Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.
Nom
(*) Vos données sont traitées conformément à notre Déclaration de Protection des Données Vous disposez d’un droit de rectification, de limitation du traitement, d’opposition et de portabilité.

Revenir sur un accord de coproduire : risque maximal

Revenir sur un accord de coproduire : risque maximal

Il est établi que c’est avec une parfaite mauvaise foi et sans motif légitime que la société Mediart est revenue sur son engagement de participer au financement d’une série documentaire prévue par la société Sancho et Compagnie.

Offre de coproduire ferme et définitive

En l’espèce, la SARL Sancho et Compagnie, qui exerce dans le secteur de la production de films documentaires, a décidé de développer un projet de série sur les agences de photographies et recherché des financements. La SAS Mediart, propriétaire de la chaîne Museum TV, lui a manifesté son intérêt par le biais d’une lettre, avant de lui adresser, par mail, un contrat de coproduction, que la société Sancho et Compagnie lui a renvoyé signé.

Par la suite, n’ayant reçu aucune autre nouvelle, la société Sancho et Compagnie a mis en demeure la société Mediart de lui retourner le contrat signé. En réponse, elle a reçu une lettre de la société Secom, présidente de la société Mediart, qui lui a indiqué être la seule habilitée à l’engager et ne pas avoir donné son accord au contrat.

Accord sur les éléments essentiels

La juridiction a confirmé que le contrat de coproduction était parfaitement formé, précis et circonstancié, définissant ses éléments essentiels à savoir son objet et son prix. Il n’y avait  jamais eu de discussion ou le moindre désaccord entre les parties sur le montant des recettes ou sur les pourcentages revenant à la société Mediart. Celle-ci a au contraire confirmé son accord de principe par la deuxième lettre d’engagement, après la signature du contrat par la société Sancho et Compagnie avec les pourcentages de recettes. Si les pourcentages proposés avaient été contestés, elle aurait réagi et retiré son financement.

Dans le milieu audiovisuel, les répartitions de droits s’effectuent en tout état de cause au prorata des apports de chacun à partir d’un devis prévisionnel et d’un plan de financement provisoire. Enfin, les lettres d’intention, qui sont assimilées aux contrats de production, ont été signées par la direction générale de la société Mediart, laquelle avait le pouvoir de l’engager. Il y a manifestement eu une volonté non équivoque de sa part. C’est donc à tort que le tribunal a jugé que le contrat envoyé par la société Mediart comportant de nombreux blancs aurait été une simple « invitation à entrer en négociation ou discussion ».

Il s’infère de ces éléments que la société Mediart, à la suite de la réception du contrat rempli et signé par la société Sancho et compagnie conformément à ses instructions, n’a émis aucun  commentaire sur les modalités proposées.  Il doit donc être retenu que le contrat s’est formé par la rencontre de l’offre et de son acceptation, les parties ayant manifesté sans équivoque, par leurs écrits et leur comportement, leur volonté de s’engager.

Accord de coproduction parfait

Aux termes des articles 1113, 1114, 1115 et 1116 du code civil, le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur.

L’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation. Elle peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. Elle ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable. La rétractation de l’offre en violation de cette interdiction empêche la conclusion du contrat. Elle engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur dans les conditions du droit commun sans l’obliger à compenser la perte des avantages attendus du contrat.

______________________________________________________________________________________________________

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 03/03/2022

****

N° RG 21/01989 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TRRW

Jugement (N° 2020004456) rendu le 17 mars 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

S.A.R.L. Sancho et Compagnie, immatriculée au RCS de Rouen sous le n°430234351 prise en la personne de son gérant.

ayant son siège social […]

représentée par Me Samuel Vanacker, avocat au barreau de Lille

assistée de Me Inès Plantureux, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

S.A.S. Mediart agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

ayant son siège social […]

représentée et assistée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai

ayant pour conseil Me Thomas Buffin, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 04 janvier 2022 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Audrey Cerisier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

L M, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 mars 2022 (date indiquée à l’issue des débats) L M, président, et, J K, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 décembre 2021

*****

FAITS ET PROCEDURE

Courant 2008, la SARL Sancho et Compagnie, qui exerce dans le secteur de la production de films documentaires, a décidé de développer un projet de série sur les agences de photographies et recherché des financements.

La SAS Mediart, propriétaire de la chaîne Museum TV, lui a manifesté son intérêt par le biais d’une lettre en date du 25 juin 2018, avant de lui adresser, par mail du 20 février 2019, un contrat de coproduction, que la société Sancho et Compagnie lui a renvoyé signé.

Le 28 mars 2019, la société Mediart lui a adressé une deuxième lettre dans des termes identiques à ceux de la précédente.

Le 20 septembre 2019, n’ayant reçu aucune autre nouvelle, la société Sancho et Compagnie a mis en demeure la société Mediart de lui retourner le contrat signé.

En réponse, elle a reçu le 26 septembre 2019 une lettre de la société Secom, présidente de la société Mediart, qui lui a indiqué être la seule habilitée à l’engager et ne pas avoir donné son accord au contrat.

Après une vaine tentative pour trouver une solution amiable, la société Sancho et Compagnie a attrait la société Mediart devant le tribunal de commerce d’Arras.

Par jugement rendu le 17 mars 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :

Déboute la SARL SANCHO ET COMPAGNIE de toutes ses demandes, fins et conclusions

Condamne la SARL SANCHO ET COMPAGNIE à payer à la SAS MEDIART la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile

Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire

Condamne la SARL SANCHO ET COMPAGNIE aux entiers frais et dépens, taxés et liquidés

à la somme de 73.24 € (en ce qui concerne les frais de Greffe).

Par déclaration du 7 avril 2021, la société Sancho et compagnie a relevé appel de l’ensemble des dispositions de cette décision.

La société Sancho et compagnie a notifié ses conclusions d’appelante le 29 juin 2021.

La société Mediart a notifié ses conclusions d’intimé le 29 septembre 2021.

Par avis du 21 octobre 2021, il a été indiqué aux parties que l’ordonnance de clôture serait rendue le 14 décembre 2021 à 14h00 en vue d’une audience de plaidoiries fixée le 4 janvier 2022 à 9h30.

La société Sancho et compagnie a notifié de nouvelles conclusions le 7 décembre 2021.

La société Mediart a notifié de nouvelles conclusions le 9 décembre 2021.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2021 et notifiée aux parties le 15 décembre 2021 à 11h48.

Dans l’intervalle, la société Mediart a notifié de nouvelles conclusions le 14 décembre 2021 à 16h48.

Par conclusions procédurales notifiées par le RPVA le 28 décembre 2021, la société Sancho et compagnie a demandé à la cour de :

Vu les articles 783 et 784 du Code de procédure civile,

Vu les articles 15 et 16 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence y afférente,

Vu les pièces produites aux débats,

(…)

DECLARER irrecevables les conclusions de la société SAS MEDIART signifiées le 14 décembre 2021 et, partant, en PRONONCER le rejet,

RESERVER les dépens

Elle a fait valoir qu’elle n’avait pas pu répondre aux conclusions notifiées par la société Mediart le jour de la clôture, ce qui violait le principe du contradictoire.

Par conclusions procédurales notifiées par le RPVA le 31 décembre 2021, la société Mediart a demandé à la cour de :

Donner acte la concluante ce qu’elle s’en rapporte la sagesse de la cour en ce qui concerne l’application des dispositions des articles 802 et 803 du code de procédure civile.

Elle a fait valoir qu’elle avait eu peu de temps pour répondre aux conclusions de l’appelante du 7 décembre 2021 et avait souhaité faire quelques ajouts à ses conclusions déposées le 9 décembre 2021.

SUR CE

Aux termes des dispositions de l’article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait et de droit sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

Le dépôt de conclusions par la société Mediart, le jour de l’ordonnance de clôture, postérieurement à l’heure formellement indiquée aux parties dans l’avis de fixation qui leur avait été adressé, quand bien même ces écritures ne comportent que l’ajout de deux paragraphes, ne permet manifestement pas à l’avocat de la société Sancho et compagnie d’en prendre connaissance, de les retransmettre à son client et d’envisager l’opportunité ou non d’y répondre.

Ce comportement viole le principe du contradictoire et doit être sanctionné par le rejet de ces écritures.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 7 décembre 2021, la société Sancho et compagnie demande à la cour de :

Vu les articles 1112, 1113, 1241 du Code civil,

(…)

1. RECEVOIR la société SANCHO ET COMPAGNIE en son appel

2. INFIRMER le Jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau

À titre principal

– CONSTATER que le contrat de coproduction est parfait et manifeste la volonté de la société MEDIART de coproduire la série de films sur les agences photos

– CONDAMNER la société MEDIART à verser la somme de 31 200€ HT à la société SANCHO ET COMPAGNIE correspondant à ses engagements

– CONDAMNER la société MEDIART aux intérêts aux taux légal à compter du 20 septembre 2019 avec anatocisme

– CONDAMNER la société MEDIART à une astreinte de 50€ par jours de retard à compter de la décision à intervenir

– CONDAMNER la société MEDIART à verser la somme de 20 000€ à la société SANCHO ET COMPAGNIE à titre de dommages intérêts pour résistance abusive

À titre très subsidiaire

– CONDAMNER la société MEDIART à payer à la société SANCHO ET COMPAGNIE les sommes de

*83 541€ au titre des frais de production engagés entre le 25 juin 2018 et le 26 septembre 2019

*75 000€ au titre des aides publiques du CNC perdues

– CONDAMNER la société MEDIART à verser la somme de 3018€ à la société SANCHO ET COMPAGNIE au titre des frais irrépétibles de première instance et 3705 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– CONDAMNER la société MEDIART entiers aux dépens y compris d’exécution forcée.

La société Sancho et Compagnie affirme que le contrat était parfait. Elle souligne que la société Mediart a établi un contrat de coproduction précis et circonstancié, définissant ses éléments essentiels à savoir son objet et son prix, qu’elle a soumis à la signature de la société Sancho et Compagnie le 20 février 2019. Il importe peu que le contrat n’ait pas été signé formellement par la société Mediart puisque c’est elle qui en a rédigé tous les termes et que son offre a rencontré l’acceptation de la société Sancho et Compagnie. Il n’y a jamais eu de discussion ou le moindre désaccord entre les parties sur le montant des recettes ou sur les pourcentages revenant à la société Mediart. Celle-ci a au contraire confirmé son accord de principe par la deuxième lettre d’engagement, après la signature du contrat par la société Sancho et Compagnie avec les pourcentages de recettes. Si les pourcentages proposés avaient été contestés, elle aurait réagi et retiré son financement. Dans le milieu audiovisuel, les répartitions de droits s’effectuent en tout état de cause au prorata des apports de chacun à partir d’un devis prévisionnel et d’un plan de financement provisoire. Enfin, les lettres d’intention, qui sont assimilées aux contrats de production, ont été signées par la direction générale de la société Mediart, laquelle avait le pouvoir de l’engager. Il y a manifestement eu une volonté non équivoque de sa part. C’est donc à tort que le tribunal a jugé que le contrat envoyé par la société Mediart comportant de nombreux blancs aurait été une simple « invitation à entrer en négociation ou discussion ».

La société Sancho et Compagnie souligne se trouver dans une situation extrêmement grave car elle a, sur la foi des engagements de la société Mediart, sollicité des aides publiques qu’elle a obtenues. Sans l’apport en numéraire de la société Mediart, elle n’était pas éligible à ces aides et elle s’expose à devoir les rembourser.

Du fait du retard au paiement, la société Mediart a causé à la société Sancho et Compagnie un préjudice financier qui impacte gravement son chiffre d’affaire 2019. Elle a été obligée d’arrêter pendant plusieurs mois la production du film. Son achèvement, prévu le 12 décembre 2019, a dû être repoussé au mois de juin 2020. Par ailleurs, deux autres productions ont été mises en péril du fait de l’absence de trésorerie et cette résistance au paiement a emporté des conséquences désastreuses pour les autres équipes artistiques mais également quant à la confiance accordée à la société Sancho et Compagnie, justifiant l’allocation de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Subsidiairement, la société Sancho et Compagnie plaide que la rupture des négociations est fautive et engage la responsabilité de la société Mediart. Elle lui a en effet laissé croire qu’elle était engagée et que le tournage pouvait commencer, ainsi qu’il résulte des deux lettres d’intention, du contrat qu’elle a rédigé, de l’envoi de l’auteur de la série au festival de Cannes pour la représenter et des annonces faites dans la presse. Cette dissimulation a induit la société Sancho et compagnie en erreur sur les réelles intentions de la société Mediart. Celle-ci a en outre retiré son accord après un an et demi de pourparlers, de manière particulièrement soudaine et brutale, sans motif légitime. Cette rupture a entraîné, au titre des dommages devant être indemnisés, des frais de production de 83 541 euros et la perte de l’aide reçue du CNC de 75 000 euros.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 9 décembre 2021, la société Mediart demande à la cour de :

Vu les articles 1109, 1112 et suivants du Code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées au débat,

(‘)

CONFIRMER le jugement rendu en date 17 mars 2021 par le Tribunal de commerce Lille métropole en ce qu’il a débouté la SARL SANCHO ET COMPAGNIE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

CONFIRMER le jugement rendu en date 17 mars 2021 par le Tribunal de commerce Lille métropole en ce qu’il a condamné la SARL SANCHO ET COMPAGNIE à payer à la SAS MEDIART la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la SARL SANCHO ET COMPAGNIE à hauteur d’appel à payer la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

En toute hypothèse Débouter la SARL SANCHO ET COMPAGNIE de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

Condamner la SARL SANCHO ET COMPAGNIE aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel

La société Mediart soutient que le contrat ne s’est jamais formé. Si elle a fait part à la société Sancho et Compagnie de son intention de coproduire le documentaire par courrier en date du 25 juin 2018, c’est en stipulant expressément que sa participation ne deviendrait effective qu’à la signature d’un contrat détaillé, précisant que la proposition était valable pour une durée de 6 mois à compter de sa signature. Le 20 février 2019, elle a effectivement adressé un projet de contrat de coproduction où plusieurs éléments essentiels à la validité du contrat étaient en blanc et restaient à discuter, notamment concernant les droits revenant à la société Mediart en qualité de coproducteur, les droits d’antenne et les droits de propriété intellectuelle.

Le 25 février 2019, Monsieur Z A, gérant de la société Sancho et Compagnie, a renvoyé le contrat signé en ayant complété unilatéralement et sans aucune concertation les chiffres des parts de producteur et d’antenne, et surtout de droits de propriété. Des discussions s’en sont suivies, sans qu’un accord ne se dessine. Il apparaît donc que la convention litigieuse, dénuée de toute précision sur les éléments essentiels de la coproduction du documentaire, ne pouvait être interprétée que comme une simple invitation à poursuivre les négociations.

La société Mediart nie avoir eu un comportement équivoque, faisant valoir que les pièces dont se prévaut la société Sancho et Compagnie résultent d’une confusion maladroite entre la diffusion d’un documentaire et sa coproduction.

Elle conclut qu’elle ne saurait être tenue à l’exécution forcée d’engagements auxquels elle n’a pas consenti ni même être tenue pour responsable des engagements pris par la société Sancho et Compagnie, qui doit assumer d’avoir demandé une subvention sur la base d’un engagement non finalisé, et encore moins de sa situation financière.

Concernant la rupture des négociations, la société Mediart affirme qu’elle n’a jamais maintenu la société Sancho et Compagnie dans l’illusion d’un accord définitif. Elle s’est uniquement engagée à négocier pendant une durée déterminée. Ainsi les prétendues dissimulations, tardiveté et brutalité de rupture invoquées sont dénuées de tout fondement tant le contenu des lettres d’intention est clair.

Elle conclut que les préjudices dont la société Sancho et Compagnie sollicite l’indemnisation sont sans lien de causalité direct avec ses prétendues fautes, de sorte que les conditions intrinsèques de mise en ‘uvre de sa responsabilité ne sont pas remplies. Dans l’hypothèse ou une faute aurait été commise, l’article 1112 alinéa 2 du code civil encadre précisément le préjudice indemnisable.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la formation du contrat et demande en paiement

Aux termes des articles 1113, 1114, 1115 et 1116 du code civil, le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur. L’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation. Elle peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. Elle ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable. La rétractation de l’offre en violation de cette interdiction empêche la conclusion du contrat. Elle engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur dans les conditions du droit commun sans l’obliger à compenser la perte des avantages attendus du contrat.

En l’espèce, par courrier du 25 juin 2018, Monsieur B X, directeur général de la société Mediart, a indiqué à la société Sancho et compagnie :

« C’est avec plaisir que je vous confirme notre intention de coproduire avec la société SANCHO ET COMPAGNIE une collection de documentaires de 6 × 26 minutes intitulée provisoirement ou définitivement :

«REVELATEURS, portraits d’agences photographiques » écrite et réalisé par C D

L’apport de MUSEUM sera de 31 200 euros HT en numéraire pour la collection dont le budget total s’élève à 362 255 euros HT.

La participation de MUSEUM ne deviendra effective qu’à la signature d’un contrat détaillé.

Cette proposition est valable pour une durée de 6 mois à compter de sa signature. »

Par mail du 20 février 2019, Monsieur B X a envoyé à Monsieur Z A, gérant de la société Sancho et Compagnie, sa proposition de contrat, en lui indiquant : « Ci-joint une première version du contrat de coproduction. À remplir de ton côté : les éléments surlignés en jaune. À ta disposition pour en discuter. »

Par mail du 25 février 2019, Monsieur Z A lui a renvoyé cette proposition entièrement complétée, notamment en ce qui concerne la part producteur, la part antenne et la quote-part de propriété des éléments corporels et incorporels relatifs à l’oeuvre , datée du 21 février 2019.

Par courrier du 28 mars 2019, Monsieur B X lui a renvoyé un courrier rédigé dans des termes exactement similaires à ceux du courrier du 25 juin 2018.

Puis, sur la mise en demeure de lui retourner le contrat signé que lui a adressée la société Sancho et Compagnie le 20 septembre 2019, Monsieur E Y lui a indiqué en réponse, par courrier daté du 26 septembre 2019 : « vous ne pouvez ignorer que je suis seul habilité à prendre des engagements pour la SAS MEDIART, en qualité de Président Directeur Général de la SA SECOM, elle-même présidente de la SAS MEDIART (cf le projet de contrat que vous avez transmis à M. X). Je réitère que je n’ai jamais reçu personnellement ce projet de contrat. Je n’ai jamais en aucune façon donné mon accord pour cet engagement financier que je viens de découvrir. »

Il s’infère de ces éléments que la société Mediart, à la suite de la réception du contrat rempli et signé par la société Sancho et compagnie conformément à ses instructions, n’a émis aucune commentaire sur les modalités proposées. Elle lui a en revanche confirmé, par sa lettre du 28 mars 2019, son intention de coproduire la série documentaire et le montant de son apport. Elle ne peut se réfugier derrière le fait d’avoir laissé dans ce courrier la mention « La participation de MUSEUM ne deviendra effective qu’à la signature d’un contrat détaillé. Cette proposition est valable pour une durée de 6 mois à compter de sa signature. », alors que le projet de contrat qu’elle lui avait soumis lui avait d’ores et déjà été renvoyé signé, sans qu’elle n’ait émis aucune contestation ni engagé la moindre négociation sur ses éléments constitutifs. Il s’impose d’ailleurs de constater que le courrier de Monsieur Y ne formule pas davantage de critique du contenu dudit contrat, se contentant d’alléguer, de parfaite mauvaise foi, que seul le président directeur général de la société Mediart avait le pouvoir de l’engager.

La direction de l’audiovisuel et de la création numérique ne s’y est d’ailleurs pas trompée, puisqu’elle a accordé à la société Sancho et Compagnie une subvention de 75 000 euros, selon courrier du 6 septembre 2019, après avoir constaté que le dossier produit suffisait à démontrer un apport du diffuseur Museum de 31 200 euros hors taxes.

La volonté de s’engager de la société Mediart est d’ailleurs confirmée par son comportement, postérieurement à la réception du contrat signé par la société Sancho et Compagnie. Ainsi, par courrier du 28 mars 2019, soit à l’exacte date de sa confirmation d’engagement, Monsieur X a adressé à la société Sancho et compagnie un courrier destiné à lui servir d’accréditation lors du festival de Cannes, ainsi libellé : « Je, soussigné B X, directeur de Muséum TV, ai mandaté la société Sancho et Compagnie pour couvrir le festival de Cannes 2019. Annaick D et F G réalisent, pour notre chaîne de télévision, le portrait du photographe H I, photographe de l’agence VU commandité par Libération sur le festival de Cannes, et souhaitent le suivre lors de Séance photo privée et aux abords du festival. ». En outre, dans une interview donnée par Monsieur X au journal Fisheye de juillet-août 2018, il est indiqué que « la chaîne travaille en ce moment à la création d’une collection de portraits de photographes, qui sera suivie d’une série consacrée aux agences photos.»

Il doit donc être retenu que le contrat s’est formé par la rencontre de l’offre et de son acceptation, les parties ayant manifesté sans équivoque, par leurs écrits et leur comportement, leur volonté de s’engager.

En conséquence, la société Mediart sera condamnée à payer à la société Sancho et Compagnie la somme de 31 200 euros hors taxes, avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2019.

En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

Les conditions légales étant réunies, il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

La décision entreprise sera réformée en ce sens.

En revanche, aucun motif ne justifie de prononcer une astreinte telle que sollicitée par la société Sancho Compagnie dans ses écritures « pour s’assurer de l’effectivité de ce paiement rapidement », étant observé qu’elle dispose de tous moyens d’exécution forcée de la condamnation prononcée.

Sur la demande de dommages et intérêts

Aux termes des articles 1240 et 1241du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

En l’espèce, il est établi que c’est avec une parfaite mauvaise foi et sans motif légitime que la société Mediart est revenue sur son engagement de participer au financement de la série documentaire prévue par la société Sancho et Compagnie.

Cette dernière ne produit cependant aucune pièce démontrant les difficultés de trésorerie et leurs conséquences qu’elle allègue. Tout au plus justifie-t-elle du risque de remboursement des subventions reçues auquel elle s’est trouvée exposée.

Il ne lui sera donc accordé uniquement, en indemnisation de son préjudice lié à la résistance abusive de la société Mediart, la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La décision entreprise sera réformée de ce chef.

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’issue du litige justifie de condamner la société Mediart aux dépens d’appel et de première instance. La décision entreprise sera réformée de ce chef.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera infirmée en ce qu’elle a condamné la société Sancho et Compagnie à payer à la société Mediart la somme de 1 500 euros au titre au titre de ses frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Mediart, tenue aux dépens, sera condamnée à verser à la société Sancho et Compagnie la somme de 6723 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel, et déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Rejette des débats les conclusions déposées le 14 décembre 2021 à 16h48 par la société Mediart ;

Statuant dans les limites de la dévolution,

Infirme le jugement rendu le 17 mars 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Mediart à payer à la société Sancho et Compagnie la somme de 31 200 euros hors taxes, avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2019 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière ;

Déboute la société Sancho et Compagnie de sa demande d’astreinte ;

Condamne la société Mediart à payer à la société Sancho et Compagnie la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Condamne la société Mediart à payer à la société Sancho et Compagnie la somme de 6 723 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Déboute la société Mediart de sa propre demande de ce chef ;

Condamne la société Mediart aux dépens de première instance et d’appel.

Adjoint Administratif Le Président

Faisant Fonction de Greffier


Chat Icon