Révocation de l’Ordonnance de Clôture : La Nécessité du Respect du Principe du Contradictoire dans le Cadre des Procédures Civiles

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Révocation de l’Ordonnance de Clôture : La Nécessité du Respect du Principe du Contradictoire dans le Cadre des Procédures Civiles

La SCI CYMAS a construit un immeuble de treize logements à Vienne en 2011, souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès d’AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITTERS DAC, et confié la maîtrise d’œuvre à un architecte, Monsieur [T] [E] [Z]. Des désordres, notamment des fissures de carrelage, ont été signalés en 2020 et 2021, entraînant une expertise amiable. AMTRUST a indemnisé la SCI et a ensuite assigné en justice le carreleur, le maître d’œuvre et le contrôleur technique, ainsi que leurs assureurs, pour obtenir réparation. Les parties impliquées ont formulé diverses demandes et conclusions, notamment des demandes de mise hors de cause et de garantie. L’affaire a été renvoyée à une mise en état pour permettre à la SMA de présenter ses conclusions, après que celle-ci a constitué avocat postérieurement à l’ordonnance de clôture.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

9 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
21/06298
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

6ème chambre 1ère section

N° RG 21/06298
N° Portalis 352J-W-B7F-CULX6

N° MINUTE :

ORDONNANCE
DE REVOCATION DE CLÔTURE
rendue le 09 Octobre 2024

DEMANDERESSE

Société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITERS DAC
6/8 Collège Green
D02 VP48
DUBLIN 2 (IRLANDE)

représentée par Me Benoît VERNIERES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1059

DEFENDEURS

Compagnie d’assurance MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS MAF
189 BOULEVARD MALESHBERBES
75856 PARIS CEDEX 17

représentée par Maître Chantal MALARDE de la SELAS LARRIEU ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0073

S.A. AXA FRANCE IARD
313 Terrasses de l’Arche
92000 NANTERRE

S.A.S.U. QUALICONSULT
1 bis rue du Petit Clamart
Batiment E
78140 VELIZY VILLACOUBLAY

représentées par Maître Fabrice DE COSNAC de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0133

S.A. SMA
8 rue Louis Armand
75015 PARIS

représentée par Maître Isabelle COUDERC de l’ASSOCIATION FLEURY COUDERC, avocats au barreau de PARIS,
vestiaire #P0558

Monsieur [T] [E] [Z]
3 RUE TOURNEBISE
69720 SANT BONNET DE MURE

représenté par Maître Chantal MALARDE de la SELAS LARRIEU ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0073

Monsieur [Y] [M]
15 rue Bois Pilon
38550 LE PEAGE DE ROUSSILLON

défaillant

Nous, Ariane SEGALEN, vice-Présidente, statuant en qualité de juge de la mise en état,

assistée de Madame Ines SOUAMES, Greffier,

EXPOSE DU LITIGE

La SCI CYMAS a fait édifier, en 2011, un immeuble de treize logements au 4 rue Jean Moulin 38200 Vienne. Elle a souscrit, à cette occasion, une assurance dommages-ouvrage auprès de la société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITTERS DAC qui a délégué la gestion de ses sinistres, sur le territoire français, à la société ACS SOLUTIONS.

La maîtrise d’œuvre a été confiée à Monsieur [T] [E] [Z], architecte, assuré auprès de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS.

Le lot carrelage/faïence a été confié à Monsieur [M] [Y], exerçant sous la forme d’une entreprise individuelle sous l’enseigne OFM, assuré par la SAGENA, devenue la SMA.

Une mission de contrôle technique a été confiée à la société QUALICONSULT, assurée par la société AXA FRANCE IARD.

La réception de l’ouvrage a eu lieu le 29 avril 2011.

En 2020 puis 2021, la SCI CYMAS a déclaré auprès de son assureur dommages-ouvrage trois séries de désordres tenant notamment en des fissures du carrelage des sols de certains logements et des soulèvements des carreaux du balcon de l’un d’entre eux.

Une expertise amiable a été diligentée par la société EURISK.

La société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITTERS DAC a procédé à des règlements à son assuré en exécution de ses obligations contractuelles au titre de ces désordres.

Considérant que les désordres étaient imputables au carreleur, au maître d’œuvre et au contrôleur technique, la société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITTERS DAC les a assignés ainsi que leurs assureurs, par exploits de commissaire de justice des 28 et 29 avril 2021, devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins d’indemnisation de son préjudice.

Par dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 21 septembre 2023, la société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITTERS DAC sollicite du tribunal, au visa des articles 1346 et 1792 et suivants du Code civil, L.121-12 et suivants du code des assurances, 1231-1 ou 1240 du Code civil, 1343-2 du Code civil et 126 du code de procédure civile, de :

> débouter Monsieur [Z], la MAF, les sociétés QUALICONSULT et AXA France IARD de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

> concernant le dossier 20009580
– juger que le dommage est imputable à l’intervention de Monsieur [M] [Y], assuré auprès de la SMA, QUALICONSULT, assurée auprès d’AXA France, Monsieur [T] [E] [Z], assuré auprès de la MAF
– condamner in solidum ALLIANZ, Monsieur [M] [Y], et son assureur SMA, QUALICONSULT et son assureur, AXA France, Monsieur [T] [E] [Z] et son assureur, la MAF, à payer à la société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITERS la somme de 15.000,00 €, augmentée des intérêts de droit et capitalisation s’il y a lieu

> concernant le dossier 21000513
– juger que le dommage est imputable à l’intervention de Monsieur [M] [Y], assuré auprès de la SMA, QUALICONSULT, assurée auprès d’AXA France, Monsieur [T] [E] [Z], assuré auprès de la MAF.
– condamner in solidum ALLIANZ, Monsieur [M] [Y], et son assureur SMA, QUALICONSULT et son assureur, AXA France, Monsieur [T] [E] [Z] et son assureur, la MAF, à payer à la société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITERS la somme de 20.000,00 €, augmentée des intérêts de droit et capitalisation s’il y a lieu.

> concernant le dossier 210001892
– juger que le dommage est imputable à l’intervention de Monsieur [M] [Y].
– condamner in solidum Monsieur [M] [Y] et son assureur, la SMA, à payer à la société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITERS la somme de 2.640,00 €.

> condamner chaque succombant à payer à la société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITERS la somme de 3.500,00€ chacun en application des dispositions de l’article 700 du CPC.
> condamner les mêmes en tous les dépens en ce compris le coût de délivrance de l’assignation

Par dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 27 janvier 2023, Monsieur [T] [E] [Z] et son assureur, la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (ci-après la MAF) sollicitent du tribunal, aux visas des articles 1792 et suivants du code civil, de l’article 1240 du code civil et de l’article L 124-3 du code des assurances, de :

A titre principal,
> constater qu’il est formé de demande à l’encontre de Monsieur [Z] et de son assureur la MAF uniquement au titre des dossiers 20009580 et 21000513.
> constater l’absence d’imputabilité des désordres observés à l’intervention de Monsieur [T] [E] [Z]
> constater que Monsieur [T] [E] [Z] a parfaitement rempli sa mission conformément à son obligation de moyens.
> prononcer la mise hors de cause Monsieur [T] [E] [Z], et de son assureur la MAF (Mutuelle des architectes français),
> rejeter toutes demandes à leur encontre.

A titre subsidiaire,
> constater que les désordres relèvent intégralement de défauts d’exécution et non-respect aux règles de l’art de l’entreprise exécutante, en charge du lot, soit Monsieur [M] [Y]
> constater que la société QUALICONSULT avait une mission relative à la solidité et sécurité des ouvrages, soit L+S
> condamner in solidum Monsieur [M] [Y], son assureur la compagnie SMA, la société QUALICONSULT, son assureur la compagnie AXA FRANCE, à relever et garantir intégralement Monsieur [T] [E] [Z], et son assureur la MAF, de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre

A titre infiniment plus subsidiaire,
> limiter la responsabilité de Monsieur [Z] au titre des désordres observés dans les dossiers 20009580 et 21000513 à une quote-part ne pouvant excéder 10 %
> condamner in solidum Monsieur [M] [Y], son assureur SMA, la société QUALICONSULT, son assureur la compagnie AXA FRANCE, à relever et garantir Monsieur [Z] et la MAF de toutes condamnations supérieures à une quote-part de10 %, et en tout état, supérieures à la quote-part qui serait retenue par le Tribunal de Céans au titre du présent litige.
> rejeter toutes autres demandes à l’encontre de Monsieur [T] [E] [Z] et de son assureur la MAF.

En tout état de cause,
> juger qu’aucune condamnation ne pourra intervenir en l’absence de la régularisation d’une quittance subrogative par le bénéficiaire de l’indemnité Dommages-Ouvrages.
> surseoir à statuer dans l’attente de la régularisation des quittances subrogatives par le bénéficiaire de l’indemnité Dommages-Ouvrages.

> débouter Monsieur [M] [Y], SMA, QUALICONSULT, AXA FRANCE, de toutes demandes de condamnation à relever et garantir qui pourraient être formulées à l’encontre de Monsieur [T] [E] [Z] et de son assureur la MAF au titre du présent litige.
> condamner la société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITERS DAC, Monsieur [M] [Y], son assureur la SMA, in solidum, à payer à Monsieur [T] [E] [Z] et à la MAF, une somme de 3000 € sur le fondement de l’Article 700 du Code de Procédure Civile.
> condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens de l’Instance sur le fondement de l’Article 699 du Code de Procédure Civile, dont distraction au profit de la SELAS LARRIEU et Associés sur son affirmation de droits.

Par dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 4 septembre 2023, la société QUALICONSULT et son assureur, la société AXA FRANCE IARD (ci-après AXA) sollicitent du tribunal, aux visas des articles L.125-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation, 1792 et suivants du code civil, 1240 et 1310 du code civil, de :

A titre principal,
> juger que la société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITERS DAC ne justifie pas du lien de causalité qui existerait entre les dommages dont elle réclame réparation et la mission exercée par la société QUALICONSULT
> juger que les dommages dont s’agit ne sont pas imputables à la société QUALICONSULT
> juger que la société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITERS DAC ne justifie pas être subrogée dans les droits de son assuré à hauteur des sommes réclamées
En conséquence :
> débouter la société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITERS DAC et toutes parties de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de la société QUALICONSULT et de la société AXA FRANCE IARD
> mettre hors de cause la société QUALICONSULT et la société AXA FRANCE IARD

A titre subsidiaire,
> condamner in solidum Monsieur [M] [Y], la SMA, Monsieur [T] [E] [Z] et la Mutuelle des Architectes Français à relever et garantir indemnes les sociétés QUALICONSULT et AXA FRANCE IARD de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre
> limiter à la somme de 35.000 € la réclamation de la société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITERS DAC
> rejeter le surplus de ses demandes
> rejeter toutes demandes de condamnations solidaires ou in solidum formées à l’encontre de la société QUALICONSULT et la société AXA FRANCE IARD

En tout état de cause
> condamner la société AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITERS DAC à verser à la société QUALICONSULT et la société AXA FRANCE IARD la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
> condamner toute partie succombante aux entiers dépens

Monsieur [M] [Y], cité à domicile par acte de commissaire de justice du 29 avril 2021, n’a pas constitué avocat.

Il sera renvoyé aux écritures visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2024 et l’audience de plaidoirie fixée au 09 octobre 2024.

La SMA a constitué avocat le 7 octobre 2024, soit postérieurement à l’ordonnance de clôture.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 octobre 2024, la SMA sollicite au visa de l’article 784 du Code de procédure civile, le rabat de l’ordonnance de clôture et le renvoi du dossier à la mise en état.

Avant l’ouverture des débats à l’audience du 9 octobre 2024, les parties n’ont pas manifesté d’opposition à cette demande.

MOTIFS

L’article 803 du code de procédure civile dispose que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

L’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal.

Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Il résulte de ce texte et de la jurisprudence que si une partie ne comparaît pas, les conclusions qui contiennent de nouveaux éléments au regard de l’assignation doivent lui être signifiées.

En l’espèce, la SMA n’avait pas constitué avocat et était ainsi non-comparante à la procédure jusqu’à l’ordonnance de clôture.

La société QUALICONSULT et son assureur, la AXA FRANCE IARD, ont signifié leurs dernières conclusions à la SMA, par acte de commissaire de justice, le 14 août 2024, soit postérieurement à l’ordonnance de clôture.

Par ailleurs, Monsieur [T] [E] [Z] et son assureur, la MAF, ne justifient pas non plus de la signification de leurs conclusions aux parties non comparantes et notamment à la SMA avant l’ordonnance de cloture du 10 juin 2024.

Il en résulte une violation du principe du contradictoire, cause grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture.

Il convient donc d’ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture en date du 10 juin 2024 et de renvoyer l’affaire à la mise en état du 4 novembre 2024 à 10h10 pour conclusions de la SMA.

PAR CES MOTIFS

REVOQUONS l’ordonnance de clôture du 10 juin 2024

RENVOYONS l’affaire à la mise en état du 4 novembre 2024 à 10h10 pour conclusions en défense de la SMA, notifiées avant le 29 octobre 2024.

Informons les parties que leur présence à l’audience de mise en état n’est pas nécessaire, sauf difficulté particulière, leurs observations devant, en tout état de cause, être adressées au juge de la mise en état par message RPVA afin de permettre la contradiction;

Fait à PARIS, le 09 Octobre 2024

LE GREFFIER, LA VICE-PRESIDENTE,


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