Révocation d’une ordonnance de clôture : conditions et implications

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Révocation d’une ordonnance de clôture : conditions et implications

M. [M] a assigné son voisin, M. [R], devant le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, alléguant des désordres causés par des travaux de construction d’un gîte et d’une piscine sur la parcelle de M. [R]. M. [M] a demandé la réalisation de travaux, des dommages et intérêts pour trouble de jouissance et préjudice moral, ainsi que le remboursement des frais d’expertise. Le tribunal a ordonné à M. [R] de supprimer quatre vues directes sur la propriété de M. [M] et de retirer certains propos de ses écrits, tout en rejetant d’autres demandes et en partageant les dépens. M. [R] a interjeté appel, contestant l’irrecevabilité de la demande et la décision du tribunal. Dans ses conclusions, M. [R] a soutenu que le litige relevait d’un trouble de voisinage et a demandé l’infirmation de la décision. M. [M] a, de son côté, demandé la confirmation du jugement et a formulé des demandes supplémentaires. L’affaire a été mise en délibéré pour une décision ultérieure.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Basse-Terre
RG
23/00404
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° 513 DU 26 SEPTEMBRE 2024

N° RG 23/00404 –

N° Portalis DBV7-V-B7H-DR3S

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre du 9 mars 2023, dans une instance enregistrée sous le n° 21/00273.

APPELANT :

M. [N] [R]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par Me Alain ROTH, avocat au barreau de Guadeloupe/Saint-Martin /Saint-Barthélémy (toque 124)

INTIME :

M. [U] [M]

[Adresse 7] –

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Louis-Raphaël MORTON de la SELARL SCP (Services Conseils Plaidoiries) MORTON & ASSOCIES, avocat au barreau de Guadeloupe/Saint-Martin /Saint-Barthélémy

COMPOSITION DE LA COUR :

Mme Judith DELTOUR, présidente de chambre

Mme Valérie MARIE-GABRIELLE, conseillère

Mme Pascale BERTO, vice-présidente placée.

DÉBATS :

En application des dispositions des articles 805 et907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 6 mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés devant Mme Judith DELTOUR, présidente de chambre et Mme Valérie MARIE-GABRIELLE, conseillère, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour.

GREFFIER :

Lors du dépôt des dossiers et du prononcé : Mme Yolande MODESTE, greffière.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; signé par Mme Judith DELTOUR, présidente de chambre et par Mme Yolande MODESTE, greffière.

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Faits et procédure

Alléguant être propriétaire d’un bien immobilier à [Localité 5] lieudit [Adresse 6] parcelle BO [Cadastre 1] et la réalisation de travaux de construction d’un gîte et d’une piscine par M. [N] [R], son voisin, propriétaire de la parcelle BO [Cadastre 2], des désordres consécutifs, une expertise suivant ordonnance de référé du 13 novembre 2019, un rapport déposé par M. [Z] le 13 septembre 2020, par acte du 1er mars 2021, M. [M] a fait assigner M. [R] devant le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre pour qu’il ordonne la réalisation de travaux, sous astreinte et sous contrôle d’un maître d’oeuvre et le condamne au paiement outre des dépens, y compris les frais d’expertise et de constat, de 15 000 euros de dommages et intérêts au titre du trouble de jouissance et du préjudice moral et de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 9 mars 2023, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a

– enjoint à M. [N] [R] de faire procéder à la suppression des quatre vues directes sur le fond de M. [M] dans la façade du bungalow édifié sur le terrain dont il est propriétaire sis lieudit [Adresse 6] à [Localité 3], cadastré BO [Cadastre 2], et ce dans un délai de 2 mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard passé ce délai, et ce durant un délai de 3 mois ;

– ordonné la suppression des propos relatifs au suicide de M. [H], de la qualification de « vieille personne acariâtre » concernant M. [U] [M] ainsi que la référence à une « fraternité bretonne » des écritures de M. [N] [R] ;

– rejeté les autres et plus amples demandes ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [U] [M] et M. [N] [R] aux dépens qui seront partagés par moitié entre les parties.

Par déclaration reçue le 24 avril 2023, M. [R] a interjeté appel de la décision sur ‘l’irrecevabilité de la demande faute de tentative de conciliation préalable – l’irrecevabilité de la demande faute d’intérêt à agir la construction litigieuse n’étant pas mitoyenne mais propriété exclusive de M. [M], la suppression des vues directes dans la façade du bungalow sous astreinte, la suppression des écrits ‘vieille personne acariâtre’ et ‘fraternité bretonne’, l’article 700 du code de procédure civile et les dépens’.

Par conclusions communiquées le 10 juillet 2023, M. [R] a sollicité de

– juger que le litige concerne un trouble du voisinage, que les époux [M] n’ont pas saisi au préalable à l’assignation, un conciliateur ou un médiateur de justice,

En conséquence,

– juger irrecevable l’assignation et infirmer la décision entreprise,

si par extraordinaire, l’assignation n’était pas déclarée irrecevable, au visa de l’article 678 du Code civil, du plan coupe du permis modificatif, des photographies du rapport d’expertise, du constat d’huissier de justice du 6 juin 2023, de

– juger qu’au 1er mars 2021, date de l’assignation introductive d’instance, le bungalow de M. [R] ne comportait plus de vues droites, fenêtres ou de lucarnes,

– infirmer la décision en ce qu’elle a ordonné à M. [R] de supprimer trois vues droites (fenêtres) et une lucarne du bungalow sous astreinte de 250 euros par jour de retard,

vu l’article 41 de la loi du 29 juillet 1991, l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, la décision 80-127 du 20 janvier 1980 du Conseil constitutionnel, l’ordonnance du juge de la mise en état du 17 mars 2022,

– rappeler en tant que de besoin que la liberté d’expression est le fondement de la profession d’avocat et un principe fondamental reconnu par le Conseil constitutionnel,

– juger qu’en employant les termes ‘vieille personne acariâtre’ eu égard à l’âge, au comportement et à la quérulence procédurière de M. [M] envers ses voisins, le conseil de M. [R] n’a pas excédé les limites de l’expression d’un avocat dans le débat judiciaire,

– juger qu’en employant les termes ‘fraternité bretonne’ pour dénoncer l’entre-soi des intervenants judiciaires, tous ingénieurs et tous originaires de Bretagne, également tous intervenants contre un autre voisin M. [H], SCI Capa, le conseil de M. [R] n’a pas excédé les limites de l’expression d’un avocat dans le débat judiciaire,

en conséquence,

– infirmer la décision en ce qu’elle a ordonné la suppression des propos relatifs au suicide de M. [H], de la qualification de « vieille personne acariâtre » concernant M. [U] [M] ainsi que la référence à une « fraternité bretonne » des écritures de M. [N] [R] ;

– rappeler que M. [M] bénéficie d’une protection juridique réglant ses frais de justice ;

– juger que M. [R] a prospéré dans cinq moyens sur six invoqués ;

– infirmer la décision entreprise et condamner M. [U] [M] à indemniser M. [N] [R] à hauteur 5 455 euros au titre des frais de première instance ;

– condamner M. [U] [M] à indemniser M. [N] [R] à hauteur 3 285 euros au titre des frais d’appel ;

– condamner M. [U] [M] au paiement des entiers dépens, qui comprendront le coût des expertises [W] [S], [G] [K], [L] [Z] ainsi que du constat d’huissier de justice, qui seront recouvrés par Me Alain Roth, avocat.

Par conclusions communiquées le 15 septembre 2023, M. [M] a sollicité, au visa des dispositions des articles 1240, 1241 et 1242 et suivants du Code civil,

– débouter M. [R] de son appel,

– confirmer le jugement en ce qu’il a enjoint à M. [N] [R] de faire procéder à la suppression des quatre vues directes sur le fonds de M. [M] dans la façade du bungalow édifié sur le terrain dont il est propriétaire sis lieudit [Adresse 6] à [Localité 3], cadastré BO [Cadastre 2], et ce dans un délai de 2 mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard passé ce délai, et ce durant un délai de 3 mois, ordonné la suppression des propos relatifs au suicide de M. [H], de la qualification de «vieille personne acariâtre » concernant M. [U] [M] ainsi que la référence à une «fraternité bretonne » des écritures de M. [N] [R],

Statuant sur son appel incident,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses autres demandes,

Statuant à nouveau,

– ordonner à M. [N] [R], sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dans les 7 jours suivant la signification du jugement à intervenir de :

– démolir la partie de sa construction édifiée à moins de 3 mètres de la propriété de M. [U] [M],

– supprimer ou modifier le muret béton, de façon, d’une part, à ménager des passages de l’eau par barbacanes de bonne section, disposées régulièrement sur sa longueur et s’évacuant dans un caniveau à l’arrière, et d’autre part, afin de permettre la fixation des poteaux d’ossature du mur écran de cette clôture en bois imputrescible, susmentionnée (type ASTI) et de mettre en oeuvre celle-ci ;

– édifier un mur de soutènement conforme aux règles de l’art, tel que prévu dans les DP et PC déposés ou réaliser un soubassement en béton armé en coffrant le soutènement en pierres, de façon à limiter fortement les venues d’eau en sous-sol et à bloquer ainsi le passage des fines des terres de M. [M] ;

– supprimer le chauffe-eau solaire ou en modifier l’emplacement ;

– faire valider par un maître d’oeuvre qualifié des travaux à entreprendre et le contrôle de leur parfaite réalisation ;

Subsidiairement, si par impossible la Cour n’ordonnait pas la démolition de la partie de la construction édifiée à moins de 3 mètres de la propriété de M. [U] [M] ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a enjoint à M. [N] [R] de faire procéder à la suppression des quatre vues directes sur le fond de M. [M] dans la façade du bungalow édifié sur le terrain dont il est propriétaire sis lieudit [Adresse 6] à [Localité 3], cadastré BO [Cadastre 2], et ce dans un délai de 2 mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard passé ce délai, et ce durant un délai de 3 mois, ordonné que ces suppressions et déposes de vues directes soient confirmées par un expert agréé,

Y ajoutant

– condamner M. [N] [R], sous astreinte de 500 euros par jour de retard dans les 7 jours suivant la signification du jugement, à

– déposer de la façade métallique et de sa structure, en limite de propriété ;

– modifier ou supprimer la toiture de la galerie technique, afin de permettre la réalisation de la clôture, le long de la limite de propriété, par panneaux bois (de type ASTI) et

– supprimer ou modifier le muret béton, de façon, d’une part, à ménager des passages de l’eau par barbacanes de bonne section, disposées régulièrement sur sa longueur et s’évacuant dans un caniveau à l’arrière, et d’autre part, afin de permettre la fixation des poteaux d’ossature du mur écran de cette clôture en bois imputrescible, susmentionnée (type ASTI) et de mettre en oeuvre celle-ci ;

– édifier un mur de soutènement conforme aux règles de l’art, tel que prévu dans les DP et PC déposés ou réaliser un soubassement en béton armé en coffrant le soutènement en pierres, de façon à limiter fortement les venues d’eau en sous-sol et à bloquer ainsi le passage des fines des terres de M. [M] ;

– faire valider par un maître d’oeuvre qualifié des travaux à entreprendre et le contrôle de leur parfaite réalisation ;

– procéder à la fermeture des 4 ouvertures avec vue directe sur la propriété [M] en contravention avec les dispositions de l’article 678 du code civil ;

– faire valider par un maître d’oeuvre qualifié des travaux à entreprendre et le contrôle de leur parfaite réalisation ;

– condamner M. [R] à payer à M. [U] [M] la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice de jouissance, ainsi que du préjudice moral subi par M. [M] ;

– condamner M. [N] [R] au paiement d’une amende civile ;

– condamner M. [N] [R] à lui payer 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance lesquels comprendront notamment, le coût du constat d’huissier, ainsi que les frais d’expertise dont il a dû faire l’avance ;

– condamner M. [N] [R] à lui payer 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de la procédure d’appel ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Par conclusions communiquées le 29 mai 2024, M. [R] a demandé la réouverture des débats et le renvoi à la mise en état.

Par conclusions communiquées le 11 juin 2024, M. [M] a demandé de

– le recevoir en ses demandes,

– rejeter les demandes de M. [R].

L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 janvier 2024. L’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 6 mai 2024. L’affaire a été mise en délibéré pour être rendu le 26 septembre 2024.

Motifs de la décision

Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture et de renvoi à la mise en état

M. [R] fait valoir au soutien de cette demande, l’interruption de l’instance par la cessation des fonctions de l’avocat constitué et la constitution d’un nouvel avocat après la clôture. M. [M] fait valoir que la constitution au lieu et place était intervenue le 18 janvier 2024 et qu’il était représenté par la même SCP.

En application des dispositions de l’article 369 du code de procédure civile, l’instance est interrompue par la cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire.

L’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

En l’espèce, Me [J] de la SCP [O] & associés a cessé ses fonctions le 22 mars 2024 et la constitution de Me [O] de la SCP [O] & associés est intervenue le 18 janvier 2024. Autrement dit, l’instance n’a pas été interrompue par la cessation des fonctions de Me [J] intervenue alors qu’il n’était plus constitué dans cette affaire. En outre, la constitution d’avocat après l’ordonnance de clôture n’est pas, intrinsèquement, une cause de révocation.

M. [R] doit être débouté de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture et de renvoi à la mise en état.

Sur le fond

Pour statuer comme il l’a fait le premier juge a considéré que la fin de non-recevoir soulevée oralement et dans une note en délibéré non autorisée n’était pas recevable. Il a rappelé que le permis de construire avait été accordé postérieurement à la construction du bungalow, qu’il autorisait une construction en limite de propriété, mais qu’il n’avait pas été respecté en ce que l’avancée de toiture était à un mètre de la clôture, que M. [R] était fautif, mais qu’il n’en résultait aucun préjudice pour M. [M], qui devait donc être débouté de sa demande de démolition de la partie du bungalow située à moins de trois mètres de sa propriété et de ses demandes subsidiaires de dépose de la façade métallique et de sa structure et de modification ou suppression de la toiture de la galerie technique. Il a estimé que les ouvertures crées par M. [R] constituaient des vues à une distance inférieure à 1,90 mètres, qu’elles devaient donc être supprimées sous astreinte. Il a retenu l’existence de barbacanes dans le mur et la carence de M. [M] à démontrer qu’elles ne correspondaient à aucun orifice de collecte sur sa parcelle, qu’il n’était pas démontré que l’enrochement était instable, que les travaux n’exigeaient pas l’intervention d’un maître d’oeuvre, que la preuve d’un préjudice n’était pas rapportée et enfin que les termes ‘vieille personne acariâtre’ et ‘fraternité bretonne’ ainsi que ceux relatifs à la responsabilité de M. [R] dans le suicide de M. [H] excédaient le débat judiciaire et portaient atteinte à son honneur et à sa considération.

Sur l’irrecevabilité à défaut de conciliation préalable

Il résulte des articles 122 et 124 du code de procédure civile, que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées et qu’elles peuvent être soulevées en tout état de cause.

M. [M], a, au soutien de sa demande d’expertise, par acte du 29 juin 2019 soutenu l’existence d’un trouble anormal du voisinage, faisant valoir que les travaux réalisés par M. [R] sur sa parcelle causaient des dommages sur la sienne. L’assignation au fond a été délivrée par acte du 1er mars 2021. Or, la conciliation préalable obligatoire, prévue à peine d’irrecevabilité, en matière de trouble anormal du voisinage est entrée en vigueur avec la modification de l’article 750-1 du code de procédure civile dans sa version du 13 mai 2023.

Surabondamment, l’expertise de M. [Z] s’ouvre en relatant une tentative de conciliation, qui a échoué, sous l’égide de la ville de [Localité 5].

La fin de non-recevoir doit être écartée.

Sur la suppression de mentions des écritures de M. [R]

En application des dispositions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure.

L’article 41 de cette même loi dispose : ‘ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.’

Ainsi toute expression qui contient l’imputation d’un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation.

Nonobstant l’erreur sur le nom, l’expression ‘vieille personne acariâtre’ n’est pas insultante, elle est blessante pour celui qu’elle désigne, mais pas plus que les termes ‘voisin récalcitrant’ ou ‘individu malfaisant’ et elle ne constitue pas une diffamation.

L’expression ‘fraternité bretonne’ ne contient pas l’imputation d’un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de M. [M].

Enfin, dans les conclusions du 17 mai 2022 remises pour l’audience du 19 mai 2022, visées par le premier juge et produites par l’appelant, ne mentionnent nulle part le nom de M. [H] ou un suicide. Les seuls termes qui pourraient en être rapprochés sont ‘l’expert [D] n’a pas souhaité s’acharner sur la veuve du gérant de la SCI CAPA’. En revanche, dans un dire à expert du 9 mai 2022 et non dans des conclusions remises au tribunal figure le paragraphe ‘Me Alain Roth avocat a subi des pressions du juge chargé du contrôle des expertises lorsqu’il a averti du suicide de M. [H], gérant de la SCI CAPA vraisemblablement suite au comportement de l’ancien expert’. Ces termes, qui ne figurent pas dans les conclusions déposées, ne comportent aucune allégation ou imputation d’un fait de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération et aucune expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait, donc aucune diffamation ou injure contre M. [M].

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a ordonné la suppression de mentions des écritures de M. [R].

Sur le fond

Le rapport d’expertise produit par les parties n’est pas accompagné de ses annexes qui sont nécessaires à l’appréciation au fond du litige. En effet, d’une part la cour n’est pas tenue par l’avis de l’expert et d’autre part, en absence des annexes sur lesquelles il s’est fondé, elle ne dispose que d’une information parcellaire relativement aux faits de l’espèce.

Avant-dire droit, il y a lieu d’ordonner la réouverture des débats pour production des annexes de l’expertise.

Les dépens et les demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sont réservés.

Par ces motifs

La cour,

– déboute M. [N] [R] de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture ;

– écarte la fin de non-recevoir soutenue par M. [N] [R] tirée du défaut de conciliation préalable ;

– infirme le jugement en ce qu’il a ordonné la suppression des propos relatifs au suicide de M. [H], de la qualification de «vieille personne acariâtre » concernant M. [U] [M] ainsi que la référence à une «fraternité bretonne » des écritures de M. [N] [R] ;

Statuant de nouveau de ce chef,

– déboute M. [U] [M] de ses demandes de retrait des écritures de M. [N] [R] de propos relatifs au suicide de M. [H], de la qualification de « vieille personne acariâtre » le concernant, ainsi que la référence à une «fraternité bretonne »;

Avant-dire droit sur le fond,

– ordonne la réouverture des débats le 6 janvier 2025 à 10 heures pour production des annexes du rapport d’expertise de M. [Z] ;

– réserve les dépens et les demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière Le président


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