Retenues sur salaire : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11811

·

·

Retenues sur salaire : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11811

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 08 DECEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11811 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBBHO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/09667

APPELANTE

SARL YIKOU

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Christian COUVRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0462

INTIMEE

Madame [I] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Zouhaire BOUAZIZ, avocat au barreau de PARIS.

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/006566 du 06/03/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre,

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre,

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière en stage de préaffectation sur poste, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC »DURE ET PR »TENTIONS DES PARTIES

La société Yikou expoite un restaurant et emploie à titre habituel moins de onze salariés.

Mme [I] [Z] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (20 heures hebdomadaires, 86,67 heures mensuelles) prenant effet le 21 mars 2017 par la société Yikou en qualité de serveuse.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective des hôtels, céfés et restaurants.

Mme [Z] a été convoquée le 21 juin 2018 à un entretien préalable fixé le 4 juillet 2018 en vue d’un éventuel licenciement. Mme [Z] ne s’est pas rendue à cet entretien.

Par courrier du 12 septembre 2018, la société a notifié le 29 septembre 2018 à Mme [Z] un licenciement pour faute grave pour les motifs suivants :

– comportement irrespectueux envers un collègue de cuisine,

– absence injustifiée depuis le 1er mai 2018,

– avoir offert le 27 avril des boissons et repas sans autorisation du gérant et avoir éteint l’imprimante, empêchant l’émission d’un ticket d’annulation.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 20 décembre 2018 aux fins d’obtenir la condamnation de la société Yikou au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 11 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a :

Condamné la société Yikou à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :

– 3.998,35 euros nets à titre de rappel de salaires du 1er mai au 29 septembre 2018,

– 399,83 euros nets de congés payés afférents,

– 998,23 euros d’indemnité compensatrice de préavis,

– 99,82 euros de congés payés afférents,

– 270,23 euros d’indemnité de licenciement,

– 499,11 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonné à la société Yikou de remettre à Mme [Z] une attestation destinée à Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes au jugement,

Débouté Mme [Z] du surplus de ses demandes,

Débouté la société Yikou de sa demande reconventionnelle,

Condamné la société Yikou aux dépens.

Le 27 novembre 2019, la société Yikou a interjeté appel de ce jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 17 janvier 2020, La société Yikou demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu’il l’a condamnée à payer le salaire depuis le 1 er mai 2018 au 29 septembre 2018,

Statuant à nouveau, débouter Mme [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées contre elle,

Reconventionnellement, condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 7 septembre 2020, Mme [Z] demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu’elle s’est tenue à la disposition de l’employeur,

Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Yikou au paiement de la somme de 3.998, 35 euros nets à titre de rappel de salaire pour la période du 1er mai au 29 septembre 2018 et 399,35 euros nets à titre de congés payés afférents,

Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Yikou au paiement de la somme de 998,23 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 99, 82 euros à titre de congés payés afférents,

Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Yikou au paiement de la somme de 270,23 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

En conséquence :

Condamner la société Yikou à lui payer les sommes suivantes :

– 4.991,15 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif,

– 2.000 euros pour licenciement brutal et vexatoire,

– 3.000 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi qu’aux entiers dépens,

Condamner la société Yikou à délivrer des documents sociaux de fin de contrats conformes au

jugement à intervenir.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 15 juin 2022.

MOTIFS :

Sur le licenciement pour faute grave :

Mme [Z] expose que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse puisque, d’une part, il lui a été notifié plus d’un mois après l’entretien préalable à un éventuel licenciement et, d’autre part, les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement sont prescrits et ne sont pas établis.

En défense, la société Yikou se borne à mentionner que le licenciement est bien-fondé.

Il résulte des dispositions de l’article L. 1332-2 du code du travail que la lettre de licenciement pour motif disciplinaire doit être notifiée à la salariée dans le délai d’un mois à partir de la date de l’entretien préalable alors même qu’elle ne s’est pas présentée à cet entretien. A défaut le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la lettre de licenciement pour faute grave en date du 12 septembre 2018 a été notifiée le 29 septembre 2018 à Mme [Z], soit plus d’un mois à partir de la date de l’entretien préalable fixée le 4 juillet 2018.

Il s’en déduit, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur le rappel de salaire :

Les parties s’accordent sur le fait que Mme [Z] n’a pas perçu de salaire entre le 1er mai et le 29 septembre 2018.

La société Yikou expose que cette retenue sur salaire est liée à l’absence injustifiée de Mme [Z] depuis le 27 avril 2018, malgré une mise en demeure d’avoir à justifier celle-ci.

A l’appui de ses allégations, elle produit un courrier du 5 juin 2018 par lequel elle a mis en demeure la salariée de justifier son absence depuis le 27 avril 2018.

Mme [Z] et le conseil de prud’hommes ont estimé que le non-versement du salaire était lié à une décision de mise à pied à titre conservatoire prononcée par l’employeur à compter du 1er mai 2018 à l’encontre de la salariée. Considérant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [Z] sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société à lui verser la somme de 3.998,35 euros nets à titre de rappel de salaires du 1er mai au 29 septembre 2018, outre 399,83 euros nets de congés payés afférents.

En l’espèce, si la décision de mise à pied à titre conservatoire de Mme [Z] n’est pas versée aux débats, il ressort des termes de la lettre de licenciement, des conclusions de la société Yikou (p.3) et des écritures de la salariée que celle-ci a bien fait l’objet de cette mesure conservatoire à compter du 1er mai 2018 et jusqu’au 29 septembre 2018.

Or, il ressort des développements précédents que le licenciement pour faute grave de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il s’en déduit que la société Yikou est redevable des salaires de Mme [Z] pour la période du 1er mai au 29 septembre 2018.

La société Yikou ne conteste pas dans ses écritures le montant des sommes ainsi allouées à la salariée par le conseil de prud’hommes.

Par suite, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les indemnités de rupture :

Au préalable, il ressort des bulletins de paye versés aux débats que la rémunération mensuelle brute de la salariée doit être fixée à 998,23 euros, que son ancienneté dans l’entreprise au moment de la rupture est d’un an, six mois et huit jours et que la société employait à titre habituel moins de onze salariés.

En premier lieu, le conseil de prud’hommes a accordé à Mme [Z] la somme de 499,11 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant à un demi mois de salaire.

Mme [Z] sollicite la somme de 4.991,15 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’employeur ne produit aucun argumentaire en défense sur ce point.

En l’espèce, l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, dispose que lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l’article.

Pour une ancienneté de 1 an, l’indemnité minimale s’élève à 0,5 mois de salaire brut et l’indemnité maximale est de 2 mois.

Au regard de l’ancienneté de Mme [Z], de son âge lors de la rupture (26 ans), de ce qu’il n’est versé aux débats aucun élément relatif à sa situation personnelle postérieure à la rupture et du montant mensuel de son salaire brut, il y a lieu de lui accorder la somme de 499,11 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé en conséquence.

En deuxième lieu, Mme [Z] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qui concerne les sommes qui lui ont été accordées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l’indemnité légale de licenciement.

L’employeur ne produit aucun argumentaire contestant les montants alloués au titre de ces indemnités par le conseil de prud’hommes.

Par suite, le jugement sera confirmé de ces chefs, précision faite que les sommes accordées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents sont exprimées en brut.

En troisième et dernier lieu, Mme [Z] sollicite la somme de 2.000 euros pour licenciement brutal et vexatoire aux motifs que l’employeur a tenté de la contraindre à signer une démission et une rupture conventionnelle et que la société l’a mise à pied et l’a licenciée en lui imputant des griefs imaginaires.

L’employeur ne produit dans ses écritures aucune défense sur ce point.

Toutefois, il ne ressort pas des pièces versées aux débats que l’employeur a contraint la salariée à démissionner ou à signer une rupture conventionnelle. De même, les seules notifications d’une mise à pied conservatoire ou d’un licenciement pour faute grave ne peuvent suffire à établir des conditions vexatoires de licenciement, même si celui-ci est jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse. Enfin, la salariée ne justifie d’aucun préjudice distinct de celui qui a d’ores et déjà été réparé par les indemnités de rupture mises à la charge de l’employeur par le présent arrêt.

Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [Z] de sa demande indemnitaire.

Sur les demandes accessoires :

La société Yikou , qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens d’appel. Il convient également de la condamner à payer la somme de 1.000 euros en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il convient enfin de la débouter de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, précision faite que les sommes accordées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents sont exprimées en brut,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Yikou à payer à maître Zouhaire Bouaziz, avocat de Mme [I] [Z], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 en contrepartie de sa renonciation à percevoir la part contributive de l’Etat,

DEBOUTE la société Yikou de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Yikou aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE.

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x