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Aucunement besoin de passer par la complexité du droit de la presse pour obtenir le retrait de propos injurieux sur Facebook. User de l’action en trouble manifestement illicite permet même d’obtenir une provision confortable pour la victime.
En la cause, la juridiction a retenu le caractère injurieux du passage « Tous nos amis disent que vous êtes antijuif ». Constitue une expression outrageante le fait d’être présenté comme « antijuif », soit d’avoir un comportement discriminatoire antisémite, sans que l’on ne puisse retenir ici le caractère précis de l’imputation ainsi formulée (auquel cas la qualification de diffamation impose de fonder son action sur la loi du 29 juillet 1881).
Selon l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder en référé une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l’un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
En outre, l’alinéa 2 de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure comme toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait, à la différence de la diffamation qui suppose l’imputation d’un fait précis susceptible de faire l’objet sans difficulté d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité et de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération.
Une expression outrageante porte atteinte à l’honneur ou à la délicatesse ; un terme de mépris cherche à rabaisser l’intéressé ; une invective prend une forme violente ou grossière.
L’appréciation du caractère injurieux du propos doit être effectuée en fonction du contexte, en tenant compte des éléments intrinsèques comme extrinsèques au message, et de manière objective, sans prendre en considération la perception personnelle de la victime.
Lorsque les expressions outrageantes ou appréciations injurieuses sont indivisibles d’une imputation diffamatoire, le délit d’injure est absorbé par celui de diffamation et ne peut être relevé seul. Une même publication peut cependant contenir des propos injurieux et des propos diffamatoires, à la condition que les termes injurieux ne se réfèrent pas aux faits visés par les imputations diffamatoires.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRÊT DU 05 JANVIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/11703 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAIY
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Avril 2022 -Président du TJ de paris – RG n° 22/51416
APPELANT
M. [M] [F]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté et assisté par Me Claire DI CRESCENZO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1738
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/017369 du 16/06/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIME
M. [H] [X]
C/O [Localité 6] HABITAT-OPH
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté et assisté par Me Stéphane LEVILDIER de l’AARPI LGAvocats, Association d’Avocats à Responsabilité Profession nelle Individuelle, avocat au barreau de PARIS, toque : B0765
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 24 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre
Thomas RONDEAU, Conseiller chargé du rapport
Michèle CHOPIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
— CONTRADICTOIRE
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [X] est un salarié de [Localité 6] Habitat OPH, chef de l’agence Curial située [Adresse 5].
M. [M] était locataire, depuis le 15 mai 2007, d’un appartement dépendant de cette agence, situé [Adresse 4], en vertu d’un bail d’habitation meublé.
Un différend opposait M. [M] à son bailleur, ayant donné lieu à plusieurs décisions de justice, sa mère, Mme [L] [M], ayant également fait l’objet d’une procédure d’expulsion diligentée par ce même organisme.
M. [X] déplorait dans ce contexte la mise en ligne sur Facebook, à compter du 30 décembre 2021, de propos qu’il estimait injurieux à son égard et qu’il faisait constater par huissier selon procès-verbal de constat des 12 et 24 janvier 2021.
C’est dans ces conditions que M. [X] faisait assigner M. [M] par acte du 7 février 2022, dénoncé au ministère public le 9 février 2022, devant le président du tribunal judiciaire de Paris estimant injurieux et dès lors constitutifs d’un trouble manifestement illicite les propos suivants, au visa des articles 835 alinéa l et 2 du code de procédure civile, 23, 29 alinéa 2 et 33 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, 93-3 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1881 (la numérotation des propos est rajoutée par la cour) :
propos du 30 décembre 2021 à 1 h 49,
« Vous avez eu un comportement de voyou » (1)
« Tous nos amis disent que vous êtes antijuif » (2)
« [L] [M] a failli y rester à cause de [H] [X] » (3)
« Actuellement par la faute de [H] [X], [L] [M], terrorisée souffre d’un traumatisme coronaire » (4)
propos tenus le 3 janvier 2022 à 15 h 32,
« Monsieur [X], vous avez abusé de vos pouvoirs sur ma mère et vous êtes tenu responsable de propos tenus le 18 janvier 2022 à 16 h 08,
« Honte à [Localité 6] Habitat qui a mis un Gérant Assassin dans le [Adresse 4]. » (6)
« En arrivant de Normandie, j’ai protégé ma mère que je croyais chez mon fils et qui était déjà torturée depuis plus d’une heure. » (7)
« Par peur de la prison pour tentative de meurtre, le Gérant FOU a fait appel à l’Association Tutélaire » (8)
« Ce FOU s’appelle [H] [X] et pour le Comité de Soutien de ma mère est surnommé « Le Tueur des Vieilles »» (9)
propos tenus le 22 janvier 2022 à 18 h 01,
« Je suis surnommé par le fils de [L] [M] , Tueur de vieille.Voyou. Et parait ‘il que je suis un mauvais Tueur. » (10)
« j’emmerde la Police. Parait’il que la Police a jugé mon comportement IMMORAL » (11)
« Que le fils de la vieille Juive ne vienne pas m’emmerder avec le coeur de sa mère qui aurait perdu 20 %.Grace à moi, il héritera plus vite. » (12)
Par ordonnance de référé contradictoire du 20 avril 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :
— constaté que M. [M] n’a pas constitué avocat en violation de l’article 760 du code de procédure civile ;
— dit irrecevables les conclusions et pièces déposées par le défendeur ;
— rejeté les pièces déposées par le défendeur ;
— dit que constituent des injures publiques envers particulier à l’égard de M. [X] les propos ci après en gras :
-1) sur la page Facebook du groupe public de 23 membres « [Localité 6] HABITAT, les gardien verreux du bailleur social accessible à l’adresse.« https://www.facebook.com/groups/954793207941684 :
‘ – « Tous nos amis disent que vous êtes antijuif » publié le 30 décembre 2021 à 1H49 ;
‘ – « Gérant Assassin dans le [Adresse 4] » au sein de la phrase « Honte à paris Habitat qui a mis un Gérant Assassin dans le [Adresse 4] » ;
— « le Gérant FOU » au sein de la phrase : « Par peur de la prison pour tentative meurtre, le Gérant FOU a fait appel à l’Association Tutélaire » ;
— « Ce FOU s’appelle [H] [X] et pour le Comité de Soutien de ma mère est surnommé « Le Tueur des Vieilles », publiés le 18 janvier 2022 à 16H08 ;
— 2) sur la page Facebook de M. [M] dont l’adresse est : « https ://www.facebook.com/permalink.php’story-fbid=35256151743314l9&id=l940773199482299 :
‘ « Je suis surnommé par le fils de [L] [M], Tueur de vieille. Voyou.
Et parait’il que je suis un mauvais Tueur.
J’emmerde la Police. Parait’il que la Police a jugé mon comportement IMMORAL. »
« Que le fils de la vieille Juive ne vienne pas m’emmerder avec le coeur de sa mère qu aurait perdu 20%. Grace à moi, il héritera plus vite. » publiés le 22 janvier 2022 à 18H01 ;
— dit n’y avoir lieu à référé relativement aux autres propos ;
— condamné M. [M] à verser à M. [X] à titre de provision sur la réparation du préjudice moral subi à raison des injures publiques envers particulier la somme de 3.000 euros ;
— ordonné dans les 15 jours du caractère définitif de la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard la suppression des propos graissés susvisés considérés comme caractérisant des injures publiques envers M. [X] ;
— condamné M. [M] à verser à M. [X] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
— débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration du 21 juin 2022, M. [M] a relevé appel de la décision.
Dans ses conclusions remises le 23 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [F] [M] demande à la cour, au visa de la section I du chapitre I du titre II du livre II du code pénal et des articles 221-1 à 221-5-5 de ce même code, des articles 15 III et 25-8-II de la loi du 06 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, de :
— le dire fondé en ses demandes en droit et en fait ;
— y faire droit ;
— rejeter les prétentions et demandes de l’intimé ;
— réformer le jugement et statuant à nouveau ;
— constater qu’il n’a pas constitué avocat en violation de l’article 760 du code de procédure civile, faute de renvoi à une autre date lui permettant d’y procéder ;
— dire non constitutives d’injures publiques envers particulier à l’égard de M. [X] les propos ci-après en gras, ayant faits l’objets d’excuses publiques :
-1) sur la page Facebook du groupe public de 23 membres « [Localité 6] HABITAT, les gardien verreux du bailleur social accessible à l’adresse.« https://www.facebook.com/groups/954793207941684:
‘ – « Tous nos amis disent que vous êtes antijuif » publié le 30 décembre 2021 à 1H49 ;
‘ – « Gérant Assassin dans le [Adresse 4] » au sein de la phrase « Honte à paris Habitat qui a mis un Gérant Assassin dans le [Adresse 4] » ;
— « le Gérant FOU » au sein de la phrase : « Par peur de la prison pour tentative meurtre, le Gérant FOU a fait appel à l’Association Tutélaire » ;
— « Ce FOU s’appelle [H] [X] et pour le Comité de Soutien de ma mère est surnommé « Le Tueur des Vieilles »», publiés le 18 janvier 2022 à 16H08 ;
— 2) sur la page Facebook de M. [M] dont l’adresse est : « https ://www.facebook.com/permalink.php’story-fbid=35256151743314l9&id=l940773199482299:
‘ « Je suis surnommé par le fils de [L] [M], Tueur de vieille. Voyou.
Et parait’il que je suis un mauvais Tueur.
J’emmerde la Police. Parait’il que la Police a jugé mon comportement IMMORAL. »
« Que le fils de la vieille Juive ne vienne pas m’emmerder avec le coeur de sa mère qu aurait perdu 20%. Grace à moi, il héritera plus vite. » publiés le 22 janvier 2022 à 18H01 ;
— dire qu’il est non tenu de verser à M. [X] à titre de provision sur la réparation du préjudice moral subi à raison des injures publiques envers particulier la somme de 3.000 euros ;
— enjoindre à M. [X] à lui restituer le montant versé à titre principal, soit 1.138,10 euros ;
— ramener la somme au titre du préjudice moral à 1.138,10 euros à titre subsidiaire au lieu de 3.000 euros ;
— dire les astreintes dans les 15 jours du caractère définitif de la décision, de 100 euros par jour de retard, non dues par lui, ayant procédé à la suppression des propos susvisés ;
— condamner M. [M] à verser à M. [X] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
— placer les dépens à l’ordre du trésor public.
M. [M] soutient en substance :
— que le juge de première instance aurait dû renvoyer l’affaire à une audience ultérieure pour lui permettre de constituer avocat, de prendre conscience de la situation avec calme et ainsi de s’expliquer ;
— qu’il a eu une réaction épidermique envers M. [X] et s’en excuse, étant très proche de sa mère et face à une situation aussi stressante il était affolé et tendu ;
— que l’excuse de provocation peut faire disparaître l’élément intentionnel de l’infraction d’injure publique envers un particulier, ce qui est le cas en l’espèce puisqu’il s’est excusé et n’a pas été en mesure de produire ses éléments en première instance ;
— que l’expulsion de sa mère n’était pas conforme à la loi et que les injures relevées par M. [X] n’ont été qu’un levier à son encontre pour légitimer cette expulsion ;
— que le juge doit exercer le contrôle de proportionnalité entre l’atteinte en particulier à la réputation ou au droit d’autrui et l’atteinte susceptible d’être portée à la liberté d’expression à l’encontre d’un dépositaire exerçant des prérogatives de puissances publiques, alors que M. [X] n’était pas dépositaire de prérogatives de puissance publique et qu’il a agi en dehors du cadre légal.
Dans ses conclusions remises le 24 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [X] demande à la cour au visa des dispositions de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, des dispositions de l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, des dispositions de l’article 33 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, des dispositions de l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982, de l’article 835 du code de procédure civile, de :
— confirmer l’ordonnance de référé rendue le 20 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’elle a dit que constituaient des injures publiques envers particulier à son égard les propos suivants :
‘ « Tous nos amis disent que vous êtes antijuif » publié le 30 décembre 2021 à 1H49 ;
‘ – « Gérant Assassin dans le [Adresse 4] » au sein de la phrase « Honte à paris Habitat qui a mis un Gérant Assassin dans le [Adresse 4] » ;
— « le Gérant FOU » au sein de la phrase: « Par peur de la prison pour tentative meurtre, le Gérant FOU a fait appel à l’Association Tutélaire » ;
— « Ce FOU s’appelle [H] [X] et pour le Comité de Soutien de ma mère est surnommé « Le Tueur des Vieilles » », publiés le 18 janvier 2022 à 16H08 ;
‘ « Je suis surnommé par le fils de [L] [M], Tueur de vieille. Voyou.
Et parait’il que je suis un mauvais Tueur.
J’emmerde la Police. Parait’il que la Police a jugé mon comportement IMMORAL. »
« Que le fils de la vieille Juive ne vienne pas m’emmerder avec le coeur de sa mère qu aurait perdu 20%. Grace à moi, il héritera plus vite. » publiés le 22 janvier 2022 à 18H01 ;
— infirmer l’ordonnance de référé rendue le 20 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Paris pour le surplus ;
en conséquence,
— dire et juger que les termes suivants postés par M. [M] sur le compte Facebook intitulé « [Localité 6] HABITAT, les gardien verreux du bailleur social » :
« Vous avez eu un comportement de voyou » ;
« [L] [M] a failli y rester à cause de [H] [X] » ;
« Actuellement par la faute de [H] [X], [L] [M], terrorisée souffre d’un traumatisme coronaire » ;
propos tenus dans un article publié sur le compte Facebook intitulé « [Localité 6] HABITAT, les gardien verreux du bailleur social » le 30 décembre 2021 à 1 h 49 sont constitutifs d’une injure prévue par l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, par l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 pour la publicité, injures commises envers un particulier conformément à l’article 33 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 commise par M. [M], conformément à l’article 93-3 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 ;
— dire et juger que les termes suivants postés par M. [M] sur le compte Facebook intitulé « [Localité 6] HABITAT, les gardien verreux du bailleur social » :
« Monsieur [X], vous avez abusé de vos pouvoirs sur ma mère et vous êtes tenu responsable de https://www.legifrance.gouv.fr/…/LEGISCTA000006165276/ » ;
propos tenus dans un article publié sur le compte Facebook intitulé « [Localité 6] HABITAT, les gardien verreux du bailleur social » le 3 janvier 2022 à 15 h 32 sont constitutifs d’une injure prévue par l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, par l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 pour la publicité, injures commises envers un particulier conformément à l’article 33 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 commise par M. [M], conformément à l’article 93-3 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 ;
— dire et juger que les termes suivants postés par M. [M] sur le compte Facebook intitulé « [Localité 6] HABITAT, les gardien verreux du bailleur social » :
« En arrivant de Normandie, j’ai protégé ma mère que je croyais chez mon fils et qui était déjà torturée depuis plus d’une heure. » ;
propos tenus dans un article publié sur le compte Facebook intitulé « [Localité 6] HABITAT, les gardien verreux du bailleur social » le 18 janvier 2022 à 16 h 08 sont constitutifs d’une injure prévue par l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, par l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 pour la publicité, injures commises envers un particulier conformément à l’article 33 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 commise par M. [M], conformément à l’article 93-3 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 ;
— infirmer l’ordonnance de référé rendue le 20 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’elle a condamné M. [M] à lui verser, la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation de son préjudice moral ;
en conséquence,
— condamner M. [M] à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation de son préjudice moral ;
— condamner M. [M] à lui verser la somme de 5.000 euros de l’article 700 du code de procédure civile ;
— le condamner aux entiers dépens.
M. [X] soutient en substance :
— qu’il réfute l’argumentation de l’appelant sollicitant l’infirmation de l’ordonnance dès lors que des « excuses publiques » ont été présentées, alors que la jurisprudence est très exigeante pour l’application des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 relative à l’excuse de provocation ; que M. [M] a proféré ces injures suite à la décision d’expulsion de sa mère par la société [Localité 6] Habitat OPH, ce qui ne peut être considéré comme une provocation ; que les injures ont été proférés à compter du 30 décembre 2021 soit plus de sept mois après la décision de justice ;
— que, contrairement à ce qu’a jugé le premier juge, certain des propos visés ne renferment l’imputation d’aucun fait précis et relèvent bien de l’injure et non de la diffamation, à savoir « vous avez eu un comportement de voyou », « [L] [M] a failli y rester à cause de [H] [X] », « Actuellement par la faute de [H] [X], [L] [M], terrorisée souffre d’un traumatisme coronaire », « Monsieur [X], vous avez abusé de vos pouvoirs sur ma mère et vous êtes tenu responsable de https://www.legifrance.gouv.fr/…/LEGISCTA000006165276/ », « En arrivant de Normandie, j’ai protégé ma mère que je croyais chez mon fils et qui était déjà torturée depuis plus d’une heure. »
— qu’il a subi un important préjudice moral du fait de ces articles visibles sur le réseau social Facebook et particulièrement violents, relevant toutefois que, les articles ayant été retirés, il n’y a pas lieu à statuer sur la demande de retrait.
SUR CE LA COUR
Selon l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder en référé une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l’un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
En outre, l’alinéa 2 de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure comme toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait, à la différence de la diffamation qui suppose l’imputation d’un fait précis susceptible de faire l’objet sans difficulté d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité et de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération.
Une expression outrageante porte atteinte à l’honneur ou à la délicatesse ; un terme de mépris cherche à rabaisser l’intéressé ; une invective prend une forme violente ou grossière.
L’appréciation du caractère injurieux du propos doit être effectuée en fonction du contexte, en tenant compte des éléments intrinsèques comme extrinsèques au message, et de manière objective, sans prendre en considération la perception personnelle de la victime.
Lorsque les expressions outrageantes ou appréciations injurieuses sont indivisibles d’une imputation diffamatoire, le délit d’injure est absorbé par celui de diffamation et ne peut être relevé seul. Une même publication peut cependant contenir des propos injurieux et des propos diffamatoires, à la condition que les termes injurieux ne se réfèrent pas aux faits visés par les imputations diffamatoires.
L’excuse de provocation peut faire disparaître l’élément intentionnel de l’infraction d’injure envers particulier, à la condition que la riposte soit immédiate, spontanée et proportionnée à l’attaque, le contenu de l’injure, proférée par la victime de la provocation, devant être en rapport direct avec celle-ci.
En l’espèce, il sera d’abord rappelé que les propos, publiés sur Facebook et accessibles aux internautes, visent nommément M. [X], ce dernier ayant à juste fondé son assignation sur la qualification d’injure publique commise envers particulier, sa qualité de responsable de gestion locative, même au sein d’un organisme de la ville de [Localité 6], ne pouvant caractériser l’accomplissement d’une mission d’intérêt général avec exercice de prérogatives de puissance publique.
M. [M] ne conteste pas non plus être l’origine des publications litigieuses.
Un certain nombre de propos imputent cependant un fait précis, exclusif de la qualification d’injure.
Ainsi, les termes « Vous avez eu un comportement de voyou » (propos 1), « [L] [M] a failli y rester à cause de [H] [X] » (propos 3) et « Actuellement par la faute de [H] [X], [L] [M], terrorisée souffre d’un traumatisme coronaire » (propos 4) mettent tous en cause l’intimé pour avoir mis en danger la vie de [L] [M], mère de l’appelant, étant rappelé que les propos font référence à la procédure d’expulsion de celle-ci et aux conditions dans lesquelles elle aurait été réalisée, conditions qui auraient mis en danger sa santé voire sa vie.
De même, le propos « Monsieur [X], vous avez abusé de vos pouvoirs sur ma mère et vous êtes tenu responsable de https://www.legifrance.gouv.fr/…/LEGISCTA000006165276/ » (propos 5) comporte lui aussi l’imputation d’un fait précis, à savoir d’avoir tenté de porter atteinte à la vie de Mme [M], le lien vers le site legifrance renvoyant vers les infractions pénales de meurtre, assassinat ou empoisonnement, étant aussi observé, comme l’a noté le premier juge, que le procès-verbal d’huissier de justice du 12 janvier 2022 ne comporte pas l’intégralité des constatations relatives à ce message, de sorte qu’il n’y a pas lieu en toute hypothèse de considérer l’injure comme établie.
Contrairement toutefois à ce qu’a pu considérer le premier juge, il apparaît aussi que les propos « Honte à Paris Habitat qui a mis un Gérant Assassin dans le [Adresse 4]. » (6), « En arrivant de Normandie, j’ai protégé ma mère que je croyais chez mon fils et qui était déjà torturée depuis plus d’une heure. » (7), « Par peur de la prison pour tentative de meurtre, le Gérant FOU a fait appel à l’Association Tutélaire » (8) et « Ce FOU s’appelle [H] [X] et pour le Comité de Soutien de ma mère est surnommé « Le Tueur des Vieilles »» (9) sont indissociables de l’accusation d’avoir mis en danger la mère de l’appelant, soit un fait précis pouvant faire l’objet d’un débat probatoire et imputant un comportement pénalement sanctionné.
Ainsi, la cour infirmera la décision entreprise sur ce point, décision qui avait partiellement retenu le caractère injurieux des termes “Gérant Assassin dans le [Adresse 4].« , »le Gérant FOU« , » Ce FOU s’appelle [H] [X] et pour le Comité de Soutien de ma mère est surnommé « Le Tueur des Vieilles »« , alors que l’emploi des termes »assassin« , »fou« ou encore »tueur des vieilles”, dans le contexte, se rattache précisément à l’accusation de tentative de meurtre sur la mère de M. [M], M. [X] étant en effet présenté comme un tueur atteint de folie à raison de son supposé comportement par rapport à la mère de l’appelant.
Concernant les propos « Je suis surnommé par le fils de [L] [M], Tueur de vieille.Voyou. Et parait ‘il que je suis un mauvais Tueur. » (propos 10) et « Que le fils de la vieille Juive ne vienne pas m’emmerder avec le coeur de sa mère qui aurait perdu 20 %.Grace à moi, il héritera plus vite. » (propos 12), ils sont là aussi indissociables de l’imputation diffamatoire d’avoir porté atteinte à l’intégrité corporelle de la mère de l’appelant à l’occasion de son expulsion, ce qui commande de ne pas retenir leur caractère injurieux.
En revanche, tout comme le premier juge, la cour retiendra le caractère injurieux du passage « Tous nos amis disent que vous êtes antijuif » ( propos 2), étant observé que ce passage est sans rapport avec l’imputation diffamatoire de s’être montré violent avec la mère de l’appelant et que constitue une expression outrageante le fait d’être présenté comme « antijuif », soit d’avoir un comportement discriminatoire antisémite, sans que l’on ne puisse retenir ici le caractère précis de l’imputation ainsi formulée.
C’est également à juste que le caractère injurieux du propos suivant a été retenu en première instance, « j’emmerde la Police. Parait’il que la Police a jugé mon comportement IMMORAL » (propos 11), propos qui pour rappel est attribué fictivement par M. [M] à M. [X] et qui impute à M. [X] d’emmerder la police qui aurait jugé son comportement immoral, ce qui est à la fois imprécis et constitue sans difficulté une expression outrageante à son égard.
Ainsi, la cour retiendra le caractère injurieux des propos 2 et 11 ci-avant rappelés, le reste des propos poursuivis étant indissociables d’imputations diffamatoires de sorte qu’il n’y a pas lieu à référé pour le surplus, faute de trouble manifestement illicite et d’obligation non sérieusement contestable à la charge de l’appelant, la mesure de suppression des propos sous astreinte pour les autres passages que les propos 2 et 11 ne pouvant non plus prospérer.
C’est en vain, pour les propos 2 et 11, que M. [M] prétend pouvoir opposer l’excuse de provocation, alors que, nonobstant la discussion juridique sur les modalités d’expulsion de sa mère, il n’en demeure pas moins que l’appelant ne démontre en rien qu’il n’aurait cherché qu’à riposter de manière proportionnée à des propos de M. [X], celui-ci ne faisant qu’exercer la mission de gestion locative confiée par son employeur.
Les propos ont été en outre publiés plusieurs mois après la décision de justice ordonnant l’expulsion de sa mère, l’excuse de provocation apparaissant d’autant moins invocable.
Importe également peu que M. [M] ait adressé un « courriel d’excuse » le 12 février 2022, alors que cette circonstance est indifférente pour la qualification des propos, M. [X] relevant d’ailleurs aussi que les supposées excuses comportent aussi de la part de l’appelant une demande « d’excuse » de la personne par ailleurs injuriée.
Les éléments matériels et intentionnels de l’injure publique envers particulier sont ainsi parfaitement réunis pour les propos 2 et 11, avec l’évidence requise en référé, la condamnation de M. [M] n’apparaissant pas disproportionnée, les limites admissibles de la liberté d’expression ayant été dépassées pour dégénérer en attaques personnelles contre l’intimé, nonobstant le litige existant entre les parties.
Il sera précisé que la demande de suppression est toutefois devenue sans objet à raison du retrait effectué.
Concernant les dommages et intérêts provisionnels, même si la cour n’a pas retenu le périmètre des propos injurieux tel que jugé en première instance, les propos injurieux sont particulièrement outrageants à l’égard de M. [X], mis en cause alors qu’il ne faisait qu’exercer son activité professionnelle, les injures le décrivant comme antisémite (« antijuif ») et irrespectueux envers les fonctionnaires de police avec emploi de termes particulièrement virulents (« emmerde la Police »).
Aussi, la provision a été à juste titre fixée à la somme de 3.000 euros, ce qui commande de confirmer la décision sur ce point.
Le sort des frais et dépens de première instance a aussi été exactement réglé par le premier juge.
A hauteur d’appel, pour des motifs d’équité et compte tenu de la situation des parties, il sera dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, M. [M] étant condamné aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme l’ordonnance entreprise sur la caractérisation des injures publiques envers particulier ;
Statuant à nouveau,
Dit que constituent des injures publiques envers particulier à l’égard de M. [X] les seuls propos « Tous nos amis disent que vous êtes antijuif » et « j’emmerde la Police. Parait’il que la Police a jugé mon comportement IMMORAL », publiés respectivement les 30 décembre 2021 et 22 janvier 2022 ;
Dit n’y avoir lieu à référé relativement aux autres propos poursuivis ;
Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de suppression sous astreinte concernant ces autres propos poursuivis ;
Confirme l’ordonnance entreprise pour le surplus, en ce compris la condamnation provisionnelle à titre de dommages et intérêts et le sort des frais et dépens de première instance, sauf à préciser que la demande de suppression sous astreinte des propos « Tous nos amis disent que vous êtes antijuif » et « j’emmerde la Police. Parait’il que la Police a jugé mon comportement IMMORAL » est devenue sans objet ;
Y ajoutant,
Rejette les autres demandes des parties ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;
Condamne M. [F] [M] aux dépens d’appel qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE