdiction d’accéder et de prendre connaissance de toutes données appartenant à la société auxquelles il pourrait avoir accès de quelque manière que ce soit et de se maintenir dans le système d’information de la société à compter de sa révocation, et interdiction d’accéder aux locaux de l’entreprise.

Il précise que, si effectivement les statuts de la société prévoient en leur article 18 la possibilité de révoquer le directeur général ‘à tout moment, sans qu’il soit besoin d’un juste motif’, il n’en demeure pas moins que cette décision doit intervenir comme dans toutes les autres formes de sociétés dans le respect du contradictoire et dans des circonstances exclusives de tout caractère brutal, vexatoire ou injurieux.

Il relève que, de jurisprudence constante, la révocation d’un dirigeant peut être abusive lorsqu’elle a été décidée brutalement sans respecter le principe de la contradiction ou a été accompagnée de circonstances portant atteinte à l’honneur ou à la réputation du dirigeant révoqué.

Il expose que, pour la première fois dans l’histoire de la société X, son assemblée générale ne s’est pas tenue dans ses locaux mais dans ceux de la société STARQUEST à Paris, et que son secrétariat juridique était assuré par Maître N-O P, avocat de cette société, ce qui démontre la préméditation ; que si le procès-verbal de l’assemblée générale mentionne qu’il a pu présenter ses observations, en réalité, alors qu’il n’est âgé que de 27 ans, qu’il n’a aucune connaissance juridique et que des liens de parenté le lient au président de la société, il s’est trouvé pris au dépourvu face à juriste qui ne s’est par borné à assurer le secrétariat mais a utilisé son ascendant.

Il ajoute que, si le procès-verbal de l’assemblée ne le mentionne pas, le président de la société a fait état des motifs invoqués au soutien de la demande de révocation, et notamment d’une relation intervenue plusieurs mois plus tôt entre lui et la compagne de l’un des salariés de la société, élément qui aurait paralysé les prises de décision des organes opérationnels ainsi que la bonne gestion de l’entreprise ; qu’il est surprenant que ce fait, de nature strictement personnel, ait été avancé alors que les statuts permettent une révocation sans juste motif.

Il évalue son préjudice au regard du nombre d’années pendant lesquelles il a exercé ses fonctions (3 ans et demi), du fait qu’il figure parmi les associés historiques de la société et qu’il a créé le système utilisé par l’entreprise, système qu’il ne pourra plus utiliser dès lors qu’une clause de non-concurrence lui interdit d’exercer une activité concurrente dans l’Union Européenne et aux Etats Unis.

Il ajoute avoir dû consulter un psychologue immédiatement après sa révocation.

Lors de l’audience de plaidoiries du 16 mars 2017, le dossier fait l’objet d’un retrait du rôle à la demande des parties.

Par conclusions déposées le 28 novembre 2017, Monsieur A Z-Y demande la réinscription du dossier au rôle du tribunal.

La SAS X conclut au débouté de Monsieur Z-Y de l’ensemble de ses demandes, contestant tant le caractère brutal qu’injurieux ou vexatoire de sa révocation, et demande sa condamnation à lui verser 6 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que le demandeur n’assurait plus ses obligations professionnelles; qu’usant par ailleurs de ses fonctions de président de la société DIPIA, il a modifié les codes d’accès aux serveurs contenant des données appartenant à X qui s’est trouvée en situation de blocage et a perdu un marché important ; qu’une procédure de référé a dû être engagée pour qu’il soit condamné à restituer ces codes ; qu’il a également été nécessaire d’engager une autre procédure de référé pour qu’un administrateur judiciaire soit désigné à la société DIPIA ; que si, antérieurement à cette désignation, la société DIPIA avait engagé une procédure en paiement à l’encontre de la société X, sa demande a été rejetée par le juge des référés pour contestation sérieuse.

Elle ajoute que Monsieur A Z- Y a également engagé une procédure prud’homale pour licenciement dépourvu de cause réelle de son contrat de travail, dont il a été débouté par jugement du 26 février 2018 dont il a relevé appel.

Monsieur Z- Y réplique que la société X ne s’est pas trouvée paralysée par la modification des codes d’accès informatiques de la société DIPIA, raison pour laquelle le juge des référés l’a déboutée de ses demandes, et que les autres instances sont sans rapport avec le présent litige.

Par jugement du 7 mars 2019, le tribunal de commerce de Dijon :

— constate que la révocation de Monsieur A Z-Y au cours de l’assemblée générale en date du 30 mai 2016 ne revêt d’aucun (sic) caractère brutal, injurieux ou vexatoire et n’est pas abusive,

— déboute A Z-Y de l’ensemble de ses demandes comme mal fondées,

— le condamne à verser à la SAS X 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Le tribunal relève que les statuts de la société disposent :

— en leur article 18 ‘Directeur général’ ‘révocation’ que : ‘ Le Directeur Général peut être révoqué à tout moment, sans qu’il soit besoin d’un juste motif, par décision de la collectivité des associés sur proposition du Président, prise à la majorité des associés représentant au moins la moitié des voix. Cette révocation n’ouvre droit à aucune indemnisation’ ;

— en leur article 26 ‘Assemblée générale’ alinéa 7 que : ‘L’assemblée ne peut délibérer sur une question qui n’est pas à l’ordre du jour. Elle peut cependant, en toutes circonstances, révoquer le Président, ou l’un de ses dirigeants, et procéder à leur remplacement’.

Il en déduit que ces statuts, qui ont été approuvés par le demandeur, prévoient la possibilité de révoquer un dirigeant en incident de séance ; que la révocation litigieuse est donc régulière dans la forme ; qu’il appartient à A Z-Y de prouver que le principe du contradictoire n’a pas été respecté et que la révocation a été décidée brutalement et dans des conditions vexatoires et injurieuses ; qu’il ne procède que par affirmations et ne produit pas le moindre élément tangible alors que le procès-verbal de l’assemblée rappelle qu’il a pu présenter ses observations avant que la résolution soit mise aux voix.

* * * * *

Monsieur A Z-Y fait appel par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel le 18 avril 2019.

Par conclusions déposées le 10 mars 2021, il demande à la cour d’appel de :

‘ Vu les dispositions de l’article 1382 du code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

— Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement déféré du 7 mars 2019 rendu par le tribunal de commerce de Dijon,

Statuant à nouveau :

— Dire et juger que la révocation de Monsieur A Z-Y est intervenue dans des conditions brutales et abusives,

— Dire et juger que la révocation de Monsieur A Z-Y est intervenue dans des conditions vexatoires, injurieuses et humiliantes,

En conséquence,

— Condamner la société X à payer à Monsieur A Z-Y une somme de 155.150,00 € en réparation du préjudice lié à sa révocation brutale,

— Condamner la société X à payer à Monsieur A Z-Y une somme de 10.000,00 € en réparation du préjudice lié aux circonstances vexatoires, injurieuses et humiliantes de la révocation,

— Condamner la société X à payer à Monsieur A Z-Y une somme de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure’.

Après avoir repris l’exposé de sa situation et des conditions de sa révocation, il ajoute que le soir même, et alors qu’il était toujours président de la société DIPIA, il a tenté de se connecter au système ‘OVH Manager’ de cette société, système qui lui permet d’assurer la gestion de son compte ouvert auprès de la société OVH (gestion des commandes, facturation, statistiques) ; qu’il a alors constaté que ses accès avaient été désactivés ; que le lendemain, il a contacté la société OVH afin que ses accès soient rétablis, et que cette dernière s’est exécutée logiquement ; qu’afin de protéger la société DIPIA, qui est seule censée avoir accès au système ‘OVH Manager’, il a demandé à la société OVH de modifier le mot de passe donnant accès à ‘OVH Manager’ ainsi que ceux d’accès au compte ‘Admin’ de VCENTER, lequel permet d’intervenir sur l’ensemble des serveurs mis à disposition de l’ensemble de ses clients par la société DIPIA.

Il ajoute que, par acte d’huissier du 3 juin 2016, la SAS X l’a assigné ainsi que la SAS DIPIA devant le juge des référés aux fins de leur voir ordonner de rétablir sous astreinte l’intégralité des accès lui permettant d’accéder aux serveurs gérés par la SAS DIPIA et contenant les informations lui appartenant ainsi que la remise immédiate des codes d’accès aux serveurs informatiques gérés par cette dernière pour son compte également sous astreinte, en soutenant que les modifications effectuées auraient contribué à ‘paralyser son activité’ au motif qu’elle n’avait plus accès à ses données hébergées sur les serveurs mis à disposition par la défenderesse ; que ces affirmations étaient totalement infondées et procédaient d’une méconnaissance totale du fonctionnement de la société X de la part de ses (nouveaux) dirigeants ; que par ordonnance de référé en date du 15 juin 2016, le président du tribunal de commerce de Dijon a débouté la SAS X de l’ensemble de ses demandes; que cette dernière n’a pas souhaité contester cette décision en interjetant appel.

Il précise que si, comme le rappelle la société X dans ses écritures, son assemblée générale du 1er juin 2018 a voté son exclusion du rang de ses associés, et s’il est exact qu’il a introduit deux instances devant le tribunal de commerce de Dijon visant à obtenir la nullité de ladite assemblée générale et celle du rapport d’expertise ayant fixé à 1 € la valeur de ses actions, celles-ci sont sans emport sur la présente procédure ; qu’en effet, elles sont fondées sur la seule perte de la qualité d’associé quand celle dont est saisie la cour de céans est relative à sa révocation du mandat de directeur général ; qu’il ne s’agit pas là d’une quelconque ‘stratégie procédurale’ intentée de mauvaise foi afin d’affaiblir financièrement la société X comme l’écrit cette dernière, mais d’actions visant simplement à réparer les préjudices subis par lui en ses qualités de directeur général et d’associé.

Il estime que si, comme l’a précisé le tribunal de commerce de Dijon dans le jugement dont appel, seules les circonstances entourant la révocation permettent d’en apprécier le caractère abusif et qu’il n’y a donc pas lieu de tenir compte des griefs formulés contre l’intéressé pour déterminer si l’abus est établi, il n’en demeure pas moins que ladite décision doit d’être infirmée en tant qu’elle méconnaît le droit applicable et la jurisprudence développée en matière de révocation des dirigeants sociaux ; qu’en effet, contrairement à ce qu’affirme le tribunal, sa demande ne repose pas sur de seules

considérations purement émotionnelles et subjectives mais sur des faits et une chronologie parfaitement objectifs et vérifiables ; que pourtant à aucun moment dans sa décision, le tribunal n’analyse ces abondants éléments factuels.

Il ajoute qu’en outre, et quand bien même l’article 18 des statuts de la société X prévoient la possibilité de révoquer le directeur général ‘ à tout moment, sans qu’il soit besoin d’un juste motif’, il n’en demeure pas moins que la décision de révocation du dirigeant d’une société par actions simplifiée doit intervenir – comme dans toutes les autres formes de sociétés – dans le respect du principe du contradictoire et dans des circonstances exclusives de tout caractère brutal, vexatoire, ou injurieux.

Il précise que le jugement entrepris n’est pas critiqué en tant qu’il considère la révocation régulière eu égard aux textes légaux et aux statuts – et quand bien même elle n’aurait pas été prévue à l’ordre du jour de l’assemblée générale – mais parce que l’analyse des ‘tempéraments’ à la libre révocabilité faite par les premiers juges est erronée.

Il ajoute que ce n’est pas la décision de révocation en elle-même qui est critiquée, mais seulement les conditions dans lesquelles elle est intervenue.

Il rappelle sur ce point la jurisprudence concernant la nécessité de respecter le principe du contradictoire, et maintient qu’il est patent qu’il n’a bénéficié d’aucun délai pour préparer sa défense, n’ayant été prévenu de sa future révocation qu’au cours de l’assemblée générale appelée à statuer sur son sort ; que si la société X soutient dans ses écritures qu’il ‘avait parfaitement conscience, depuis plusieurs mois – compte-tenu de la gravité de ses agissements (‘), de la méfiance qui existait à son égard de la part de l’ensemble des associés de l’intimé’ et si son maintien à son poste de directeur général était à ce point négatif pour la société X et sa révocation nécessaire, il est alors très étonnant que sa révocation n’ait pas été prévue expressément à l’ordre du jour de l’assemblée générale.

Il reprend sur ce point à l’identique ses développements sur les conditions dans lesquelles cette assemblée générale s’est tenue, ajoutant que les explications de la société X selon lesquelles il s’agissait de faciliter l’accès à cette assemblée à par société STARQUEST ne sont pas convaincantes.

Il ajoute que la stratégie de déstabilisation à son encontre a atteint son paroxysme lorsque le 20 avril 2018, il a reçu une convocation à une assemblée générale de la société X pour le 22 mai 2018 afin que soit soumis aux associés son exclusion de la société en qualité d’associé ; que l’acharnement dont fait preuve Monsieur B Z à l’égard de son demi-frère permet à la cour d’imaginer le contexte extrêmement brutal dans lequel est survenue sa révocation ; que la cour constatera d’ailleurs que les motifs invoqués au soutien de cette exclusion sont extrêmement subjectifs et ne font que refléter la mésentente entre les deux associés, mésentente qui prend même des allures de règlement de comptes avec la lettre recommandée avec avis de réception du 20 avril.

Il maintient par ailleurs que sa révocation s’est déroulée dans des conditions vexatoires et injurieuses (évocation de sa liaison avec la compagne de l’un des salariés de l’entreprise, demande de restitution immédiate les biens appartenant à l’entreprise (clés, ordinateur ‘), interdiction d’accéder aux locaux de la société X).

Il ajoute qu’il avait de nombreux effets personnels dans l’entreprise qu’il lui a été très difficile de récupérer puisqu’il a fallu organiser un rendez-vous en présence des conseils des parties et d’un médiateur pour qu’il puisse reprendre ce qui lui appartenait ; que dans le même ordre d’idée, il lui a été fait interdiction d’accéder et de prendre connaissance de toutes données appartenant à la société auxquelles il pourrait avoir accès, de quelque manière que ce soit, et de se maintenir dans le système d’information de la société à compter de sa révocation, alors même qu’il demeure le président de la

Société DIPIA avec laquelle la société X a des relations contractuelles et à l’occasion desquelles il est nécessairement amené à avoir accès à un certain nombre de données de cette dernière.

Il soutient qu’il n’y avait aucune urgence susceptible de justifier une telle brutalité à lui imposer de quitter l’entreprise le jour même, sous les yeux de ses collègues, dans des conditions attentatoires à sa dignité ; que d’ailleurs les agissements invoqués par la société X sont postérieurs à la révocation et ne sont pas susceptibles de justifier ou donner un quelconque éclairage à la révocation brutale qu’il a subie.

Il expose qu’avant sa révocation, il disposait d’un revenu stable dont il se voit désormais privé ; qu’il a exercé ses fonctions depuis 2013 et a perçu à ce titre 28 750 € en 2016, 54 400 € en 2015, 48 000 € en 2014 et 24 000 € en 2013 ; que lors de sa révocation, il était âgé de 27 ans et père d’un enfant en bas âge; que la brutalité de cette révocation a eu des conséquences sur sa famille puisqu’à la même époque son fils devait se faire opérer au CHU de Dijon; que n’ayant plus de mutuelle du fait de sa révocation, il a dû annuler cette intervention qu’il ne pouvait plus financer ; qu’il s’est retrouvé du fait de la brutalité de sa révocation sans préavis sans aucun revenu pendant les 13 mois qui ont suivi cette révocation.

Il ajoute que c’est lui qui a créé le système utilisé par l’entreprise, après avoir au cours de ses études d’ingénieur eu l’idée et a développé le concept de ces drônes informatiques qui scannent le web caché.

Il fait enfin état de l’attestation établie par le psychologue qu’il a consulté en urgence le 31 mai 2016.

Par conclusions déposées le 26 février 2021, la SAS X demande à la cour de :

‘ Vu l’article 1382 ancien du code civil,

Vu les statuts de la société,

Vu la jurisprudence visée,

Vu les pièces versées aux débats,

— Confirmer dans toutes ses dispositions la décision rendue le 7 mars 2019 par le tribunal de commerce de Dijon,

— Rejeter le surplus des demandes formulées par Monsieur A Z-Y,

— Condamner Monsieur A Z-Y à verser la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner Monsieur A Z-Y aux entiers dépens’.

Elle expose qu’elle a pour activité principale la ‘réalisation de logiciels et webservices, solution de veille, conseil et formation’.

Elle ajoute que si, au jour de l’introduction de l’instance devant le tribunal de commerce de Dijon, la société DIPIA détenait 40.000 actions de son capital social, cette société a fait l’objet d’une dissolution amiable à compter du 3 avril 2018 de sorte que les actions détenues par elle au sein du capital social de la société X ont été rachetées par cette dernière à cette même date ; que par ailleurs, compte-tenu des agissements de Monsieur A Z-Y et de la mésentente existante avec les autres associés, celui-ci a été exclu du rang des associés lors d’une

assemblée générale s’étant tenue le 1er juin 2018 ; qu’ainsi, au jour de la régularisation de la déclaration d’appel par l’appelant, le capital social de la société X, qui s’élève à la somme de 177.708 euros et est divisé en 177.708 actions, est réparti de la manière suivante :

— Monsieur B Z : 62.629 actions

— Monsieur C D : 63.948 actions

— La société ADVIZIO : 2.637 actions

— Monsieur E K : 1.318 actions

— Monsieur G H : 1.318 actions

— Madame I L : 1.042 actions

— La société STARQUEST ANTI FRAGILE 2016 : 28.661 actions

— La société STARQUEST 2 :16.155 actions.

Elle expose que, depuis 2013, Monsieur A Z-Y, en sus de ses fonctions de Directeur Général, a contribué à certains développements du système exploité par la société X mais qu’il n’est pas, contrairement à ce qu’il prétend dans ses écritures, ‘à l’origine du système exploité par l’entreprise’ ; que dans le cadre de son activité, et usant notamment des moyens mis à sa disposition par un contrat en date du 1er janvier 2014, la société X a mis au point un dispositif informatique hybride, alliant l’utilisation de serveurs virtuels hébergés auprès de la société OVH (OVH Dedicated Cloud) par l’intermédiaire de la société DIPIA et celle de serveurs physiques hébergés dans ses locaux (serveurs appartenant à la société X) ; qu’en effet, le 1er janvier 2014, la société DIPIA et la société X ont signé une convention de sous-traitance par laquelle la société DIPIA a notamment été chargée de la mise à disposition de serveurs d’applications, d’une part, et d’assurer les services de firewall (pare feu), backup (sauvegardes), et monitoring (surveillance des services et applications) d’autre part.

Elle affirme qu’au cours de l’année 2015 puis jusqu’à sa révocation, Monsieur A Z-Y a eu des absences inopinées et répétées manquant ainsi aux obligations découlant de son mandat social et rendant la gestion de la société X difficile ; que la répétition d’événements ayant nui au bon fonctionnement de l’intimée, et le manque de sérieux avéré de l’appelant ont contraint le Président de la société X, Monsieur B Z, ainsi que son Directeur Général Délégué, Monsieur C D, à assurer les responsabilités initialement portées à la charge de Monsieur A Z-Y, en tant que Directeur Général; qu’au cours du mois de mai 2016, la gestion de la société X s’est particulièrement compliquée en raison du comportement de l’appelant puisque :

— d’une part, les dirigeants, Messieurs B Z et C D, devaient fréquemment, en raison de la carence de Monsieur A Z-Y, effectuer, à la dernière minute, le travail technique initialement mis à sa charge,

— d’autre part, Messieurs B Z et C D ont dû assurer les obligations de direction de ce dernier tant vis à vis des partenaires de la société X que de ses salariés.

Elle expose qu’au cours de l’assemblée générale convoquée le 30 mai 2016, le Président de la Société X a, dans le cadre d’un incident de séance lié à la ‘présentation par les dirigeants de la situation actuelle de la Société, de ses modalités de fonctionnement et d’administration ainsi que de ses perspectives d’avenir’, soumis à la collectivité des associés une résolution visant à la révocation du Directeur Général, Monsieur A Z ; que la collectivité des associés, soucieuse de retrouver une stabilité au sein de la société et souhaitant mettre un terme au comportement nuisible de Monsieur A Z sur son fonctionnement et son développement, a voté en faveur de sa révocation.

Elle fait état du fait que Monsieur A Z-Y, à la suite de sa révocation, a modifié les codes d’accès aux serveurs contenant les données lui appartenant et hébergées au sein de la société OVH, maintenant qu’elle s’est alors trouvée dans une situation de blocage et a dû faire intervenir à plusieurs reprises un huissier de Justice afin de procéder à la constatation de ‘la situation d’entrave informatique’ dont elle était victime ; qu’elle se trouvait en effet privée de la possibilité d’accéder librement à l’intégralité des données qu’elle hébergeait sur les serveurs mis à sa disposition par la société DIPIA et ce en parfaite violation des dispositions de la convention de sous-traitance signée le 1er janvier 2014 entre les deux sociétés.

Elle maintient que son activité a été paralysée, et qu’elle était dans l’incapacité de répondre aux demandes de ses clients et ainsi de remplir ses engagements contractuels dont ceux souscrits envers la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale dans le cadre d’un contrat signé le 3 mai 2016, ayant pour objet la ‘concession à titre non exclusif de la solution de veille liée aux problématiques de cybercriminalité sur Internet développée par la société X, pour une durée maximum d’un an calendaire à compter du jour de sa notification au titulaire’; qu’elle a ainsi risqué non seulement de perdre un contrat d’un montant de 150.000 euros, mais également d’entacher gravement sa réputation.

Elle souligne que si l’action quelle avait engagée s’est terminée par une ordonnance de débouté du 15 juin 2016, c’est uniquement parce que la société DIPIA avait, deux jours avant l’audience, communiqué les nouveaux codes d’accès à l’une des salariés de la société X, de telle sorte que le jour de l’audience, l’action n’avait plus d’objet.

Elle fait également état de la nécessité dans laquelle le 17 novembre 2016, Monsieur B Z, en sa qualité de directeur général et associé, a été contraint d’assigner la société DIPIA devant le tribunal de commerce de Dijon afin que soit désigné un administrateur judiciaire à cette société, les deux associés ne parvenant pas à se mettre d’accord sur la gestion des dépenses.

Elle ajoute qu’antérieurement à la désignation d’un administrateur judiciaire, Monsieur A Z-Y, usant de ses pouvoirs de Président de la société DIPIA n’a pas craint d’assigner en référé, par acte d’huissier de justice en date du 2 décembre 2016, la société X aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement des sommes de 7.328,60 euros au titre de factures impayées, 160 euros correspondant au montant des indemnités forfaitaires pour les frais de recouvrement de chacune des factures impayées, et 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; que compte-tenu du caractère injustifié des demandes formulées par la société DIPIA, le juge des référés n’a pas eu d’autre choix que de la débouter de l’ensemble de ses demandes, et que la société DIPIA n’a pas interjeté appel de cette décision.

Elle fait enfin état de la saisine par Monsieur A Z-Y du conseil de prud’hommes de Dijon par requête en date du 28 mars 2017 aux fins de voir dire et juger qu’il bénéficiait d’un contrat de travail au sein de la société X du 1er juillet 2013 au 30 mai 2016, que la rupture de ce contrat de travail à la date du 30 mai 2016 produisait les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d’obtenir la condamnation de la société X à lui verser 147 955,50 € brut à titre de rappel de salaires de juillet 2013 à mai 2016, 14 795,00 € brut au titre des congés payés y afférent, 12 691,90 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 1 269,19 € brut au titre des congés payés y afférent, 4 227,30 € net au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, 100 000,00 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 2 500,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle précise que, par jugement rendu le 26 février 2018, le conseil de prud’hommes de Dijon a débouté Monsieur A Z-Y de l’ensemble de ses demandes ; que par arrêt du 15 octobre 2020, la cour d’appel de Dijon a confirmé cette décision en toutes ses dispositions.

Elle souligne que c’est une somme totale (hors demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile) de 448.588,89 euros que Monsieur A Z-Y demande à la société X dans le cadre de ces deux procédures initiées à son encontre.

Elle soutient qu’en dépit des tentatives engagées par les associés de l’intimée pour apaiser les relations avec Monsieur A Z-Y, celui-ci n’a eu de cesse d’entraver le bon fonctionnement de la société X de sorte que les mésententes entre associés ont perduré ; que la gravité du comportement de l’appelant a contraint les associés à se prononcer, deux ans après avoir dû statuer sur sa révocation, sur son exclusion en qualité d’associé; que suite au vote de son exclusion lors de l’assemblée générale extraordinaire du 1er juin 2018, Monsieur Z-Y l’a assignée devant le tribunal de commerce de Dijon afin d’obtenir la nullité de ladite assemblée aux motifs que les modalités de convocation de ladite assemblée, imposées par les statuts de la société X, n’avaient pas été respectées par l’intimée ; que, dans le cadre de cette procédure, l’appelant a sollicité sa condamnation au paiement de la somme de 67.359 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la perte de chance de céder ses 23.950 actions au prix proposé par la société X ainsi qu’à celle de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile; que par jugement du 2 mai 2019, le tribunal de commerce de Dijon l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et déclaré régulière l’assemblée générale extraordinaire du 1er juin 2018 ; que Monsieur Z-Y a interjeté appel de cette décision, et que la procédure est toujours pendante.

Elle expose enfin qu’à la suite du vote de l’exclusion de l’appelant en sa qualité d’associé, et en l’absence d’accord sur le prix des actions détenues par ce dernier, la société X a demandé au président du tribunal de commerce de Dijon, statuant en la forme des référés, la désignation d’un expert afin qu’il évalue le montant de ces actions; que dans le cadre de cette procédure, Monsieur Z-Y n’a pas craint de solliciter, à titre reconventionnel, la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 67.359 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance de céder ses 23.950 actions au prix qui avait été proposé par la société X ; que par ordonnance en date du 11 juillet 2018, le président du tribunal de commerce de Dijon l’a débouté de ses demandes, et a désigné un expert, lequel, le 22 octobre 2018, a rendu son rapport et a évalué la valeur des actions de Monsieur Z-Y à la somme totale de 1 euro ; que Monsieur Z-Y s’est alors empressé de saisir le tribunal de commerce de Dijon afin de remettre en cause la validité du rapport rendu par l’expert le 22 octobre 2018 ; que par jugement en date du 10 décembre 2020, il a été débouté de l’intégralité de ses demandes.

Elle estime que cette stratégie procédurale est révélatrice de la particulière mauvaise foi de Monsieur Z-Y qui tente par tous moyens d’obtenir des dommages et intérêts conséquents et d’entraver le développement de la société X en l’affaiblissant financièrement par des condamnations injustifiées.

Elle souligne qu’à juste titre les premiers juges ont retenu que la possibilité de révoquer un dirigeant en incident de séance est prévue par les statuts, point que l’appelant ne conteste plus à hauteur d’appel.

Elle ajoute qu’en l’espèce, il sera démontré, comme cela a été retenu par les juges de premières instance, que les demandes de Monsieur Z-M ne sont pas justifiées dans la mesure où la révocation de ses fonctions de Directeur Général de la société X ne revêt ni un caractère brutal, ni un caractère vexatoire et injurieux ; qu’il ‘est incontestable que Monsieur A Z-Y ne peut nier que sa place en tant que Directeur général de la société X était depuis plusieurs mois discutable en raison de son comportement contraire à ses obligations de Directeur Général et nuisant ainsi à l’intérêt social de l’intimée’; qu’en effet, d’une part, au cours de l’année 2015 l’appelant a eu de nombreuses absences injustifiées qui se sont répétées jusqu’à la révocation de ses fonctions imposant ainsi systématiquement, et au dernier moment, aux autres dirigeants la prise en charge de ses obligations aussi bien envers les partenaires commerciaux de la société X que de ses salariés ; que d’autre part, Monsieur Z – Y a eu une communication très nuisible à la réputation de la société X ; qu’en effet, à titre d’exemple, au mois de janvier 2016, il était chargé de communiquer avec une journaliste du quotidien régional ‘Le Bien Public’ ; que l’article de presse paru dans ce quotidien fait état de chiffres confidentiels portant sur le montant des transactions que la société X a pu conclure avec certains de ses clients et ce alors même que cette dernière s’engage et garantit, auprès de ces derniers, une confidentialité particulière, et que cette question de communication sur les chiffres de la société X avait déjà fait l’objet d’un débat entre les dirigeants qui s’étaient mis d’accord pour cesser toute communication à ce sujet ; que de même, au sein de cet article Monsieur Z – Y présente l’activité de la société X dans les termes suivants : ‘On s’intéresse aux réseaux mafieux parce qu’on pense que la solution est de s’attaquer au c’ur du problème’ ; que cet article n’a pas manqué de surprendre les autres dirigeants de l’intimée et que, de parfaite mauvaise foi, l’appelant a tenté de se justifier en prétendant qu’il n’avait jamais tenu de tels propos et qu’il aurait uniquement indiqué que ‘souvent derrière les cyberpirates, les vendeurs de contrefaçons ou les cybercriminels, il existe des réseaux terroristes ou mafieux qui financent leurs activités’.

Elle reproche également à Monsieur Z-Y d’avoir eu des propos déplacés envers des partenaires de la société X, relatant à titre d’exemple que, fin 2015, il a répondu sèchement à l’attachée technico-commerciale de l’EPLAAD (Entreprise Publique Locale d’Aménagement de l’Agglomération Dijonnaise) en charge d’organiser l’inauguration de l’Hôtel et Pépinière d’Entreprises créé par le Conseil Régional de la Bourgogne alors même que la participation de la société X à cet événement était essentielle pour le développement de son activité.

Elle conclut que l’ensemble de ces agissements ont inévitablement nui à la réputation de la société X et ont conduit les associés à s’interroger sur la place de l’appelant au sein de la direction de cette dernière avant de décider de le révoquer compte-tenu de la perte de confiance qu’ils ont eu à son égard, et que c’est dans ce contexte que, dans le cadre de l’assemblée générale ordinaire visant à l’approbation des comptes de l’exercice de 2015, réunie pour la première fois à la suite de l’entrée de la société STARQUEST ANTI FRAGILE 2016 au sein du capital social de la société X, les associés ont décidé de révoquer Monsieur Z-Y de ses fonctions de Directeur Général.

Elle expose que si, selon la jurisprudence, la révocation peut être abusive lorsqu’elle a été décidée brutalement sans respecter le principe du contradictoire et des droits de la défense ou a été accompagnée de circonstances portant atteinte à l’honneur ou à la réputation du dirigeant révoqué, la notion de ‘ principe du contradictoire’ dans le cadre d’une révocation d’un dirigeant de SAS doit être distinguée de celle employée en droit processuel dès lors que les organes sociaux d’une société n’ont aucune fonction juridictionnelle; qu’en effet, la révocation ad nutum – c’est-à-dire sans motif et sans délai -, admise en matière de révocation des dirigeants, limite nécessairement le plein effet du principe du contradictoire puisque ce dernier supposerait de connaître préalablement les motifs sur lesquels la révocation est fondée et de pouvoir présenter préalablement ses observations ôtant ainsi tout effet de ‘ surprise’ alors qu’une application de la notion au sens strict est inenvisageable dans ce domaine, raison pour laquelle la jurisprudence a redéfini et tempéré l’application du principe du contradictoire en matière de droit des sociétés puisqu’elle considère que, même effectuée dans de brefs délais, la révocation d’un dirigeant n’est pas abusive dès lors qu’il a eu connaissance des motifs de celle-ci et qu’il a pu présenter ses observations avant que la décision ne soit votée; qu’en l’espèce, Monsieur Z-Y était présent à l’assemblée générale ayant voté sa révocation et avait parfaitement conscience, depuis plusieurs mois, compte -tenu de la gravité de ses agissements contraires à l’intérêt social de la société X et de son désintérêt total à ses obligations de dirigeant, de la méfiance qui existait à son égard de la part de l’ensemble des associés de l’intimé.

Elle ajoute que le respect du principe du contradictoire peut résulter uniquement des échanges entre les dirigeants et/ou associés.

Elle conteste les affirmations de Monsieur Z-Y selon lesquelles elle se serait livrée à une véritable mise en scène, soutenant que dans la mesure où la société STARQUEST ANTI FRAGILE 2016 est entrée au sein du capital social de X au cours de l’exercice 2015 et détenait, au jour de l’assemblée du mois de mai 2016, 16,85 % du capital social et avait investi pas moins de 550.000,57 euros au mois de décembre 2015, il était parfaitement justifié que la première assemblée générale à laquelle elle participait se déroule à Paris dans ses locaux afin de lui en faciliter l’accès.

Elle souligne que les statuts de la société prévoient, en leur article 26, que c’est le Président qui a le pouvoir de convoquer les assemblées générales et que celles-ci peuvent avoir lieu ‘en tout endroit indiqué dans la convocation’.

Elle ajoute que la simple présence d’un avocat à l’assemblée générale des associés de la société X ne permet pas d’établir l’existence d’une quelconque ascendance sur Monsieur Z-Y ; qu’au contraire, Maître N-O Q a veillé à ce que soit respecté le principe du contradictoire et à ce que Monsieur Z – Y présente ses observations à la suite des remarques formulées par le Président sur la mésentente et les divergences existants et paralysant la prise de décisions des organes opérationnels et, par voie de conséquent, la bonne gestion de la société ; qu’en réalité, Monsieur Z-Y n’a pas été capable de justifier les faits qui lui étaient reprochés, conduisant ainsi les associés de la société X à voter en faveur de sa révocation.

Elle souligne sur ce point que l’ordre du jour comportait la ‘présentation par les dirigeants de la situation actuelle de la Société, de ses modalités de fonctionnement et d’administration ainsi que de ses perspectives d’avenir,’ ce qui impliquait qu’en sa qualité de dirigeant, des questions sur le fonctionnement de la société X pouvaient être soumises à l’appelant.

Elle estime donc que, si la révocation de Monsieur Z-Y a été décidée au cours d’une assemblée générale avec prise d’effet immédiate, il n’en demeure pas moins que celui-ci y était présent et a été invité à faire valoir sa position sur les faits qui lui ont été reprochés mais qu’il n’a néanmoins pas été en mesure de les justifier.

Elle conteste également le caractère vexatoire et injurieux de la révocation de Monsieur Z-Y.

Elle affirme que, contrairement à ce que l’appelant soutient, l’existence d’une relation intervenue entre lui et la compagne d’un des salariés de la société n’a jamais été mentionnée par le Président lorsqu’il a énuméré les faits reprochés au Directeur Général.

Elle nie avoir interdit à l’appelant d’accéder aux locaux de la société et lui avoir demandé de remettre immédiatement les biens appartenant à cette dernière, relevant qu’aux termes du procès-verbal de l’Assemblée générale en date du 30 mai 2016, il est simplement précisé que les associés ont décidé, à compter de l’issue de cette assemblée, ‘d’interdire à Monsieur A Z-Y d’accéder et de prendre connaissance de toutes données appartenant à la Société, auxquelles il pourrait avoir accès, de quelque manière que ce soit, et de se maintenir dans le système d’information de la Société à compter de sa révocation,’ cette interdiction se justifiant notamment par l’activité même de la société X qui consiste en la gestion de données informatiques protégées.

Concernant les prétendus préjudices invoqués par Monsieur A Z – Y, elle souligne qu’il sollicite le versement de la somme de 155.150 € correspondant au montant total des sommes qu’il a perçues pendant les trois années d’exercice de ses fonctions de Directeur général et estime cette demande exorbitante et totalement injustifiée. Elle ajoute que l’attestation du psychologue établie le 11 juin 2016 (soit 11 jours après la révocation de l’appelant) concerne une consultation urgente et fait état d’un état anxiodépressif alors que, si l’état de l’appelant était tel, il serait en mesure de verser d’autres attestations de ce psychologue qui démontreraient la nécessité d’un suivi régulier et à long terme.

L’ordonnance de clôture est rendue le 16 mars 2021.

MOTIVATION

Ainsi que l’a rappelé le tribunal, les statuts de la SAS X prévoient :

— en leur article 18 ‘ Directeur général’ ‘révocation’ que : ‘ Le Directeur Général peut être révoqué à tout moment, sans qu’il soit besoin d’un juste motif, par décision de la collectivité des associés sur proposition du Président, prise à la majorité des associés représentant au moins la moitié des voix. Cette révocation n’ouvre droit à aucune indemnisation’,

— en leur article 26 ‘Assemblée générale’ alinéa 7 que : ‘L’assemblée ne peut délibérer sur une question qui n’est pas à l’ordre du jour. Elle peut cependant, en toutes circonstances, révoquer le Président, ou l’un de ses dirigeants, et procéder à leur remplacement’.

Monsieur Z-Y reconnaît que ces dispositions permettaient tant de soumettre au vote des associés, même au cours d’une assemblée générale dont l’ordre du jour initial ne le prévoyait pas, la question de la révocation de l’un des dirigeants de la société, et ce sans qu’il soit besoin d’un juste motif.

Il ne conteste au demeurant pas devant la cour le respect du formalisme par la procédure suivie pour aboutir à sa révocation, ni le fond de la décision elle-même, reprochant seulement à la société, et plus particulièrement à son président (par ailleurs son demi-frère) la brutalité de cette décision et le caractère vexatoire, injurieux et humiliant des conditions dans lesquelles elle est intervenue.

Il s’en déduit que l’ensemble des développements figurant notamment dans les écritures de la société X pour justifier, y compris par des faits postérieurs à la révocation litigieuse, la décision ainsi prise sont sans emport sur la solution du présent litige et n’attestent que du contentieux grandissant entre les deux demi-frères.

Il est constant que, même dans l’hypothèse d’une révocation ad nutum, la société qui entend procéder à une telle mesure doit le faire d’une part en respectant le principe du contradictoire et d’autre part sans l’accompagner de circonstances portant atteinte à l’honneur ou à la réputation du dirigeant révoqué.

En l’espèce, il ressort des pièces produites et des explications des parties que l’assemblée générale du 30 mai 2016 a été organisée non pas dans les locaux de la société X mais dans ceux de l’un de ses associés, la société STARQUEST ANTI-FRAGILE, et que le secrétariat de cette assemblée générale a été tenu par l’avocat de cette société.

La lecture du procès-verbal de cette assemblée permet de constater que c’est au moment où Monsieur B Z a pris la parole pour procéder à la ‘présentation par les dirigeants de la situation actuelle de la société, de ses modalités de fonctionnement et d’administration ainsi que les perspectives d’avenir’ prévue à l’ordre du jour qu’il a immédiatement indiqué qu’il entendait soumettre au vote des associés la question de la révocation du directeur général Monsieur A

Z-Y, ce sans que le-dit procès-verbal fasse état d’un réel incident de séance.

Il n’est pas contesté par l’appelant que le président a alors exposé les motifs pour lesquels il souhaitait soumettre cette question au vote des associés, et qu’il a eu ensuite la parole pour formuler ses observations ainsi que le procès-verbal le mentionne.

Il soutient par contre que ces modalités démontrent que la société X s’est livrée à une véritable mise en scène, et qu’il a ainsi été pris au dépourvu, ajoutant qu’il s’est trouvé face à un juriste qui aurait usé de son ascendant.

Si les explications de la SAS X sur les raisons pour lesquelles cette assemblée générale n’a pas été organisée dans ses locaux mais dans ceux de l’un de ses associés ne sont guère convaincantes, il n’en demeure pas moins que les associés composant l’assemblée étaient les mêmes que ceux qui auraient été réunis à Dijon, et l’appelant n’explique pas l’incidence qu’a pu avoir sur lui et sur sa réactivité le lieu de la réunion.

La présence lors de cette assemblée d’un avocat auquel la responsabilité du secrétariat a été confiée sans qu’ a priori aucun associé ne s’y oppose démontre à l’évidence, de même que les circonstances dans lesquelles le président de la société a soumis au vote des associés la révocation du directeur général, que cette modification de l’ordre du jour était préméditée.

Dès lors au demeurant que, dans ses écritures, la SAS X expose que la révocation ad nutum admise en matière de révocation des dirigeants limite nécessairement le plein effet du principe du contradictoire puisque ce dernier supposerait de connaître préalablement les motifs sur lesquels la révocation est fondée et de pouvoir présenter préalablement ses observations ôtant ainsi tout effet de ‘surprise’ alors qu’une application de la notion au sens strict est inenvisageable dans ce domaine, elle admet implicitement avoir voulu bénéficier du-dit effet de surprise.

Toutefois, la présence d’un avocat pour assurer le secrétariat de l’assemblée générale peut parfaitement être justifiée comme le soutient la SAS par le souhait de s’assurer de la régularité formelle des délibérations de cette assemblée, et Monsieur A Z-Y ne justifie en aucune manière de l’ascendant qu’il impute à ce juriste. Il sera relevé sur ce point qu’il n’était pas demandé à l’appelant de s’expliquer sur des questions juridiques mais sur des reproches factuels quant à son comportement à la tête de la société.

Dès lors que l’appelant ne conteste ni avoir eu un exposé des reproches qui lui étaient faits, et qu’il a ensuite eu la parole pour répliquer, c’est à tort qu’il reproche à la décision prise sa brutalité.

Monsieur A Z-Y soutient ensuite que la décision prise l’a été dans des conditions humiliantes et vexatoires, soutenant d’une part que, lors de l’exposé des griefs qui lui étaient faits, le président a évoqué sa liaison avec la compagne de l’un des salariés de l’entreprise, et d’autre part que, dès le prononcé de sa révocation, il lui a été demandé la restitution immédiate des biens appartenant à l’entreprise (en l’espèce les clés, l’ordinateur) et fait interdiction d’accéder aux locaux de la société, l’empêchant même de récupérer dans son bureau des effets personnels ; qu’il lui a été également demandé de quitter immédiatement les locaux dans lesquels l’assemblée générale se tenait.

L’affirmation par l’appelant qu’il a été fait état par le président de la société d’une relation entretenue avec l’un des salariés de l’entreprise parmi les reproches qui lui étaient faits est contestée par la SAS X, et Monsieur Z-Y ne rapporte aucune pièce au soutien de cette allégation, le procès-verbal de l’assemblée générale ne mentionnant nullement les griefs exposés au soutien de la révocation envisagée.

Quant aux interdictions formulées par l’assemblée générale en conséquence de la révocation décidée,

le procès-verbal mentionne uniquement que les associés ont décidé, à compter de l’issue de cette assemblée, ‘d’interdire à Monsieur A Z-Y d’accéder et de prendre connaissance de toutes données appartenant à la Société, auxquelles il pourrait avoir accès, de quelque manière que ce soit, et de se maintenir dans le système d’information de la Société à compter de sa révocation’.

Il n’est justifié par Monsieur Z-Y ni d’une demande de restitution immédiate des clés et de l’ordinateur de la société ni d’une interdiction d’accéder aux locaux de la société et notamment de se rendre dans son bureau pour y récupérer ses effets personnels , et l’interdiction telle que relatée dans le procès-verbal se justifiait par l’activité même de la société X qui consiste en la gestion de données informatiques protégées.

Il n’est pas plus établi qu’il aurait été demandé à Monsieur Z-Y de quitter immédiatement la réunion à laquelle il était également convoqué en sa qualité de président de la SAS DIPIA qui était alors associée de X.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur Z-Y de l’ensemble de ses demandes ne peut qu’être confirmé.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Dijon en toutes ses dispositions,

Condamne Monsieur A Z-Y aux dépens de la procédure d’appel,

Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur A Z-Y à verser à la SAAS X 2 000 € pour ses frais liés à l’appel.

Le Greffier, Le Président


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