Retrait de contenus illicites : CA de Douai, 16 février 2023, N° RG 22/00899

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Retrait de contenus illicites : CA de Douai, 16 février 2023, N° RG 22/00899
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 3

ARRÊT DU 16/02/2023

N° de MINUTE : 23/186

N° RG 22/00899 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UD3L

Jugement rendu le 12 novembre 2018 par le Tgi d’Amiens

Arrêt rendu le 18 mai 2020 par la cour d’appel d’Amiens

Arrêt (N° Y20-17.512) rendu le 20 Janvier 2022 par le Cour de Cassation de Paris 09

DEMANDERESSE à la saisine

SAS M Motors Automobiles France prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Olivier Gauclere, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

DEFENDERESSES à la saisine

Association France Nature Environnement Association reconnue d’utilité publique prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Association Surfrider Foundation Europe prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentées par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assisté de Me Anne-Sophie Chartrelle, avocat au barreau d’Amiens, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 05 janvier 2023 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sylvie Collière, président de chambre

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 février 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 13 décembre 2022

EXPOSE DU LITIGE

La société M Motors automobiles France commercialise en France des véhicules de marque Mitsubishi et a fait la promotion de ses produits sur internet.

Les associations agréées France nature environnement et Surfrider foundation Europe ont saisi le tribunal de grande instance d’Amiens pour solliciter la suppression sous astreinte de plusieurs visuels publicitaires sur le fondement des articles L. 326-1 et L. 326-4 du code de l’environnement.

Par jugement du 12 avril 2017, ce tribunal a notamment :

— dit que la SAS M Motors automobiles France a contrevenu aux dispositions des articles L. 362-1 et L. 362-4 du code de l’environnement en diffusant sur son site internet, twitter et sa page facebook des photographies mettant en scène des véhicules terrestres à moteur dans des espaces naturels ;

— condamné la SAS M Motors automobiles France à payer à l’association France nature environnement la somme de 3 500 euros en réparation de son préjudice moral ;

— condamné la SAS M Motors automobiles France à payer à l’association Surfrider Foundation Europe la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice

moral ;

— condamné la SAS M Motors automobiles France à faire cesser la diffusion des visuels publicitaires incriminés dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, sur le site internet http://www.mitsubishi-motors.fr/, la page twitter https://twitter.com/MitsubishiMFr, la page google https://plus.google.com/u/0/+Mitsubishi-motorsFr/posts, la page facebook https://www.facebook.com/MitsubishiMotorsFrance, sous astreinte de 1 000 euros par visuel et par jour ;

— condamné la SAS M Motors automobiles France à insérer, dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement, un message réparateur sur son site internet, la page twitter, la page google, la page facebook, et ce pendant une durée de trois mois, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

— dit qu’il se réservait le contentieux de la liquidation de l’astreinte ;

— condamné la SAS M Motors automobiles France à payer à l’association France nature environnement et à l’association Surfrider foundation Europe la somme de 750 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la société M Motors automobiles France aux dépens comprenant le coût des quatre constats dressés par Maître [M], huissier de justice le 23 février 2015 et le constat dressé par Maître [L] le 10 août 2016.

Ce jugement a été signifié à la société M Motors automobiles France le 21 avril 2017.

Le 21 mai 2017, un protocole d’accord transactionnel a été conclu entre la société M Motors automobiles France et les deux associations.

Par acte en date du 27 octobre 2017, les associations ont fait assigner la société M Motors automobiles France en liquidation de l’astreinte.

Par jugement du 12 novembre 2018, le tribunal de grande instance d’Amiens a :

— liquidé le montant de l’astreinte provisoire prononcée à l’encontre de la société M Motors automobiles France par le jugement du 12 avril 2017 à la somme totale de 363 500 euros ;

— condamné la société M Motors automobiles France à verser à l’association Surfrider foundation Europe la somme de 750 euros au titre de la moitié du produit liquidatif de l’astreinte relatif aux visuels n°5, 6 et 7 ;

— condamné la société M Motors automobiles France à verser à l’association France nature environnement la somme de 750 euros au titre de la moitié du produit liquidatif de l’astreinte relatif aux visuels n°5, 6 et 7 ;

— condamné la société M Motors automobiles France à payer à l’association France nature environnement la somme de 180 000 euros au titre du produit liquidatif relatif au visuel n° 13;

— condamné la société M Motors automobile France à payer à l’association France nature environnement la somme de 182 000 euros au titre du produit liquidatif relatif à la vidéo ‘mon défi Ekiden’ ;

— condamné la société M Motors automobiles France à payer à l’association France nature environnement la somme de 613,6 euros au titre des frais des quatre procès-verbaux de constat d’huissier sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la société M Motors automobiles France à payer à l’association Surfrider foundation Europe la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

— condamné la société M Motors automobiles France aux dépens ;

— rejeté la demande d’exécution provisoire ;

— rejeté toute demande plus ample.

Sur appel de la société M Motors automobiles France, la cour d’appel d’Amiens a, par arrêt du 19 mai 2020 :

— rejeté les fins de non- recevoir soulevées par la société M Motors automobiles France ;

— confirmé le jugement du 12 novembre 2018 en ce qu’il a :

* condamné la société M Motors automobiles France à payer, respectivement, à l’association France nature environnement et à l’association Surfrider foundation Europe la somme de 750 euros chacune, pour l’astreinte relative aux visuels n° 5, 6 et 7 ;

* réglé le sort des dépens et des frais non compris dans les dépens à la charge de la société M Motors automobiles France ;

— réformé le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau :

— condamné la société M Motors automobiles France à payer à l’association France nature environnement la somme de 5 000 euros au titre du produit liquidatif relatif au visuel n° 13 ;

— condamné la société M Motors automobiles France à payer à l’association France nature environnement la somme de 15 000 euros au titre du produit liquidatif relatif à la vidéo ‘mon défi Ekiden’ ;

— rejeté toute demande contraire ;

— condamné la société M. Motors automobiles France aux dépens d’appel.

Sur pourvoi de l’association France nature environnement, la Cour de cassation, par arrêt en date du 20 janvier 2022, a statué dans les termes suivants :

‘Sur le premier moyen, pris en sa première branche

(…)

Vu l’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution :

4. Il résulte de ce texte que le juge de l’exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice servant de fondement aux poursuites.

5. Pour liquider le montant de l’astreinte, l’arrêt retient que dans son jugement du 12 avril 2017, le tribunal avait condamné la société M Motors automobiles France à : « faire cesser la diffusion des visuels publicitaires incriminés dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement sur le site internet (adresse http:// …), la page twitter (idem), la page google (idem), la page facebook (idem), sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée et par jour ».

6. L’arrêt énonce que l’astreinte, moyen comminatoire d’assurer l’exécution de l’obligation judiciaire, voire sanction de sa non-exécution, ne doit pas être confondue avec l’obligation elle-même ; qu’en l’espèce, le juge avait prévu une somme de 1 000 euros par jour « par infraction constatée » et non par jour de retard jusqu’à la justification du respect de la suppression de l’image ou de la vidéo concernée.

7. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a modifié le dispositif de la décision de condamnation, qui condamnait la société M Motors automobiles France à faire cesser la diffusion des visuels publicitaires incriminés dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement sous astreinte de 1000 euros par visuel et par jour de retard, a violé le texte susvisé.

Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

(…)

Vu l’article 1353 du code de procédure civile :

9. Aux termes de cet article, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

10. Pour liquider le montant de l’astreinte à une certaine somme, l’arrêt, qui retient que le juge du fond avait prévu une somme de 1 000 euros par jour « par infraction constatée » et non par jour de retard jusqu’à la justification du respect de la suppression de l’image ou de la vidéo concernée, en déduit que la charge de la preuve de « l’infraction constatée » pèse dès lors sur le créancier de l’obligation.

11. L’arrêt considère que les visuels n° 5, 6, 7, et 13 et la vidéo « Mon défi Ekiden » doivent être considérés comme présents sur la page facebook et sur la page twitter de la société, que l’infraction ne peut être admise qu’à l’égard de ces deux sites sur quatre et qu’à partir du constat du 5 septembre 2017 et non à partir du jour qui suit la signification du jugement, le 23 mai 2017. L’arrêt ajoute qu’il doit en être de même pour le visuel n°13, et pour la vidéo « Mon défi Ekkiden », et que le 6 novembre 2017, seuls ces deux derniers visuels sont vus par l’huissier de justice, de même que les 4, 12 et 19 janvier 2018 d’après le quatrième et dernier constat produit aux débats par les associations.

12. En statuant ainsi, alors que la charge de la preuve de l’exécution d’une obligation de faire assortie d’une astreinte pèse sur le débiteur de l’obligation, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a condamné la société M Motors France automobiles à verser à l’association Surfrider Foundation Europe la somme de 750 euros au titre de la moitié du produit liquidatif de l’astreinte relatif aux visuels n° 5, 6 et 7 et en ce qu’il a condamné la société M Motors France automobiles à verser à l’association France nature environnement la somme de 750 euros au titre de la moitié du produit liquidatif de l’astreinte relatif aux visuels n° 5, 6 et 7, l’arrêt rendu le 19 mai 2020, entre les parties, par la cour d’appel d’Amiens ;

Remet, sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Douai ;

Condamne la société M Motors France automobiles aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société M Motors France automobiles et la condamne à payer à l’association France nature environnement la somme de 3 000 euros ;

Par déclaration adressée par la voie électronique le 22 février 2022, la société M Motors automobiles France a saisi la cour d’appel de Douai.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 21 novembre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1310, 1353, 2052 du code civil, 9 et 122 du code de procédure civile, L. 131-4 du code de procédures civiles d’exécution, d’infirmer le jugement du 12 novembre 2018 et en conséquence de :

— dire et juger qu’en signant le protocole transactionnel du 21 mai 2017, les associations France nature environnement et Surfrider foundation Europe se sont déclarées remplies de leurs droits et ont renoncé à toute action afférente tant au dispositif qu’à l’exécution du jugement rendu le 12 avril 2017 ;

— dire et juger en conséquence irrecevable l’action de l’association France nature environnement et l’en débouter ;

à titre subsidiaire,

— dire et juger qu’au titre du visuel n° 13, la période à considérer ne peut être que celle allant du 6 novembre 2017 au 19 janvier 2018, soit 74 jours ;

— dire et juger que le retweet n’est pas une publication ou une diffusion ;

— dire qu’elle s’est heurtée à des difficultés sérieuses pour cesser les diffusions ;

— dire et juger qu’elle a accompli tout ce qui était raisonnement possible de faire pour satisfaire à l’injonction du tribunal ;

— débouter de surcroît l’association France nature environnement de ses

demandes ;

— condamner l’association France nature environnement à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— réserver les dépens à l’association France nature environnement.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 30 novembre 2022, l’association France nature environnement et l’association Surfrider foundation Europe demandent à la cour, au visa des articles L. 142-2, L. 362-1, L. 362-4 et R. 362-4 du code de l’environnement, 1353 du code civil, L. 131-1 à L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, de :

— constater l’autorité de la chose jugée de l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 19 mai 2020 en ce qui concerne les visuels 5, 6 et 7 ;

— mettre hors cause l’association Surfrider foundation Europe devant la cour d’appel de Douai ;

— déclarer l’exception d’irrecevabilité tirée du protocole d’accord transactionnel du 21 mai 2017 mal fondée ;

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance d’Amiens en date du 12 novembre 2018 ;

y ajoutant,

— condamner la société M Motors France automobiles à payer à chacune d’elles la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en cause d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société M Motors France automobiles aux entiers dépens d’appel.

La cour a demandé que soient produits en cours de délibéré le constat d’huissier du 10 août 2016 et la pièce versée aux débats dans le cadre de l’instance ayant abouti au jugement du 12 avril 2017 faisant apparaître le visuel 13 et a imparti à la société M Motors automobiles France un délai de huit jours à compter de la date de production de ces pièces pour faire toutes observations qu’elle estimerait utiles.

Les pièces réclamées ont été produites les 5 et 9 janvier 2023. La société M Motors automobiles Francen’a pas fait d’observations.

MOTIFS

Sur la mise hors de cause de l’association Surfrider foundation Europe :

La société M Motors automobiles France ne forme, dans le cadre de la présente instance, aucune demande à l’encontre de la société Surfrider foundation Europe, laquelle n’était pas concernée par la liquidation de l’astreinte relative au visuel 13 et à la vidéo ‘Mon défi Ekiden’ qui restent seuls en cause

L’association Surfrider foundation Europe n’avait donc pas à être mise en cause devant la cour de céans. C’est dès lors à juste titre qu’elle demande sa mise hors de cause.

Sur la fin de non- recevoir tirée de l’existence d’une transaction :

Les transactions sont d’interprétation stricte.

En l’espèce, aux termes du protocole d’accord transactionnel signé par les parties le 21 mai 2017, les associations France nature environnement et Surfrider foundation Europe ont renoncé à l’exécution par la société M. Motors automobiles France de sa condamnation à insérer un message réparateur sur son site internet, ses pages twitter, facebook et google (article 1 intitulé ‘concessions des associations FNE et SFE’) et la société M. Motors automobiles France a renoncé ‘en contrepartie des concessions consenties par les associations FNE et SFE’ à faire appel du jugement du 12 avril 2017 et s’est engagée par ailleurs à régler les sommes dues à chacune des deux associations, à la signature du protocole, à savoir à l’association Surfrider foundation Europe les sommes de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, soit 2 250 euros et à l’association France nature environnement la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts, de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de 1 619,86 euros au titre des dépens, soit un total de 5 869,86 euros (article 2 intitulé ‘concessions de la société M. Motors automobiles France’).

Les associations ne renoncent ainsi qu’à l’exécution d’une des condamnations prononcées par le jugement du 12 avril 2017 mais à aucune des autres et en particulier pas à la condamnation de la société M Motors automobiles France à faire cesser la diffusion des visuels publicitaires incriminés sous astreinte, peu important que l’article 3 du protocole stipule qu’en le signant les parties ont mis ‘un terme définitif au litige’, chacune d’elle se déclarant ‘remplie de tous ses droits au titre du jugement du tribunal de grande instance d’Amiens du 12 avril 2017’.

C’est donc à tort que la société M Motors automobiles France soutient que la demande de l’association France nature environnement en liquidation de l’astreinte qui assortit sa condamnation à faire cesser la diffusion des visuels incriminés serait irrecevable au regard du protocole transactionnel du 21 mai 2017.

Sur la liquidation de l’astreinte :

L’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose que :

Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.

Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié.

L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

La charge de la preuve de l’exécution d’une obligation de faire assortie d’une astreinte pèse sur le débiteur de l’obligation.

En l’espèce, le jugement du 12 avril 2017 a condamné la société M Motors automobiles France à faire cesser la diffusion des visuels publicitaires incriminés dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement sous astreinte de 1 000 euros par visuel et par jour de retard.

Le jugement ayant été signifié le 21 avril 2017, l’astreinte a donc couru un mois après, soit à compter du 23 mai 2017.

La société M Motors automobiles France doit rapporter la preuve qu’elle a exécuté l’obligation mise à sa charge de faire cesser la diffusion des visuels publicitaires incriminés étant précisé que seuls le visuel n°13 et la vidéo ‘mon défi Ekiden’ sont en cause.

S’agissant du visuel n°13, si l’association France nature environnement indique elle-même, au vu d’une impression d’écran de la page twitter de la société M Motors automobiles France à la date du 23 février 2018 qu’elle produit (pièce 14) qu’à cette date, ce visuel représentant un véhicule Mitsubishi dans le lit d’une rivière, n’apparaît plus, la société M Motors automobiles France ne rapporte pas la preuve que la diffusion avait cessé entre le 23 mai 2017 et cette date tandis qu’au contraire l’association France nature environnement produit un constat d’huissier du 6 novembre 2017 (pièce 11), un autre constat des 4, 12 et 19 janvier 2018 (pièce 13) ainsi qu’une impression de la page twitter de la société M Motors automobiles France des 15 et 19 février 2018 (pièce 14) montrant que le visuel était toujours diffusé à ces dates.

La période d’inexécution doit donc être fixée entre le 23 mai 2017 date à laquelle l’astreinte a commencé à courir jusqu’à la date du 19 février 2018 que l’association France nature environnement accepte de retenir comme étant celle à laquelle la diffusion du visuel a cessé et pas, comme le revendique la société M Motors automobiles France en inversant la charge de la preuve, entre le 6 novembre 2017 et le 19 janvier 2018, dates des constats d’huissier que l’association France nature environnement a pris soin, alors même que la charge de la preuve ne lui incombait pas, de faire établir pour montrer qu’à ces dates notamment, la société M Motors automobiles France n’avait toujours pas exécuté l’obligation à sa charge.

C’est dès lors donc à juste titre que le jugement déféré a retenu que l’astreinte avait couru pendant 273 jours du 23 mai 2017 au 19 février 2018.

Si la présence du visuel 13 sur la page twitter de la société M Motors automobiles France aux dates susvisées est due à un retweet d’une publication de ‘Usager IDF’ du 17 octobre 2015, ce retweet est antérieur au jugement du 12 avril 2017 et a été effectué précisément entre les 19 et 21 octobre 2015 comme le démontre la comparaison entre d’une part les constats des 6 novembre 2017 (page 19), des 4,12 et 19 janvier 2018 (pages 20, 50 et 80) et les impressions de la page twitter des 15 et 19 février 2018 dont il ressort que le visuel 13 retweeté apparaît juste avant un retweet d’un tweet publié par ‘MoteurNature’ le 19 octobre 2015 et d’autre part le constat du 9 mars 2018 produit par la société M Motors automobiles France pour démontrer que le visuel 13 a été supprimé, dont il ressort que le retweet de la publication de MotorNature toujours présent (page 35) s’intercale entre une série de tweets et retweets publiés entre le 19 et le 21 octobre 2015 (pages 26 à 37).

Il en résulte, contrairement à ce soutient la société appelante, que le visuel n’est pas réapparu de manière inopinée, après avoir été supprimé, à l’occasion d’un retweet effectué après le jugement du 12 avril 2017 mais que c’est bien le retweet initial contenant le visuel incriminé et présenté au juge qui a ordonné l’astreinte, qui n’a été supprimé que tardivement. En tout état de cause, la mention ‘Mitsubishi Motors FR a retweeté’ présente au dessus du tweet d’ ‘Usager IDF’ du 17 octobre 2015 prouve que la publication de ‘Usager IDF’ contenant le visuel litigieux n’a pu apparaître sur la page twitter de la société M Motors automobiles France sans la volonté de cette dernière.

Enfin, il n’est pas reproché à la société M Motors automobiles France de ne pas avoir supprimé des retweets présents sur des comptes de tiers, l’obligation mise à sa charge ne portant que sur sa propre page twitter.

S’agissant de la vidéo ‘mon défi Ekiden’, la société M Motors automobiles France ne démontre pas qu’elle avait été retirée de sa page facebook avant le 23 mai 2017 et reconnaît d’ailleurs dans ses conclusions (page 10) que cette vidéo ‘a été retirée de la page facebook après l’assignation’, ‘l’assignation’ visant l’assignation en liquidation d’astreinte du 27 octobre 2017, étant précisé au surplus qu’il résulte des constats des 5 septembre 2017 et 16 octobre 2017 produits par l’association France nature environnement que la vidéo apparaissait toujours à ces dates sur la page facebook de la société M Motors automobiles France sur cinq vignettes datées des 13 mai 2015, 29 mai 2015, 17 juin 2015, 28 juillet 2015 et 4 septembre 2015.

La société M Motors automobiles France ne démontre pas plus que la vidéo ‘mon défi Ekiden’ avait été supprimée de sa page twitter au 23 mai 2017, alors au contraire qu’il résulte des constats d’huissier des 16 octobre 2017, 6 novembre 2017, 4, 12 et 19 janvier 2018 produits par l’association France nature environnement que cette vidéo était encore présente à ces dates sur la page twitter. C’est l’association France nature environnement qui s’est substituée à la société M Motors automobiles France dans la preuve à la charge de cette dernière en produisant une impression d’écran de la page twitter de cette société à la date du 23 février 2018 montrant que la vidéo n’était plus disponible ou avait été supprimée à cette date (pièce 15) alors que le constat que la société M Motors automobiles France a fait réaliser à cette fin n’est qu’en date du 9 mars 2018.

En conséquence c’est à juste titre que le jugement du 12 novembre 2018 a retenu que la société M Motors automobiles France n’avait pas respecté son obligation de faire cesser la diffusion de la vidéo sur ses pages facebook et twitter du 23 mai 2017 au 22 février 2018 soit un retard de 276 jours dans l’exécution de son obligation.

La comparaison entre le constat du 10 août 2016 versé aux débats dans le cadre de l’instance ayant abouti au jugement du 12 avril 2017 d’une part et les constats des 16 octobre 2017, 6 novembre 2017, 4,12 et 19 janvier 2018 d’autre part montre que les retweets effectués par la société M. Motors automobiles France de tweets de ‘FFA’ des 30 septembre 2015, 25 septembre 2015, 21 septembre 2015, 15 septembre et 10 septembre 2015 contenant des publications de la vidéo incriminée sont les retweets déjà examinés par le juge ayant ordonné la suppression de la vidéo et qu’il n’est reproché à la société M Motors automobiles France aucun retweet postérieur au jugement du 12 avril 2017, ce qui rend inopérante l’argumentation de cette dernière sur la ‘réapparition indirecte passive et non souhaitée en tant que telle’ de la vidéo à l’occasion d’un retweet. Quant à la publication du 1er juin 2015 contenant la vidéo, il s’agit d’un tweet et non pas d’un retweet.

S’agissant de l’argument de la société M Motors automobiles France selon laquelle le visuel 13 et la vidéo ‘mon défi Ekiden’ ‘n’étaient pas accessibles en un clic ou sur les pages d’accueil’ (de sorte) qu’il fallait véritablement fouiller dans l’historique des pages des réseaux sociaux pour les trouver, au delà de toute recherche raisonnable, il ne saurait être accueilli alors que l’examen des constats d’huissier produits montre que ces visuel et vidéo, librement accessibles au public, pouvaient aisément être supprimés à condition de se replacer aux époques où ils avaient été publiés.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société M Motors automobiles France ne démontre aucune difficulté particulière qui l’aurait empêchée de supprimer le visuel et la vidéo litigieux sur ses pages facebook et twitter avant que l’astreinte ne commence à courir. Elle ne peut arguer des efforts accomplis ni de sa bonne foi alors que c’est seulement après la délivrance de l’assignation du 27 octobre 2017 et après les constats d’huissier effectués à l’initiative de l’association France nature environnement qu’elle a fini par exécuter de manière complète l’obligation mise à sa charge par le jugement du 12 avril 2017.

Toutefois l’association France nature environnement ne demande pas la liquidation de l’astreinte aux sommes de 273 000 euros et de 276 000 euros correspondant à 273 jours de retard pour le visuel 13 et à 276 jours de retard pour la vidéo, au taux journalier de 1 000 euros fixé par le jugement du 12 avril 2017 mais se borne à demander la confirmation du jugement déféré qui, tenant compte en particulier de ce que la société M Motors automobiles France a exécuté partiellement son obligation de cessation des diffusions des visuels, a liquidé l’astreinte à 180 000 euros au titre du visuel 13 et de 182 000 euros au titre de la vidéo ‘mon défi Ekiden’ et a condamné la société au paiement de ces sommes.

Le jugement sera donc confirmé.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et condamnation fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, sauf à rectifier l’erreur matérielle qu’il contient sur le montant de la condamnation au profit de l’association France nature environnement qui est de 2 613,60 euros et non de 613,6 euros.

Partie perdante, la société M Motors automobiles France sera condamnée aux dépens d’appel comprenant ceux de l’arrêt cassé et condamnée à régler à l’association France nature environnement et à l’association Surfrider foundation Europe au titre des frais irrépétibles qu’elles ont été contraintes d’exposer en appel la somme de 2 500 euros à la première et celle de 1 500 euros à la seconde.

PAR CES MOTIFS

Vu l’arrêt de la Cour de cassation en date du 20 janvier 2022 ;

Met hors de cause l’association Surfrider foundation Europe ;

Rejette la fin de non- recevoir tirée de l’existence d’une transaction soulevée par la société M Motors automobiles France ;

Confirme le jugement déféré, sauf à rectifier le montant de la somme que la société M Motors automobiles France est condamnée à régler à l’association France nature environnement sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, qui est de 2 613,60 euros ;

Y ajoutant,

Condamne la société M Motors automobiles France à régler la somme de 2 500 euros à l’association France nature environnement et celle de 1 500 euros à l’association Surfrider foundation Europe sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société M Motors automobiles France aux dépens d’appel comprenant ceux de l’arrêt cassé.

Le greffier

Ismérie CAPIEZ


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