Retenues sur salaire : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/00425

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Retenues sur salaire : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/00425

COUR D’APPEL

de

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 DECEMBRE 2022

N° RG 21/00425

N° Portalis DBV3-V-B7F-UJXD

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Février 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARGENTEUIL

N° Section : AD

N° RG : F19/00254

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Grégoire HERVET

S.A.R.L. PL EVENT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le 8 décembre 2022,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [E] [O] épouse [B]

[Adresse 1]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentant : Me Grégoire HERVET de la SAS HERVET AVOCATS, constitué / plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D621

APPELANTE

****

S.A.R.L. PL EVENT

[Adresse 2],

[Localité 3]

Non constituée

INTIMEE

****

Composition de la cour

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Monsieur Mohamed EL GOUZI, greffier lors des débats.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er juin 2015, Mme [O] épouse [B] a été engagée par la société Assistance Contrôle Sécurité (ACGS).

Aux termes d’un acte conclu le 4 août 2017, intitulé ‘avenant de reprise du personnel dans le cadre de l’accord sur la reprise du personnel’, la salariée a été engagée par la société PL Event en qualité d’agent logistique niveau 1 – coefficient 120 de la convention collective applicable des ‘prestataires de service dans le domaine du secteur tertiaire’ avec pour mission d’assurer la gestion logistique des parkings, tel que le contrôle d’accès et la circulation, le contrat stipulant la reprise de l’ancienneté acquise au sein de la société ACGS, soit à compter du 1er juin 2015.

L’entreprise, qui a pour activité l’organisation d’événements, foires, salons professionnels et congrès, emploie plus de dix salariés.

Convoquée le 13 février 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 21 février suivant, Mme [B] a été licenciée par lettre datée du 27 février 2019 énonçant une faute grave.

Contestant son licenciement, Mme [B], qui soutient notamment avoir exercé son droit de retrait à compter du 5 février 2019, a saisi, le 23 octobre 2019, le conseil de prud’hommes d’Argenteuil aux fins d’entendre prononcer la nullité du licenciement, subsidiairement, juger son caractère sans cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société s’est opposée aux demandes de la requérante et a sollicité sa condamnation au paiement des sommes de 2 000 euros pour action en justice abusive au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile, 3 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire, rendu le 2 février 2021, notifié le même jour, le conseil a débouté Mme [B] de la totalité de ses demandes, la société de ses demandes reconventionnelles et mis les dépens à la charge de chacune des parties.

Le 9 février 2021, Mme [B] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 14 septembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 17 octobre 2022.

‘ Selon ses dernières conclusions notifiées le 9 avril 2021, Mme [B] demande à la cour de réformer en intégralité le jugement, et statuant à nouveau, de :

Dire et juger que le licenciement est nul, et en tout état de cause, dépourvu de cause réelle et sérieuse, et a fortiori, de faute grave,

Dire et juger que doit être écarté le montant maximal d’indemnisation prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail en raison de son (in)conventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et le droit au procès équitable,

Condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

– 3 063,37 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 306,33 euros au titre des congés payés incidents,

– 1 496,18 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 841,58 euros à titre de complément d’indemnité compensatrice de congés payés,

– 30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul, et en tout état de cause, dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Subsidiairement, si la cour ne devait pas écarter le montant maximal d’indemnisation prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail comme étant contraire aux dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne, des articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et du droit au procès équitable, condamner la société aux sommes suivantes :

– 6 126,68 euros au titre de l’indemnité due en application de l’article L.1235-3 du Code du travail,

– 23 873,32 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et moral subi par la perte de son emploi,

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,

– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société aux entiers dépens qui comprendront l’intégralité des frais de signification et d’exécution du jugement qu’elle pourrait avoir à engager dans le cadre de la présente instance,

Dire que les intérêts courront à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

Ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil,

Débouter la société de ses demandes reconventionnelles.

‘ Par exploits d’huissier en date des 22 mars et 3 mai 2021, Mme [B] a fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions à la société PL Event qui n’a pas constitué avocat.

L’appelante produit le procès verbal de recherches infructueuses daté du 3 mai 2021 rédigé comme suit : ‘Je me suis rendu à la dernière adresse connue déclarée par le requérant, siège de la société destinataire : [Adresse 2] où étant, j’ai constaté qu’à ce jour aucune personne morale répondant à l’identification du destinataire de l’acte n’y a son siège, son établissement ou une exploitation commerciale. J’ai alors procédé aux investigations suivantes pour rechercher le destinataire de l’acte :

– Sur place, le domiciliataire rencontré m’informe que la société PL Event n’est plus domiciliée à cette adresse. Je n’ai pu obtenir de plus amples informations :

– l’administration des services postaux sous couvert du secret a refusé de me communiquer une quelconque adresse.

– les services municipaux de la ville n’ont pu me renseigner davantage.

– de retour en mon étude, j’ai consulté le service Infogreffe et le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, sans pouvoir obtenir d’autre adresse que celle en ma possession.

– j’ai également consulté l’annuaire téléphonique, et de façon plus générale j’ai effectué une recherche sur internet via Google, sans meilleur résultat.

– j’ai contacté mon correspondant qui n’a pu me fournir de nouveaux éléments.

Ces diligences ainsi effectuées ne m’ayant pas permis de retrouver le destinataire de l’acte, celui-ci étant actuellement sans domicile ni résidence connu, j’ai dressé, ce jour, conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile, le présent procès-verbal de recherches infructueuses. Suite à mes recherches, j’ai adressé au requis, ce jour ou, au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à sa dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, copie du présent procès-verbal à laquelle est jointe copie de l’acte objet de la signification. Ce même jour, j’ai avisé le destinataire par lettre simple de l’accomplissement de cette formalité à la même adresse’.

La radiation d’office prononcée le 1er janvier 2022 par le greffier du tribunal de commerce de Nanterre est sans incidence sur la personnalité juridique de cette société. Elle n’a pas pour effet de mettre fin aux fonctions du gérant.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

A titre liminaire, conformément aux dispositions de l’article 954, dernier alinéa, du code de procédure civile, la société PL Event qui n’a pas constitué avocat et n’a pas conclu est réputée s’approprier les motifs du jugement déféré.

I – Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

‘Par courrier recommandé avec accusé de réception, daté du 13 février 2019, nous vous avions convoquée à un entretien préalable à licenciement, entretien fixé et tenu le 21 février 2019.

Au cours de l’entretien du 21 février 2019 vous avez souhaité ne pas vous faire assister.

Après un délai de réflexion, nous nous voyons contraints de vous informer de notre décision de vous licencier pour faute grave, pour les motifs évoqués ci-après.

Vous avez été engagée le 01 juin 2015 par un contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité d’Agent Logistique.

Nous avons en effet dû constater de graves manquements dans l’exécution de vos fonctions.

Dernièrement, vous étiez affectée sur le site VIPARIS ‘ [Adresse 5].

Or, nous avons été amenés à constater que le mercredi 30 janvier 2019, vous avez été absente, vous n’avez pas prévenu de votre absence, et vous n’avez fourni aucun justificatif de cette absence.

Votre comportement ne s’est nullement amélioré car depuis le mardi 05 février 2019 vous avez été absente de votre poste de travail.

A aucun moment, vous n’avez pas jugé utile de justifier vos absences.

Vos absences injustifiées, et malgré nos demandes de justificatifs d’absences restées sans réponse de votre part, ont nui à la prestation auprès de notre client, et terni notre image de marque.

Votre absence injustifiée depuis le 05 février 2019 est considérée comme un abandon de poste.

Votre attitude est tout à fait intolérable et nuit donc gravement à notre société.

Force est de constater que depuis le mois de février 2019, vous refusez d’exécuter votre contrat de travail, ce qui est regrettable.

Nous considérons donc que vous avez abandonné votre poste de travail depuis le 05 février 2019.

Dès lors, de ce qui précède, nous estimons que vous ne respectez pas vos obligations contractuelles, et n’exécutez pas de bonne foi votre contrat de travail ce qui est contraire aux dispositions de l’article 1104 du code civil et de l’article L.1222-1 du code du travail.

Nous sommes donc contraints de mettre fin à votre contrat de travail, votre attitude rendant impossible la poursuite de votre activité professionnelle au sein de notre entreprise.

Votre comportement a causé un grave préjudice rendant impossible la gestion de la prestation liée à votre poste dans de bonne conditions.

Par conséquent, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave privative de préavis et d’indemnité de licenciement ‘.

Après avoir rappelé les dispositions des articles L. 1232-6 et L. 4131-1 du code du travail, la définition de la faute grave en droit prud’homal, ainsi qu’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 20 mars 1996 (n°1336), le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement reposait sur une faute grave et débouté Mme [B] de ses demandes, aux motifs suivants

‘Le droit d’alerte et de retrait n’est soumis à aucune procédure particulière car il confère aux salariés un pouvoir d’initiative qui s’exerce en deux temps :

– alerter immédiatement son employeur d’une situation de danger,

– se retirer de cette situation.

[…]

L’article L. 4131-1 du Code du travail fait référence au risque pour la vie ou la santé du salarié qui exerce le droit de retrait. Or, vu la mission de conseiller rapporteur ordonnée par le bureau de jugement à l’audience en date du 25 février 2020 et l’article L. 1454-1-2 du code du travail, dans le droit de retrait invoqué par Mme [B] la seule menace d’intégrité physique est la proximité moyenne d’une boîte de nuit à la seule évidence que les clients qui s’y rendent stationnent sur le parking P7 et qu’ils seraient alcoolisés.

La société PL Event peut considérer que les conditions du droit de retrait individuel ne sont pas réunies, et se poser la question de savoir si l’exercice illégitime du droit de retrait peut être sanctionné.

Selon le code du travail, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux. Cette interdiction doit être respectée non seulement lorsque le droit a été exercé en présence d’un réel danger, mais aussi en cas d’erreur d’appréciation du salarié, sous réserve que celui-ci ait eu un motif raisonnable de penser qu’il y avait danger grave et imminent.

En revanche, s’il n’existe pas ou plus de motif raisonnable de penser qu’il y avait danger grave et imminent, le salarié s’expose à une retenue sur salaire, même s`il reste à la disposition de l’employeur, la logique étant de considérer qu’en l’absence de prestation de travail, l’employeur n’a pas à rémunérer l’intéressé (Cass. Soc.11 juillet 1989, n°86-43497).

En l’occurrence, Mme [B] n’a pas donné suite aux injonctions de son employeur au sujet de son absence injustifiée à partir du 31 janvier 2019, n’a fourni aucun justificatif et n’a pas été rémunérée.

La jurisprudence admet que constitue une cause de licenciement le refus par un salarié de reprendre le travail lorsque les conditions du droit de retrait ne sont plus réunies et qu’il refuse de reprendre le travail. Cela peut aller jusqu’à la faute grave, en cas de refus persistant de reprendre le travail malgré des mises en garde de l’employeur (Cass. Soc. 24 septembre 2013, n°12-11532), ou encore lorsque le salarié avait exercé son droit de retrait sans l’avoir signalé à son employeur (Cass. Soc. 21 janvier 2009, n°07-41. 935).

En l’espèce, Mme [B] n’apporte aucun élément sur son intention d’exercer son droit de retrait. Aucun signalement à l’employeur n’a été enregistré sous quelque manière ou forme que ce soit, dans les délais impartis à l’exercice du droit de retrait. Il est licite pour l’employeur de convoquer à un entretien en vue d’un licenciement suite à l’absence injustifiée de Mme [B] depuis le 31 janvier 2019, le motif du droit de retrait n’est pas avéré par un danger imminent menaçant l’intégrité physique immédiat de Mme [B], au demeurant Mme [B] ne saisit ni par lettre son employeur ni par l’intermédiaire d’un représentant de l’inspection du Travail ou d’un représentant du personnel ou du CHSCT.

Devant l’immobilisme de Mme [B], la société PL Event a procédé à une convocation à un entretien préalable en vue d’un licenciement en date du 21 février 2019, entretien pour lequel Mme [B] n’avait pas souhaité l’assistance d’une tierce personne. Le licenciement a été notifié en date du 27 février 2019 pour faute grave suite à l’abandon de poste de Mme [B] sur le site VIParis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Attendu que l’article L. 1232.1 du code du travail énonce que ‘tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.

Il est justifié pour cause réelle et sérieuse par l’abandon brusque sans autorisation et répété par un salarié de son poste de travail.

Pour établir les faits reprochés à Mme [B], la société PL Event constate l’abandon de poste depuis le 31 janvier 2019 et procède à une convocation à un entretien en vue d’un licenciement le 13 février 2019. La lettre de licenciement est notifiée à Mme [B] en date du 27 février 2019.

En conséquence, le conseil de prud’hommes dit que le licenciement repose sur une faute grave et que Mme [B] est mal fondée dans sa demande

Mme [B] soutient qu’elle n’a cessé d’alerter son employeur sur sa situation et les risques qu’elle encourait à travailler dans des conditions d’insécurité, en ce qu’elle travaillait seule de nuit sur un parking, à tenir la caisse, face à une clientèle fortement alcoolisée et virulente qui se montrait agressive, sans aucun autre agent après 23 heures et sans toilettes, mais qu’aucune réponse ne lui a été apportée, ce qui l’a laissée totalement démunie. Elle explique que dans ces conditions, elle a exercé légitimement son droit de retrait à compter du 5 février 2019 et qu’elle ne peut être licenciée pour ce fait. Subsidiairement, Mme [B] fait valoir que son licenciement est injustifié puisqu’aucune mise en demeure ne lui a été notifiée, la société ayant connaissance des raisons pour lesquelles elle ne venait plus travailler.

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en apporter la preuve.

Par ailleurs, il résulte de l’article L.4131-1 du code du travail que le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation. L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.

Selon ce texte, le droit de retrait emporte le refus de l’exécution d’une tâche lorsque celle-ci est motivée par le danger grave et imminent qu’elle comporte.

Si aucune formalité n’est exigée s’agissant de l’exercice du droit de retrait, le salarié qui exerce son droit de retrait doit immédiatement, même s’il n’est pas tenu de le faire par écrit, signaler à l’employeur ou à son représentant toute situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave ou imminent pour sa vie ou sa santé.

En l’espèce, il est constant que la salariée ne s’est plus présentée à son poste de travail à compter du 5 février 2019.

Pour justifier de son absence, Mme [B] invoque le bénéfice de l’exercice légitime du droit de retrait.

Elle communique à ce titre 4 attestations émanant de ses proches à savoir Mmes [P], [Y] et [T] ainsi que M. [U] qui relatent que Mme [B] leur a ‘fait part des difficultés qu’elle rencontrait avec son dernier employeur dont les conditions de travail et du fait qu’elle se sentait incomprise’, que son ‘comportement s’est dégradé physiquement et mentalement’, ‘qu’elle est plus renfermée et beaucoup moins joviale par le fait de son dernier emploi’, que Mme [Y] ‘a remarqué qu’elle avait des angoisses constantes lorsqu’il devait se rendre à son travail de nuit parfois jusqu’à 3h du matin dû à l’insécurité qu’elle redoutait terriblement car elle était toute seule dans un parking pour gérer la caisse, et d’autre part, lorsqu’elle travaillait jusqu’à 23 heures également seule sur un parking extérieur, sans aucun dispositif d’alarme pour travailleur isolé’, ce qui est corroboré par Mme [T] qui précise qu’elle ‘n’avait pas de toilettes à sa disposition’ et ne se ‘sentait pas en sécurité dans son emploi’ et par M. [U] qui souligne qu’elle ‘s’était confiée à lui, qu’elle avait exposé sa situation d’insécurité à son ancien employeur lors d’un entretien au bureau de PL Event mais le responsable lui avait fait comprendre qu’il pouvait prendre des dispositions sans aménagement si elle se plaignait des conditions de travail, chose qui s’est produite 3 mois après’.

Ces attestations qui ne font que rapporter les dires de Mme [B] sur ses conditions de travail ou sur une éventuelle alerte de l’employeur, sans objectiver aucun fait que les témoins auraient personnellement constatés, sont dépourvues de force probante.

Il est également produit une attestation de M. [M], ancien collègue, qui atteste dans les termes suivants :

‘D’une part, nous étions agent à l’extérieur de l’entrée du parking avec des vacations de 8 à 12 heures sans le moindre moyen de communication, c’est-à-dire seul sans talky-walky, sans PTI, sans toilettes étant donné qu’il se trouve dans le local caisse fermé à clés dû au coffre fort qui est à l’intérieur donc indisponible sur le site ‘Parc des Expositions de [Localité 7]’. Bien sûr, clés que nous n’avions pas à notre disposition. D’autre part, lorsque nous étions en caisse pour certains salons (réceptions) nous nous retrouvions à finir à 3 ou 4 heures du matin sans agent de parking, sans maître chien, et enfin sans responsable parking, qui eux, finissaient à 23 heures. Donc nous étions à ce moment là seul à gérer la caisse automatique, à manipuler de l’argent sachant qu’un coffre fort est présent dans le local où on se trouve. Puis au moment de la fermeture nous sortions dehors pour fermer les grilles du parking avec la clé du local sur nous. Bien sûr encore une fois en étant seul. Pourquoi notre présence jusqu’à cette heure-ci’ Car il y avait des réceptions où les clients pouvaient être alcoolisés donc parfois perturbateur envers les caissiers. Les postes que j’ai exercé tout comme Mme [B] dans cette entreprise nous ont rendus malades (dépression)’.

Ce témoignage par lequel l’ancien collègue décrit notamment ses conditions de travail sans pour autant qu’elles ne caractérisent une ‘mise en danger, grave et imminent, pour sa vie ou sa santé’ ni une ‘défectuosité dans les systèmes de protection’, ne fait par ailleurs aucunement état d’une alerte de l’employeur sur ces points, que ce soit de sa part ou de celle de Mme [B].

La salariée ne communique pas d’autre élément de nature à caractériser une alerte, de quelque façon que ce soit, dont l’employeur aurait été saisi, observation faite que le représentant de la société a fait valoir en première instance que Mme [B] n’a ‘jamais évoqué de droit de retrait ou de mauvaises conditions de travail’ et ‘n’a jamais écrit’.

En l’état de ces éléments, le moyen excipé par la salariée tiré de l’exercice légitime du droit de retrait n’est pas fondé, de sorte que son absence à son poste de travail à compter du 5 février 2019 n’est pas justifiée.

Les éléments versés aux débats ne laissent pas présumer l’existence d’un quelconque lien entre l’engagement de la procédure disciplinaire et le prétendu exercice du droit de retrait, dès lors que Mme [B] ne justifie pas avoir signalé cette situation à son employeur.

Néanmoins, compte tenu de l’ancienneté de la salariée sans aucun antécédent disciplinaire et de l’absence de toute mise en demeure notifiée à la salariée de reprendre son poste, la seule absence injustifiée de l’intéressée à compter du 5 février 2019 ne caractérise pas une faute grave mais une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Par infirmation du jugement, il sera considéré que le licenciement litigieux est fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave. Par suite, il convient de débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’en réparation du préjudice financier et moral subi au titre de la perte de son emploi, réclamation qu’elle présente à titre subsidiaire, ‘dans l’hypothèse où la cour ne devait pas retenir l’inconventionnalité du barème de l’article L. 1235-3 du code du travail’.

II – Sur les conséquences financières du licenciement

En l’absence de faute grave, la salariée est fondée à obtenir en premier lieu, une indemnité compensatrice de préavis, qui, conformément à l’article L. 1234-5 du code du travail, doit correspondre à la rémunération brute qu’elle aurait perçue si elle avait travaillé pendant la période du délai-congé de deux mois, durée non contestée. En l’espèce au vu des bulletins de paie et des éléments contractuels, il convient d’allouer à Mme [B] les sommes de 3 063,34 euros bruts au titre de cette indemnité et de 306,33 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Par ailleurs, Mme [B] peut également prétendre au paiement de l’indemnité légale de licenciement qui au vu des éléments de rémunération doit être fixée à la somme de 1 496,18 euros.

III – Sur l’indemnité compensatrice de congés payés

Si le conseil de prud’hommes a débouté la salariée de l’intégralité de ses prétentions, il ne résulte pas de la lecture du jugement que le conseil ait effectivement statué de ce chef.

Mme [B] soutient qu’au mois de janvier 2019, il lui restait dû 19,5 jours de congés payés au titre de l’année 2019 et que du 1er au 27 février 2019, il lui était dû 2,5 jours de congés payés, soit un total de 22 jours de congés payés (4 semaines) correspondant à une somme de 1 413,88 euros. Déduction faite de la somme de 572,30 euros que lui a versée de ce chef l’employeur elle s’estime fondée à réclamer un solde dû de 841,58 euros. Elle détaille son calcul comme suit :

‘Valeur d’une semaine : 1 531,67 x 12 / 52 = 353,47 euros

– 353,47 x 4 = 1 413,88 euros

– 1 413,88 euros – 572,30 euros = 841, 58 euros restant dû’.

Il ressort des bulletins de paie versés aux débats que :

– au mois de janvier 2019, il restait 19,5 jours de CP pour l’année N,

– au mois de février 2019, l’employeur l’a indemnisée à hauteur de 572,30 euros pour dix jours de congés,

Il s’ensuit que la salariée ayant acquis au 5 février 2019, date de son absence injustifiée, 20 jours de congés, elle n’a pas été remplie de ses droits à indemnité compensatrice et qu’il lui reste dûe la somme de 572,30 euros. Le jugement sera réformé en ce sens.

IV – Sur le manquement à l’obligation de sécurité

Pour rejeter la réclamation formée de ce chef par la salariée, le conseil de prud’hommes a indiqué que les pièces consultées et présentées n’établissent pas un manquement avéré à l’obligation de sécurité.

Au soutien de sa demande de dommages-intérêts formulée de ce chef, Mme [B] affirme qu’elle n’a eu de cesse d’alerter son employeur sur le danger qu’elle encourait à travailler seule dans des conditions insécuritaires et qu’aucune mesure n’a été prise par l’employeur pour préserver sa sécurité, ce qui a eu des conséquences néfastes sur sa santé.

En application de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il appartient au salarié d’établir le non-respect de cette obligation par l’employeur.

Il suit de ce qui précède que la salariée échoue à démontrer que l’employeur a été alerté sur les ‘dangers’ qu’elle allègue et Mme [B] n’établit aucun comportement fautif de la part de la société.

Il en résulte que l’employeur n’a pas méconnu son obligation de sécurité et le jugement qui a débouté Mme [B] de sa demande indemnitaire à ce titre sera confirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt de défaut,

Infirme le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement reposait sur une faute grave et en ce qu’il a débouté Mme [B] de ses demandes en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l’indemnité légale de licenciement, ainsi que de sa demande en paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés,

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse, mais écarte la faute grave,

Condamne la société PL Event à verser à Mme [B] les sommes suivantes :

– 3 063,34 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 306,33 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 1 496,18 euros bruts à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 572,30 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

Le confirme pour le surplus,

Rappelle que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal, à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s’agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Ordonne la capitalisation des intérêts à condition que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière,

Condamne la société PL Event à verser à Mme [B] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société PL Event aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Alicia LACROIX, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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