Retenues sur salaire : 7 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00220

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Retenues sur salaire : 7 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00220

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/00220 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBHBH

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 décembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de CRÉTEIL Section commerce RG n° 19/00197

APPELANTE

Madame [D] [W] épouse [I]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Saïda DIDI ALAOUI, avocat au barreau de PARIS, toque: D1184

INTIMÉES

SAS FONTENAY V exerçant sous l’enseigne ‘HECTOR CHICKEN’

[Adresse 3]

[Localité 4]

N’ayant pas constitué avocat, assignée à étude le 17 mars 2020

SELARL JSA ès qualités de commissaire à l’éxécution du plan de la SAS FONTENAY V exerçant sous l’enseigne ‘HECTOR CHICKEN’

[Adresse 2]

[Localité 6]

N’ayant pas constitué avocat, assignée à personne morale le 17 mars 2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique MARMORAT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre

Madame Fabienne ROUGE, Présidente de chambre

Madame Anne MENARD, Présidente de chambre

Greffière lors des débats : Mme Juliette JARRY

ARRÊT :

– PAR DÉFAUT

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Véronique MARMORAT, Présidente de chambre et par Mme Nolwenn CADIOU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Embauchée en qualité d’employée polyvalente selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 19 février 2010, soumis à la Convention collective nationale de la restauration rapide par la société Dormoy aux droits de laquelle est venue la société Fontenay V exerçant sous l’enseigne Hector Chicken, madame [W], a saisi le 5 octobre 2016 en contestation de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, intervenue le 2 août 2014, le Conseil de prud’hommes de Créteil lequel, par jugement du 5 décembre 2019, rendu en formation de départage, a, principalement, prononcé la mise hors de cause de l’association Unédic délégation Ags Cgea Île-de-France Est, déclaré irrecevable comme étant prescrite l’action en nullité de la rupture conventionnelle, condamné la société Fontenay V à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de suivi médical et condamné la salariée aux dépens.

Le 13 avril 2016, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au bénéfice de l’employeur par le tribunal de commerce de Créteil qui, par jugement du 11 octobre 2017, a arrêté un plan de redressement et désigné la selarl JSA en qualité de commissaire de celui-ci.

Madame [W] a interjeté appel de jugement prud’homal le 4 janvier 2020.

Par conclusions, signifiées par voie électronique le 3 avril 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [W] demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Fontenay V à lui verser la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts en réparation de l’absence de suivi médical, l’infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau :

Dire que le délai de prescription de 12 mois prévu à l’article L.1237-14 du code du travail est inopposable à madame [W] ;

Déclarer madame [W] recevable et bien fondée en son action en nullité de la rupture conventionnelle ;

Prononcer la nullité de la rupture conventionnelle et dire que cette nullité produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société Fontenay V aux dépens et à lui verser les sommes suivantes :

titre

sommes en euros

indemnité compensatrice de préavis

congés payés afférents

1 820,54

182,05

reliquat d’indemnité légale de licenciement

656,73

absence de cause réelle et sérieuse de licenciement

11 000,00

indemnité compensatrice de congés payés sur la période 2013-2014

1 030,93

rappel de salaire pour le mois de juillet 2014

congés payés afférents

366,14

36,60

article 700 du code de procédure civile

2.000

Bien que régulièrement assignées, la société Fontenay V et la selarl JSA ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de cette société ne se sont pas constituées.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions de l’appelante, à la décision déférée et à ses dernières conclusions.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’action en nullité de la rupture conventionnelle

Principe de droit applicable

Selon l’article L 1237-14 du code du travail, a l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe le modèle de cette demande.

L’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties. A défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise et l’autorité administrative est dessaisie.

La validité de la convention est subordonnée à son homologation.

L’homologation ne peut faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation relève de la compétence du conseil des prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention.

Application du droit à l’espèce

Le délai de recours selon le texte rappelé ci-dessus part à compter de la date d’homologation de la convention. Or, madame [W] produit un courrier du 4 octobre 2016 de l’inspection du travail du Val de Marne refusant l’homologation de la rupture conventionnelle en raison de la date envisagée qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation par l’administration et de l’absence de mention de la fin de délai de rétractation. Cette décision annulant l’homologation du 11 mars 2015, a fait courir un nouveau délai de 12 mois qui permet en conséquence de juger recevable l’action engagée par madame [W] devant le Conseil des prud’hommes de Créteil le 5 octobre 2016.

Le jugement entrepris est infirmé sur ce point.

Sur la validité de la convention de rupture conventionnelle et ses effets

Principe de droit applicable :

Selon les articles L 1237-11, 1237-12 et 1237-13 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

Les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :

1° Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;

2° Soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.

Lors du ou des entretiens, l’employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même usage. Le salarié en informe l’employeur auparavant ; si l’employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié. L’employeur peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche.

La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9. Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation. A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.

Application du droit à l’espèce

Madame [W] soutient que l’absence de la date de signature et de date de fin de délai de rétractation constitue des manoeuvres frauduleuses ayant porté une atteinte à sa liberté de consentement, que cette rupture est intervenue dans un contexte délétère, l’employeur refusant de lui payer ses heures complémentaires et lui reprochant des erreurs imaginaires dans l’exécution de ses tâches. La salariée soutient qu’elle n’a jamais été informée de son droit à être assistée lors de l’entretien préalable à la signature de la convention de rupture, ni de son droit de rétractation ou de contestation de la validité de la convention de rupture dans le délai de 12 mois suivant l’homologation de la convention par la Direccte.

Il résulte des pièces versées à la procédure que la rupture conventionnelle a été conclue en fraude des droits de la salariée laquelle n’a pu se faire assister lors de l’entretien préalable. Cette convention porte une date de rupture fixée au 2 août 2014 sans que ne soit mentionné que cette rupture doit intervenir qu’après l’homologation par l’inspection du travail et surtout aucune date n’est mentionnée pour fixer la fin du délai de rétractation.

En conséquence, il convient de faire droits aux demandes la salariée et prononcer la nullité de la rupture conventionnelle laquelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Fontenay V à verser à madame [W] les sommes de

– 1 820,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 182,05 euros pour les congés payés afférents

– 656,73 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.

Au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, compte tenu du fait que madame [W] a plus de deux ans d’ancienneté, que sa rémunération mensuelle, moyenne brut est fixée à 910,27 euros et que la société Fontenay V occupait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement, la Cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à 3 000 euros le montant de la réparation du préjudice subi en application de l’article L.1235-3 du code du travail.

Sur les autres demandes

Sur les rappels de salaires

L’examen des bulletins de paye versés aux débats justifie de faire droit aux demandes de la salariée relative à l’indemnité compensatrice de congés payés pour une durée de 26 jours sur la période de 2013-2014 et à celles du rappel de salaire pour le mois de juillet 2014, la retenue sur salaire étant injustifiée.

Sur l’indemnisation de l’absence de suivi médical

La cour retient les motivations du Conseil des prud’hommes et prend en compte la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé délivrée à madame [W] le 26 octobre 2016 pour confirmer la décision de condamnation de l’employeur à lui verser la somme de 1000 euros en réparation du préjudice résultant de l’absence de suivi médicale prévu par l’article R 4624-10 et R 4624-16 du code du travail dans leurs versions applicables.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné la société Fontenay V à verser à madame [W] la somme de 1000 euros de dommages et intérêts en réparation de l’absence de suivi médical

Statuant de nouveau

CONDAMNE la société Fontenay à payer à madame [W] les sommes suivantes :

– 3 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 1 820,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 182,05 euros pour les congés payés afférents

– 656,73 euros à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement

-1 030,93 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur la période 2013-2014

– 366,14 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de juillet 2014 outre celle de 36,60 euros pour les congés payés afférents

Y ajoutant,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Fontenay à payer à madame [W] en cause d’appel la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties du surplus des demandes,

LAISSE les dépens à la charge de la société Fontenay V.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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