Sommaire Concession de terrain et inhumationsLe 16 avril 1964, la Mairie de [Localité 10] a accordé à Madame [B] [J] veuve [Z] une concession de 2,50 mètres carrés dans le cimetière de [Localité 8] pour une durée de 100 ans. Un caveau de quatre places a été construit, où ont été inhumés successivement Monsieur [W] [Z] en juin 1964, Madame [J] en juillet 1964, et leur fille Madame [Y] [Z] en février 2008. Monsieur [A] [X], époux de Madame [Y], a été inhumé en janvier 2019, occupant ainsi toutes les places disponibles dans le caveau familial. Demande de réunion des corpsMonsieur [R] [X], fils de Madame [Y] et Monsieur [A], a exprimé le souhait d’être inhumé dans le même caveau que ses parents. Ne disposant plus de place, il a proposé de réunir les corps de ses grands-parents, Monsieur [W] [Z] et Madame [B] [J], dans un même cercueil, ce qui nécessiterait l’exhumation des cercueils de ses parents. Bien que Monsieur [C] [X] ait donné son accord, Monsieur [T] [X] s’est opposé à cette demande. Procédure judiciaireMonsieur [R] [X] a assigné ses frères devant le tribunal judiciaire de Toulouse pour obtenir l’autorisation de procéder à la réunion des corps, malgré l’opposition de Monsieur [T] [X]. Les conclusions de Monsieur [R] ont été notifiées en mars 2024, tandis que Monsieur [T] a demandé le rejet des demandes de son frère et a réclamé des dépens. L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie pour le 10 octobre 2024. Arguments et décisions du tribunalMonsieur [R] [X] a soutenu que son attachement à ses parents justifiait sa demande, mais le tribunal a rappelé que le respect des restes humains impose des conditions strictes pour toute modification de sépulture. Les exhumations ne sont admises que pour des motifs graves, et la volonté des défunts doit primer. Le tribunal a constaté qu’il n’existait pas de preuve de la volonté des défunts concernant le partage de leur sépulture. Conclusion du tribunalLe tribunal a débouté Monsieur [R] [X] de sa demande d’autorisation pour la réunion des corps et a condamné Monsieur [R] aux dépens de la procédure. La demande de Monsieur [T] au titre de l’article 700 du code de procédure civile a également été rejetée. La décision a été rendue en audience publique et mise à disposition au greffe. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les conditions légales pour procéder à l’exhumation d’un corps en France ?L’exhumation d’un corps en France est strictement encadrée par la loi. Selon l’article 16-1 du Code civil, le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Ainsi, l’exhumation ne peut être effectuée que pour des motifs graves et sérieux, tels que le caractère provisoire de la sépulture ou le respect de la volonté, exprimée ou présumée, du défunt. De plus, l’article 88 du Code général des collectivités territoriales précise que les exhumations ne peuvent être réalisées qu’avec l’autorisation du maire, et ce, pour des raisons légitimes. Il est également important de noter que les exhumations et les transferts de sépultures ne sont admis que de manière exceptionnelle, afin de préserver la paix des morts. Ainsi, la demande d’exhumation doit être justifiée par des raisons valables, et l’accord des ayants-droits est indispensable. Quel est le rôle du juge dans les litiges concernant les sépultures ?Le juge joue un rôle crucial dans les litiges relatifs aux sépultures, notamment en cas de désaccord entre les membres d’une même famille. Selon l’article 16-1 du Code civil, le respect dû au corps humain impose que toute décision concernant la sépulture d’un défunt soit prise en tenant compte de la volonté des défunts. En cas de division des proches, il appartient au juge de statuer sur la demande d’exhumation ou de réunion des corps. Le tribunal doit alors évaluer si la demande est fondée sur des motifs graves et sérieux, en tenant compte des souhaits des défunts et des droits des ayants-droits. Le juge doit également s’assurer que la décision prise ne trouble pas la paix des morts, principe fondamental en matière de droit funéraire. En l’espèce, le tribunal a constaté que la volonté des défunts n’était pas établie, ce qui a conduit à débouter Monsieur [R] [X] de sa demande. Quelles sont les conséquences financières d’une décision judiciaire dans un litige funéraire ?Les conséquences financières d’une décision judiciaire dans un litige funéraire sont régies par le Code de procédure civile. L’article 696 stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf si le juge décide, par une décision motivée, de remettre la totalité ou une fraction des dépens à la charge d’une autre partie. Dans le cas présent, Monsieur [R] [X] a été débouté de sa demande, ce qui implique qu’il est condamné à supporter l’intégralité des dépens de la procédure. De plus, l’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à verser une somme à l’autre partie pour couvrir les frais non compris dans les dépens. Cependant, le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer ces dispositions dans cette affaire, en raison de la nature et de la résolution du litige. Ainsi, Monsieur [R] [X] devra assumer les frais de la procédure, sans compensation pour les frais engagés par Monsieur [T] [X]. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU : 12 Décembre 2024
DOSSIER : N° RG 23/01993 – N° Portalis DBX4-W-B7H-R2TN
NAC: 14B
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
POLE CIVIL COLLEGIALE
JUGEMENT DU 12 Décembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL Lors des débats et du délibéré
PRESIDENT : Madame BLONDE, Vice-Présidente
ASSESSEURS : Mme LERMIGNY, Juge
Madame DURIN, Juge
GREFFIER lors du prononcé :M. PEREZ
DEBATS
Après clôture des débats tenus à l’audience publique du 10 Octobre 2024, le jugement a été mis en délibéré à la date de ce jour
JUGEMENT
Rendu après délibéré, Réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe, rédigé par Mme BLONDE
Copie revêtue de la formule
exécutoire délivrée
le
à
DEMANDEUR
M. [R] [X]
né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 10] (31), demeurant [Adresse 5]
représenté par Maître Nathalie MANELFE de la SCP DESERT-MANELFE, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant, vestiaire : 98
DEFENDEURS
M. [T] [X]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 10], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Marion CASANOVA, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant, vestiaire : 227
M. [C] [X], demeurant [Adresse 7]
défaillant
Le 16 avril 1964, la Mairie de [Localité 10] a concédé à Madame [B] [J] veuve [Z] 2,50 mètres carrés de terrain dans le cimetière de [Localité 8] (31) pour une durée de 100 ans.
Un caveau contenant quatre places a été édifié.
L’époux de Madame [J], Monsieur [W] [Z], décédé au mois de [Date décès 9] 1934, y a été inhumé le 16 juin 1964 après avoir fait l’objet d’une réduction de corps.
Le 23 juillet 1964, Madame [J] veuve [Z] y a été inhumée à son tour.
Leur unique enfant, Madame [Y] [Z] épouse [X], décédée le [Date décès 4] 2008, y a été également inhumée le 9 février 2008.
L’époux de Madame [X], Monsieur [A] [X], est décédé le [Date décès 6] 2019.
Il a enfin été inhumé le 11 janvier 2019 dans le caveau, où il repose avec son épouse et ses beaux-parents.
Les époux [X]-[Z] laissent pour leur succéder leurs trois enfants : [T], [C] et [R] [X].
Monsieur [R] [X] a exprimé auprès de ses frères le souhait d’être inhumé dans le caveau où reposent ses parents.
Le caveau ne comportant plus de places disponibles, Monsieur [R] [X] a proposé à ses frères de réunir les corps de leurs grands-parents, Monsieur [W] [Z] et Madame [B] [J], dans un même cercueil, ce qui permettrait de gagner une place.
Cette opération suppose d’exhumer les cercueils de Monsieur [A] [X] et de Madame [Y] [X] pour pouvoir accéder aux cercueils des grands-parents, qui se trouvent en dessous.
L’accord des ayants-droits des défunts sur la réunion des corps étant indispensable, Monsieur [R] [X] a demandé à ses frères l’autorisation d’y procéder.
Monsieur [C] [X] lui a indiqué qu’il n’y voyait pas d’inconvénient.
Monsieur [T] [X] a, quant à lui, fait part de son opposition à la demande.
Par actes de commissaire de justice en date du 25 avril 2023, Monsieur [R] [X] a fait assigner Monsieur [T] [X] et Monsieur [C] [X] devant le tribunal judiciaire de Toulouse, aux fins d’être autorisé notamment à faire procéder, nonobstant l’opposition de Monsieur [T] [X] à la réunion des corps de Monsieur [W] [Z] et de Madame [B] [J] veuve [Z].
Par ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 08 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [R] [X] demande au tribunal, de :
– rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,
– débouter Monsieur [T] [X] de ses demandes,
– autoriser Monsieur [R] [X] à faire procéder, nonobstant l’opposition de Monsieur [T] [X], à la réunion des corps de Monsieur [W] [Z] et de Madame [B] [J] veuve [Z], inhumés dans le cimetière de [Localité 8] (31), dans le même cercueil, et pour ce faire à l’exhumation des cercueils de Monsieur [A] [X] et de Madame [Y] [X] née [Z],
– statuer ce que de droit sur les dépens.
Par ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 03 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [T] [X] demande au tribunal, de :
– rejeter l’intégralité des demandes de Monsieur [R] [X],
– condamner Monsieur [R] [X] aux entiers dépens,
– condamner Monsieur [R] [X] à payer à Monsieur [T] [X] la somme de 1.500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [C] [X], à qui l’assignation a été signifiée à étude d’huissier, n’a pas constitué avocat.
La clôture de la mise en état est intervenue le 06 juin 2024 par ordonnance du juge de la mise en état rendue le même jour. L’affaire a été fixée à l’audience collégiale de plaidoirie en date du 10 octobre 2024.
À l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 12 décembre 2024.
Sur la demande en réunion de corps
Monsieur [R] [X] sollicite, nonobstant l’opposition de Monsieur [T] [X], que soit autorisée la réunion des corps de Monsieur [W] [Z] et de Madame [B] [J] veuve [Z], inhumés dans le cimetière de [Localité 8] (31), dans le même cercueil, et pour ce faire à l’exhumation des cercueils de Monsieur [A] [X] et de Madame [Y] [X] née [Z], et ce afin de pouvoir à son tour être inhumé lors de son décès au sein de la même concession funéraire. Il ajoute en effet qu’il souhaite être enterré auprès de ses parents, dont il s’est toujours occupé, et alors qu’il n’a lui-même ni conjoint, ni enfant.
Il convient de rappeler ici que le respect des restes humains impose un droit de regard sur toutes les décisions qui seraient prises post mortem et qui viendraient modifier la sépulture du défunt. Les familles peuvent être amenées notamment à déplacer leurs morts mais leurs droits sont strictement encadrés et les transferts doivent être dûment autorisés.
Eu égard à la paix des morts, les exhumations et les transferts de sépultures ne sont donc admis que de manière exceptionnelle et seulement pour des motifs légitimes. Sans nécessité absolue, la protection du corps après la mort et le respect dû aux restes humains imposent effectivement d’écarter toute demande des familles, le respect de la paix des morts ne devant pas être troublé par la division des vivants
Le principe d’immutabilité peut toutefois être écarté à titre exceptionnel sur décision des autorités administratives en cas d’insuffisance de places disponibles dans une sépulture, à la demande des familles.
Ainsi, les pratiques de réduction de corps, acte qui consiste à recueillir les restes mortels préalablement inhumés dans une boîte à ossements pour la déposer dans la même sépulture, ou de réunion de corps, acte qui consiste à rassembler les ossements de plusieurs défunts dans un même reliquaire, sont permises. Le Code général des collectivités territoriales autorise en effet les familles à réunir plusieurs parents dans une même tombe.
Cependant, en cas de division des proches, il appartient au juge de statuer. Il découle alors du principe, selon lequel le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort, que l’exhumation d’un corps ne peut être effectuée que pour des motifs graves et sérieux, tels le caractère provisoire de la sépulture ou le respect de la volonté, exprimée ou présumée, du défunt.
En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que Monsieur [R] [X] sollicite la réduction et l’exhumation des corps de plusieurs membres de sa famille, en vue de pouvoir disposer d’une place à sa mort au sein de la concession funéraire familiale, et ce afin d’être inhumé au côté de ses parents.
Il produit à l’appui de sa demande les attestations de Monsieur [U] [O] et Madame [M] [G] [N] épouse [O], voisins, indiquant qu’il « s’est occupé de ses parents dans les moments difficiles pour eux, et au décès de sa mère, s’est occupé de son père en venant le voir pratiquement tous les jours, lui faire les courses et l’accompagner pour ses problèmes de santé et ceci jusqu’à son décès ». Madame [M] [D] [P] épouse [F] confirme également dans son attestation que Monsieur [R] [X] « par sa présence quotidienne et sa proximité s’est occupé de ses parents jusqu’à leurs décès ». Enfin, Monsieur [C] [X], frère de Monsieur [R] [X] et Monsieur [T] [X], non intervenant à la présente instance, indique dans son attestation que son « frère [X] [R] était extrêmement proche de [ses] parents, son implication auprès d’eux a toujours été », ajoutant qu’il « [souhaiterait] qu’il puisse reposer auprès de [leurs] parents et grands-parents. »
Si ces éléments démontrent sans conteste l’attachement et le dévouement de Monsieur [R] [X] envers ses parents, il ne contienne néanmoins pas le moindre indice de nature à déterminer la volonté de ces derniers sur le partage de leur sépulture avec cet enfant.
À l’inverse, il convient de relever que Monsieur [A] [X] et Madame [Y] [Z] épouse [X], parents de trois enfants, ont choisi d’être inhumés au sein d’une concession familiale ne comportant que quatre places et dans laquelle reposaient déjà les grands-parents des parties. Il n’est en outre fait état d’aucune allusion de leur part, que ce soit auprès d’un voisin ou d’un parent, à une éventuelle volonté en ce sens, et il n’est fait état par ailleurs d’aucun projet de quelque nature que ce soit envisagé en vue de permettre l’inhumation de Monsieur [R] [X] au côté de ses parents.
Or, le tribunal pour retenir un motif grave ne doit s’attacher qu’à la volonté des défunts, et ce nonobstant la volonté des autres membres de la famille.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, et en l’absence de preuve de l’existence d’un motif grave de nature à permettre de porter atteinte aux principes de l’immutabilité des sépultures et du respect dû aux morts, Monsieur [R] [X] ne pourra qu’être débouté de sa demande.
Sur les demandes accessoires
L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en remette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En conséquence, compte tenu de l’économie de la présente décision, la totalité des dépens sera supportée par Monsieur [R] [X].
Au regard de la nature et de la résolution du litige, ainsi que de l’équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal, statuant en audience publique par décision réputée contradictoire, rendue en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DEBOUTE Monsieur [R] [X] de sa demande d’autorisation à faire procéder à la réunion des corps de Monsieur [W] [Z] et de Madame [B] [J] veuve [Z], inhumés dans le cimetière de [Localité 8] (31), dans le même cercueil, et pour ce faire à l’exhumation des cercueils de Monsieur [A] [X] et de Madame [Y] [X] née [Z]
DEBOUTE Monsieur [T] [X] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE Monsieur [R] [X] aux entiers dépens de la présente instance.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE