COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT MIXTE
DU 08 SEPTEMBRE 2022
N° 2022/
CM/FP-D
Rôle N° RG 19/09161 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEMQL
[Y] [M]
C/
SAS SAVER
Copie exécutoire délivrée
le :
08 SEPTEMBRE 2022
à :
Me Salomé CASSUTO, avocat au barreau d’AIX-EN-
PROVENCE
Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’ARLES en date du 14 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00001.
APPELANT
Monsieur [Y] [M], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Salomé CASSUTO, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS SAVER Prise en la personne de son représentant légal en exercice., demeurant [Adresse 1]
représentée par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON,
et par Me Barbara MICHEL, avocat au barreau de NIMES
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [M] (le salarié) a été embauché selon contrat à durée déterminée du 3 novembre 2014 en qualité d’employé commercial de niveau II A par la société Saver (la société) pour une durée de trois jours. Le 6 novembre 2014, il a signé avec la même société un contrat à durée indéterminé à temps complet en qualité d’employé commercial de niveau 2B.
Le dernier état des relations contractuelles, il était employé commercial niveau 2B et percevait à ce titre un salaire mensuel moyen de 2667,46 euros bruts pour un horaire mensuel effectif de 251,67 heures.
Il a été licencié le 20 janvier 2022.
Se plaignant de discrimination en raison de son appartenance syndicale et de harcèlement moral, le salarié a saisi par requête du 1er septembre 2017, le conseil de prud’hommes d’Arles aux fins de voir fixer le salaire moyen à 1667,46 euros par mois, annuler les avertissements des 27 avril 2016 et 18 août 2016, annuler la mise à pied du 31 août 2017, condamner la société à lui verser un rappel de salaire et les congés payés afférents au titre de cette mise à pied, aux fins de voir dire qu’il a été victime de discrimination syndicale et de harcèlement moral de la part de la société, d’ordonner la cessation de tout comportement discriminatoire et harcelant, condamner la société à lui verser des dommages-intérêts en conséquence, condamner la société à lui payer un rappel de salaire au titre du temps d’habillage et de déshabillage, le remboursement du prix des chaussures de sécurité, une indemnité d’entretien de la tenue professionnelle, une somme au titre des heures de délégation retenues sur salaire et non payées pour deux heures de délégations prises en dehors du temps de travail, un rappel de salaire et les congés payés afférents au titre de la violation des dispositions conventionnelles relatives à la pause quotidienne, une indemnité au titre du travail dissimulé, une indemnité au titre du non-respect des minimas légaux, des dommages-intérêts pour recours abusif au travail de nuit outre une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société s’est opposée aux demandes du salarié et a demandé à titre reconventionnel de vérifier que la prise des 42 heures de délégation en dehors du temps de travail était bien justifiée par la nécessité du mandat de délégué du personnel, à défaut d’ordonner le remboursement d’une somme de 452,42 euros indûment perçue, d’ordonner au salarié d’informer la direction par écrit au plus tard au moment de la prise des heures de délégation, de le condamner à lui payer des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement de départage du 14 mai 2019, le conseil de prud’hommes d’Arles a :
condamné la société Saver à payer à M. [M] la somme de 227,33 euros de rappel de salaire et 22,73 euros au titre des congés payés afférents sur les majorations pour jours fériés,
condamné M. [M] à verser à la société Saver la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
débouté M. [M] de ses autres demandes,
débouté la société Saver de ses autres demandes,
dit n’y avoir lieu au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 7 juin 2019, M. [M] a interjeté appel dans les formes et délais légaux en précisant que son appel tendant à la réformation, était limité aux chefs de jugement expressément critiqués : en ce qu’il l’a condamné à payer un rappel de la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, en ce qu’il l’a débouté de ses autres demandes à savoir : fixer la moyenne des salaires à 1667,46 euros par mois, annuler l’avertissement du 27 avril 2016, annuler l’avertissement du 18 août 2016, annuler la mise à pied conservatoire du 31 août 2017 et condamner la société à lui verser la somme de 230,87 euros outre 23 euros de congés payés afférents, dire que la société s’est rendue l’auteur de discrimination syndicale à son égard, dire que la société s’est rendue l’auteur de harcèlement à son égard en conséquence, ordonner la cessation de tout comportement discriminatoire et harcelant, condamner la société à lui verser la somme de 10’004,76 euros à titre de dommages-intérêts, constater le non-respect par la société des dispositions applicables en matière d’habillage et de déshabillage, la condamner à lui verser la somme de 1027,52 euros de rappel de salaire outre le versement de 52,90 euros correspondant au prix des chaussures de sécurité, condamner la société à lui verser la somme de 165 euros au titre de l’indemnité d’entretien de la tenue professionnelle (somme à parfaire au jour de la décision), condamner la société à lui verser la somme de 56,12 euros au titre des heures de délégation retenues sur salaire et non payées au titre des heures de délégations prises en dehors du temps de travail, constater la violation des dispositions conventionnelles relatives à la pause quotidienne et en conséquence condamner la société à lui verser la somme de 2195 euros bruts outre 219,50 euros à titre d’incidence congés payés afférents, (somme à parfaire au jour de la décision), condamner la société à lui verser la somme de 10’004,76 euros au titre de l’indemnité spécifique pour travail dissimulé, condamner la société à lui verser la somme de 10’004,76 euros au titre du non-respect des minimas légaux, dire que la société a eu recours abusivement au travail de nuit, condamner la société à lui verser la somme de 1667,46 euros à titre de dommages-intérêts pour recours abusif au travail de nuit, condamner la société à lui verser la somme de 2000 euros de l’article 700 du code de procédure civile- dit n’y avoir lieu au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 26 août 2019, M. [M] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné à payer à la société la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu’il a débouté de ses autres demandes, en conséquence :
fixer la moyenne des salaires à 1667,46 euros par mois,
annuler l’avertissement du 27 avril 2016,
annuler l’avertissement du 18 août 2016,
annuler la mise à pied conservatoire du 31 août 2017 et condamner la société à lui verser la somme de 230,87 euros outre 23 euros de congés payés afférents,
juger que la société Saver s’est rendu l’auteur de discrimination syndicale à son égard,
juger que la société Saver s’est rendu auteur de harcèlement à son égard,
en conséquence,
ordonner la cessation de tout comportement discriminatoire et harcelant,
condamner la société Saver à lui verser la somme de 10’004,76 euros à titre de dommages et intérêts,
condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
1027,52 euros de rappel de salaire pour non-respect des dispositions applicables en matière d’habillage et de déshabillage,
52,90 euros correspondant au prix des chaussures de sécurité,
165 euros au titre de l’indemnité d’entretien de la tenue professionnelle (somme à parfaire au jour de la décision),
56,12 euros au titre des heures de délégation retenues sur salaire et non payées concernant les heures de délégation prise en dehors du temps de travail,
2195 euros bruts outre 219,50 euros à titre d’incidence congés payés (somme à parfaire au jour de la décision) pour violation des dispositions conventionnelles relatives à la pause quotidienne,
10’004,76 euros d’indemnité pour travail dissimulé,
10’004,76 euros du non-respect des minimas légaux,
1667,46 euros à à titre de dommages-intérêts pour recours abusif au travail de nuit,
2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon les dernières conclusions de son avocat remis au greffe de la cour 22 avril 2022, la société Saver faisant appel incident, demande à la cour de :
sur l’appel principal,
confirmer le jugement du conseil de prud’hommes qu’il a débouté M. [M] de ses demandes, en ce qu’il a condamné M. [M] à des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sauf à rapporter le montant de la condamnation à ce titre à la somme de 3000 euros,
subsidiairement limiter le montant des dommages-intérêts à l’euro symbolique faute de preuves d’un préjudice,
sur l’appel incident,
infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 227,33 euros de majoration pour jours fériés outre 22,73 euros de congés payés correspondant et en ce qu’il a rejeté sa demande reconventionnelle au titre des heures de délégation,
et statuant à nouveau,
rejeter la demande de paiement de la somme de 227,33 euros de majoration pour jours fériés outre 22,73 euros de congés payés correspondants,
ordonner le remboursement par M. [M] de la somme de 452,42 euros indûment perçue au titre des 42 heures de délégation en dehors du temps de travail et non justifiées,
en tout état de cause,
condamner M. [M] à lui payer la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La clôture des débats a été ordonnée le 2 mai 2022. L’affaire a été évoquée à l’audience du 16 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes d’annulation de sanctions et demande de rappel de salaire afférente
Pour contester le jugement entrepris qui l’a débouté de sa demande tendant à l’annulation des trois sanctions des 27 avril 2016, 18 août 2016 et 31 août 2017, le salarié soutient que celles-ci sont infondées et sont intervenues à raison de son appartenance syndicale et de ses fonctions représentatives au sein de l’entreprise, exposant qu’il a fait l’objet de sanctions en suite de sa demande orale le 31 janvier 2015 d’organisation d’élections au dirigeant de la société, le 2 février 2015, le 19 mars 2015 et le 31 mars 2015 puis après son élection en qualité de délégué du personnel le 1er février 2016, les 27 avril 2016, 18 août 2016 et 31 août 2017 et que dans le cadre de son activité syndicale, titulaire de quatre mandats (délégué du personnel, représentant syndical, délégué syndical et conseiller du salarié), il a dû se livrer à de nombreux combats pour faire respecter les dispositions légales au sein de la société.
1/Sur le moyen tiré du caractère infondé des sanctions
Selon les articles L. 1333-1 et suivants du contrat, en cas de litige, la juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’elle estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La juridiction peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
-a- sur l’avertissement du 27 avril 2016
Pour contester le jugement entrepris qui l’a débouté de sa demande tendant à l’annulation de cet avertissement, le salarié soutient d’une part que la faute liée à la présence de périmés retrouvés dans le rayon alcool ne lui est pas imputable puisqu’il n’est pas responsable du rayon des boissons alcoolisées ni des bières, d’autre part que la réalité du grief n’est pas établie puisqu’un audit avait été réalisé en décembre 2016 sans constatation de périmés, enfin que le dépassement de la date limite d’utilisation optimale (DLUO) ne présente aucun risque pour la santé des clients et que la direction n’a jamais donné de directives claires et précises prescrivant aux salariés de retirer les produits dont la DLUO était dépassée.
La société fait valoir que le salarié était en charge du rayon des boissons non alcoolisées (BNA) comprenant le rayon des bières dans la nomenclature des surfaces de vente alimentaire, que sa fiche de fonction précise qu’il doit assurer le retrait anticipé des produits de ses rayons (DLC,DLUO) suivant les consignes de la direction, s’agissant au demeurant d’une règle de base de toute surface de vente alimentaire, que le fait qu’elle n’ait pas répondu à son courrier ne signifiait pas approbation des termes de celui-ci, qu’il avait déjà reçu un avertissement pour ce même motif par l’ancienne direction le 2 février 2015.
S’il est constant que le salarié n’est pas responsable du rayon des boissons alcoolisées mais du rayon des boissons non alcoolisées, en l’absence de toute mention sur le contrat de travail et de toute fiche de poste signée ou paraphée par le salarié précisant qu’il est chargé du rayon des bières, étant précisé qu’il a dès son courrier du 1er mai 2016, contesté avoir la responsabilité du rayon des bières, indiquant qu’une autre personne s’en occupait à son arrivée et que depuis la prise de fonction de la nouvelle direction, ‘un peu tout le monde participait de fait à ce rayon’, il n’est pas certain qu’il était responsable du rayon des bières ou que celui-ci était intégré au rayon des boissons non alcoolisées, en sorte qu’ il existe un doute sur l’imputabilité au salarié des griefs portant sur la présence de 48 périmés dans le rayon des bières : 2 périmés Corno, 15 périmés Gulden Draak, 17 périmés Petrus Red, 1 périmé 3 Montd, 7 de Blanche Namur, 1 de Cicadra, 2 de Petrus Blonde, 3 Kriek Mort de rire.
L’avertissement du 27 avril 2016 sera en conséquence annulé et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il l’a débouté de cette demande.
-b- sur l’avertissement du 18 août 2016
Le 18 août 2016, le salarié a fait l’objet d’un avertissement pour avoir proféré des insultes à l’encontre de deux salariés : en qualifiant M. [Z] de ‘gros con’ en s’adressant à sa compagne le 25 juin 2016 (ton mari, c’est un gros con) et le 28 juin 2016 en traitant Mme [O] de ‘morue’.
Le salarié dénie les accusations qu’il estime mensongères en faisant valoir l’antisyndicalisme de M. [Z] sur les réseaux sociaux, et que l’autre salariée témoin ne se trouvait plus dans l’entreprise au moment de la notification de l’avertissement.
Peu importe les commentaires en ligne de M. [Z] concernant le syndicalisme, il ressort du témoignage de sa conjointe, Mme [R], dont la valeur probante n’est pas utilement remise en cause que le 25 juin 2016, elle a croisé M. [M] devant le rayon des bières qui lui a dit ‘ton mari c’est un gros con’ et qu’il lui a fait la bise, ne comprenant pas s’il le disait en ‘rigolant’ ou pas mais qu’elle a pris pour une insulte gratuite face à laquelle elle a été choquée.
De même il ressort du témoignage de Mme [O] dont la valeur probante n’est pas utilement contestée, que le 28 juin 2016, se rendant dans le rayon des liquides pour prendre des boissons, l’appelant lui a demandé d’un ton méchant de bien refaire son facing, qu’elle lui a dit avoir fait et qu’en repartant il a osé lui dire ‘morue’ sur un ton méchant, ce à quoi elle n’a pas répondu.
Ces propos insultants à l’égard de collègues caractérisent des faits fautifs justifiant l’avertissement du 18 août 2016.
-c- sur la mise à pied du 31 août 2017
Par courrier du 31 août 2017, le salarié a fait l’objet d’une mise à pied de trois jours pour avoir le 12 juillet 2017 :
– délibérément bloqué à plusieurs reprises l’accès au frigo des surgelés en positionnant devant des marchandises en dépit d’un panneau ‘ne rien mettre devant cette porte’,
– bloqué délibérément et complètement l’accès aux réserves sec et frais, en déclarant à ses collègues qui lui demandaient de libérer le passage : ‘rien à foutre, je vais tout bloquer’,
– refusé de retirer les marchandises bloquant l’accès aux réserve à la demande de ses collègues,
– refusé d’appliquer les consignes des responsables lui ayant demandé de débloquer immédiatement la réserve pour laisser les équipes travailler dans des conditions de travail respectant la sécurité de chacun,
– refusé à plusieurs reprises de respecter les directives de la dirigeante qui a dû escalader les palettes pour débloquer l’accès aux réserves.
Pour contester le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’annulation de cette sanction, le salarié fait valoir qu’il n’a fait qu’appliquer les règles mises en place par l’ancien dirigeant concernant l’entreposage des caisses et qu’il appartient à l’employeur de prouver qu’il avait reçu des consignes de rangement des réserves et de la réception des marchandises différentes. Il argue également d’une irrégularité de procédure en ‘s’étonnant’ de la présence de Mme [A] qui a été partie prenante dans les incidents aux côtés de Mme [J], présidente de la société, lors de l’entretien préalable.
Il ressort de l’attestation de Mme [F], membre de l’entreprise et déléguée du personnel titulaire qui a assisté le salarié lors de l’entretien préalable du 7 août 2017 que Mme [A] était la seule dirigeante présente, en sorte que le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure sera rejeté.
Ce n’est pas tant le non-respect des consignes d’entreposage qui lui est reproché que de s’être délibérément opposé à l’ordre que lui donnait la dirigeante de débloquer immédiatement la réserve et d’avoir délibérément bloqué l’accès aux réserves, empêchant ses collègues d’y accéder.
Les attestations circonstanciées et concordantes de MM [Z] et [G], qui ne sont pas utilement contestées par l’appelant, établissent la réalité des faits reprochés. En effet, M. [G] indique qu’au bout de la quatrième fois, agacé il a décidé d’aller voir M. [M] pour lui demander d’enlever les palettes et de les ranger ailleurs et d’arrêter de bloquer les frigos, car cela les empêchait de travailler, il lui a répondu ‘rien à foutre, je vais tout bloquer’, que lorsque la responsable est arrivée M. [M] s’est énervé contre elle. M. [Z] atteste quant à lui que le salarié avait bloqué le passage de la réserve au point de ne plus pouvoir passer même à pied, que la responsable lui a demandé gentiment de laisser de la place mais qu’il a refusé, qu’elle a appelé Mme [J] qui est arrivée et qui a demandé à M. [M] à plusieurs reprises de dégager les palettes et que ce dernier s’y est opposé au point que la présidente a dû enlever elle-même les palettes.
Au regard des manquements reprochés confinant à de l’insubordination, la mise à pied de trois jours est justifiée.
2/ Sur le moyen tiré du caractère discriminatoire de ces sanctions
Selon les dispositions de l’article L. 2141-5 du code du travail, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter se décisions en matière notamment de mesure de discipline.
La teneur des lettres de sanction des 26 avril 2016, 18 août 2016 et 31 août 2017 ne laisse aucunement apparaître aucune référence à l’appartenance syndicale ou à l’exercice par le salarié de son activité syndicale, étant précisé qu’au cours de l’entretien préalable du 7 août 2017 ayant donné lieu à la mise à pied de trois jours, le salarié a lui-même reproché à la dirigeante de ‘vouloir se payer le délégué du personnel’ et que celle-ci lui a toujours répondu qu’il était reçu en sa qualité de salarié. En outre les deux dernières sanctions étaient justifiées par les faits reprochés. L’avertissement du 27 avril 2016 a été annulé en raison d’un doute sur l’imputabilité des faits au salarié, sans pour autant que la teneur neutre de cette sanction laisse supposer l’existence de discrimination.
Ce moyen sera donc rejeté par la cour.
En définitive, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [M] de ses demandes d’annulation de l’avertissement du 18 août 2016 et de la mise à pied du 31 août 2017, mais infirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’annulation de l’avertissement du 27 avril 2016.
Sur la discrimination syndicale
Le salarié soutient qu’il a fait l’objet de discrimination syndicale, arguant d’une différence de traitement dans le cadre des procédures disciplinaires engagées, qui s’est manifestée par de multiples sanctions à compter de sa demande d’organisation d’élections du personnel auprès de l’ancienne direction en janvier 2015, par le fait que lorsqu’il a été victime d’une agression l’entreprise n’a pas d’emblée diligentée une enquête mais qu’il a fallu l’insistance du délégué syndical alors que dès que deux collaborateurs se sont dits insultés par lui, la réponse a été immédiate, par le fait de lui avoir reproché de porter une veste polaire à l’enseigne d’un concurrent en refusant de mettre à sa disposition une veste polaire à l’enseigne du magasin alors qu’elle l’avait distribuée à d’autres salariés.
La société estime que le salarié ne prouve pas la discrimination, précisant qu’il a reçu sa première sanction en février 2015 alors que sa période d’essai venait de s’achever, qu’il a alors réagi en sollicitant l’organisation d’élections professionnelles par courrier du 2 mars 2015 alors qu’il y avait déjà des délégués du personnel en place au sein de l’entreprise, qu’il a reçu des sanctions lorsqu’il a fait preuve de comportement inadéquat au même titre que ses collègues.
Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être sanctionnée en raison notamment de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes.
En vertu de l’article L. 1134-1 du code du travail, lorsqu’un litige survient en raison d’une discrimination syndicale, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Le salarié a fait l’objet d’un premier avertissement le 2 février 2015, pour avoir laissé 67 bouteilles de lait périmées en rayon, d’un second le 19 mars 2015 pour avoir quitté son poste de travail sans terminer ses tâches, d’un troisième le 31 mars 2015 pour non respect des consignes, puis les 27 avril 2016, 18 août 2016 et d’une mise à pied le 31 août 2017, étant précisé qu’il a été élu délégué du personnel le 1er février 2016.
Le 18 décembre 2017, la société a envoyé au salarié un courrier de rappel de principe général pour notamment avoir porté le 4 décembre 2017 une veste rouge d’une enseigne concurrente portant une inscription ‘avec nous vous allez aimé le hard discount’ alors même qu’il lui avait été demandé le 29 novembre de masquer le slogan.
Le 23 septembre 2016, il n’a pas été remis au titre des vêtements de travail de polaire rouge à l’enseigne Inter marché.
Ces éléments établis ne laissent pas supposer l’existence d’une discrimination.
En effet, il existait des délégués du personnel en place lors la première sanction du 2 février 2015. C’est effectivement en réaction à cette sanction que le salarié a écrit à son employeur le 28 février 2015 en lui faisant remarquer que c’était depuis sa demande de mise en oeuvre d’élections professionnelles le 30 janvier 2015 que la relation professionnelle s’était dégradée. Or cette assertion n’est pas corroborée par aucun des éléments extérieurs à l’appelant et ce dernier n’a pas contesté judiciairement les sanctions de 2015 qui sont donc justifiées par les manquements invoqués, exempts de toute discrimination syndicale.
La teneur des lettres de sanction des 26 avril 2016, 18 août 2016 et 31 août 2017 ne laisse apparaître aucune référence à l’appartenance syndicale ou à l’exercice par le salarié de son activité syndicale, étant précisé qu’au cours de l’entretien préalable du 7 août 2017 ayant donné lieu à la mise à pied de trois jours, le salarié a lui-même reproché à la dirigeante de ‘vouloir se payer le délégué du personnel’ et que celle-ci lui a toujours répondu qu’il était reçu en sa qualité de salarié. En outre les deux dernières sanctions étaient justifiées par les faits reprochés. L’avertissement du 27 avril 2016 a été annulé en raison d’un doute sur l’imputabilité des faits au salarié, sans pour autant que la teneur neutre de cette sanction en laisse supposer l’existence de discrimination.
Le salarié n’a pas reçu de veste polaire à l’enseigne du magasin lors de la remise des vêtements professionnels le 23 septembre 2016 mais il ne justifie pas qu’il avait été remis aux salariés de sa catégorie de ce type de vêtements ni qu’il en avait fait la demande avant son courrier du 26 janvier 2018, alors même qu’il avait pu porter un tel vêtement qui lui aurait été remis par un de ses collègues selon ses dires.
Par ailleurs, nombre de ses collègues ont fait l’objet de sanctions. La société justifie avoir diligenté sans retard les enquêtes nécessaires pour répondre de manière la plus adaptée aux plaintes du salarié à l’encontre de deux de ses collègues et avoir sanctionné celui contre lequel les faits d’insultes étaient avérés d’une mise à pied.
Il s’ensuit que le salarié n’a pas fait l’objet de discrimination syndicale et qu’il sera débouté de sa demande tendant à faire cesser toute discrimination syndicale à son égard et de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.
Sur le harcèlement moral
Le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande de harcèlement moral en faisant valoir que celui-ci s’est manifesté par : des sanctions infondées et répétées, une menace de sanction pour une absence injustifiée du 13 avril 2017, des courriers incessants de rappel à l’ordre, un comportement irrespectueux en imputant à son absence la rupture du dialogue social alors que celle-ci était justifiée par un arrêt maladie, des courriers de reproches, le comportement violent de plusieurs collaborateurs de l’entreprise sans véritable intervention de la direction (Mme [V], M. [T]), le contrôle inadéquat sur l’utilisation des heures de délégation en l’obligeant à remplir une fiche de renseignement pour chaque heure de délégation, le fait de lui avoir reproché de porter une veste polaire à l’enseigne d’un concurrent en refusant de mettre à sa disposition la veste polaire d’Inter marché correspondant aux contraintes de froid auxquelles il est soumis, le fait de lui avoir intimé l’ordre de quitter le rayon devant les clients et de façon brutale, l’arrêt maladie consécutif pour un état dépressif à compter du 16 septembre 2017, la désignation de Mme [N] en qualité de référente santé et sécurité pour l’entreprise au mépris des propres qualifications de M. [M] qui avait bénéficié de la formation ad hoc au contraire de la salariée désignée.
La société dénie tout fait de harcèlement moral, répondant notamment que les sanctions étaient justifiées, que les prétendus courriers incessants de sa part étaient les réponses qu’elle faisait aux missives du salarié, contestant toute agression de la part de Mme [V] après enquête, laquelle a d’ailleurs été licenciée pour faute grave depuis lors, indiquant avoir sanctionné M. [T] d’une mise à pied pour avoir insulté le salarié, mais qu’aucune agression physique n’avait été établie à la suite de l’enquête diligentée, que l’utilisation du formulaire d’information des heures de délégation est licite et accepté des délégués du personnel à l’exception du salarié, que ce dernier a dépassé son crédit d’heures de délégation en février 2017 en sorte qu’il ne pouvait être rémunéré des heures excédant son crédit, qu’il a pris 3 heures de délégation en dehors de son horaire de travail en avril 2017 qui lui ont été rémunérées.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement; il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
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Il est établi que le salarié a fait l’objet de sanctions les 2 février 2015, 19 mars 2015, le 31 mars 2015 puis les 27 avril 2016, 18 août 2016 et le 31 août 2017.
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Aux termes du courrier du 14 avril 2017, la société a mentionné que le salarié lui avait indiqué qu’il apporterait un certificat médical pour justifier son absence du 13 avril 2017 et a attiré l’attention de ce dernier sur la nécessité de suivre la prescription médicale de son médecin d’arrêt de travail de 6 jours afin d’éviter toute complication de son état de santé ou tout accident.
Il n’a pas été sanctionné et il ne ressort pas des écritures de l’employeur de menace de sanctions à ce titre. Ces fais ne seront pas retenus.
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Le salarié ne vise ni n’apporte aucune pièce pour présenter que l’employeur a imputé à son absence la rupture du dialogue social, en sorte que ces faits ne seront pas retenus.
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Concernant les courriers incessants et harcelants de l’employeur qui invoque à titre d’exemple, avoir reçu trois courriers recommandés en neuf jours, la cour note que le salarié ne vise pas expressément les courriers, en sorte qu’il ne présente pas précisément le fait reproché au titre du harcèlement moral.
S’il s’agit des courriers des 11, 14 et 20 avril 2017, le premier est une réponse à l’email du 22 mars 2017 qu’il avait adressé à l’employeur, le second concerne l’absence du 13 avril 2017 et sa reprise le 14 avril tout en remettant un certificat d’arrêt de travail du 13 au 18 avril 2017 ayant justifié pour l’employeur d’attirer son attention sur la nécessité de suivre la prescription médicale, et le dernier concerne le dépassement de deux heures de son crédit d’heures de délégation pour le mois de février 2017.
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Le 1er mars 2016, le salarié a écrit à son employeur pour se plaindre de ce que Mme [V] avait porté atteinte à l’exercice régulier de sa mission de délégué du personnel en lui interdisant d’avoir contact avec le personnel de la boulangerie qu’elle manage et qu’elle était ‘revenue à la charge en réitérant ces menaces’ à son encontre, qu’elle exerce une agressivité toute particulière à son égard depuis les élections du personnel, demandant à son employeur de faire cesser ces agissements qu’il qualifiait de harcèlement moral.
Le 22 mars 2016, la société a diligenté une enquête en partenariat avec la déléguée du personnel titulaire, Mme [D], convoquant M. [M], Mme [V], les quatre salariées affectées à la boulangerie et a fait procédé à la rédaction commune du compte-rendu duquel il ressort que Mme [V] n’a jamais interdit au personnel de la boulangerie d’avoir un contact avec le salarié ni avec toute autre personne, que le personnel de la boulangerie ne refuse pas de parler à ce dernier, que Mme [V] n’a pas proféré de menace, qu’elle a haussé le ton parce qu’elle se sentait agressée par ce dernier qui lui ‘aboyait’ dessus le 1er février 2016 et que le 1er mars, il avait posé sa main sur elle lorsqu’elle était venue lui demander pourquoi il était venu poser des questions à une des salariées sous sa responsabilité et qu’il avait commencé à la pousser, qu’elle lui avait demandé d’enlever sa main et ne s’était pas laisser faire, adoptant le même ton que lui. Il s’en infère que l’agressivité ressentie par le salarié n’a été que le mode de protection mise en oeuvre par Mme [V] à la relation agressive qu’il mettait lui-même en place, exempt de tout harcèlement moral.
Le 8 septembre 2016, le salarié a porté plainte devant les services de la police nationale d'[Localité 3] en indiquant que le 6 septembre 2016, M. [T] le responsable de la boucherie l’avait insulté en le traitant ‘d’enculé’ à plusieurs reprises, en le menaçant de lui fracasser la tête et qu’il avait collé son front contre le sien en lui donnant des petits coups pour essayer de le faire reculer. Le 7 septembre 2016, le salarié a écrit à l’employeur pour se plaindre de ces faits et dès le même jour, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable à sanction.
Si les insultes ont été reconnues, M. [T] a admis s’être rapproché de ce dernier pour le déstabiliser, il a dénié les faits de violence physique et les menaces. Aussi, à défaut d’autre élément de preuve, seuls les faits d’insultes de la part de M. [T] seront retenus.
Le salarié prétend que l’ensemble du personnel avait été sollicité par la direction afin de lui nuire ou de lui mettre la pression. Or l’agressivité qu’il avait ressentie de la part de Mme [V] avait été générée par son propre comportement. Aux termes de son attestation du 11 mai 2019 qu’elle a établie au bénéfice du salarié, elle indique qu’après les élections la direction lui avait demandé d’harceler M. [M] afin de faire une enquête pour le discréditer et que tout le personnel de la boulangerie avait reçu des consignes de la direction et d’elle-même de manière à abuser Mme [D]. Or cette attestation a été établie postérieurement à son licenciement pour faute grave et en l’absence d’éléments supplémentaires venant corroborer les faits qui y sont énoncés, elle ne présente pas de caractère suffisamment probant pour les établir.
Les insultes proférées à son encontre par M. [T] sont établies et la direction a réagi avec diligence et en adéquation avec la nature des faits reprochés par une mise à pied d’une journée le 19 septembre 2016, dans un contexte où M. [M] s’était imposé sans être sollicité par son collègue puisqu’il était venu dans le service de celui-ci qui était en train de faire les plannings de son équipe, pour lui donner des explications juridiques qu’il n’avait pas demandées, sans que ces éléments soient de nature à établir que la direction était à l’initiative de ce comportement.
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Selon les dispositions de l’article L. 2315-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, sauf circonstances exceptionnelles l’employeur laisse au délégué du personnel le temps nécessaire à l’exercice de ses fonctions dans la limite d’une durée de 10 heures dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
Il en résulte que les heures de délégation peuvent être prises aussi bien pendant qu’en dehors des heures de travail et que lorsqu’elles sont prises en dehors de l’horaire de travail en raison des nécessités du mandat, elles sont payées comme des heures supplémentaires.
Il est constant que la direction a demandé aux délégués du personnel de remplir une fiche pour chaque heure de délégation et que cette fiche soit remise en mains propres à Mme [J] ou Mme [A] au plus tard au moment de l’utilisation des heures de délégation. Ces fiches comportent la date, le nom de l’intéressé et le mandat exercé, l’heure de départ et l’heure de retour, le total des heures déjà utilisées sur le mois, le nom de la personne à qui elle a été remise en mains propres et la signature de l’intéressé.
Ces éléments permettent le contrôle de l’horaire pendant lequel ces heures de délégation ont été utilisées ainsi que la consommation mensuelle du crédit d’heures et l’information réelle de la direction, sans révéler l’existence d’un contrôle inadapté ou de nature à entraver l’exercice syndical.
Deux heures de délégation ont fait l’objet d’une retenue sur salaire en avril 2017 au titre des heures de délégation de délégué du personnel prises en février 2017 et dépassant le crédit mensuel de 10 heures.
Aucune des ordonnances de référé des 15 mars 2018 et 24 mai 2018 ne concerne les heures de délégation en cause et la cour note que le salarié a été débouté de sa demande de paiement des deux heures de délégation du samedi 17 février 2018, utilisées pendant sa période de congés payés.
Il est constant que le différend porte sur deux heures impayées de délégation. La société lui a indiqué par courrier de la prise de 12 heures de délégation pour son mandat de délégué du personnel et ce dernier ne justifie pas de circonstances exceptionnelles pas plus que l’employeur a commis une erreur en les intégrant dans le mandat de délégué du personnel au lieu de celui de de délégué syndical.
C’est donc à bon droit que l’employeur lui a retenu ces deux heures de délégation sur la fiche de paye suivante d’avril 2017. Il sera incidemment débouté de sa demande de restitution de salaire au titre de ces heures de délégation et le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.
Aucun fait de contrôle inadéquat des heures de délégation n’est établi.
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L’employeur a effectivement reproché au salarié de porter une veste polaire d’une enseigne concurrente en laissant apparent le slogan de celle-ci.
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Les salarié n’apporte aucun élément justifiant le fait que l’employeur lui aurait intimé l’ordre de quitter le rayon devant les clients et de façon brutale. Ce fait n’est pas établi.
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L’employeur a effectivement désigné Mme [N] en qualité de référente santé et sécurité.
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Le salarié a fait l’objet d’un arrêt de travail pour un syndrome anxio- dépressif réactionnel à compter du 7 janvier 2019 au 30 mars 2019.
Même pris dans leur ensemble les faits présentés ne laissent pas présumer de harcèlement moral.
En effet, la désignation de Mme [N] en qualité de référente santé et sécurité n’est pas dirigée contre le salarié qui au demeurant ne justifie pas avoir fait acte de candidature auprès de la direction, qui demeure maître des désignations de référents santé et sécurité dans le cadre de son pouvoir de direction, exempt de tout harcèlement moral.
L’ensemble des courriers des 11, 14 et 20 avril 2017, sont justifiés soit par la nécessaire réponse à un courrier antérieur du salarié, soit par l’obligation de l’employeur d’alerter le salarié par application de son obligation de sécurité sur les risques inhérents au non-respect d’un certificat médical d’arrêt de travail, et l’information du salarié des raisons d’un non paiement d’heures de délégation, s’agissant d’éléments objectifs, exempts de tout harcèlement moral.
Le comportement de Mme [V] qui avait haussé le ton les 1er février et 1er mars 2016 avait été généré par le comportement du salarié qui lui parlait d’un ton agressif, exempt de tout harcèlement moral.
Le reproche tenant au fait d’avoir porté une veste polaire d’un concurrent est justifié dès lors qu’il lui avait été demandé en vain auparavant de masquer le slogan du concurrent et que le salarié n’avait pas réclamé de veste polaire à l’effigie de l’enseigne de son employeur avant son courrier du 26 janvier 2018 alors même qu’il reconnaît qu’il avait pu en porter une remise par un collègue.
Cinq sanctions sur les six sont justifiées par le comportement du salarié et sont exemptes de tout harcèlement moral.
Il reste que le salarié a fait l’objet d’une sanction injustifiée le 27 avril 2016, à raison du doute existant sur l’attribution du rayon des bières dans sa sphère de responsabilité et de faits d’insultes de la part de M. [T], mais ces faits espacés de plusieurs mois et antérieurs de près de trois ans avec le syndrome dépressif réactionnel constaté par le médecin traitant sont sans rapport entre eux et ne sont pas de nature à porter atteinte à la dignité de l’intéressé qui avait adopté un comportement provoquant et parfois insultant à l’égard de ses collègues comme établi par l’avertissement du 18 août 2016 et l’enquête de mars 2016.
Il s’ensuit que le salarié n’a pas été victime de harcèlement moral et qu’il sera débouté de ses demandes tendant à ordonner la cessation d’un harcèlement moral et de dommages et intérêts à ce titre.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ces demandes.
Sur l’indemnité d’entretien de la tenue de travail
Le salarié soutient qu’il était obligé de porter une tenue de travail et que la société exigeait que ses employés entretiennent eux-même leurs tenues de travail, sans pour autant contribuer à ces frais d’entretien. Il conteste le jugement entrepris qui a considéré que la fourniture de lessive serait suffisante alors que la société ne rapporte pas la preuve de cette mise à disposition et que cela ne prend pas en compte l’usure de l’appareillage nécessaire à cet entretien, la consommation en électricité et en eau.
La société estime quant à elle que le salarié ne disposait pas de tenue de travail obligatoire et qu’en outre elle mettait à la disposition des salariés des capsules de lessive sur demande des salariés et sans limitation.
Il est de principe que les frais exposés par un salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier. L’employeur doit assumer la charge de l’entretien du vêtement de travail dont le port est obligatoire et inhérent à l’emploi des salariés concernés.
Selon l’article 10 du règlement intérieur, il est prévu que selon les postes, les salariés se verront remettre une tenue vestimentaire dont la composition est fonction du poste occupé et que chaque salarié s’engage à porter cette tenue ainsi que, pour les postes de vente en rayon traditionnel et en caisse, le badge dans un souci d’identification des fonctions occupées pour la clientèle.
Il s’induit de ce règlement que les salariés à qui étaient remis une tenue professionnelle étaient astreints au port de celle-ci, même si elle n’était pas homogène pour tous, nonobstant l’attestation de Mme [N] qui indique que dans le cadre du travail en rayon, seul le port des chaussures de sécurité était obligatoire.
Il ressort de la fiche d’équipement individuelle qu’avaient été remis au salarié une paire de chaussure de sécurité, trois tee-shirts et un pantalon le 23 septembre 2016. Il justifie ainsi qu’il était obligé de la porter.
La cour estime que la somme de 15 euros par trimestre correspondant à 5 euros par mois correspond aux frais nécessités par le nettoyage de la tenue portée tout au long de la journée de travail, intégrant les frais de lessive, d’électricité et d’usure du matérial de nettoyage et de repassage, que la mise à disposition de dosettes non établies par les pièces versées aux débats ne saurait entièrement couvrir.
La société sera en conséquence condamnée à verser au salarié une indemnité de frais de d’entretien vestimentaire de 15 euros par trimestre à compter du 23 septembre 2016, soit la somme de 165 euros sollicitée.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de toute demande à ce titre.
Sur la demande de remboursement du prix des chaussures de sécurité
Il est de principe que les frais exposés par un salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier.
En l’occurrence, le salarié a lui-même mentionné au sein de la fiche d’équipement individuel qu’il disposait de chaussures de sécurité qui lui avaient été fournies par la société, en sorte qu’il ne saurait prétendre au remboursement d’un coût qu’il ne justifie pas même avoir engagé. Il sera en conséquence, débouté de sa demande de remboursement de la somme de 52,90 euros au titre des frais de chaussures de sécurité.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de cette demande.
Sur le rappel de salaire au titre du temps d’habillage et de déshabillage
Pour contester le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’indemnité portant sur le temps d’habillage et de déshabillage, le salarié soutient qu’il avait l’obligation de porter une tenue de travail, qu’il respectait les consignes et mettait ainsi sa tenue de travail dans les vestiaires de l’entreprise.
D’après l’article L. 3121-3 du code du travail, les temps nécessaires à l’habillage et au déshabillage font l’objet de contrepartie sous forme de repos ou financière lorsque le port d’une tenue est imposé et lorsque ces opérations doivent s’effectuer sur le lieu de travail. Il ne s’agit pas du temps de travail effectif entrant dans le champ d’application des heures supplémentaires.
En l’occurrence, le salarié n’apporte aucun élément établissant que les opérations d’habillage et de déshabillage devaient être effectuées sur le lieu de travail, étant précisé que les consignes de la direction mettent en exergue que le personnel pouvait porter sa tenue de travail sur le trajet domicile – magasin et qu’il n’était pas obligatoire de se changer au magasin.
Le salarié sera ainsi débouté de sa demande de rappel de salaire au titre du temps d’habillage et de déshabillage.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.
Sur le rappel de salaire au titre du non-respect des temps de pause et l’indemnité de congés payés afférente
Le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande de rappel de salaire au titre du non-respect des temps de pause, en faisant valoir que si les salariés bénéficiaient effectivement d’un temps de pause payé correspondant à 5% du temps de travail effectif, ce temps de pause doit être intégré dans le temps de travail hebdomadaire de 35 heures par semaines, passant ainsi à 36,45 heures. Il conteste la qualification de pause en soutenant qu’il est tenu de demeurer sur le site pendant la pause, en sorte qu’il n’est pas libre de vaquer à ses occupations personnelles et qu’un rappel de salaire lui est donc dû au titre du temps de travail effectué, auquel la majoration de 25% des heures supplémentaires est applicable.
La société qui conclut à la confirmation du jugement sur ce chef, soutient que le salarié ne justifie aucunement qu’il est obligé de rester sur site, exposant que pendant la pause, l’exécution du travail est suspendue, ajoutant que ces temps de pause sont rémunérés en tant que tels sur une ligne distincte des heures de travail effectif, conformément aux dispositions conventionnelles, permettant de constater qu’elle respecte les minimas légaux et conventionnels en matière de rémunération du temps de travail.
En vertu de l’article L. 3121-2 alinéa 1 du code du travail, les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses obligations personnelles.
Le temps de pause s’analyse en un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité. Ni la brièveté du temps de pause, ni la circonstance que les salariés ne puissent quitter l’établissement à cette occasion ne permettent de considérer que le temps de pause constitue un temps de travail effectif.
Selon les dispositions conventionnelles applicables jusqu’au 13 novembre 2014, antérieures à l’application de l’avenant n°37 du 28 janvier 2011 étendu par arrêté du 13 novembre 2014, l’article 5-4 prévoyait :
‘On entend par » pause » un temps de repos – payé ou non – compris dans le temps de présence journalier dans l’entreprise pendant lequel l’exécution du travail est suspendue.
La « coupure » interrompt la journée de travail de façon collective (fermeture de l’établissement) ou individuelle (temps imparti par roulement, pour le déjeuner par exemple).
Les pauses et coupures sont fixées au niveau de chaque entreprise ou établissement en fonction de l’organisation du travail qui y est en vigueur.
Une pause payée est attribuée à raison de 5 % du temps de travail effectif.
Les conditions de prise des pauses sont fixées au niveau de chaque entreprise ou établissement.
A défaut d’entente sur ce point, tout travail consécutif d’au moins 4 heures doit être coupé par une pause payée prise avant la réalisation de la 5e heure.
(…)
La durée des pauses et le paiement correspondant doivent figurer sur une ligne distincte du bulletin de paie.’
En l’occurrence, la circonstance que le salarié ne puisse pas quitter l’établissement à cette occasion, au demeurant pas même justifiée, ne permet pas de considérer que le temps de pause constitue un temps de travail effectif.
Les bulletins de salaire versés aux débats mentionnent distinctement une ligne ‘salaire mensuel’ calculée sur la base de 151,67 heures affecté d’un taux horaire, outre une ligne ‘heures de pauses’ donnant lieu à rémunération calculée sur la base de 7,58 heures par mois au même taux horaire. Le taux horaire appliqué était de 9,53 euros en décembre 2014, de 9,61 euros de janvier 2015 à juin 2015, de 9,70 euros de juillet 2015 à août 2016, puis de 9,76 euros à compter de septembre 2016 jusqu’au dernier bulletin de salaire produit d’avril 2017.
Le Smic horaire était de 9,61 euros en 2015, de 9,67 euros en 2016 et de 9,76 euros en 2017 établissant que le salarié a été rémunéré dans le respect du smic horaire, sans intégration de la rémunération des temps de pause.
Il sera donc débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des temps de pause ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la rémunération mensuelle légale minimale.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de ce chef.
Sur l’indemnité de travail dissimulé
Le salarié considère qu’en raison de la violation par l’employeur de l’obligation de lui accorder un temps de pause, il ne l’a pas rémunéré du temps de travail effectif et a ainsi sciemment omis de régler les heures de travail effectuées et s’est alors rendu coupable de travail dissimulé.
La société conteste tout travail dissimulé dès lors qu’une ligne est effectivement consacrée à la rémunération des temps de pause au sein des bulletins de salaire. Subsidiairement, elle soutient que l’élément intentionnel du travail dissimulé n’est pas caractérisé.
Il résulte de l’article L. 8221-5 du code du travail que la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que si l’employeur, de manière intentionnelle, soit s’est soustrait à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10 relatif à la déclaration préalable à l’embauche, soit s’est soustrait à la formalité prévue à l’article L. 3243-2 relatif à la délivrance d’un bulletin de paie ou a mentionné sur le bulletin de paye un nombre d’heure de travail inférieur à celui réellement effectué.
Le rejet de la demande de rappel de salaire au titre d’un temps de travail effectif improprement qualifié de temps de pause conduit à rejeter la demande consécutive d’indemnité pour travail dissimulé.
Sur les dommages et intérêts pour recours abusif au travail de nuit
Le salarié reproche au jugement entrepris de l’avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts pour recours abusif au travail de nuit, en faisant valoir qu’il a travaillé de nuit pas moins de 1205 heures depuis novembre 2014, sans que l’employeur ne justifie que sa propre activité rendait nécessaire une telle organisation du temps de travail, de telle sorte qu’il a abusé du recours au travail de nuit justifiant qu’il soit condamné à lui verser des dommages et intérêts.
La société qui conclut à la confirmation, soutient que le salarié se contente d’avancer un nombre d’heures sans élément pour le fonder et qu’en outre le recours au travail de nuit est prévu par la convention collective nationale applicable, notamment en cas de nécessité d’assurer le respect de la sécurité alimentaire et d’approvisionner les points de vente afin qu’ils soient prêts avant l’ouverture au public ou nécessité de préparer les marchandises avant l’ouverture au public, et que ces dispositions complètent les dispositions de l’article L.3122-32 et suivants du code du travail en prévoyant des compensations salariales et des contreparties sous forme de repos compensateur. Elle ajoute que le salarié ne peut se prévaloir de la qualité de travailleur de nuit définie par la convention collective nationale prévoyant pour bénéficier de ce statut que le travailleur de nuit accomplisse au mois 2 fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, 3 heures de son temps de travail quotidien ou au minimum 300 heures de travail effectif au cours d’un exercice civil ou d’une période de 12 mois consécutifs à fixer au niveau de l’entreprise.
Selon les dispositions des articles L. 3122 ‘ 32 et L. 3122 ‘ 33 du code du travail rédaction applicable au litige :
Le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs est justifiée par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.
La mise en place dans une entreprise ou un établissement du travail de nuit au sens de l’article L. 3122 ‘ 31 août son extension à de nouvelles catégories de salariés subordonnés à la conclusion préalable d’une convention ou d’un accord collectif de branche étendue ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement. Cette convention ou cet accord collectif comporté justification du recours au travail de nuit mentionnée à l’article L. 3122 ‘ 32.
La convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire le recours au travail de nuit dans sa version applicable au litige prévoit en son article 5-12 que :
Certains salariés sont amenés à travailler de nuit pour les raisons suivantes :
– nécessité d’assurer le respect de la sécurité alimentaire et d’approvisionner les points de vente afin qu’ils soient prêts avant l’ouverture au public ;
– nécessité de préparer les marchandises, notamment alimentaires et le magasin en général avant l’ouverture au public ; assurer l’ouverture au public dans des conditions optimales ;
– nécessité d’assurer, de manière continue, le fonctionnement des systèmes d’information et des services d’utilité sociale.
Ce type de travail doit rester circonscrit aux nécessités techniques et économiques de bon fonctionnement des entreprises ou établissements et demeurer exceptionnel en dehors de ces justifications.
Il ne peut être mis en place ou étendu à de nouvelles catégories de salariés que s’il est justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.
Le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, ainsi que le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, seront consultés sur la mise en place, ou l’extension à de nouvelles catégories de salariés, du travail de nuit au sens du point 5-12.1. Cette consultation se fera sur la base d’une note écrite exposant les motifs de cette mise en place ou de cette extension.
Les dispositions retenues complètent celles des articles L. 213-1 et suivants du code du travail en vue de contribuer à prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs de nuit ; elles prévoient notamment l’attribution d’une contrepartie sous forme de repos compensateur.
Celle-ci s’ajoute aux compensations salariales prévues pour tous les salariés, qu’ils bénéficient ou non de la qualification de travailleurs de nuit.
Les dispositions ci-après sont applicables en l’absence d’accord d’entreprise ou d’établissement.
5-12.1. Définition du travail de nuit.
Tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit. *Une autre période de 9 heures consécutives comprise entre 20 heures et 7 heures (comprenant donc nécessairement l’intervalle compris entre 24 heures et 5 heures) peut être fixée par accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, après consultation des institutions représentatives du personnel.* (1)
5-12.2. Définition du travailleur de nuit.
Est travailleur de nuit, tout salarié qui accomplit, au cours de la période définie ci-dessus, soit:
– au moins 2 fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, 3 heures de son temps de travail quotidien ;
– au minimum 300 heures de travail effectif au cours d’un exercice civil ou d’une période de 12 mois consécutifs à fixer au niveau de l’entreprise.
En l’occurrence, les bulletins de salaire ne font pas mention d’heures de nuit. Par ailleurs, le salarié verse les plannings de travail d’une seule semaine le concernant, (semaine 12 de 2016) laissant apparaître qu’il a travaillé en horaire de nuit une heure par jour pour un total de 6 heures de nuit, en sorte qu’il ne justifie pas de la qualité de travailleur de nuit. Par voie de conséquence, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour recours abusif au travail de nuit.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.
Sur la condamnation du salarié à des dommages et intérêts pour exécution déloyale
Le salarié ne développe aucun moyen pour critiquer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné au versement de dommages et intérêts à la société pour exécution déloyale du contrat de travail.
Toutefois, il est de principe que, sauf faute lourde, la responsabilité financière du salarié ne peut être mise en cause devant la juridiction prud’homale et il semble que les premiers juges n’ont pas fait ressortir l’existence d’une telle faute par la caractérisation d’une intention de nuire.
Il sera réservé à statuer sur ce chef afin que les parties présentent leurs observation sur le moyen soulevé d’office par la cour.
Sur la demande de remboursement de salaire perçu au titre d’heures de délégation en dehors du temps de travail et non justifiées
La société conteste le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de remboursement de salaire au titre d’heures de délégation, en faisant valoir que dès lors que les nécessités du mandat n’impliquent pas que les heures de délégation soient prises en dehors des horaires de travail, l’organisation du travail en 3/8 n’établissant pas cette nécessité, il ne peut percevoir de salaire à ce titre. Elle ajoute que depuis le début de son mandat de délégué du personnel et pour la période du 25 novembre 2016 au 18 décembre 2017, le salarié a pris 42 heures de délégation en dehors de son temps de travail, alors même qu’il travaille à des horaires lui permettant de rencontrer tous les salariés et qu’il ne prouve pas que ces heures auraient été destinées à recevoir les salariés pour les assister dans le cadre de leur procédure de licenciement, l’absence de local spécifique étant sans incidence dès lors que la salle de pause n’est pas sous vidéo-surveillance.
Le salarié soutient qu’il a été très actif en qualité de délégué du personnel puisque la société a licencié 17 collaborateurs en 2017, que celle-ci se refuse à dédier un local aux délégués du personnel et que l’ensemble du magasin est placé sous vidéo-surveillance si bien qu’il ne peut recevoir les salariés sur le lieu du travail, l’obligeant à le faire en dehors de ses heures de travail.
Il résulte des dispositions de l’article L. 2315-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige que l’utilisation du crédit d’heures de délégation est réputée conforme à son objet et les heures de délégation peuvent être prises aussi bien pendant qu’en dehors des heures de travail. Si l’employeur peut demander au délégué du personnel d’indiquer la façon dont il a utilisé les heures de delégation, la charge de la preuve d’une utilisation non conforme à l’objet pèse sur l’employeur au regard de la présomption existante.
En l’occurrence, il ressort des divers courriers du salarié adressés à la société en sa qualité de délégué du personnel qui ne sont pas utilement remis en cause par l’employeur que les délégués du personnel ne disposaient pas d’un local mis à leur disposition avant la fin 2017 et qu’une caméra était positionnée dans la salle de repos, alors même que la société n’apporte aucun élément permettant de considérer que le salarié avait fait une utilisation non conforme à leur objet de ses heures de délégation. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de remboursement d’heures de délégation.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la société de cette demande.
Sur les majorations pour jour férié
La société fait grief au jugement entrepris de la condamner au paiement d’un rappel de salaire au titre de la majoration pour jours fériés correspondant au 5 mai, 14 juillet et 15 août 2015 et de l’indemnité de congés payés afférente en faisant valoir que la demande n’est pas prouvée.
Le salarié ne sollicite pas le rejet de la demande incidente de la société à ce titre.
Selon les dispositions de l’article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Les bulletins de salaire ne font pas mention de travail les jours fériés visés, soit les 5 mai, 14 juillet et 15 août 2015 alors même que le salarié ne verse pas ses plannings pour la période considérée ni de pièces justifiant qu’il a travaillé les jours fériés en cause, en sorte que celui-ci ne prouve pas l’existence de l’obligation de l’employeur de lui payer la majoration pour travail les jours fériés et qu’il sera par conséquent débouté de sa demande de rappel de salaire à ce titre et d’indemnité de congés payés afférente.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la société au rappel de majoration au titre des jours fériés.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il sera réservé à statuer sur les demandes respectives d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens compte tenu de ce que la cour a réservé à statuer sur l’appel portant sur la condamnation du salarié à des dommages et intérêts pour exécution déloyale à l’encontre de la société.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par arrêt mixte et mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile;
Dans la limite de la dévolution,
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande d’annulation de l’avertissement du 27 avril 2016, de sa demande d’indemnité pour frais d’entretien de la tenue professionnelle, en ce qu’il a condamné la société Saver à un rappel de salaire et indemnité de congés payés afférente au titre des majorations des jours fériés ;
Statuant à nouveau dans cette limite,
Annule l’avertissement du 27 avril 2016 ;
Condamne la société Saver à verser à M. [M] la somme de 165 euros au titre des frais d’entretien vestimentaire de 15 euros par trimestre à compter du 23 septembre 2016 ;
Déboute M. [M] de sa demande de rappel de salaire et d’indemnité de congés payés afférente au titre des majorations de jours fériés ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [M] de ses demandes d’annulation de l’avertissement du 18 août 2016, d’annulation de la mise à pied du 31 août 2017, de rappel de salaire et indemnité de congés payés afférente au titre de la mise à pied, de ses demandes tendant à dire qu’il a été victime de discrimination syndicale et de harcèlement moral, à faire cesser tout comportement discriminatoire et de harcèlement moral, de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour discrimination, de ses demandes de rappel de salaire au titre du temps d’habillage et de deshabillage, de paiement du prix des chaussures de sécurité, de rappel de salaire au titre de deux heures de délégation, de rappel de salaire et indemnité de congés payés afférente au titre de la violation des temps de pause, de la demande de dommages et intérêts pour violation des minimas légaux, de la demande de dommages et intérêts pour recours abusif au travail de nuit ;
Avant dire droit,
Réserve à statuer sur le chef de jugement critiqué portant sur la condamnation de M. [M] à payer à la société Saver la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ainsi que sur les dépens et l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile ;
Soulève d’office le moyen de droit selon lequel sauf faute lourde, la responsabilité financière du salarié ne peut être mise en cause devant la juridiction prud’homale ;
Invite les parties à faire valoir leurs observations sur le moyen soulevé d’office notamment au regard de la rédaction du jugement entrepris dans un délai de deux mois à compter de l’arrêt pour l’avocat de M. [M] de trois mois pour l’avocat de la société Saver.
Révoque l’ordonnance de clôture ;
Dit que la nouvelle clôture interviendra le 26 décembre 2022 ;
Renvoie l’affaire à l’audience du 9 janvier 2023 à 9 heures, le présent arrêt valant convocation.
LE GREFFIERLE PRESIDENT