Arrêt n°
du 8/02/2023
N° RG 22/01195
CRW/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 8 février 2023
APPELANT :
d’une ordonnance de référé rendue le 31 mai 2022 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS (n° R 22/00009)
Monsieur [F] [T]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par la SELARL GUYOT – DE CAMPOS, avocatS au barreau de REIMS
INTIMÉE :
SAS WESTLAKE COMPOUNDS FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Hélène DAIOGLOU, avocat au barreau de MARSEILLE
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 décembre 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, et Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 8 février 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller en remplacement du président régulièrement empêché, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
[F] [T] a été embauché par la société Resinoplast, devenue la société Westlake Compounds France selon contrat à durée indéterminée à effet du 1er novembre 2008.
Jusqu’en 2014, il a occupé un poste au sein de la direction générale de Resinoplast, puis de 2015 à 2018, à la direction du développement du groupe Ivry Group.
Il a effectué la majeure partie de sa carrière à l’étranger.
Par avenant au contrat de travail du 12 septembre 2018, [F] [T] a été affecté à la société Resinoplast Vietnam, filiale d’Ivry Group en qualité de directeur général.
Un accord de détachement a été régularisé entre Resinoplast SAS et Resinoplast Vietnam pour déterminer la ventilation entre ces 2 sociétés de la prise en charge des dépenses liées au détachement de [F] [T] au Vietnam, y compris à titre salarial.
Celui-ci percevant des revenus de source vietnamienne, en vertu de la convention fiscale franco – vietnamienne, il n’était pas soumis à l’impôt sur le revenu en France, mais au Vietnam.
Après l’arrivée dans l’entreprise d’un nouvel actionnaire, de droit américain, de la désignation d’un cabinet pour étudier les problèmes fiscaux au Vietnam, en dépit des échanges de courriels confirmant qu’il relevait du droit vietnamien, [F] [T], après son retour en France, a reçu le 2 avril 2021, une mise en demeure de la part de son employeur, sollicitant le remboursement spontané de son impôt théorique d’un montant de 96’710 euros.
Le 7 septembre 2021, il a reçu un courrier le menaçant d’une retenue sur salaire, mise à exécution, pour la somme de 6450 euros à compter du 1er octobre 2021.
Contestant le bien-fondé d’une telle retenue, [F] [T] a saisi, par requête enregistrée au greffe le 10 février 2022, le conseil de prud’hommes de Reims, statuant à la formation des référés, pour voir condamner, à titre provisionnel, la société Westlake Compounds France à lui payer les sommes retenues mensuellement depuis octobre 2021, à raison de 6450 euros par mois, outre intérêts au taux légal à compter de la date d’exigibilité de chaque salaire.
Subsidiairement, il prétendait à la condamnation de la société Westlake Compounds France à lui payer les sommes retenues mensuellement depuis octobre 2021 sur son salaire excédant le 1/10ème du salaire versé, avec intérêts au taux légal à compter de la date d’exigibilité de chaque salaire.
En tout état de cause, il demandait paiement d’une indemnité de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par ordonnance du 31 mai 2022, la formation des référés du conseil de prud’hommes de Reims a dit n’y avoir lieu à référé, renvoyant [F] [T] à mieux se pourvoir.
La juridiction a laissé à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles et dépens.
[F] [T] a interjeté appel de cette décision le 13 juin 2022.
Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 22 septembre 2022, auxquelles il est expressément référé plus ample informé des moyens de la partie appelante par lesquelles [F] [T] fait valoir que, sans être titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible, l’employeur a procédé à une retenue sur salaire d’un montant de 95’000 euros.
Il rappelle que les sociétés Westlake Compounds France et Westlake Compounds Vietnam sont 2 sociétés s’urs et qu’en l’absence de rapports de mère à filiale entre elles, Westlake Compounds France ne peut prétendre récupérer à titre d’indu une somme qu’elle n’a jamais versée, mais qu’aurait versée la société Westlake Compounds Vietnam.
Maintenant qu’il était clairement établi que sa situation fiscale relevait du droit vietnamien, la retenue opérée par son employeur sur sa rémunération en France, constitue un trouble manifestement illicite auquel la formation des référés peut mettre fin, en dépit d’une contestation sérieuse.
Il conclut donc à l’infirmation de l’ordonnance qu’il critique pour renouveler l’intégralité des demandes qu’il avait initialement formées.
Vu les conclusions transmises au greffe par RPVA le 21 octobre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample informé des moyens de la partie intimée par lesquelles la société Westlake Compounds France sollicite, à titre principal, la confirmation de l’ordonnance déférée, compte tenu de l’existence d’une contestation sérieuse.
À supposer que la cour s’estime compétente et infirme l’ordonnance de référé, elle prétend à voir constater l’existence à son profit d’une créance fongible, certaine, liquide et exigible d’un montant de 96’710 euros pour conclure au débouté de [F] [T] en l’ensemble de ses demandes.
En tout état de cause, par infirmation de l’ordonnance déférée, elle renouvelle sa demande tendant à la condamnation de son salarié au paiement d’une indemnité de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur ce :
Aux termes des dispositions de l’article R 1455 – 5 du code du travail, «dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.».
En l’espèce, une contestation sérieuse existe quant à la qualité du prétendu créancier, tel que soutenu par le salarié, mais aussi quant au bien-fondé de la retenue opérée, que conteste précisément le salarié.
Les dispositions susvisées ne sont donc pas applicables à l’espèce.
Aux termes des dispositions de l’article R 1455 – 6 du même code, «la formation des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.»
En l’espèce, nonobstant cette contestation sérieuse, il est constant qu’une retenue a été opérée sur les indemnités servies à [F] [T] depuis octobre 2021, à raison de 6450 euros par mois.
Au regard de la somme dont se prétend créancière la société Westlake Compounds France (96’710 euros), [F] [T] ne justifie pas, au jour de l’audience devant la cour, de la nécessité de prévenir la survenance d’un dommage imminent ou de la persistance d’un trouble manifestement illicite que pourrait faire cesser le juge des référés, alors qu’il n’est pas contesté que la société Westlake Compounds France a retenu la totalité de la somme de 96’710 euros.
Ce litige ne relève pas davantage du champ d’application des dispositions de l’article R 1455 – 7 du même code qui énoncent «dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.»
Dès lors, le litige opposant [F] [T] à la société Westlake Compounds France ne relève pas de la compétence du juge des référés, comme l’ont tranché les premiers juges, dont la décision mérite d’être confirmée en ce qu’elle a renvoyé [F] [T] à mieux se pourvoir.
Eu égard aux circonstances de la cause, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties l’intégralité des frais non compris dans les dépens qu’elles ont respectivement exposés au titre de la première instance et à hauteur d’appel.
En revanche, il y a lieu de réformer la décision de première instance en ce que les premiers juges ont laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens pour trancher que ceux-ci seront partagés par moitié.
Par ces motifs :
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme la décision rendue par le conseil de prud’hommes de Reims, statuant en la formation des référés, le 31 mai 2022, sauf du chef des dépens,
statuant à nouveau et, y ajoutant,
Dit que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés à hauteur d’appel,
Fait masse des dépens de première instance et d’appel pour ceux-ci être partagé par moitié entre les parties
LE GREFFIER LE CONSEILLER