Retenues sur salaire : 8 septembre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/00910

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Retenues sur salaire : 8 septembre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/00910

N° RG 20/00910 – N° Portalis DBV2-V-B7E-INRV

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 22 Janvier 2020

APPELANT :

Monsieur [M] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Eléonore LAB SIMON de la SELARL DPR AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEES :

Me [P] [F] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL [C] BILCEI

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Florent DUGARD de la SCP VANDENBULCKE & DUGARD, avocat au barreau de ROUEN

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Guillaume DES ACRES DE L’AIGLE de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 29 Juin 2022 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 29 Juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 08 Septembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 08 Septembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [M] [N] a été engagé en qualité de couvreur par la SARL [C] Bilcei par contrat de travail à durée indéterminée du 11 mai 2009.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment du 8 octobre 1990.

Le 28 février 2012, le tribunal de commerce de Rouen a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société [C] Bilcei et a arrêté le 30 avril 2013 un plan de continuation.

Le 17 septembre 2013, M. [N] a été élu délégué du personnel.

Le 23 février 2015, une altercation violente est survenue entre M. [N] et M. [C].

Le 10 juin 2015, l’inspecteur du travail a refusé le licenciement pour faute grave de M. [N].

Le 16 juillet 2015, le médecin du travail a constaté l’inaptitude de M. [N] en une seule visite compte tenu d’un danger immédiat. Le licenciement de M. [N] a été autorisé par l’inspecteur du travail le 5 octobre 2015 et la rupture du contrat de travail a été notifiée au salarié le lendemain.

Par jugement du 3 janvier 2017, le tribunal de commerce de Rouen a ouvert à l’encontre de la société [C] Bilcei une procédure de liquidation judiciaire, et a désigné Mme [P] [F] en qualité de mandataire liquidateur. Un plan de cession a été arrêté le 28 mars 2017.

Par requête initiale du 9 avril 2015 réinscrite après radiation le 18 décembre 2018, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen en résiliation judiciaire de son contrat de travail et paiement de rappels de salaires et dommages et intérêts.

Par jugement du 22 janvier 2020, le conseil de prud’hommes a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SARL [C] Bilcei représentée par Mme [P] [F], ès qualités, la somme de 300 euros net à titre d’une retenue injustifiée sur salaire du mois de février 2015, débouté M. [N] du surplus de ses demandes, débouté Mme [F], ès qualités, de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dit que la décision ne pourra être déclarée au CGEA en qualité de gestionnaire de l’AGS que dans les limites prévues aux articles L. 3253-6 et suivantes du code du travail et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, donné acte au CGEA de son intervention dans le cadre des dispositions de l’article L. 625-3 du code du commerce relatif au redressement et la liquidation judiciaire des entreprises, dit que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, condamné M. [N] aux dépens.

M. [M] [N] a interjeté appel de cette décision le 21 février 2020.

Le 1er mars 2022, la liquidation judiciaire de la société [C] Bilcei a été clôturée pour insuffisance d’actif avec radiation d’office du registre du commerce et des sociétés à la même date.

Suivant ordonnance du président du tribunal de commerce de Rouen du 7 juin 2022, Mme [F] a été désignée en qualité de mandataire ad’hoc de la société [C] Bilcei.

Par conclusions remises le 20 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [M] [N] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de ses demandes, en conséquence, statuant à nouveau, le déclarer recevable et bien fondé à solliciter la réparation de l’intégralité de ses préjudices liés aux manquements de l’employeur à l’origine de son licenciement pour inaptitude, débouter l’AGS de ses demandes incidentes, dire que la société [C] Bilcei a manqué à ses obligations de loyauté, de sécurité de résultat, qu’elle a commis des faits de harcèlement moral à son encontre, et fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société [C] Bilcei les sommes suivantes :

indemnité à raison des faits de harcèlement moral : 30 000 euros,

indemnité pour perte injustifiée de son emploi : 30 000 euros,

indemnité de préavis : 5 194,98 euros,

congés payés sur préavis : 519,50 euros,

-fixer en outre au passif de la liquidation judiciaire de la société [C] Bilcei la réparation des préjudices distincts au titre de l’entrave à l’exercice du mandat de délégué du personnel à la somme de 10 000 euros,

-fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société [C] Bilcei le paiement des heures supplémentaires effectuées au titre des années 2012 – 2013 – 2014, à raison des montants suivants :

2012 : 3 630,02 euros bruts,

2013 : 5 936,48 euros bruts,

2014 : 8 641,27 euros bruts.

congés payés sur les heures supplémentaires : 1 820,77 euros,

repos compensateurs : 13 031,10 euros,

congés payés sur les repos compensateurs : 1 303,10 euros,

-fixer la créance au passif de la liquidation judiciaire de la société [C] Bilcei la somme de 15 584,94 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

-ordonner la remise des bulletins de salaires rectifiés sous astreinte de 75 euros par jour de retard et par document à compter de l’arrêt, dire que la cour se réservera la faculté de liquider l’astreinte ainsi ordonnée,

-déclarer l’ensemble des condamnations opposables à l’AGS- CGEA de [Localité 4] dans la limite des plafonds fixés par la loi,

-condamner Mme [F], ès qualités, au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mme [F], ès qualités, aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 21 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme [F], ès qualités, demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, condamner M. [M] [N] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais prévus par l’article 700 du code de procédure civile exposés en cause d’appel, outre les entiers dépens.

Par conclusions remises le 22 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, l’Unedic délégation AGS-CGEA de [Localité 4] demande à la cour :

-à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, par conséquent, débouter M. [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, mettre le CGEA hors de cause, en ce qui concerne toute demande se rattachant à la résiliation judiciaire sollicitée en réalité par M. [N],

-subsidiairement, ramener à de plus justes proportions les demandes présentées par M. [N], et ne lui rendre opposable la décision à intervenir qu’à hauteur de la somme maximum de plafond 6 applicable, soit de 76 080 euros bruts, la mettre hors de cause sur les demandes d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

-en tout état de cause, rappeler que la garantie de l’AGS n’a qu’un caractère subsidiaire et lui déclarer la décision opposable dans la seule mesure d’insuffisance de disponibilités entre les mains du mandataire judiciaire, que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L .3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L.3253-18, L.3253-19, L.3253-20, L.3253-21, L.3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, statuer ce que de droit quant aux dépens et frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à la charge du CGEA.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 29 juin 2022 avant l’ouverture des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires et les repos compensateurs

– Sur la prescription

Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Il y a lieu d’observer que cette disposition applicable depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 comporte deux mentions relatives au temps :

-la première mention fixe un délai pour agir, c’est-à-dire pour saisir le tribunal,

– la seconde mention (« les sommes dues au titre des trois dernières années») n’est pas un délai de prescription mais une limite dans le temps imposée par le législateur à l’assiette de la créance d’arriérés de salaires, celle-ci, bien qu’étant d’une durée égale en valeur absolue, pouvant être circonscrite, selon les cas, à une période différente de la période gouvernant la recevabilité de l’action.

Selon l’article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, les dispositions des article L. 3245-1 et L. 1471-1 du code du travail s’appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, à savoir cinq ans conformément aux dispositions de l’article 2224 du code civil.

En l’espèce, conformément à l’application des dispositions des articles L. 3242-1 et L. 3141-22 du code du travail, le délai de prescription de l’action en rappels de salaires courant à compter de chaque date à laquelle la créance salariale est devenue exigible, soit pour les salariés payés au mois comme M. [N] à compter à la date habituelle du paiement des salaires mensuels, toutes les demandes correspondant à un rappel de salaires antérieur au 9 avril 2012, soit trois ans avant la date de saisine du conseil des prud’hommes qui a interrompu la prescription peu important que sa demande ait été présentée dans des conclusions postérieures, sont prescrites.

Or, M. [N] présente des demandes uniquement sur une période allant de juillet 2012 à décembre 2014. Aucune prescription n’est donc encourue.

– Sur le fond

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Il est acquis que le salarié doit fournir préalablement des éléments de nature suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l’espèce, à l’appui de sa demande, M. [N] produit des tableaux dactylographiés reprenant ses horaires de travail journalier, le nombre d’heures travaillées et les heures supplémentaires réalisées.

Il s’agit d’éléments suffisamment précis permettant utilement à Mme [F], ès qualités, d’y répondre, ces derniers étant, par ailleurs, étayés par la production de notes de services sur les horaires applicables à l’entreprise qui imposent notamment pour le second semestre 2014 des horaires de travail de 8 h à 12h, 8 heures étant l’heure d’arrivée sur le chantier et non l’heure d’arrivée à l’entreprise et de 13h30 à 17H30, cette heure de fin étant celle d’arrivée à l’entreprise, ainsi qu’une organisation du travail différente sur certains jours pour compenser des jours fériés.

En réponse, Mme [F], ès qualités, n’a aucun élément objectif à faire valoir, se contentant de dire que la demande n’est pas justifiée et de produire des bulletins de salaires censés justifiés le paiement d’heures supplémentaires mais qui ne concernent pas M. [N], mais MM. [I] [Z] et [H] [O], sans qu’il ne soit, au demeurant, donné d’explications sur l’utilité et l’objectif de la communication de ces pièces.

Au vu de ces éléments et de l’examen des bulletins de salaires qui confirment que le salarié a ôté de son décompte et du montant de sa demande les heures supplémentaires réglées par l’employeur, la cour a la conviction que le salarié a accompli des heures supplémentaires dans les proportions qu’il réclame, à savoir :

– pour l’année 2012 (juillet-décembre) : 300,30 heures supplémentaires effectuées dont 177,75 heures supplémentaires non payées, de sorte que sur la base d’un taux horaire non contesté de 13,27 euros brut, des majorations de 25 % et de 50 % applicables, cela justifie d’allouer à M. [N] une somme de 3 603,02 euros,

-pour l’année 2013 : 575 heures supplémentaires effectuées dont 329,50 heures supplémentaires non payées, de sorte que sur la base d’un taux horaire non contesté de 14 euros brut, des majorations de 25 % et de 50 % applicables, cela justifie d’allouer à M. [N] une somme de 5 936,48 euros,

-pour l’année 2014 : 534 heures supplémentaires effectuées dont 258,50 heures supplémentaires non payées, de sorte que sur la base d’un taux horaire non contesté de 16,68 euros brut, des majorations de 25 % et de 50 % applicables, cela justifie d’allouer à M. [N] une somme de 8 641,27 euros,

soit un total de 18 207,77 euros, outre la somme de 1 820,77 euros au titre des congés payés y afférents.

Par ailleurs, aux termes de l’article L. 3121-11 du code du travail dans sa version applicable au litige, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l’article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu’une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.

A défaut d’accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.

A défaut de détermination du contingent annuel d’heures supplémentaires par voie conventionnelle, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement donnent lieu au moins une fois par an à une consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, s’il en existe.

En l’espèce, il est constant que la convention collective applicable prévoit que le contingent annuel est fixé à 145 heures en cas d’annualisation du temps de travail et à 180 heures pour les salariés dont l’horaire de travail n’est pas annualisé. Quelque soit l’effectif de l’entreprise, toutes les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos fixée à 100 %.

En conséquence et eu égard aux motifs précédemment adoptés sur les heures supplémentaires, c’est à juste titre que M. [N] sollicite le paiement des sommes suivantes :

-pour l’année 2012 : 300,30 – 180 = 120,30 h x 13,27 euros = 1 596,38 euros

-pour l’année 2013 : 575 – 180 = 395 h x 14 = 5 530 euros

-pour l’année 2014 : 534 – 180 = 354 h x 16,68 = 5 904,72 euros

soit un total de 13 031,10 euros, outre la somme de 1 303,10 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement est donc infirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

Il résulte de l’article L. 8221-5 du code du travail qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche, soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Selon l’article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, s’il est effectivement justifié d’heures de travail effectuées par le salarié non rémunérées par l’employeur, il n’est cependant pas suffisamment établi que la société [C] Bilcei en avait connaissance et aurait intentionnellement mentionné un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, M. [N] n’ayant jamais fait de réclamations au cours de l’exécution du contrat de travail.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel.

L’article L. 1154-1 du même code, dans sa version postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable au cas d’espèce prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, M. [N] soutient que la situation de harcèlement moral qu’il entend dénoncer résulte des agissements suivants :

– l’entrave à ses fonctions de délégué du personnel

Il est constant que M. [N] a été élu en qualité d’unique délégué du personnel de l’entreprise le 17 septembre 2013 et que la première réunion mensuelle des délégués du personnel ne saura officiellement organisée que le 9 novembre 2014, soit un peu plus d’un an après l’élection. En outre, M. [N] verse aux débats des pièces qui établissent que par trois fois au mois de janvier 2015, son employeur a refusé de lui accorder des heures de délégation, ce qui a contraint le salarié à dénoncer la situation auprès de l’inspecteur du travail qui, le 10 février 2015, a rappelé à l’employeur ses obligations en la matière et plus particulièrement le fait que le délégué du personnel n’avait pas à effectuer ses heures de délégation obligatoirement au sein de l’entreprise ni à obtenir une autorisation préalable ou à respecter un délai de prévenance de quinze jours.

– la modification des conditions de travail et l’exercice de pression en vue de la signature d’une rupture conventionnelle

M. [N] expose qu’au mois de janvier 2015, son employeur lui a proposé une rupture conventionnelle de son contrat de travail et qu’en représailles de son refus, ce dernier lui a retiré l’utilisation du véhicule de fonction dont il disposait depuis son embauche. Il invoque également la retenue sur salaire au mois de février 2015 de 300 euros parfaitement injustifiée, ainsi que l’a jugé les premiers juges, disposition qui n’est pas remise en cause par les parties devant la cour.

Alors qu’il est établi par les pièces produites par l’employeur qu’une rupture conventionnelle a été proposée à M. [N] en janvier 2015 et que cette proposition a été refusée, il n’est pas contesté que dans un temps contemporain, M. [N] a perdu le droit d’utiliser un véhicule de l’entreprise à des fins personnelles.

– la multiplication des sanctions disciplinaires injustifiées

M. [N] évoque une mise à pied à l’issue d’une réunion du 17 février 2015 au cours de laquelle il aurait dénoncé l’affectation d’un salarié de l’entreprise sur un chantier comportant de l’amiante, sans habilitation et sans EPI, situation qui ne ressort cependant d’aucune pièce objective puisque cette sanction est uniquement évoquée dans un courrier écrit par le salarié lui-même et adressé à son employeur le 18 février 2015 qui, de surcroît, la présente lui-même comme une menace et non une sanction effective.

Ensuite, M. [N] se plaint de la mise à pied conservatoire prononcée le 2 avril 2015 pour sanctionner l’altercation survenue entre M. [C] et lui le 23 février 2015. Il ressort du courrier de l’inspecteur du travail répondant à la demande d’autorisation de licenciement présentée par l’employeur pour sanctionner ces faits que la mise à pied conservatoire a été maintenue dans des délais déraisonnables et anormaux, puisqu’alors que dans ces circonstances l’employeur a l’obligation de saisir l’inspecteur du travail dans un délai de huit jours à compter de la mise à pied conservatoire, la société [C] Bilcei a attendu le 29 avril 2015 pour présenter une première demande déclarée irrecevable, puis une nouvelle demande le 26 mai 2015 à laquelle l’inspecteur du travail n’a pas fait droit par décision du 10 juin 2015.

Malgré ce refus, par courrier du 19 juin 2015, la société [C] Bilcei a, en visant ces mêmes faits ainsi que le recours à une fausse attestation devant l’inspecteur du travail, notifié à M. [N] un avertissement et confirmé la mise à pied conservatoire sur la période du 2 avril au 16 juin 2015.

M. [N] a dû introduire une action en justice pour obtenir le paiement de cette mise à pied conservatoire injustifiée. Il produit, à ce titre, l’ordonnance de référé du 28 juillet 2015 constatant qu’à l’audience l’employeur a réglé une somme de 5 387,47 euros à titre de provision sur salaire pour la période allant du 2 avril au 30 juin 2015.

En outre, le 1er juillet 2015, un nouvel avertissement est décerné à M. [N] pour avoir, le 25 juin 2015, ‘ouvertement parlé auprès de vos collègues que vous aviez un compte ouvert chez gedimat et que vous réaliser des devis ‘au noir’ pour votre avocat. De fait vous commettez envers l’entreprise qui vous emploie des actes de concurrence déloyale qui constitue une menace pour sa pérennité économique’. Il est également reproché à M. [N] de porter une atteinte directe au pouvoir de direction de son employeur en ce qu’il critiquait dans un courrier du 27 juin 2015 le fait d’avoir uniquement des injonctions orales concernant les directives qui lui étaient données quant aux nouveaux horaires à respecter.

Alors que le 16 juillet 2015, M. [N] venait d’être déclaré inapte à son poste par le médecin du travail en une seule visite pour danger grave et imminent, ‘son état de santé étant totalement incompatible avec les modalités managériales en vigueur dans l’entreprise’, il a fait l’objet d’un nouvel avertissement le 26 juillet 2015 ‘en raison de multiples manquements professionnels’ tenant à une violation des règles d’hygiène et de sécurité et des règles de supervision hiérarchique rédigé en ces termes :

‘Il apparaît clairement que vous avez manipulé des devis pour les faire échapper au contrôle de vos supérieurs afin de traiter directement avec les clients. Or, sur l’affaire en question, nous constatons des manquements évident aux règles élémentaires d’hygiène et de sécurité, comme par exemple la disparition de la présence d’amiante.

De fait, vous avez mis sciemment en danger l’intégrité physique de vos collègues de travail. Nous constatons également que vous avez construit un dossier mettant en cause votre employeur en lui imputant des actes dont vous êtes en réalité l’auteur et l’acteur principal.

En effet, nous avions appris le 24/04/2015 en présence des inspecteurs du travail et des médecins du travail que vous veniez de vous porter partie civile dans un dossier d’amiante de 2012 après avoir tergiversé puis nié, et d’avoir dit que peut être vous alliez le faire et pour déclarer en fin de réunion que vous l’aviez fait après 4 heures de discussions ce qui a surpris l’ensemble des personnes présentes. Ce fait en dit long sur votre bonne foi sur l’ensemble des sujets qui ont été abordés ce jour-là vis-à-vis de l’ensemble de vos interlocuteurs.

Par ailleurs, le mardi 23 juin 2015, vous avez émis des propos malveillants à l’encontre de l’entreprise à vos collègues par exemples ‘que vous en n’aviez rien à foudre que la boîte ferme du moment que vous récupériez les 70 000 euros’, ‘que vous n’en avez rien à foutre du boulot des autres même s’ils n’ont plus. Ils se démerderont, chacun pour soi’ ou que ‘ vous étiez prêt à descendre à 50 000 euros avec le Q5 en plus’. Ces termes traduisent clairement une volonté de nuire à l’entreprise, d’autant que ce n’est pas la première fois que vous agissez de la sorte.

Outre ces propos totalement contraires à votre obligation de loyauté, vous avez proposé de l’argent aux salariés présents pour qu’ils signent des attestations contre leur employeur, ce qui est absolument intolérable. De tels agissements sont susceptibles d’être sanctionnés pénalement.

Le mardi 23 juin 2015, vous vous êtes présenté à votre poste à 8 heures et vous êtes reparti à 18 heures. De même ce mercredi 24 juin 2015, vous êtes arrivé à 8 heures au lieu de 10 heures et êtes reparti à 18 heures.

Bien que M. [G] vous les ait transmis de nouveau le 22/06/2015, nous vous rappelons une nouvelle fois que le mardi et le mercredi, vos horaires sont les suivants :10 heures à 12 heures le mardi matin, 10 heures à 13 heures le mercredi matin, puis reprise dans l’après-midi de 15 heures à 19 heures pour ces deux journées. De même, vous n’avez pas n’ont plus respecté vos horaires de travail le jeudi et le vendredi. Visiblement, vous vous obstinez à ne pas vouloir vous conformer aux directives et aux règles d’organisation de l’entreprise. Vous avez ainsi déclaré publiquement le mardi 23 juin 2015 que vous ne viendriez pas le samedi. Nous vous demandons de nouveau de respecter vos horaires et de cesser les troubles au sein de l’entreprise.

Enfin, le jeudi 25 juin 2015, vous avez passé beaucoup de temps sur votre mobile durant votre temps de travail aussi bien le matin qu’à la suite de votre reprise de travail l’après-midi. Vos appels n’étaient ni justifié par votre travail ni par votre mandat de délégué du personnel. Vous avez d’ailleurs été repris par votre collègue de travail à ce sujet.[…]

Nous espérons vivement que cet avertissement vous fera prendre conscience de la nécessité de faire preuve, en toutes circonstances d’implication, de professionnalisme, et d’adopter une attitude irréprochable durant vos heures de travail. À défaut, nous nous verrons contraints d’envisager une sanction plus grave à votre encontre.’

– le non-respect des obligations salariales

M. [N] invoque à ce titre le non paiement des heures supplémentaires et des difficultés pour connaître les horaires de l’entreprise ainsi que leur mise en oeuvre, le fait qu’il a dû saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir le paiement de sa période de mise à pied conservatoire injustifiée, et postérieurement à son licenciement pour obtenir le paiement de son indemnité de licenciement, qu’une somme de 300 euros lui a été retenue de manière indue sur son salaire du mois de février 2015.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, M. [N] présente des faits, qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement imputable à son employeur. Il incombe donc à ce dernier de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur l’entrave à l’exercice du mandat du salarié, l’employeur produit un courrier du 18 février 2015 à l’attention de l’inspecteur du travail, dans lequel il reconnaît ne pas avoir respecté ses obligations quant à la tenue de réunions mensuelles et à la mise en place de bons de délégation.

Néanmoins, il verse également aux débats deux attestations de salariés qui expliquent en des termes concordants et circonstanciés que depuis 2011, des réunions hebdomadaires avec le personnel d’encadrement étaient organisées, qu’à compter de 2013, ces réunions ont évolué et se sont transformées en réunion concernant l’ensemble des salariés de l’entreprise, de sorte que de manière informelle l’information et le dialogue avec tous les salariés, en ce compris M. [N] en qualité de délégué du personnel, existaient.

Au vu de ces éléments, et ainsi au demeurant que l’a retenu l’inspecteur du travail, il n’existe, malgré l’absence de procédure formelle garantissant l’information du délégué du personnel, aucune entrave à ce titre.

En revanche, l’employeur ne donne aucune explication liée à l’organisation de l’entreprise pour justifier du refus des heures de délégation sollicitées par M. [N] et de l’absence de mise en place de bons de délégation sans vérification préalable de l’activité du salarié.

Sur la perte du droit d’utiliser à des fins personnelles un véhicule de l’entreprise, dans la mesure où il résulte des pièces produites aux débats que cette situation résulte d’un usage ayant cours dans l’entreprise procurant aux salariés un avantage personnel et où l’employeur échoue à démontrer qu’il a été régulièrement dénoncé, il n’est pas établi que la privation subie par M. [N] à ce titre est étrangère à toute situation de harcèlement, peu important, par ailleurs ,de savoir si cet avantage était envisagé dans la proposition d’embauche faite à M. [N] le 26 mars 2009, l’un des documents produits par l’une et l’autre des parties étant nécessairement un faux sans qu’il soit possible de déterminer lequel des deux.

En effet, alors que l’employeur ne conteste pas l’existence de cet usage, la cour ne peut accorder aucune valeur à l’attestation de M. [J] rédigée en ces termes ‘je suis le responsable du pôle Design et Particulier. J’ai infirmer le 5 janvier 2015 M. [N] en sa qualité de délégué du personnel ainsi qu’aux salariés concernés dont M. [N] la suppression d’usage des véhicules d’entreprises pour les trajets domicile-travail et ce en présence de l’équipe dirigeante pour le 6/2/2015″, dans la mesure où la société [C] Bilcei décrivait, elle-même, au mois de mai 2015 dans sa demande d’autorisation de licenciement adressée à l’inspecteur du travail, une autre version, à savoir que le ‘2 septembre 2014 : pour limiter ses charges la société [C] s’est vue contrainte d’arrêter de faire bénéficier d’un véhicule de fonction à l’ensemble des personnels dont Monsieur [N]. La société [C] a donc dénoncé cet avantage en nature régulièrement à l’ensemble des salariés qui peuvent continuer d’utiliser les véhicules de la société comme véhicule de service dans le cadre de leur fonction. La société [C] informe M. [N] qu’il ne peut plus utiliser les véhicules de la société pour rentrer chez lui et faire des trajets personnels.’ De même, l’unique production d’un courrier adressé à l’inspection du travail mentionnant d’autres salariés que M. [N] privés de cet usage, sans que cette pièce ne soit accompagnée de la production du registre unique du personnel et d’attestations corroborant cette affirmation, n’a aucune valeur probante.

Sur les sanctions disciplinaires injustifiées, non seulement il n’est produit aucun élément permettant de corroborer les affirmations contenues dans ces décisions, mais de plus l’employeur produit lui-même d’autres avertissements délivrés les 22, 23, 24 juin 2015 reprochant respectivement une absence injustifiée non établie le samedi 20 juin, ou au contraire le fait d’être venu travailler le lundi 22 juin alors qu’il ne devait pas travailler, ou encore une insuffisance professionnelle caractérisée par une lenteur excessive dans l’exercice de vos fonctions, faits qui ne sont, de surcroît, pas plus justifiés par des éléments objectifs ou des attestations. Dans ces conditions, l’employeur échoue à démontrer que ces sanctions sont étrangères à une situation de harcèlement.

Il en est de même du non paiement des heures supplémentaires et de la retenue injustifiée de 300 euros sur le salaire de février 2015 ou encore du maintien de la mise à pied conservatoire injustifiée imposant à M. [N] une instance en référé pour obtenir le paiement de son salaire sur les trois mois d’avril à juin 2015.

Enfin, il convient de relever que l’employeur produit également un courrier de l’inspecteur du travail du 1er septembre 2015 par lequel il attire l’attention de la société [C] Bilcei sur les conditions de travail des salariés et la mauvaise gestion des risques pyscho-sociaux notamment depuis l’arrivée de M. [D] [G] en qualité de directeur d’exploitation, ce qui a introduit des modifications dans l’organigramme, la ligne hiérarchique ainsi que des changements d’organisation mal expliqués et mal vécus par les salariés et invitant l’employeur à établir un plan d’action.

Au vu de ces éléments pris dans leur ensemble, il convient de dire que M. [N] a été victime de harcèlement moral qui justifie, en l’absence de tout élément concret sur le retentissement sur son état de santé, puisqu’à l’exception de l’avis du médecin du travail qui a conclu à l’inaptitude du salarié, celui-ci ne communique aucune information sur son état de santé, l’allocation d’une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

En revanche, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’indemnisation du préjudice distinct au titre de l’entrave à l’exercice du mandat de délégué du personnel en l’absence de tout élément établissant la réalité d’un tel préjudice.

Sur la demande pour perte injustifiée de son emploi

Dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l’administration du travail de vérifier que l’inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement il ne lui appartient pas en revanche, dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral dont l’effet, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; ce faisant, l’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations.

En l’espèce, il est constant que le 16 juillet 2015, M. [N] a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail en une seule visite pour danger grave et imminent, ‘son état de santé étant totalement incompatible avec les modalités managériales en vigueur dans l’entreprise’.

Au vu des motifs adoptés précédemment, cette inaptitude trouve incontestablement sa cause dans le harcèlement moral subi par le salarié.

Ainsi, l’employeur a commis un manquement à son obligation de sécurité à l’égard de son salarié. Or, il ne démontre pas que la dégradation de l’état de santé de M. [N] est due à sa faute exclusive ou qu’il s’explique par des circonstances relevant de la force majeure, de sorte qu’il doit être déclaré responsable de la dégradation de l’état de santé ayant conduit à son licenciement pour inaptitude. Il convient, par conséquence, d’infirmer la décision entreprise.

En considération de son âge au moment de la rupture (42 ans), de son ancienneté (6 ans), de son salaire mensuel moyen brut incluant les heures supplémentaires de 2 597,49 euros et de ce qu’il ne justifie aucunement de sa situation professionnelle et financière postérieure à la rupture de son contrat de travail, il y a lieu de lui allouer l’indemnisation suivante :

5 194,98 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 519,50 euros au titre des congés payés y afférents,

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte injustifiée de son emploi.

Sur la garantie de l’AGS

Compte tenu de son licenciement pour inaptitude, M. [N] a abandonné sa demande de résiliation judiciaire. Il s’en suit que toute l’argumentation invoquée par l’Unedic Délégation AGS-CGEA de [Localité 4] sur la nature de la rupture du contrat de travail fondée sur une résiliation judiciaire est vaine et inopérante.

Compte tenu de la nature des sommes allouées, l’AGS doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, à défaut de fonds disponibles, et dans la limite des plafonds définis aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et ce y compris pour la demande au titre des tickets restaurants dont la nature de créance salariale n’est ni contestable ni sérieusement contestée.

Sur les autres demandes

Conformément à la demande présentée par M. [N], il convient d’ordonner à Mme [F], ès qualités, de remettre à M. [N] des bulletins de salaires rectifiés conformes à la présente décision, sans qu’il soit justifié d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner Mme [F], ès qualités, aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [N] la somme de 2 000 euros sur ce même fondement pour les frais générés tant en première instance qu’en cause d’appel et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande présentée au titre du travail dissimulé et au titre de l’indemnisation du préjudice subi pour entrave à l’exercice du mandat de délégué du personnel ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société [C] Bilcei, la créance de M. [M] [N] aux sommes suivantes :

18 207,77 euros au titre des heures supplémentaires réalisés de juillet 2012 à décembre 2014, outre la somme de 1 820,77 euros au titre des congés payés y afférents,

13 031,10 euros au titre des repos compensateurs dus pour les années 2012 à 2014, outre la somme de 1 303,10 euros au titre des congés payés y afférents,

1 000 euros à titre de dommages et intérêts par harcèlement moral,

5 194,98 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 519,50 euros au titre des congés payés y afférents,

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte injustifiée de son emploi,

Ordonne à Mme [F], ès qualités, de remettre à M. [N] des bulletins de salaires rectifiés conformes à la présente décision ;

Dit n’y avoir à lieu à assortir cette obligation d’une astreinte ;

Dit que l’Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 4] sera tenue à garantie pour ces sommes dans les conditions définies par les articles L.3253-6 et L.3253-8 et suivants du code du travail, à défaut de fonds disponibles ;

Condamne Mme [F], ès qualités, à payer à M. [M] [N] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [F], ès qualités, de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [F], ès qualités, aux entiers dépens de première d’instance et d’appel.

La greffièreLa présidente

 


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